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Le loup du Val de Bagnes: Polar
Le loup du Val de Bagnes: Polar
Le loup du Val de Bagnes: Polar
Livre électronique393 pages4 heures

Le loup du Val de Bagnes: Polar

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À propos de ce livre électronique

Pour Fabien Michel, ex-inspecteur récemment installé en Valais, les jours sont longs et se ressemblent. Une malencontreuse sortie de route va néanmoins bousculer son quotidien…
Impliqué dans la découverte d’un corps partiellement calciné et ligoté à un arbre, il se retrouve derrière les barreaux, accusé de meurtre.
Dans le Val de Bagnes, la sérénité a laissé place à l’effroi, plongeant la région dans une nuit glaçante et sanguinaire.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Inspectrice à la brigade de police scientifique vaudoise, Tatjana Malik s’est découvert une passion pour l’écriture de polars, il y a cinq ans. Le loup du Val de Bagnes est son second ouvrage, un roman policier qui se déroule en Suisse et qui vous fera voyager dans le Valais. Il ne s’agit pas d’une suite de son premier polar Un lien indélébile, néanmoins on y retrouve quelques-uns des personnages.
LangueFrançais
Date de sortie8 déc. 2020
ISBN9782931008522
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    Aperçu du livre

    Le loup du Val de Bagnes - Tatjana Malik

    Couverture : Tatjana Malik, Le loup du Val de Bagnes (POLAR), 180° (éditions)Page de titre : Tatjana Malik, Le loup du Val de Bagnes (POLAR), 180° (éditions)

    Ce roman est l’œuvre d’une pure fiction. Toute similitude avec des personnes ou des faits ayant pu exister ne serait qu’une coïncidence. Certaines descriptions de lieux et d’habitations sont fictives.

    www.180editions.com

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    www.instagram.com/180editions

    Mise en page : Nord Compo

    Couverture : Karine Dorcéan

    ISBN : 978-2-931008-52-2

    180° éditions

    Dépôt légal : D/2021/10.213/4

    Tous droits strictement réservés. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie, microfilm ou support numérique ou digital, sans l’accord préalable et écrit de l’éditeur, est strictement interdite.

    Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.

    « Il fait mauvais aller au bois quand les loups se dévorent l’un l’autre. »

    Proverbe

    TABLE DES MATIÈRES


    Page de titre

    Page de copyright

    Exergue

    Prologue

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    Chapitre 7

    Chapitre 8

    Chapitre 9

    Chapitre 10

    Chapitre 11

    Chapitre 12

    Chapitre 13

    Chapitre 14

    Chapitre 15

    Chapitre 16

    Chapitre 17

    Chapitre 18

    Chapitre 19

    Chapitre 20

    Chapitre 21

    Chapitre 22

    Chapitre 23

    Chapitre 24

    Chapitre 25

    Chapitre 26

    Chapitre 27

    Chapitre 28

    Chapitre 29

    Chapitre 30

    Chapitre 31

    Chapitre 32

    Chapitre 33

    Chapitre 34

    Chapitre 35

    Chapitre 36

    Chapitre 37

    Chapitre 38

    Chapitre 39

    Chapitre 40

    Chapitre 41

    Chapitre 42

    Chapitre 43

    Chapitre 44

    Chapitre 45

    Chapitre 46

    Chapitre 47

    Postface

    Remerciements

    Prologue


    Samedi 31 décembre 2016

    Depuis plus de trois heures, il errait dans les bois sur un terrain escarpé, entouré d’obscurité et cerné par ses poursuivants. Aveuglé par une brume épaisse et givrante, il se sentait complètement désorienté et pressentait qu’il tournait en rond. Aucun téléphone, aucun éclairage. À plusieurs reprises, ses adversaires l’avaient contraint à gravir ou à descendre la pente, selon leurs changements de position. Il lui semblait qu’ils l’encerclaient stratégiquement et le dirigeaient petit à petit vers un endroit défini, comme le serait un animal conduit à l’abattoir.

    Ses forces et son moral commençaient à s’affaiblir. Avait-il eu raison d’agir de la sorte et d’engendrer cette situation ?

    D’habitude, c’était lui le pisteur, mais ce soir, il se retrouvait dans la situation inverse. Il était la proie… leur proie. La persévérance de ses adversaires, après toutes ces heures de traque, corroborait le fait qu’il ne s’en sortirait probablement pas vivant…

    Soudain, il entendit des branches craquer et des feuilles être écrasées. Des pas se rapprochaient furieusement… Paniqué mais poussé par son instinct de survie, il gravit le monticule, zigzaguant ainsi entre les arbres défeuillés et les ronces. Même s’il était essoufflé et que l’air glacial lui brûlait les poumons, il s’efforça de courir pour fuir ses ennemis. Il était dans un état de stress incommensurable, ce qui ne faisait qu’accroître sa difficulté respiratoire. Il haletait…

    Combien de mètres les séparaient encore ? Dans son élan, il tourna la tête et aperçut juste derrière lui un faisceau de lumière diffusée par le brouillard, oscillant comme un pendule et qui gagnait du terrain. C’est alors qu’il trébucha sur une racine et chuta face contre terre sur le terrain gelé.

    Au moment de reprendre ses esprits, il sentit une présence dans son dos et dans un ultime effort, il tenta de fuir en rampant. Mais il n’en eut pas le temps… Un objet vint frapper l’arrière de son crâne.

    Il s’évanouit.

    CHAPITRE 1

    Dimanche 1er janvier 2017


    Il était tout juste minuit et une minute. C’était le passage à la nouvelle année et Fabien le franchissait seul, au volant de sa voiture. Il le serrait de toutes ses forces, le visage accolé au pare-brise, la visibilité étant réduite par les conditions météorologiques et ses vitres mal dégivrées. Il revenait du Café des amis, un petit bistrot de Martigny, après avoir aligné des verres de blanc et de rouge avec les poivrots du coin. Il avait quitté l’établissement peu avant l’heure fatidique, n’étant pas, ce soir-là, d’humeur festive.

    Depuis environ deux mois, une épaisse brume s’était installée dans la vallée valaisanne, laissant planer une atmosphère lugubre et déprimante. Bien qu’il fît extrêmement froid, seuls quelques sommets montagneux étaient recouverts d’un duvet blanc. Il y avait eu d’infréquentes précipitations et il n’avait quasiment pas neigé en plaine, ce qui était plutôt inhabituel dans cette région de la Suisse. Par conséquent, les stations de ski du Val de Bagnes étaient peu peuplées. Rares étaient les remontées mécaniques en activité et les seules pistes de ski praticables étaient recouvertes d’une neige artificielle, afin de faire patienter les quelques touristes et les mordus de la glisse.

    Déjà vingt minutes que Fabien roulait. En temps normal, il lui en fallait environ vingt-cinq pour rejoindre son domicile depuis Martigny. Il avait hésité à passer par les villages de Chemin-Dessous et Chemin-Dessus, puis par le col des Planches, une route sinueuse et étroite, afin d’éviter un éventuel contrôle de police. Il s’était finalement ravisé et avait emprunté la route principale, moins dangereuse vu son état physique du moment. Il savait qu’il avait trop bu et que son choix de prendre le volant était stupide, d’autant plus qu’il était lui-même un policier retraité. En plus de son manque de sobriété, il se sentait totalement désorienté dans ce brouillard à couper au couteau.

    Après quelques minutes, il distingua vaguement la structure imposante d’un pont ferroviaire, celui du train RegionAlps, qui enjambait la route. Il pénétrait dans Sembrancher.

    Au milieu du village, il ralentit pour ne pas manquer la bifurcation Verbier-Mauvoisin. Malgré tout, il ne remarqua que tardivement le carrefour et la signalisation située à sa gauche. Il vira sèchement. Sa manœuvre un peu brutale entraîna la voiture dans une glissade sur la chaussée verglacée. Un coup de volant parvint à rétablir sa trajectoire. Son cœur se mit à battre rapidement. Cette petite inattention aurait pu lui causer de gros problèmes…

    Il redoubla de prudence et poursuivit son trajet, jusqu’à ce qu’il aperçoive le panneau de signalisation Vens, Col des Planches, Martigny à sa gauche. Il quitta alors la route principale et débuta son ascension sur le chemin montagnard. Ce versant du col était plus agréable pour conduire, car moins sinueux et moins étroit que celui du côté de Chemin-Dessous, malgré les nombreux cailloux qui parsemaient la chaussée.

    Entre les passages d’un chiffon antibuée sur son pare-brise, il pouvait distinguer les sapins et les arbustes nappés d’une fine couche cristalline déposée par la brume givrante.

    Soudain, il remarqua, à une quinzaine de mètres en face de lui, un halo de lumière qui avait surgi de nulle part dans le brouillard. Fabien serra le bord droit de la chaussée, afin d’éviter une collision. Le véhicule frôla son rétroviseur gauche, mais ne le percuta pas. D’instinct, il scruta une fraction de seconde le rétroviseur central et aperçut le feu de stop de la voiture fautive s’enclencher. Le chauffard avait probablement dû réaliser qu’il avait eu une conduite inappropriée…

    Alors qu’il ramenait son regard vers l’avant, il constata qu’il fonçait tout droit sur un poteau de marquage. Il freina énergiquement en donnant un coup de volant à gauche. Son automobile glissa alors sur la chaussée verglacée et partit en travers de la route, heurtant au passage une balise blanche et noire et un piquet à neige. Elle dévala la pente boisée, arrachant ou écrasant quelques ronces et branches d’arbustes. En une fraction de seconde, les airbags se déployèrent et celui du côté conducteur vint frapper le visage de Fabien, avant de l’encercler totalement, lui faisant perdre toute lucidité.

    Lorsqu’il revint à lui, le sexagénaire fut surpris de ne ressentir aucune douleur, il était juste un peu assourdi. Il dégagea sa tête et le haut de son corps, puis sortit avec peine de sa voiture. À son grand étonnement, il se trouvait sur un terrain plat. L’espace était dégagé sur les côtés et sur l’arrière de son véhicule. Le phare avant droit fonctionnait encore. Une fumée s’échappait du capot et de l’habitacle, un mélange de particules de poudre d’airbags, de vapeur et de brume. Alors qu’il suivait les volutes de la fumée, il constata, à travers le faisceau de son phare, que sa voiture s’était encastrée dans un arbre. Une masse sombre et immobile, qui semblait greffée au tronc de ce résineux, mais qui n’avait pas l’aspect de l’écorce, se tenait devant lui…

    Il s’en approcha.

    — Oh merde ! jura-t-il, horrifié.

    Un corps humain, partiellement calciné, était écrasé entre l’arbre et le pare-chocs de son automobile. Seule la partie supérieure était visible, l’autre étant masquée par le bas de caisse.

    CHAPITRE 2

    En état de choc et chancelant, Fabien retourna à la portière côté conducteur. Il aplatit les airbags et tenta de démarrer sa voiture, à plusieurs reprises.

    — Allez, vas-y ! Bon Dieu ! Mais tu vas démarrer !

    Au bout d’un moment, il poussa son véhicule vers l’arrière, sur quelques mètres. Par la suite, il ouvrit la boîte à gants à la recherche d’une lampe de poche et en retira la Maglite qu’il avait volontairement omis de restituer lors de son départ de la police. Il y découvrit également une paire de gants en vinyle qu’il enfila aussitôt.

    Il s’approcha ensuite du corps et l’examina. Une rafale de vent, d’un froid intense, vint brusquement fouetter les branches des arbres et ses joues.

    Il frissonna.

    Tout lui paraissait si irréel ! L’alcool qu’il avait ingurgité pendant la soirée semblait soudainement s’être évaporé de ses veines.

    L’ex-flic s’accroupit pour observer la tête en partie calcinée qui penchait en avant. La peau était de couleur variable, un vrai patchwork, passant du noir, au brun-orange, au gris-crème et au rose. Elle était desquamée à plusieurs endroits et laissait transparaître l’épiderme, mais aussi le derme non sanguinolent. Les yeux, d’un bleu profond, dont les paupières avaient été léchées par les flammes, ressemblaient à de grosses billes de verre. Le crâne était dépourvu de cheveux, vraisemblablement consumés par le feu. Les oreilles étaient noircies. Quant à la bouche, elle était ouverte et les lèvres brûlées n’en laissaient voir que le contour. Aucune buée ne sortait de l’orifice buccal. Aucune respiration ni réaction. L’individu était sans conteste décédé.

    Fabien ausculta le torse quasiment nu. Seuls quelques lambeaux de tissus y étaient agglutinés. La peau était pelée principalement sur la partie supérieure. La silhouette laissait envisager qu’il pouvait s’agir d’un homme. Les membres supérieurs, à leurs extrémités, étaient partiellement recouverts de manchons synthétiques fondus et troués, probablement les restes d’une veste noire et d’un pull bariolé.

    Il poursuivit son examen au niveau de l’abdomen. Celui-ci était enfoncé et blessé, très vraisemblablement par la carrosserie de sa voiture. Les mains se trouvaient au niveau de la ceinture pelvienne et paraissaient démantibulées. En approchant sa lampe de plus près, Fabien fut surpris de constater que celles-ci étaient ligaturées par un fil métallique torsadé.

    — Eh merde ! jura-t-il à nouveau, choqué. Dans quelle histoire je me suis encore fourré !

    Les canons du jeans porté par l’individu étaient plus ou moins intacts, mais maculés de sang. Une corde bleue cerclait les cuisses à quelques dizaines de centimètres en dessous de la ceinture et faisait le tour de l’arbre. Fabien remonta difficilement le bas du pantalon et constata que la victime chaussait des souliers montants en cuir noir, de grande taille, argumentant également l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’un homme. Il remonta le jeans un peu plus haut jusqu’à discerner la chair du mollet, espérant, pour se rassurer, apercevoir des lividités cadavériques. Elles n’étaient pas présentes… Malgré cette absence, l’aspect général du corps laissait envisager que cet inconnu était décédé bien avant qu’il ne le heurte. Il n’était donc pas responsable du décès de celui-ci. Sa voiture l’avait simplement amoché…

    « Comment ce pauvre diable peut-il encore tenir debout ? », se demanda Fabien.

    Tandis qu’il examinait le buste et la tête de plus près, il remarqua, en l’observant de profil, un fil métallique noirci, dans les plis du cou, qui le cerclait complètement. Celui-ci était torsadé sur la nuque et les extrémités des brins terminaient derrière l’arbre, dont l’écorce était légèrement noircie. Cet individu avait pu être étranglé et ligoté à ce tronc, puis incendié. Le sinistre avait peut-être été circonscrit, étant donné que le corps n’avait pas totalement brûlé. L’ordre des événements n’importait guère, il s’agissait incontestablement d’un homicide et Fabien se voyait maintenant impliqué par la force des choses.

    Il scruta le sol givré et les alentours. Hormis quelques lambeaux colorés noircis, provenant probablement de vêtements calcinés, il n’y avait rien d’autre. Aucun estagnon d’essence abandonné ou d’extincteur pour éteindre le sinistre.

    Fabien enleva ses gants puis sortit son téléphone portable. Il hésita un instant à appeler les secours, à cause de son état éthylique et de ses conséquences.

    Au bout de quelques minutes de réflexion, il prit son courage à deux mains et ôta le mode avion, qu’il avait enclenché un peu plus tôt dans la journée, ne désirant pas recevoir de messages de fin d’année de personnes qu’il ne voyait jamais. Il composa le 144, puis raccrocha dès la première sonnerie. C’était peut-être plus judicieux d’appeler le 117 des urgences de la police que les services ambulanciers, vu que la victime était au-delà de tout secours…

    Au moment où il voulut composer le 117, son vieux téléphone s’éteignit.

    — Quelle vie de merde, bordel !

    La batterie était à plat.

    Il scruta alors les alentours avec sa lampe de poche. À l’exception du brouillard, il ne distinguait rien. À quelle distance de la route pouvait-il bien se trouver ? Y avait-il des habitations à proximité ? Quelqu’un pour l’aider ?

    2016 n’avait pas été une bonne année pour lui et le voilà qui débutait mal la suivante.

    — Quel cauchemar !

    Fabien s’assit quelques minutes dans sa voiture. Il mit les mains sur son front puis les descendit le long du visage ; un massage pour lui permettre de déstresser et de réfléchir.

    En quelques mois, il avait enchaîné perte sur perte, avec le décès tragique en service de sa collègue Jessica Aeby ¹, tuée par un détraqué sexuel en 2015, puis son passage à la retraite et enfin la perte de son épouse au début de l’année 2016. Sa femme, qu’il aimait plus que tout, n’avait pu vaincre la leucémie, malgré les nombreux traitements chimiothérapiques. Le drame s’était installé dans la vie du sexagénaire et c’était la seule constante qui semblait ne pas vouloir l’abandonner. Depuis le décès de son épouse, il s’était renfermé sur lui-même, fuyant tout contact avec les gens, hormis les soiffards du Café des amis, qui ne lui posaient jamais de questions sur sa vie privée. En outre, le contact avec ses enfants lui était devenu pénible, ceux-ci lui faisant constamment des reproches concernant son mode de vie. Son existence lui était devenue insupportable. Il avait tenté de reprendre le dessus en quittant son appartement de Corcelles dans le canton de Vaud, pour acheter une cabane dans un petit hameau valaisan, un minuscule chalet, deux pièces et demie pour 48 mètres carrés. Malgré ce changement, il n’arrivait pas à faire son deuil…

    Fabien sortit de sa voiture et hurla de toutes ses tripes…

    *

    *     *

    Après une bonne inspiration, il retrouva un semblant de raison. Il devait quitter cet endroit au plus vite, mais comment ? Les quelque vingt minutes passées à examiner le cadavre et son état de choc l’avaient déjà refroidi jusqu’aux os. Le moteur ne démarrait plus et il ne savait pas exactement à quelle distance il se trouvait de son domicile. De plus, comment allait-il pouvoir se repérer dans cette brume ?

    Finalement, il décida de suivre les traces laissées au sol par les roues de son véhicule, afin de rejoindre la route. Il examina alors le terrain à la recherche d’indices et se mit en marche.

    Il gravit un talus qui lui parut sans fin. Essoufflé et égratigné par les ronces, il se retourna pour reprendre son souffle et profita de ce moment de répit pour scanner l’horizon avec sa lampe. Son véhicule n’était plus perceptible. Le brouillard l’avait entièrement englouti…

    Après avoir trébuché à plusieurs reprises dans le terrain escarpé, il atteignit enfin la route.

    Au bout d’une bonne heure de marche et une montée pénible dans la vallée, il rejoignit un village. La plupart des maisons étaient encore éclairées. Les habitants faisaient la fête et l’endroit lui était familier. Nul doute, il se trouvait dans la localité de Vens et il n’était plus qu’à une dizaine de minutes de chez lui.

    Il se dirigea aussitôt vers une habitation, pour demander de l’aide, mais au moment de sonner, il se ravisa. Il n’avait pas du tout envie qu’on lui pose des questions et qu’il soit le centre des ragots du village. Il décida finalement d’informer la police, une fois arrivé à la maison et son téléphone rechargé.

    Il poursuivit alors son chemin en empruntant la route du Sommet, afin de rejoindre sa cabane. Il chemina devant une agglomération de chalets, certains bétonnés de couleur crème et d’autres, un peu plus anciens, boisés et noircis par le temps. Fabien avait déniché une maisonnette dans les hauts de Vens, un coin reculé et calme. Ses premiers voisins, une famille, se trouvaient à quelques centaines de mètres de sa propriété et il ne les croisait quasiment jamais.

    Il ouvrit son portail. Un berger allemand gris, de huit mois, vint fougueusement à sa rencontre.

    — Ah Léon ! Au moins un qui est toujours content de me voir !

    À chacune de leurs retrouvailles, il ressentait un instant de bonheur et d’apaisement. Son animal lui apportait énormément de réconfort et surtout une présence. Voilà un peu plus de cinq mois qu’il était entré dans sa vie.

    *

    *     *

    C’était un soir d’été…

    Depuis de longues semaines, un grand vide avait pris place dans son existence et semblait ne plus vouloir s’en aller. Au contraire, il s’intensifiait au fil du temps et Fabien avait pensé à de nombreuses reprises à se jeter sous un train, à foncer avec sa voiture contre un mur, à sauter d’un pont, ou à se tirer une balle dans la tête avec son ancienne arme de service. Un jour, décidant de mettre un terme à son mal-être, il avait pris son Glock, s’était mis au volant et avait roulé plus d’une centaine de kilomètres entre le canton du Valais, celui de Fribourg et de Vaud. Il s’était finalement arrêté à la lisière d’une forêt, s’était couché dans la mousse, avait bu des litres de bière, son pistolet posé à côté de lui, puis il s’était assoupi. Le lendemain, à son réveil, un cabot très maigre était couché contre sa jambe droite et le fixait avec des yeux d’animal battu. Il n’avait aucun collier, mais à la place, un tour de cou formé de tiques. Que faisait ce chiot au milieu de nulle part ? L’ex-flic avait traité, au cours de sa carrière, des affaires liées aux abandons d’animaux, surtout pendant les vacances estivales. Ce chiot était peut-être une des nombreuses victimes. Cependant, il n’avait pas envie de l’adopter et surtout pas maintenant, alors qu’il ne pensait qu’à quitter ce monde de fous. Il l’avait caressé pendant des heures, lui avait versé le restant d’une bouteille d’eau trouvée dans son coffre et était parvenu à s’apaiser. Il avait déjà regagné sa voiture et roulé une vingtaine de mètres quand, sans qu’il n’en comprenne la raison, il avait regardé dans le rétroviseur central. Le chiot courait derrière lui. Son cœur s’était soudainement remis à battre, une sensation qu’il n’avait plus ressentie depuis le décès de son épouse. Il s’était arrêté et avait ouvert la portière. Ni une ni deux, le chiot avait pris place sur le siège avant. Il l’avait nommé Léon en hommage à sa femme, qui aurait choisi ce prénom s’ils avaient eu un fils.

    *

    *     *

    Fabien mit son téléphone en charge sur la table du salon. Il se versa une vieille prune, se posa sur le canapé et s’enterra sous une couverture pour se réchauffer. Son fidèle compagnon se coucha sur le sol, le long du sofa. Il but encore deux verres, puis s’endormit.


    1. Voir Un lien indélébile (Éditions Mon Village, 2018).

    CHAPITRE 3

    Le retraité fut réveillé en sursaut par les aboiements de Léon qui était dressé sur ses pattes arrière, à la fenêtre du salon. Courbaturé, il se leva avec difficulté de son canapé, s’étira, puis se pencha pour récupérer son téléphone portable sur la table. Ce faisant, il fit dégringoler quelques canettes de bière vides du guéridon. Une fois l’appareil déverrouillé, il constata qu’il était déjà dix heures. Il était fatigué et il avait mal au crâne. Il avait dormi d’un sommeil agité. Il remarqua dans le reflet d’une armoire vitrée que ses cheveux étaient ébouriffés.

    Fabien regarda à travers la fenêtre. Deux gendarmes se tenaient devant le portail, un petit jeune maigrichon qui semblait tout juste sorti de l’Académie de police de Savatan et un autre, plus vieux, proche de la cinquantaine, de carrure massive, le genre costaud qu’on préfère avoir dans son camp plutôt que dans le camp adverse.

    — On a de la compagnie, Léon ! dit-il, à moitié dans les vapes.

    Le sexagénaire avait eu de rares visites depuis qu’il avait emménagé dans ce chalet retiré. Qu’est-ce que ces gendarmes pouvaient bien lui vouloir ?

    La sonnette de la porte retentit.

    — Bonjour, messieurs, que me vaut cet honneur ? demanda-t-il en ouvrant la porte, l’haleine chargée d’alcool.

    Le jeune policier dévisagea son supérieur, un rictus au coin des lèvres, s’imaginant déjà que leur hôte allait débiter des âneries pour expliquer comment sa voiture avait bien pu finir dans un ravin.

    — On vient pour votre véhicule.

    Fabien fit un pas sur le perron et regarda en direction du parking, à la recherche de sa machine. Elle n’était plus là. C’était bizarre…

    Il les fit ensuite entrer, tout en se demandant où il avait bien pu garer son auto. Il se remémora avec difficulté le trajet qu’il avait parcouru la veille : son début de soirée, son départ du Café des amis, son ascension jusqu’à la maison, sa sortie de route, puis… des images, entre rêve et réalité.

    — Merde !

    Il n’avait vraisemblablement pas rêvé…

    — Votre voiture a été retrouvée une vingtaine de mètres en contrebas de la route, entre Sembrancher et Vens, expliqua le vieux baraqué avec un fort accent valaisan, qui portait le grade de sergent-major.

    — C’est possible… Excusez-moi, la nuit a été difficile…

    Les policiers se regardèrent du coin de l’œil. L’homme allait sans doute prendre la journée pour décuver.

    — Ça me revient… Je rentrais à mon domicile depuis Martigny lorsqu’une voiture a débouché de nulle part et m’a foncé dessus. Je crois que j’ai donné un coup de volant pour l’éviter et j’ai dévalé une pente. J’ai fini contre un arbre. Enfin… Contre un arbre et un… un mort… murmura-t-il en plissant les yeux et en se remémorant la scène.

    — Aucune bête morte n’a été découverte sur place.

    — Ce n’était pas une bête, mais… mais un homme !

    Fabien se leva. Les gendarmes se regardèrent, perplexes.

    — Avez-vous bu hier soir ? demanda le plus jeune, même s’il s’était déjà fait une opinion à ce sujet depuis longtemps.

    — Euh… Oui. Mais… seulement à la maison quand je suis rentré, mentit-il en regardant la bouteille de vieille prune qui se trouvait sur la table du salon et les packs de bière entamés empilés à l’entrée de la cuisine.

    L’ex-flic n’avait nullement envie qu’on lui retire son permis de conduire à cause de l’alcool. Par ailleurs, les mots étaient sortis de sa bouche sans même qu’il n’ait eu le temps de réfléchir.

    — J’ai bu pour me réchauffer et m’enlever ces images atroces de la tête ! reprit-il.

    Stressé, il se versa un grand verre de vieille prune et le vida d’une seule traite. Il était sûr que si les gendarmes voulaient le faire souffler, les résultats seraient à présent faussés, ou du moins le calcul rétroactif du taux d’alcoolémie serait beaucoup plus difficile à estimer.

    — Comme je suis malpoli ! Je peux vous offrir un verre ?

    — Vous ne pensez pas que vous avez déjà assez bu ? rétorqua le jeune gendarme. Et en plus, il nous nargue, chuchota-t-il en se tournant vers son supérieur.

    — Vous avez fait quoi ensuite ? demanda calmement le sergent-major, tentant d’apaiser la situation.

    — J’ai essayé de joindre vos services, mais la batterie de mon téléphone était à plat. Arrivé à la maison, je l’ai mis en charge. J’étais tellement frigorifié que je me suis posé sur le canapé avec une bonne couverture et j’ai bu des coups pour me réchauffer. J’ai dû m’endormir sans m’en apercevoir.

    — J’en ai entendu des histoires farfelues de conducteurs saouls, mais alors la vôtre, je lui décerne la Palme d’or ! s’exclama le baraqué.

    — Pourquoi mentirais-je ? Je suis moi-même un ancien de la maison !

    — Un policier vaudois retraité, oui ! rétorqua le jeune.

    Ils savaient donc que Fabien était un ancien flic vaudois et pourtant il avait l’impression qu’on le prenait pour un simple citoyen, mythomane de surcroît.

    — Comme vous ne semblez pas me croire, conduisez-moi là-bas !

    — Allons-y et nous profiterons de prendre votre déposition, ajouta le plus jeune.

    *

    *     *

    Pendant la descente, Fabien se demandait si finalement il n’avait pas fabulé, car quel intérêt aurait eu l’auteur du crime à dissimuler le cadavre et, surtout, à aller le récupérer en dehors de la route, dans un terrain aussi raide ? Ce qui était sûr, c’est qu’il avait bel et bien bu plus que de raison hier soir…

    Une dizaine de minutes plus tard, au droit d’un dépôt de planches et de longs rondins de bois, les gendarmes empruntèrent un sentier forestier interdit à la circulation. Le sexagénaire ne comprenait pas où on l’emmenait car, de mémoire, il se souvenait juste être sorti d’une route goudronnée et non d’un chemin forestier.

    — Je ne pense pas que mon accident se soit produit ici !

    — Non, en effet. On est passés il y a quelques secondes à l’endroit où vous avez quitté la route, expliqua le sergent-major. Mais il est plus facile d’accéder à votre voiture par ce chemin que de descendre

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