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Escapades: Roman
Escapades: Roman
Escapades: Roman
Livre électronique147 pages2 heures

Escapades: Roman

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À propos de ce livre électronique

Lorsque Colin, employé de banque, se fait larguer par Lise, comédienne en quête de liberté, il ne se doute pas qu'un nouveau chapitre de sa vie vient de débuter...

Après une rupture amoureuse, Colin, personnage immature, veut fuir son métier insipide, s’installer au vert avec l’ambition d’écrire un roman. Il se laisse absorber par le récit des autres, en particulier celui de sa voisine. Il écoute le chagrin des autres, peut-être pour ne pas entendre le sien. Chacun des personnages qu’il croise tente d’échapper, à sa manière, à un drame ou à la monotonie d’un bonheur trop lisse. Colin prend des notes dans différents carnets. Il aimerait tant un bonheur familial simple et paisible et la vie
l’entraîne ailleurs. Quand s’arrêtera-t-il d’écouter les autres ?
Deux intrigues principales se font écho, l’une dans le passé, l’autre dans le présent.
Un mélange d’escapades vécues et rêvées, tragiques et paisibles, de libertinages et de fidélités. L’épilogue réserve une étonnante surprise au lecteur.

Rencontrez Colin, un personnage attachant, qui relève la tête grâce à la littérature, aux récits qu'il découvre et aux aventures qui se présentent à lui, alors qu'il pensait avoir tout perdu. 

EXTRAIT

Mon carnet gris, mon journal repris lors du départ de Lise se remplit. De temps à autre, je le relis et y redécouvre les personnages de Lise, Marco, Fleur, René, Madeleine, Marie-Jo, Omer, Nicole, Liliane et Jenny, des personnages qui se croisent sans se parler. Et moi, je me perds à les raconter. Et ce n'est sans doute pas fini.
J’ai débroussaillé une petite parcelle du jardin pour y semer quelques légumes. Je n’ose pas encore parler de potager, c’est un modèle réduit d’ambition. J’ai arrosé scrupuleusement les deux mètres carrés et après quelques jours, j’ai vu apparaître quelques embryons de feuilles, une émotion comparable à celle qui m’envahit quand j’ai mis sur papier une belle idée. Mais deux nuits plus tard, un bel orage a réveillé les limaces qui ont grignoté les jeunes pousses et mon émotion puérile. L’embryon de potager est à l’image de ma carrière d’écrivain.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Thomas Delvaux - Né en 1950 (68 ans). Humanités gréco-latines (cela marque!). Maître en sciences économiques et candidat en philosophie. J’ai enseigné l’informatique dans une Haute-école jusqu’en 2010. Je n’ai jamais cessé de lire, entre autres, Kundera, Yourcenar, Tolstoï, Montaigne, A. Makine, A. Maalouf, Zola, O. Pamuk, etc.
Je tiens des carnets depuis l’adolescence. En 2010, rompant radicalement avec ma carrière d’enseignant, j’ai repris ces notes pour en extraire deux livres de textes courts (une à six pages), inspirés par la lecture de Montaigne.
LangueFrançais
Date de sortie13 nov. 2019
ISBN9791037700827
Escapades: Roman

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    Aperçu du livre

    Escapades - Thomas Delvaulx

    Du même auteur

    Le ventre de la terre, éd. Ankena 2013

    La jambe de Lord Uxbridge, éditions du mérite 2015

    Et le vent…, éditions du CEP, 2017

    La couverture et l'illustration de la page 101 sont de Marie Bourgois

    Tout homme est tiraillé entre deux besoins, celui de la pirogue c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même et celui de l’arbre, c’est-à-dire de l’enracinement, de l’identité et les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre. Jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre que l’on fabrique la Pirogue.

    (Mythe mélanésien de l’île de Vanuatu)

    1

    « Je te quitte... Je m'ennuie avec toi. »

    Je le savais depuis longtemps et voici la phrase prononcée: je suis ennuyeux, terne, fade, transparent... Adolescent, je m’ennuyais et adulte, j’ennuie les autres, la femme de ma vie en particulier. Non pas l’ennui passager, l’ennui rédhibitoire, le péché mortel.

    Une claque, le jour même de mon anniversaire de quarante ans, la moitié statistique de ma vie, la charnière.

    Dimanche, Lise répétait un spectacle et nous devions nous retrouver en fin d'après-midi. Une journée à l'attendre, à savourer la délicieuse promesse d'une soirée érotique. Comme pour un premier rendez-vous, j'ai rangé l'appartement, passé l'aspirateur, commandé des plats chez un traiteur, pris une longue douche, me suis brossé les dents puis imaginé différents préliminaires. Se doutait-elle de l’intensité pathétique de mon désir ? Non, elle était trop habituée aux regards et aux éloges, au centre d’un monde d’admirateurs. D’autres que moi suivaient avec ferveur cette étoile et je ne voulais pas le savoir.

    Dans mon studio bien chauffé, elle a apporté l'air glacial de la rue. Son nez et ses joues roses émergeaient de sa capuche. Quand je l'ai enlacée, j'ai senti que sa main droite tenait un carton.

    Je l'ai débarrassée de son manteau. Elle a secoué la tête, pour rendre du volume à ses cheveux bouclés, teints au henné. Et la voilà solaire, comme sur scène. Même en privé, ses gestes sont empreints d’emphase. En public elle attire le regard et cela m’a toujours flatté. Nous nous sommes assis et elle m'a tendu le paquet, en recommandant « Fais attention, c'est fragile ». J'ai déballé un dessin de Paul Delvaux, un portrait de femme. Le père de Lise avait bien connu le peintre qui lui avait donné quelques-unes de ces esquisses. Elle connaissait ces petites œuvres sans en connaître le prix. À la mort de son père, elle en a hérité. Fille unique, elle n'a pas connu l'obligation de partager ni celle d'évaluer chaque objet du patrimoine. À moi, la valeur de ce présent semblait disproportionnée. Je me suis approché pour l'embrasser. Elle a posé la main sur ma poitrine puis précipitamment, « Attends, je ne reste pas ». Puis après un silence, « Je te quitte... Je m'ennuie avec toi. »

    Notre convention tacite prévoyait que j'accepte cette rupture sans poser de questions, sans verser de larmes, sans rien tenter pour la retenir. Certains mots étaient absents du contrat, fidélité par exemple mais aussi pesanteur. C'était une relation amoureuse à temps partiel, sans les contraintes d'un couple, une relation dense dont le piment principal était l'éphémère. Je devais maintenir, avec élégance et même grâce si possible, la tonalité de cet amour, ardent pour moi, tiédi pour elle. Quand même, « Je m'ennuie avec toi. », le choc était rude.

    Après notre première nuit d'amour, dès le réveil, elle avait mis les choses au clair. « Nous venons de passer des heures délicieuses et je crois bien qu’il y en aura d'autres. Nous sommes amants et ce n'est pas un engagement. Être amants signifie liberté et plaisir. »

    Elle avait prononcé ces mots avec gravité, presque avec la solennité d'une profession de foi. Amant était le contraire de marié. J'avais acquiescé car le mariage, je l'avais déjà expérimenté, de même que la fierté stupide d'être père. Stupide car très vite après l'ébriété de s'être reproduit, il fallait assumer. Assumer, le mot favori de mon ex. Cela signifiait gagner de l'argent et partager les tâches ménagères et parentales. Divorcer était une solution, encore fallait-il, dans ce cas également, assumer, c'est-à-dire payer la pension alimentaire et s'occuper du gamin un week-end sur deux. Mais cet épisode appartenait au passé. Après ce divorce ma vie s’était déroulée, chaotique et triste, une quête déboussolée d’une femme qui m’aimerait et comblerait tous mes manques. Jusqu’à la rencontre de Lise qui m'avait libéré de l'errance sentimentale.

    Nous étions amants depuis trois ans, durée critique pour ce genre de relation. Même prévisible à long terme, cette rupture était inattendue. Entre nous aucun nuage, beaucoup de rires, beaucoup de plaisirs, des week-ends surprises avec mon fils et sa fille qui avaient développé une belle complicité d'enfants. Un embryon de famille. Celle dont m'avait privé la séparation de mes parents, juste après ma naissance, celle que j'avais loupée auprès d'une épouse qui m'avait éjecté dès ma première escapade sexuelle.

    Le porte s'est refermée sur Lise, ma vision s’est troublée. Une minute plus tard, un coup de sonnette. Ce n’était évidemment pas Lise qui regrettait ses paroles mais le traiteur qui apportait les plats commandés. Le romantisme de cette table dressée avec soin m'apparut ridicule, ridicule à pleurer. J'avais bien le droit de m'apitoyer sur mon sort. « Je te quitte... Je m'ennuie avec toi. »

    Le lendemain, je suis retourné au travail. Sur mon bureau, une pile de dossiers complexes qui exigeaient toute ma concentration. J'aurais aimé m'enfermer avec ma douleur,tirer les rideaux, me saouler, me débarrasser au plus vite des fantasmes d'un bonheur refroidi, tester les vertus du silence et de la solitude. Mais j'étais employé de banque, au service crédits. J'ai réduit les échanges avec mes collègues au minimum exigé par le fonctionnement de l'agence.

    Le soir, rentré chez moi, sur le lieu du drame, m’attendaient des yeux noirs et vides, focalisés sur le centre de la terre, le cadeau de rupture qui trônait sur le manteau de cheminée, plus qu'une simple esquisse, un visage propice à la rêverie et aux multiples interprétations… Il fallait qu'il disparaisse de ma vue. Je l’ai emballé soigneusement entre deux gros cartons, scellé l’ensemble que j’ai glissé sous le lit.

    La réflexion pouvait refaire surface, piètre bilan : une artiste s'était amourachée d'un employé de banque, s'était lassée d'une vie sans relief et l'avait largué. Vis-à-vis de Lise, même disparue, j'avais honte de mon travail, je m'y sentais esclave. Depuis des années, je projetais d'écrire un roman et progressivement de vivre de ma plume, expression digne d'un adolescent immature. Je procrastinais. Je ne passais plus les examens, proposés par les Ressources Humaines, qui m'auraient permis de monter en grade, gravir les échelons et améliorer mon salaire. Pourquoi Lise m’a-t-elle susurré, au creux de l’âme, le mot Ennui ? Dur à mâcher !

    Bien sûr, à mon actif, une situation plutôt confortable. L'échéance du crédit hypothécaire approchait et je disposais d'un pécule suffisant pour vivre un an sans travailler, ou même deux, en réduisant drastiquement mon train de vie. Une relative aisance financière qui ne me consolait pas. Je me raisonnais, un chagrin d’amour, à quarante ans, quelle blague !

    Et pourtant, je ne pouvais imaginer bonheur plus parfait que celui qui venait de m’abandonner. Chaque jour s'organisait une fête extravagante qui me jetait loin de mon quotidien, loin des sordides crédits, loin de mon statut provisoire. Parfois je me demandais comment cela était arrivé. Le seul fait qu’elle ait posé les yeux sur moi me grandissait et ce regard, je le méritais. Elle avait décelé en moi un potentiel, une promesse que je n’ai pas tenue. Je lui faisais répéter des textes et lui donnais la réplique. Des marivaudages qui nous faisaient rire et suscitaient en moi des bouffées de désir. J’assistais aux premières de ses spectacles. C’étaient souvent des pièces étranges, emplies de silences, de situations absurdes, très visuelles, des pas de danse coulés et ralentis, mises en scène par des types aux chevelures longues et soignées et qui portaient des foulards de soie. Qu’y avait-il à comprendre ou à ressentir ? Je n’osais pas poser de questions. J’étais l’amant d’une vedette, un peu vedette moi-même, par ricochet. J’étais flatté. Et puis les prénoms Lise et Colin, légèrement désuets, n’allaient-ils pas bien ensemble ? Je ressentais la schizophrénie de mon boulot. En le quittant, en arrachant la cravate, je changeais de peau, de personnalité, de comportement. J’étais promis à un avenir brillant. Ce n’était qu’une question de temps.

    Et ce temps était passé.

    J'aimerais lancer au dieu de l'amour « Garçon, la même chose ! ». Mais les dieux ne sont efficaces que si l'on y croit.

    2

    Avec complaisance, ressassant le bonheur perdu, j’ai laissé la douleur et la solitude s’installer. Envie de rien. Désert des émotions et du désir. Un boulot aussi insipide que la bouffe que je préparais sans plaisir. En fin de journée, la télévision et le vin m’empêchaient de penser. Le temps devait panser la plaie...

    Un coup de fil de Marco a secoué ma léthargie. Je croyais bien connaître cet ami de collège, compagnon idéal de randonnée. Avec René, deux fois par an, nous allons marcher dans le Jura ou dans les Cévennes. Dès l'adolescence, nous partions camper dans la forêt de Saint-Hubert et vingt-cinq ans plus tard, nos escapades ravivent ces moments d'amitié. René est resté sérieux et organisé, Marco imprévisible, surprenant et fantaisiste, et en ce qui me concerne, je ne sais pas, sans doute un type dont la vie sentimentale a toujours été et est encore compliquée. René nous sert de guide, il choisit la région, prépare le parcours, détermine les étapes, la nourriture à emporter, les refuges, etc. Marco abandonne son atelier de sculpteur avec réticence, reste taiseux pendant tout le trajet. À peine arrivé, il nous raconte sa vie avec de grands gestes théâtraux. Nous rions tous les trois autant de son récit que du plaisir de nous retrouver. Artiste au caractère cyclique, Marco crée des sculptures monumentales très impressionnantes. Quand je regarde ces montages métalliques et monstrueux, je me pose des questions sur son équilibre psychologique. Je crois en son talent même s'il expose peu et vend encore moins. Orphelin très jeune, il vit grâce à un héritage confortable mais pas inépuisable. Sa compagne, Fleur, est une ravissante Eurasienne, vive, gaie et spirituelle. Elle porte un nom d’orchidée du pays de son père, si difficile à prononcer, à la graphie si spéciale qu’on

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