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J'ai vingt ans, je chôme !: Roman
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Livre électronique259 pages3 heures

J'ai vingt ans, je chôme !: Roman

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À propos de ce livre électronique

A vingt ans, on a l'avenir devant soi. Pourtant, la réalité est souvent bien moins rose...

Un jeune homme de vingt ans, hésitant entre études supérieures et travail, est confronté à la dure réalité du chômage. Comme lui, des milliers de jeunes se sentent délaissés, ignorés, rejetés d'une société dans laquelle ils ne trouvent pas leur place. Ce désarroi et cette impuissance à ne pas pouvoir franchir la porte de leur avenir les relèguent parfois à une passivité dangereuse et malsaine, malgré eux. C'est ce parcours que le romancier tente de décrire au travers d'une fiction qui, hélas, dépeint aussi la réalité, devant cet abandon d'un idéal où chacun d'entre nous s'enrichit, s'épanouit, en un mot se trouve et trouve son chemin dans une activité aussi diverse soit-elle. Or celle-ci ne leur est pas offerte. Au contraire, c'est une stigmatisation et, trop souvent, un dédale inextricable de démarches comme autant d'obstacles qui se dressent devant eux. Et ceci concerne près d'un quart de nos jeunes...

Découvrez ce roman proche de la réalité, sur une jeunesse qui se cherche face à l'avenir, aux portes de l'entrée dans le monde des adultes.

EXTRAIT 

A vingt-ans, on rêve d’avoir une certaine indépendance, que tous nos rêves justement d’adolescents se réalisent enfin. Qu’on travaille, qu’on gagne son propre argent et qu’on vit dans un appartement aménagé selon ses propres goûts. On rêve de confier ses chagrins, ses premières rencontres, ses premières expériences à d’autres jeunes et non plus à ses parents ! Car il arrive un moment où inévitablement ils ne savent plus nous suivre, nous comprendre ou bien tout simplement nous écouter. Puisqu’ils sont pris eux-mêmes au piège de l’engrenage civique et social ! Avec des préjugés, des fondements culturels et sociaux différents forcément des nôtres, de même que leur époque est différente de la nôtre !
Et quand ça va mal, ils ne sont plus là pour nous guider nous conseiller... Par le simple fait de leur vécu, ils s’imaginent assez mal qu’on puisse, nous aussi, avoir des problèmes, puisque jusque là tous nos problèmes étaient les leurs avant toute chose ! Et ils s’ingéniaient à les résoudre comme ils auraient résolu les leurs ! Comprennent-ils seulement qu’on puisse être chômeurs à vingt ans ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Émile Obadia écrit depuis sa plus tendre enfance après des événements durant son enfance qui l'ont profondément marqué dans les années 1962, touchant à tous les genres littéraires et à tous les styles s'initiant à tous les arts, théâtre, cinéma, chanson, musique, poésie, roman, essais, nouvelle…
LangueFrançais
Date de sortie27 juil. 2018
ISBN9782378773267
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    Aperçu du livre

    J'ai vingt ans, je chôme ! - Emile Obadia

    Préambule

    Le chômage : tout le monde en parle, certains le vivent ! Surtout les jeunes, les plus vulnérables, les plus exposés car ils n’ont pas été préparés à affronter cette dure réalité.

    On les a certes formés, on leur a inculqué un savoir, une culture, parfois même un métier... Et on leur a parlé du monde du travail. Mais quand celui-ci s’écroule, s’effondre, s’émiette autour d’eux, que leur reste-t-il ?

    Quel avenir ont-ils face à leurs exigences, à leurs idéaux, à leurs motivations ?

    Rien : un monde vide, sans illusion, sans rêve, sans but ! Un monde qui se dérobe devant eux !

    Ils se sentent oubliés, exclus avant même d’avoir pu jouir de leurs droits, dont l’un, des plus fondamentaux, celui d’avoir une place dans la société...

    Mais au lieu de cela, on les ballotte, on les trimballe de dispositif en dispositif, de mesures spécifiques en mesures encore plus spécifiques… Dans une précarité qui ne leur convient pas. Et ils se demandent alors à quoi bon aller à l’école, car ils ont autour d’eux l’exemple de leurs aînés désœuvrés bien que pour certains, bardés de diplômes. Et ils s’entassent dans des quartiers où ils n’ont rien à faire qu’à attendre que le temps passe. Qu’à se laisser parfois entraîner dans des aventures souvent négatives et malheureuses à la limite de la délinquance et de la facilité.

    Alors, à quoi bon s’inscrire dans ces conditions dans une civilité tant recherchée, tant réclamée par la société, à quoi bon s’inscrire dans ce schéma classique d’une insertion, d’une intégration sociale garante des droits que tout citoyen est en droit d’attendre et d’obtenir ? À quoi bon lutter contre des décisions qui font et refont au gré des gouvernements, que les modalités d’accès au travail changent, que les priorités affichées sont finalement reléguées au rang des accessoires, et que les actes n’atteignent presque jamais la hauteur des discours pourtant si rassurants.

    C’est l’expérience de ces jeunes qui vivent ce drame que j’ai voulu traduire dans ce roman. Témoignage de vécus, théâtre-vérité d’une oppression quotidienne et sans lendemain... D’une oppression silencieuse qui détruit jusqu’à l’esprit civique et parfois l’envie même de vivre…

    Ce n’est pourtant qu’un roman...

    Chapitre premier

    — I –

    Il est dix-sept heures, triste temps... Un temps qui pèse et qui semble durer une éternité... Seul je ne vois pas où je suis ni où je vais mais je suis attiré comme aspiré vers un univers dans lequel je n’ai plus ma place...

    La rue s’anime et j’ai tout de même réussi à me faufiler sous l’abribus. Je n’ai pu éviter de prendre l’averse juste au moment où j’arrivais, et mon jean's est tout trempé ! L’eau ruisselle sur mes cheveux et des gouttes éclatantes perlent le long de mon visage pour venir s’écraser une à une inexorablement sur mon blouson. J’ai beau me passer la main sur les joues, me secouer la tête, je suis vraiment trempé et transi jusqu’aux os !

    Ici, c’est la zone... Pas n’importe laquelle : la zone industrielle... Un amas grisonnant de béton et de ferraille entremêlé. De-ci de-la de hautes cheminées crachent jour et nuit une fumée opaque et polluante qui donne à la ville son pesant de nuages et de brumes matinales. Par un temps comme aujourd’hui on ne sait plus si c’est le jour ou la nuit... Et cette atmosphère ambiguë ajoute à ma stupeur : une impression surréaliste, une touche intrigante et mystérieuse.

    Mais moi, qu’est-ce que je fais ici ? Désœuvré, sans but ? Ah oui, j’attends Véro...

    Une première voiture sort de l’usine juste en face, à toute allure, elle a failli renverser un cycliste ! Et ça s’engueule pour ne pas changer ! C’est l’heure de la débauche et ces ouvriers, après avoir passé toute une journée enfermés comme des lions en cage, se défoulent comme ils peuvent... Moi, je suis libre comme un fauve mais je me sens moins libre qu’eux ! Le chauffard engueule toujours le cycliste et les autres, autour, rigolent... Il faut bien se détendre un peu !

    Ah ! J’aperçois Sylvie qui sort, allumant une cigarette... C’est la bouffée d’air frais aussitôt condamnée par une bouffée de tabac... Manifestement elle a attendu ce moment avec une grande impatience je ne peux l’en blâmer ! Une sacrée fille, cette Sylvie. Mais je vous raconterai plus tard ! Martine la suit, je me disais aussi... L’une sans l’autre, ça paraissait plus que bizarre. Mais ce n’est ni l’une ni l’autre que j’attends ! Celle que je suis venu chercher est toujours la dernière à sortir.

    Tandis qu’un flot de personnes inonde maintenant la cour de l’usine, chacun se précipite dans sa voiture ou bien sous le parapluie d’un collègue. La journée est bien finie, mais quelle journée ! Pour certains, elle ne fait que commencer, car il en existe encore et fort heureusement, pour qui une journée d’usine ça ne compte pas. Du matin sept-heures au soir dix-sept-heures, on s’est robotisé, mécanisé, galvanisé, intoxiqué, embrigadé... Coincé entre deux machines et le chef d’équipe, les impératifs de production et le chronométrage des tâches, le rendement et la cadence des chaînes, l’ouvrier s’est peu à peu senti avalé par l’usine tout entière... Au point d’en oublier sa propre vie... Ses contraintes sont devenues celles de l’entreprise avec laquelle il a fait corps une journée durant, sans parfois prendre le temps de se demander simplement s’il vivait vraiment ! Mais a-t-il le choix de vivre autrement ?

    Maintenant, c’est la débauche et jusqu’à l’instant fatal du coucher, ils vont enfin pouvoir vivre autrement... Du moins ils le pensent, car malgré tout, leur vie est ponctuée, réglée par une horlogerie méticuleuse qui agence chacun de leurs mouvements, de leurs pensées… Tout est organisé en fonction de leur travail... Tout est réglé, comme l’est la chaîne de l’usine, au rythme pesant mais tellement rassurant de leur activité. Mais eux au moins, ils ont un but, même si celui-ci est peu enviable...

    Tiens, voilà Monsieur Jutaud ! « Salut, salut »... Ce pantouflard quinquagénaire ne sait même plus où il en est... Lorsque je le rencontre, l’unique objet de discussion c’est son travail... l’usine. Il est conditionné par elle à tel point que tout chez lui rappelle son univers laborieux. Il vous parle de ses équipes, de ses méthodes, de ses conditions de travail, de ses avantages, de ses primes, de ses heures supplémentaires, de ses congés... De tout ce qui fait son quotidien. Il me montre même des morceaux de pièces de métal, défectueuses selon lui, mais qu’il a réussi a sortir de l’atelier pour les exhiber chaque fois qu’il en l’occasion. Je me demande parfois s’il n’en rêve pas la nuit... Mais bien sûr que si, il doit en rêver la nuit !

    Aussitôt sorti de son atelier, il en retrouve un autre : sa maison. C’est le mari de ma concierge ! Dès lors qu’il a un outil entre les mains, c’est le paradis. Il se sent revivre, et exprime ainsi le but de son existence. « Les dimanches ? Connais pas ! » me dit-il souvent quand j’arrive malgré tout à le croiser dans l’escalier. Il ne sait pas rester cinq minutes assis, à lire ou à simplement prendre le temps de se reposer... Flâner, rêver... Je ne l’ai jamais vu se promener ou bien aller au cinéma... « Le cinéma ? Pour quoi faire ? Et la télé alors ? »

    Serviable, il l’est sans nul doute. Si vous avez un problème avec votre vélo, votre serrure, votre douche… Il viendra vous dépanner sur-le-champ... Et pendant la semaine qui suit, il ne manquera pas de vous demander si tout va bien, si sa réparation a tenu, si vous n’avez pas autre chose qui flanche ! Il se vexerait même si par malheur vous ne lui avez pas signalé que votre porte grinçait un peu… Un petit coup de clé par ci, un peu d’huile par là, et le tour est joué…

    Mais je ne surveille plus la grille de l’usine et je ne sais plus où j’en suis moi non plus ! Elle est où ma Véronique dans tout ça ? Arriverai-je à la reconnaître dans cette marée humaine ? À force de voir des milliers de visages, on en arrive à ne plus reconnaître celui qu’on aime ; on arrive même à en oublier le sien !

    Et ça court toujours dans tous les sens, et ça s’agite, et on se raconte sa journée, passionnément, avec détails et anecdotes à l’appui. Comme si une seule journée comme celle-là ne suffisait pas déjà d’avoir été vécue, et pouvait en plus se raconter ! Et comme si celle de l’un pouvait encore supporter celles des autres.

    Ah ! Quel gâchis !

    Quelqu’un me passe la main dans les cheveux, par derrière, par surprise mais avec tendresse... ça ne peut être qu’elle : ma Véronique !

    — Salut, toi !

    Et elle m’embrasse avant que j’aie pu dire « ouf » !

    — Par où es-tu passée, je ne t’ai pas vue ?

    — Moi je t’ai vu, mais tu semblais tellement ailleurs...

    — Mais j’étais justement en train de penser à toi !

    J’hésite honteusement à lui avouer que j’étais vraiment ailleurs c’est vrai, mais tellement présent dans tout ce qui l’entoure... Elle, insouciante, rieuse, belle, me prend par le bras et me dit sur un ton désinvolte : « Allez, ne restons pas là, viens... » Et elle m’entraîne je ne sais où... Elle me parle enfin d’autre chose, de rêve, d’espoir, d’amour et de lendemain... Elle est belle et je l’aime.

    Sa longue chevelure châtaine glisse sur ses épaules, elle sourit comme un ange tout en parlant ; mais que dit-elle ? Que dit-elle exactement ? Je me noie dans son regard et dans ses paroles et ça me fait du bien... Je perçois le son de sa voix qui me berce comme un écho lointain. Oublier, oublier tout ce qui nous entoure, quel miracle !

    — Dis, tu m’écoutes ou bien tu rêves encore ? « me demande-t-elle en me secouant un peu...

    - Je rêve en t’écoutant !

    - Non, tu m’écoutes en rêvant ! C’est pas très gentil ! Tu as toute la journée, toi, pour rêver ! » Elle fait son air boudeur en disant cela, et se pince les lèvres aussitôt pour se faire pardonner.

    — Non, tu te trompes, je n’ai pas le temps de rêver dans la journée puisque je pense tout le temps à toi ! Et ça me prend tout mon temps !

    Elle rit aux éclats et me serre la taille, fort, très fort ; je dépose sur son front un baiser doux...

    Nous remontons l’avenue à pied, lentement, alors que les voitures défilent mais pas tellement plus vite que nous et que les bus surchargés ramènent vers le centre-ville ces troupeaux dociles et las.

    — Tiens, on va prendre un verre quelque part ? » me dit-elle enthousiaste.

    — Tu peux fermer ton parapluie ma chérie, il ne pleut plus !

    Elle lève les yeux marquant un temps d’incrédulité, tend la main pour vérifier puis replie son pépin et me dit :

    — Tu ne m’as pas répondu ?

    Je feins de ne pas l’entendre en allumant une cigarette… A peine en ai-je tiré une bouffée qu’elle me l’arrache des lèvres et la porte aux siennes.

    — Tu en voulais une ?

    — Non ! Je veux simplement mettre la marque de mes lèvres sur le filtre, comme ça, chaque fois que tu la fumeras j’aurai l’impression que tu m’embrasses un peu !

    On s’arrête net et on s’embrasse longuement. Quelques voitures font retentir leurs klaxons, mais Véro et moi restons enlacés, imperturbables. Puis nous reprenons notre marche et elle me répète : » Bon, alors, on va le prendre ce verre ? «

    Je marque un court instant de réflexion mimé par quelques hochements de tête...

    - D’accord, mais pas chez » Pierrot », on va encore rencontrer toute la bande de copains et ce sera interminable et minable à la fois !

    Elle sourit, pose sa tête sur mon épaule et me dit : « O.K ! On va où tu veux… Je te suis... »

    Et dans ce dédale de voitures, ce brouhaha de moteurs excités, de cris, de klaxons, nous avançons comme sourds à toutes ces plaintes...

    Véronique a dix-huit ans, elle est fille unique. Cela fait deux ans qu’elle a quitté l’école et bientôt un an qu’elle travaille. Pas depuis un an dans cette usine, heureusement pour elle ! Son père l’avait « embauchée » au début dans sa boutique… Il vend des instruments de musique… On passera sûrement le voir plus tard...

    Et puis au bout de six mois à « jouer à la vendeuse » comme elle dit, elle en a eu marre. C’est vrai que par avance, la vente ne l’attirait pas beaucoup... guère plus que les études d’ailleurs, au grand désespoir de ses parents. Mais elle n’avait pas eu le choix et puis son père avait tellement insisté qu’elle s’y était résignée sans trop se poser de questions. Je ne sais pas très bien moi-même ce qu’elle aurait voulu faire... En dehors du fait que comme presque toutes les filles, elle rêvait d’un luxe étrange et d’une vie idéale. Genre « Star », actrice ou chanteuse... Parfois cela m’effraie un peu et paradoxalement cela me rassure ! Comment dire ? Je crois qu’un jour elle finira par reprendre ses études. Pour être sans doute infirmière… Elle a toujours aimé s’occuper des malades, des enfants aussi... Mais ça, c’est presque normal !

    On lui répète sans cesse que ce sera très dur, très difficile… Qu’il lui faudra beaucoup de courage et de volonté...

    Ses parents, surtout, déçus de la voir travailler en usine, lui reprochent d’avoir arrêté ses études sur un coup de tête ! Mais de ça, elle s’en fiche éperdument !

    Comme elle le dit si bien, elle a voulu « tâter » du prolétariat et de la classe ouvrière... Elle a voulu se plonger dans la vie active. Comme s’il n’y avait d’actif que le travail en usine !

    En fait, je comprends qu’elle ne me parle que très rarement de son boulot. Ce qu’elle voit pour l’instant c’est son indépendance vis-à-vis de ses parents... Elle gagne « son argent » et vit sa vie... Le reste lui importe peu !

    Cela fait... Cela fait quatre ans qu’on se connaît Véro et moi. Oui, quatre années que dure notre belle histoire d’amour ! Nous nous sommes connus sur les bancs de l’école et je l’ai vue abandonner sa troisième alors qu’elle avait loupé son Brevet... À l’époque je n’avais même pas cherché à l’encourager ni à la convaincre de poursuivre. J’avais jugé sa décision comme étant bonne puisqu’elle n’était plus très motivée pour repiquer une autre année... Après tout, il existe d’autres filières où beaucoup d’autres jeunes réussissent tout autant. Et puis nous avions tous en tête des exemples peu motivants pour nos avenirs respectifs, de jeunes qui, bardés de diplômes, se retrouvaient ainsi devant la grande porte béante de l’ANPE...

    Il est vrai que la seule issue possible, à moins d’avoir vraiment un coup de chance inouï, c’est de se retrouver « chômeur ». Beaucoup de jeunes tiennent ce langage et n’hésitent pas à tout plaquer sous prétexte qu’inévitablement ils en arriveront là. Et tous les discours qu’on entend à la radio à la télé ne nous encouragent guère à aller de l’avant !

    Pour Véro, c’était un peu tout ça, mais aussi le fait qu’elle voulait tout simplement devenir indépendante... Vivre sa vie… S’éclater autrement que sur les bancs de l’école ! Elle était persuadée qu’il y aurait bien un moyen pour subsister sans forcément suivre la filière irrémédiable de la réussite scolaire.

    Elle conservait néanmoins une certaine nostalgie de cette période où tout était tracé, quasiment facile car il n’y avait qu’à se laisser porter par les journées chargées d’un emploi du temps qui ne supportait aucune échappatoire... Elle aimait se souvenir de notre première rencontre, et des retrouvailles après les longues heures de cours, à la récré, dans les couloirs du « bahut » où nous nous croisions et lorsque je lui refilais en douce après les avoir faits, ses devoirs de math... Je ne savais pas pourquoi, mais son charme et sa présence à mes côtés me rendaient un peu idiot... Nous étions devenus complices et dans la cour du lycée, avant les interrogations écrites, je lui faisais réciter ses cours et insistais sur les points essentiels. Nous étions devenus inséparables et pendant les interminables heures de cours, nous n’avions qu’une hâte, celle de nous retrouver pour fuir ensemble cet univers carcéral.

    Quand elle n’était pas prés de moi, j’usais de toutes les excuses possibles et imaginables pour aller la voir chez elle. Ou bien encore, à la fin des cours, je l’invitais à aller prendre un verre pour lui expliquer le devoir de math et lui donner des tuyaux.

    Jusqu’au jour où, en la raccompagnant, je lui ai pris la main, nous nous sommes regardé tendrement un très court instant puis embrassés, très longuement.

    Depuis nous ne nous sommes pratiquement plus quittés.

    Voilà, c’est notre histoire d’amour... Elle se résume en trois mots !

    Lorsqu’elle a quitté le lycée, ça m’a fait quelque chose ; d’abord, j’ai eu peur que notre complicité si parfaite n’ait plus de fondement ni de raison d’être. Mais je me trompais, car lorsqu’elle a travaillé au magasin avec son père, elle s’échappait pratiquement tous les jours vers dix-sept heures pour venir me chercher. C’était merveilleux ! Elle m’attendait devant les grilles du lycée, comme moi tout à l’heure devant l’usine. Je me faufilais dans les couloirs pour sortir le premier et ne pas la faire attendre davantage. Je traversais la cour à toute vitesse pour enfin la prendre dans mes bras et la serrer très fort.

    Quant à moi, j’ai continué mes études, jusqu’au BAC que j’ai réussi à décrocher du premier coup. Avec quelques copains et copines auxquels s’était mêlée Véro, nous avons fait une de ces fêtes ! Avec Pierre, mon meilleur ami, on s’était juré de prendre une cuite et ça n’a pas manqué ! Nous avions prolongé notre soirée chez lui ; ses parents absents lui avaient confié la villa et surtout la cave ! Nous avions, Véro Pierre et moi, rapidement dressé la table dans le jardin, il faisait un temps superbe, en plein mois de juin. Et puis ça s’est terminé comme prédit : j’étais dans un état tel que Pierre et Véro ont été obligés de me traîner jusque dans la cave où j’ai dû passer la nuit. Le lendemain Véro me fit un peu la gueule, mais nous avons fini par en rire et en y repensant, nous en rions encore !

    — » Pourquoi ris-tu ? » me demande-t-elle enfin, me sortant de mes pensées où je me suis enfoui depuis une minute.

    — « Rien, excuse-moi ! Je revoyais nos années passées au bahut, tu te souviens ? »

    Elle acquiesce en me serrant très fort la main.

    Mais nous arrivons à « La Chaumière », un endroit que nous aimons bien. C’est une petite auberge rustique, au bord d’un ruisseau où quelques habitués se retrouvent en petit comité... Elle est située dans un cadre charmant et romanesque, entourée de verdure et d’oiseaux qui semblent chanter le bonheur à longueur de journée. Un peu à l’écart de la ville, loin des bruits et des passants, loin des curieux, des concierges et des copains... Ce fut pendant un temps le rendez-vous de toute la bande, mais ce calme étrange, plutôt que de les attirer, les avait fait fuir. Ils recherchaient il est vrai la musique folle des juke-box et la fumée des cigarettes... Alors qu’ici, il n’y a rien de tout ça.

    Simplement une petite musique d’ambiance, pas de machines électroniques qui ressassent à longueur de journée des musiques synthétiques sans début ni fin, un havre de paix et de quiétude où l’on peut discuter sans s’égosiller, où l’on peut se dire des secrets en se murmurant à l’oreille, et

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