L'énigme de la vanité: Roman
Par Vincent Martinot
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À propos de ce livre électronique
Jenny, jolie rousse aux yeux vairons, travaille dans le domaine de l’art mais mène une vie morne et triste, jusqu’ici.
Oscillant entre des parties de jambes en l’air, faiblement satisfaisantes, et son travail au musée, elle est une femme moderne à demi-vivante. L’apparition d’une vanité « Mickey Mouse » bousculera sa vie, la menant vers un destin qui lui conviendra bien plus qu’elle ne pouvait l'imaginer.
Les déboires de sa jeunesse, son père, les hommes, un fils né sous X et un certain D.K aligneront peu à peu les briques de sa vie.
Comment résister quand une force mystique et artistique nous pousse à nous rencontrer ?
La vie de Jenny ne lui appartient plus, elle ne lui a jamais appartenu.
Comment va-t-elle gérer ce changement soudain ?
EXTRAIT
La nouvelle de sa pseudo-promotion avait vite fait le tour du musée qui ressemblait, par certains aspects, à un petit bourg de campagne où tout se sait sur tous les sujets. On pouvait le remarquer au regard des gens. D’habitude, Jenny n’y prenait pas attention, mais, cette fois si, ils étaient vraiment insistants. Elle devait se faire violence pour soutenir leurs œillades. La folie des individus se ressent au travers de leurs yeux. Ils sont aussi utiles pour draguer que pour flinguer. Tout passe par le regard. Elle s’imaginait souvent deux soldats dans une tranchée pendant la Grande Guerre. Les deux globes oculaires bien enfoncés dans leurs orbites. La fureur, la bonté, dans les deux cas, un décès. Les yeux sont la réponse à tous les sentiments. Qui sait les lires devient roi. Zoé l’avait fusillée du regard, elle souhaitait sa mort, intérieure.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Vincent Martinot est un jeune romancier français. Après de courtes études en marketing, il s’oriente de lui-même vers la littérature française. Grand lecteur de classiques, il s’inspire, bien modestement, d’auteurs français qu’il apprécie, auxquels il ajoute un coup de stylo moderne et vif.
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Avis sur L'énigme de la vanité
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Aperçu du livre
L'énigme de la vanité - Vincent Martinot
I
Jenny avait vingt-cinq ans quand elle commença à travailler. Pour certaines personnes, c’était bien trop tard. Pour elle, c’était juste le moment.
Après avoir trempé son outil de buis dans une solution technique, elle entreprit la restauration de sa première œuvre majeure. Bien sûr, elle avait déjà participé à la conservation d’un tel travail, mais jamais, jusqu’alors, une pièce aussi importante pour le patrimoine français. C’était un Cézanne tout de même !
La main de Jenny glissait lentement sur le tableau du maître. Des gestes chirurgicaux, comme un vétérinaire qui opérerait sur un chat. Une comparaison qui la faisait souvent rigoler. Le calme de son atelier, au premier étage du petit palais, lui rappelait les longs dimanches d’hiver qu’elle passait avec sa mère sur la côte normande. Un véritable bonheur, bien que cette fois si, encore, la sérénité du lieu fût troublée par l’arrivée fracassante de Zoé.
La relation entre les deux femmes était convenable, sans plus. Pour Jenny, « cette bourgeoise endimanchée comme un sapin de Noël passait le plus clair de son temps à esquisser des plans pour lui chier dans les bottes ». C’était une fille légèrement rondouillarde qui se plaisait à chanter que seul son caractère l’avait menée à devenir l’assistante du conservateur général et peut-être lui succéder, un jour, à la gestion du musée. Elle n’aspirait aucunement à lui prendre la place, elle était restauratrice d’œuvres d’art, point final.
Jenny venais de commencer à raviver le vernis de la deuxième ligne en faisait des carrés d’un centimètre sur deux, précis, comme elle avait appris à l’école. Elle sentit le souffle de Zoé faire onduler ses longs cheveux roux.
— Bonjour Zoé, lui dit Jenny sans se retourner.
— mademoiselle Lagnau, lança Zoé. Elle venait de prononcer le genre de phrase qui, en français, veut dire bonjour sans vraiment le souhaiter. Jenny avait l’habitude.
— Je peux faire quelque chose pour vous ? interrogea Jenny.
— Monsieur le directeur vous demande, le ton de Zoé devenait sec et supérieur.
— Très bien, je passerais le voir dans la matinée.
Jenny avait bien senti, au bruit de succion qu’avait fait cette pimbêche, que sa réponse ne lui convenait pas. Zoé prit quand même la peine de la saluer avant de quitter son atelier. Elle continua alors son travail sur « les trois baigneuses » et irais voir Tom, le directeur, après sa pause cigarette, histoire d’être apaisé pour écouter quelle idiotie il allait encore lui dire.
Le jaune de Cézanne lui donnait du fil à retordre. Elle avait beaucoup de mal à trouver le mélange qui convenait à ce tableau, pour ne pas le dénaturer. Un jaune avec une pointe de vert, noyé dans une composition chargée. Après quelque dizaine d’essais infructueux, il était temps pour Jenny d’aller griller sa clope.
Assise sur les marches de l’arrière-cour, Jenny observait les fines feuilles des plantes qui grimpaient inlassablement. Le contraste avec le tumulte de l’entrée du musée était saisissant. D’un côté, la gronde montait, le temps d’attente s’allongeait, les hôtesses d’accueils qui, en plus de ne pas être très agréable, osait demander treize euros pour admirer les peintures. De l’autre, un calme serein, troublé par quelques pies qui venaient trouver de quoi nourrir leurs progénitures. Jenny, au milieu de tout ça, fumait.
Après avoir écrasé le foyer de sa Malrboro avec son talon de chaussure, Jenny cherchait un cendrier, en vain. Elle se résigna à mettre le mégot dans la poche arrière de son tailleur bleu perlé. L’odeur du tabac froid se sentirait à une bonne dizaine de mètres, mais elle n’allait tout de même pas le jeter au sol.
Jenny observait les aiguilles de sa montre trotter indéfiniment, quinze minutes s’étaient déjà écoulées. Elle verrouilla la lourde porte arrière du petit palais et se dirigea vers le bureau de Tom. L’escalier tournoyait sous ses pas, les tableaux de maître accroché sur les murs, qui menaient au salon du directeur, n’étaient visibles que par une poignée de personnels, employées du musée. Jenny trouvait cela dommage. Le bruit que faisaient ses talons aiguilles, à semelle rouge, sur le sol en parquet massif du couloir avait annoncé son arrivée imminente. Au moment d’approcher la main, sans même avoir eu le temps de frapper à la porte du bureau, elle entendit :
— Entrer mademoiselle Lagnau, étonnant pour quelqu’un qui l’avait toujours appelé Jenny.
En entrant dans le cabinet du directeur, Jenny fut surprise de voir que Tom n’était pas seul. Un homme blanc, la soixantaine, propre sur lui bien que camouflant une légère calvitie. Il tenait un porte-documents noir avec des crochets couleur d’or. Un regard puis un mouvement de tête plus tard, le bureaucrate adressa un sourire courtois à Jenny.
— asseyez-vous, je vous en prie, Mlle Lagnau, dit Tom accompagné d’un geste de la main lui indiquant la chaise.
L’homme au côté du conservateur allait bientôt prendre la parole. Son discours sur la nouvelle exposition impressionniste arrivant prochainement au petit palais était noyé sous d’horribles TIC visuelles. Jenny avait beaucoup de mal à se concentrer sur les locutions que le petit homme débitait, même son nom ne lui était pas resté en mémoire. Il clignait de l’œil gauche à chaque début de phrase, pliait sa main droite, derrière son dos, à chaque fois qu’il attendait une réponse. Visiblement, il était tendu, sa venue devait être importante.
MONET ! Ce mot réveilla Jenny brutalement. Le bougre venait de lui annoncer qu’elle allait devoir restaurer un Monet ! Si la vie avait un but, voilà le sien rempli, du moins partiellement. L’exposition sur l’impressionnisme européen qui avait pris pour sujet la ville de Londres allait attirer des milliers de badauds. Les couloirs du musée deviendraient impraticables. Elle, Jenny Lagnau, petite fille normande aux yeux vairons, allait s’occuper de préparer la toile principale de cet événement, le paroxysme de l’exposition.
Jenny avait du mal à comprendre pourquoi Tom lui donnait de la « mademoiselle Lagnau ». Le représentant du musée de Londres, d’où venait le Monet, rendait la scène un brin martiale, mais cela ne justifiait pas une telle distanciation de sa part. Quand Jenny, l’avant veille au soir, avait son sexe humide entre les cuisses, Tom ne fricotait pas avec « mademoiselle Lagnau »…
Sa situation amoureuse était désespérée, enfin, elle aimait beaucoup le contact des hommes. Leur peau, l’odeur de transpiration post-coïtale, la partie charnue qu’ils ont, juste au-dessus des hanches et leur gland… Mais, sentimentalement, un homme est un pigeon qu’y a du mal à voler. Une femme doit s’en occuper, le soigner, lui donner de l’attention et au moment où la confiance est redevenue un aspect de sa personnalité, il s’envole en pensant toujours trouver mieux. Il se reblesse et l’histoire redémarre. Les soirées, quand elle en avait envie, avec Tom étaient relativement simples. Un bon restaurant, parfois un cinéma, mais, surtout, une baise rageuse. Il n’était pas si doué que ça. Qui reprocherait à Jenny de penser, de temps en temps, à elle et rien que cela ? Elle vivait sa vie au travers des choses exceptionnelles que d’autres font, alors, elle jouissait. C’était son droit au bonheur, futile.
La nouvelle de sa pseudo-promotion avait vite fait le tour du musée qui ressemblait, par certains aspects, à un petit bourg de campagne où tout se sait sur tous les sujets. On pouvait le remarquer au regard des gens. D’habitude, Jenny n’y prenait pas attention, mais, cette fois si, ils étaient vraiment insistants. Elle devait se faire violence pour soutenir leurs œillades.
La folie des individus se ressent au travers de leurs yeux. Ils sont aussi utiles pour draguer que pour flinguer. Tout passe par le regard. Elle s’imaginait souvent deux soldats dans une tranchée pendant la Grande Guerre. Les deux globes oculaires bien enfoncés dans leurs orbites. La fureur, la bonté, dans les deux cas, un décès. Les yeux sont la réponse à tous les sentiments. Qui sait les lires devient roi. Zoé l’avait fusillée du regard, elle souhaitait sa mort, intérieure.
Jenny avait, encore, du mal à dormir cette nuit-là. La nouvelle l’avait secouée. Serait elle à la hauteur du travail ? Le Zopiclone fournit par son médecin traitant l’aidait bien dans ses délires nocturnes, mais le sommeil était devenu un objectif difficile à atteindre pour elle.
Le lendemain, Jenny se dirigeait, encore une fois, vers son atelier pour continuer le Cézanne quand Tom croisa son chemin.
— Salut Jenny, on se voit ce soir ? fit-il, en essayant de gonfler ses pectoraux flasques de quadragénaire.
— Je ne sais pas trop Tom… sa réponse l’avait quelque peu décontenancé.
— Il se passe quelque chose, ça ne va pas ? Tom devenait un peu trop intrusif pour Jenny.
— Je t’enverrais un SMS en sortant du travail, à plus tard.
Jenny pressait le pas pour ne pas pousser plus loin la confrontation. Aujourd’hui, elle n’avait vraiment pas envie de sa « bite mi-molle ». Pourtant, elle était satisfaisante, au moins une fois sur trois. De retour dans le calme de son atelier, elle revivait. Seule avec ses soins, seule avec les grands maîtres, seule avec la mort.
Jenny aimait cette solitude, quand elle n’avait rien d’autre à penser que de raviver les pigments de couleur originale d’un tableau. Elle se sentait libre, à vrai dire, c’était bien là, l’unique endroit où elle s’était sentie calme et apaisée ces dernières années. Jenny était une femme, une vraie, avec tout ce que cela engendre, le cerveau qui mouline, les pensées qui traversent à cent à l’heure, exactement comme un homme, mais, exagérément. Elle avait une forte tendance à la dépression. Le moindre problème dans sa vie prenait des proportions gigantesques alors, quand elle tomba sous le charme, fantasmé, d’un tableau inconnu, sa vie bascula subitement, mais, pour l’instant, elle se contentait de satisfaire son patron.
Jenny ne voulait pas perdre son travail, elle l’aimait malgré tout…
II
À la guerre comme à la guerre. Son père venait de soigner la première blessure enfantine de Jenny. Cela n’était qu’une écorchure, mais cette simple phrase résumait une bien triste jeunesse et le peu d’attention que celui-ci lui porterait.
Elle ne devait pas avoir plus de dix ans lorsqu’un garçon fit une première tentative d’approche. Il était plus vieux qu’elle, sans nul doute. Une agréable journée d’été dans les rues de Trouville-sur-Mer. Accompagné de sa mère, Françoise, qui baguenaudait au milieu des commerces à touristes. Jenny adorait les balades avec elle et habituellement elles finissaient leur après-midi sur la plage. Un superbe front de mer sans trop de vent, un soleil qui distribuait juste ce qu’il fallait de rayons puis ce jeune garçon. Françoise avait remarqué les deux enfants se tourner autour, elle laissait son œil droit observer la scène tandis que le gauche se divertissait sur un livre d’Edgar Allan Poe. Elle trouvait le romantisme noir des nouvelles de l’auteur extrêmement plaisant. Et fut vite absorber par la lecture, elle en oublia les deux amants précoces.
Ses parents