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Le dernier loup des Millevaches: Polar
Le dernier loup des Millevaches: Polar
Le dernier loup des Millevaches: Polar
Livre électronique220 pages2 heures

Le dernier loup des Millevaches: Polar

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À propos de ce livre électronique

La disparition d'un enfant défiguré par une maladie incurable laisse tout le monde indifférent dans le hameau de Pisseloup.

Pisseloup est un hameau du plateau des Millevaches perdu aux confins des départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne.
Le récit se passe au cours de l'année 1913, temps des superstitions, année de tous les périls.
Au hameau, on a fort à faire avec les loups ! Les derniers survivants de cette race maudite des Millevaches sont venus se réfugier à Pisseloup ! Par quelle malédiction ?
Ce récit est aussi l'histoire des Peyrutie : Jean, un scieur, un homme généreux et travailleur ; Marie, la mère, une femme au caractère exceptionnel, fière jusqu'à l'orgueil et Germain leur fils, un enfant damné à la naissance, atteint d'une maladie incurable qui lui dévore le visage ! Cette maladie qui le rend hideux, a conduit à son exclusion de l'école communale en 1902 : il était alors âgé de 6 ans et demi ! Personne ne reverra vivant cet enfant, honni et banni du monde !
Au hameau, à part quelques personnes, on n'aime pas les Peyrutie, on se montre indifférent à leur drame ! À quoi bon se préoccuper du sort du fils Peyrutie qu'on dit, en cette année 1913, reclus à la scierie, mourant et grabataire !

Découvrez un polar noir dont la trame se déroule sur le plateau des Millevaches durant l'année précédant la Première Guerre mondiale.

À PROPOS DE L'AUTEUR

José Demellier est né le 26 septembre 1945 à Beauvais, dans l’Oise. Issu d’un milieu modeste, après quelques années d’activité, il obtient un master en management. Chef de service à la sécurité sociale à Tulle jusqu’en 2005, il est passionné de littérature classique, mais aussi de paléoanthropologie. Son premier roman, La Toquée, est paru aux éditions de Borée en 2015.
LangueFrançais
Date de sortie29 juil. 2020
ISBN9791035308827
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    Aperçu du livre

    Le dernier loup des Millevaches - José Demellier

    Pisseloup

    Dans l’après-midi du 2 janvier 1913, le ciel soudain s’obscurcit au-dessus des villages aux toits d’ardoises bleutées, des forêts, des prairies, des tourbières et des lacs. Tout le plateau de Millevaches, saisi de silence, se cabra sous l’imminence de la neige, une neige qu’on pressentait lourde, dense et froide. À la vérité, cela faisait plusieurs jours qu’on l’attendait et que, sans inquiétude ou résignés, on faisait le dos rond. Il fallait bien que la nature s’exprimât.

    Mais dans le hameau de Pisseloup, une trentaine de maisons en pierres rustiques au toit de lauzes, perdu aux confins des départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne, on la redoutait.

    Au vrai, ce n’est pas tant la neige que craignaient les âmes égarées de Pisseloup, non, ce n’était pas la neige ! Avec la neige, toujours, venaient les loups !

    À Pisseloup, on avait peur des loups ! Pourtant, on pensait bien avoir éradiqué l’infâme bête !

    Durant deux interminables semaines, il neigea sans discontinuer sur l’immensité du plateau. Et plus encore sur Pisseloup ! Pourquoi donc ici ? Le diable s’était-il une nouvelle fois invité à la fête ?

    *

    Au cours de l’année 1912, déjà, c’est à Pisseloup qu’avait été relevée la plus forte épaisseur de neige. La damnée neige avait commencé de tomber dans les derniers jours de l’année 1911 ! Une neige teigneuse, qui avait perduré, comme pour inquiéter les pauvres gens, s’enfonçant à peine sous le poids des sabots de bois ou des gros souliers aux semelles cloutées. On s’était désespérés de sortir de ce piège blanc. Au vrai, on n’avait pas été malheureux non plus. On demeurait près du cantou jusqu’à une heure avancée de la nuit et on sortait du lit chaud tard dans la matinée ! On avait fini par se laisser bercer par ce rythme assourdi d’heures molles, cadence de vie très inhabituelle aux gens de Pisseloup, hommes et femmes, tous de solides besogneux.

    Jusqu’à cette nuit terrible du 18 février 1912 ! Il devait être près de deux heures du matin lorsqu’un hurlement horrible, lugubre, douloureux peut-être, on ne sut plus tard le décrire, déchira la nuit épaisse ! Hommes, femmes, enfants et vieillards, dans un même sursaut, se dressèrent sur leur lit, leur couche ou leur paillasse ! Les loups ! Mon Dieu ! Les loups ! C’était impossible, on avait exterminé les derniers loups un jour de mai 1911, trois mâles et deux femelles ! On était sûrs de cela ! À Pisseloup, on se vantait de côtoyer les meilleurs chasseurs de loups de tout le plateau de Millevaches ! Pour sûr, de redoutables tueurs de leu ! Alors, qui pouvait bien avoir poussé ce drôle de cri ? Les lourdes portes de bois s’ouvrirent en même temps, des ombres sortirent des maisons et convergèrent lentement vers la place, là, où on pensait qu’avait été poussé le cri atroce.

    «Hein, t’as entendu toi aussi ! » « Pour sûr, quel réveil ! » « Qu’est-ce que ça veut dire ? » « Un loup, allons donc, ils sont tous morts ! »

    Les ombres se turent et s’agglutinèrent devant la petite épicerie du hameau. Quelqu’un cria : « Regardez la porte est grande ouverte ! » Un ah ! médusé arrondit la bouche de ces gens aux cheveux hirsutes ! On n’y voyait goutte à l’intérieur de l’infâme boutique ! On se recula légèrement ! Une femme tenant une bougie à la main s’était avancée ! C’était la mère Caillegot, une ouvrière de la tannerie, âgée d’une cinquantaine d’années. « Faut bien qu’on aille voir là-dedans », dit-elle. Alors, sans marquer la moindre hésitation, ni attendre le moindre assentiment de la maigre assistance, la femme épaisse franchit le seuil enténébré et descendit les deux marches menant à l’étroite boutique. La fragile flamme dansa au bout du bras de l’intrépide femme puis disparut. Un cri strident retentit immédiatement des profondeurs de l’obscurité et vint frapper au visage les peureux agglutinés devant la porte béante ! Que se passait-il là-dedans ? Le maigre cercle aux souffles coupés se recula ! « J’y vais », dit un homme de forte corpulence ! Alors, sans bruit, on s’était enfin décidé à descendre !

    Sous la flamme tremblante de la bougie levée portée à bout de bras, allongé sur le mauvais pavé de la boutique, visage tourné vers eux, gisait Beaujoux, l’épicier, qui les regardait. Mais quelle hideuse figure ! La joue gauche toute meurtrie, comme lacérée de griffures ; sous la gorge, une large blessure aux bords déchiquetés ; et puis les yeux qui vous fixaient du néant, grands ouverts et remplis d’épouvante ! Qu’avait donc vu l’épicier avant de passer de l’autre côté ? Durant un instant, pas un seul mot ne put franchir la gorge serrée des témoins. Ils fixaient, happés par l’horreur, les yeux exorbités du supplicié. Et quelle puanteur là-dedans ! On en devina vite l’origine. L’épicier trempait dans sa merde !

    On courut réveiller le maire et le curé.

    Le lendemain, au lever du jour, les gendarmes de Tarnac étaient venus. Ils avaient, ne souhaitant pas être bloqués par la neige avant la tombée de la nuit, hâtivement conclu à une attaque de loups. Nul n’avait protesté et chacun avait, résigné, accepté les conclusions de la maréchaussée.

    *

    En regardant tomber la neige, en ce début de soirée du 2 janvier 1913, chacun à Pisseloup agitait dans sa mémoire ce sordide souvenir !

    Dans quelques jours, le 18 février 1913 très exactement, on commémorerait la date anniversaire de la mort de Beaujoux. Puis, le même jour, Drouilloux, le bon curé du hameau, conduirait une procession, où tous étaient conviés, afin d’exorciser le mal que portaient en elles les loups, les bêtes de Satan !

    Mais au hameau, on était partagés sur ce jumelage ! Honorer la mémoire de Beaujoux coûtait à beaucoup. L’épicier, de son vivant, fut un rat, c’est ainsi d’ailleurs que, sous le manteau, on le surnommait. Il lésinait sur tout ! Il rognait sur les pesées de légumes ! Il ergotait sur les prix ! Mais, surtout, ce pingre ne faisait crédit à personne. Quel avare ce fut !

    En revanche, Beaujoux fut l’un des deux fameux chasseurs dont s’honorait Pisseloup ! Quelle perte pour le hameau ! Et puis, depuis ce funeste jour, on n’avait plus d’épicerie ! Les femmes, désormais, devaient courir jusqu’à Tarnac pour faire leurs courses !

    Il neigea jour et nuit durant plusieurs jours. On ne savait pas quand cela cesserait. Mais au matin du 3 février 1913, en poussant sa porte, chacun, éberlué, constata que c’était terminé, qu’il ne neigeait plus !

    Quel merveilleux silence ! On entendit monter des maisons au toit blanc et bas un soupir de soulagement !

    Deux jours de patience encore avant d’atteindre la date de la procession, un jour assurément festif ! Sortir enfin des maisons blanches ensevelies sous le silence ! Entendre une bonne messe et côtoyer des têtes nouvelles ! Des gens viendraient de Tarnac et d’ailleurs pour entendre Drouilloux : c’était un curé qui savait causer, ses sermons étaient renommés dans tout le canton ! Il savait aussi faire causer les gens ! Dans l’intimité du confessionnal, personne, notamment les femmes, ne lui résistait ! Il obtenait tout ce qu’il voulait entendre. Mais, c’est avec une même largesse qu’il absolvait pêcheurs et pècheresses ! L’existence étant rude dans ce coin perdu du plateau de Millevaches, pardonner n’était rien pour Drouilloux, il savait composer avec l’Évangile.

    Ce 17 février 1913, au hameau, à la tombée de la nuit, les hommes un à un quittèrent leur maison close et se dirigèrent vers l’auberge du père Chadouzat. Ils avaient cette habitude de se retrouver exclusivement entre hommes à la veille d’un événement exceptionnel ou particulier, comme une procession ou le décès de l’un d’entre eux. On n’acceptait que les hommes mûrs, ayant du vécu à faire valoir, les jeunots ne pouvant faire partie de la fête, ni les vieux, ceux-ci ayant eu leur temps.

    L’auberge se trouvait sur la route de Tarnac, à la sortie du hameau. C’était une solide bâtisse datant du xviie siècle. L’immense salle, dans laquelle on tombait après avoir franchi la lourde porte cloutée, avait servi d’étable. Au-dessus de celle-ci, l’aubergiste y avait un misérable logement ainsi que deux petites pièces qu’il réservait à ses bonnes. L’auberge marchait bien. Chadouzat savait faire rôtir comme personne poulets, agneaux ou porcelets dans l’immense cantou trônant dans la gigantesque salle. Une vingtaine de tables en chêne, assorties de bancs, étaient disposées sur le parquet rustique.

    L’un après l’autre, le cœur battant, les hommes, en pénétrant dans la salle, ressentaient la même émotion. D’abord, cette douce chaleur qui, tout d’un coup, vous enveloppe ! Et, ces effluves de viandes en train de cuire flottant entre les tables et stagnant sous les poutres ! Et, ces rires, fusant des bancs déjà occupés ! Et, les deux serveuses virevoltant sur l’épais parquet vous accueillant avec un petit rire effronté ! Enfin, le jovial Chadouzat, bedonnant, le visage rond et chaleureux, courant vers vous, main tendue, sourire large découvrant des dents jaunes, vous saluant par votre petit nom !

    La fête se promettait d’être belle !

    Le dernier à franchir la porte de l’auberge fut le curé. Oui, le bon curé Drouilloux ! Ce dernier avait l’habitude de dire que là où allaient ses ouailles il y allait aussi ! À Pisseloup, on partageait pleinement son opinion.

    Chadouzat, servile, délesta prestement le curé de son long manteau noir. L’aubergiste éprouvait pour l’homme d’église une reconnaissance éternelle, car sa présence céans attestait que son établissement était un commerce très respectable ! Et cela se savait dans tout le canton ! Après une dernière courbette, il abandonna l’homme de foi.

    Drouilloux alla rejoindre la table où se tenait Donnedevie, le maître tanneur. Avant de s’asseoir, le curé se tourna vers l’assistance : doigts tendus, il promena sa main d’un coin de salle à l’autre et prononça quelques mots en latin. Il avait cette manie de saluer ainsi les hommes présents à ces soirées, qui d’ailleurs s’étaient respectueusement tus en le voyant apparaître. Certains d’entre eux l’applaudirent : sur la bouche gourmande de Drouilloux courut une moue faussement modeste.

    Le maître tanneur, enclin aux largesses, offrit une tournée générale ! Des bravos éclatèrent, épars, dans la salle enfumée ! Des hommes, les plus jeunes, ne bronchèrent pas. Ils n’aimaient pas les ragots qui couraient sur la couenne de Donnedevie ! Un porc, disait-on, qui profite de sa situation pour bousculer les ouvrières de la tannerie ! La tannerie Donnedevie, tanneurs de père en fils, employait quinze femmes du hameau ! Ce n’était pas une paille ! Aucun homme n’y travaillait. Bien sûr, chacun ne craignait pas pour soi. Ma Lisette, allons donc ! On se faisait seulement du mouron pour la femme de son copain.

    Les serveuses couraient de table en table. Les bras des mangeurs se levaient à la manière d’un ballet bien réglé ! Là, encore un pot de vin ! Ici, de l’agneau !

    Dans le gigantesque cantou, les broches tournaient vite ! On retirait d’un coup six poulets rôtis à la peau craquelant et dégoulinant de jus parfumé. Aussitôt, on en embrochait d’autres prêts à cuire, le cul bourré d’une farce gouteuse !

    L’aubergiste, sans cesse, taillait dans l’agneau de larges tranches de viande avec un long couteau : bientôt il n’en resterait que la carcasse ! Mais une autre bête, sur sa broche, sans impatience, attendait son tour.

    Chadouzat servait personnellement les hôtes de la table du maître tanneur. C’est d’ailleurs ce dernier, c’était dans son habitude, qui réglerait la note de la tablée ! Une note qui s’avérerait salée ! À cette pensée l’aubergiste, le front mouillé, en avait des déglutitions saccadées de gourmand ! Il avait déjà apporté sur la table six bouteilles de vin, un grand cru de Bordeaux, qu’un négociant de Tulle lui procurait. Aux autres tables, on ne commandait que du vin en pichet, un vin du pays bon marché. Il avait également servi aux hôtes de marque deux poulets entiers, ceux-ci ne mangeant que les cuisses et les filets, trois fois du porcelet et deux fois de l’agneau ! Et, il était à peine minuit !

    À la table du tanneur, où la quatrième place demeurait vide, celle de l’épicier, étaient accoudés trois gros mangeurs.

    Le curé, grand et sec, était insatiable, son front, sous ses cheveux gris coupés court, se ridait au rythme de ses fortes mâchoires déchiquetant indifféremment les viandes.

    Poulingeas, le maire, un copain de Donnedevie de l’école communale, un grand costaud, le visage épais et couperosé, ne laissait pas sa part aux deux autres !

    Enfin, le tanneur, âgé de cinquante-deux ans, noceur et jouisseur de réputation, n’avait rien à envier aux deux autres. Au vrai, sa constitution le lui permettait, bâti comme un athlète, épaules larges et cou puissant, il ne craignait pas les ripailles. Au demeurant, c’était un homme également qui ne craignait ni Dieu ni les hommes : n’était-il pas le premier chasseur de loups du canton, voire même du plateau de Millevaches tout entier ! En tout cas, avec la disparition de l’épicier, il était désormais le seul !

    La fête dura jusqu’à trois heures du matin. On but beaucoup, se levant de temps à autre pour aller pisser dehors, puis, à peine rassis, levant de nouveau son verre. On dévora plus encore ! Du porcelet et des deux agneaux, ne demeuraient que des os.

    On parla aussi ! De la procession, qui ne devrait réserver aucune surprise. D’abord, il y aurait la messe, puis on irait au cimetière saluer l’épicier, enfin on sortirait du village ! On pousserait jusqu’au Calvaire aux loups situé à la lisière des champs, et, là, le curé, de sa voix forte, dirait en latin quelques mots en direction de la forêt proche, là où se terraient les suppôts de Satan !

    À chacune des tables, on évoqua également les satanés loups ! Ces affamés insatiables qui, pas plus tard qu’avant-hier, à la ferme Majounie, avaient dévoré trois moutons. Le père Majounie en était tout retourné et se demandait encore comment les carnassiers avaient pu s’introduire dans la bergerie. L’épar de chêne fermant la solide porte du bâtiment avait été comme arraché ! Le pire dans tout ça, c’est que, à cette heure, il pleurait son bon chien, un solide berger. Il l’avait retrouvé gisant sur la neige, une vilaine blessure au cou !

    La table de Donnedevie fut la seule où l’on évoqua la disparition de l’épicier. Le tanneur ne pouvait pas s’empêcher de penser aux conditions étranges entourant la mort de son ami. Allons donc ! La porte de la triste boutique trouvée grande ouverte en pleine nuit et un jour d’hiver ?

    « Sans salir sa mémoire, on peut dire que Beaujoux n’était courageux qu’avec un fusil à la main ! » tonna-t-il.

    Poulingeas, le

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