Au temps conté: Nouvelles
Par Denis Kientzel
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À propos de ce livre électronique
Il est des mots, il y a le temps. L’auteur y attache des sentiments, des idées, voire une double signification pour composer un train abstrait et cette seule certitude : nous mourrons tous un jour.
La première nouvelle de ce recueil aurait pu être une seule vie, il a été tentant derrière différentes fenêtres d’en décrire de courts instants, ceux de dix d’entre elles.
Pour poursuivre la lecture, de brefs regards, tels un convoi auquel se rattachent des wagons, humoristiques parfois, pour porter la réflexion sur ce dénominateur commun : le temps.
Laissez-vous imprégner par ces dix nouvelles sur la vie et le temps, à lire et relire!
EXTRAIT DE Chronique d'une soirée ordinaire.
L’horloge égrène le temps qui passe dans son habit de sang, comme le réverbère illumine la nuit troublée par l’éclat blafard de la lune montante. Dix fenêtres aux solennités d’une fin de journée ordinaire se dessinent dans la cité progressivement appréhendée par la nuit.
Première fenêtre : Tordu de douleur, le visage de la parturiente se crispe davantage. La délivrance, enfin. La chambre résonne du cri primal. L’accouchement s’est opéré sans difficulté et le bonheur illumine le visage de la jeune mère. La sage-femme lui tend le nouvel être. C’est une fille. Le train de la vie est en route pour ce petit humain au fluide vital bouillonnant d’espoir. Elle le voulait, cet enfant, avec le désir inconscient de perpétuer l’espèce, malgré la précarité. Donner la vie représentait pour elle l’accomplissement, la chose la plus belle et la plus incertaine aussi. Elle avait dû se battre, chercher, pour obtenir enfin un toit, cette chambre de bonne mansardée à la petite lucarne dans les combles de la vieille maison aux murs épais d’un autre âge.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ned Leztneik est retraité des métiers du Livre. Il commence ses travaux d’écriture en 2011. Ceux-ci représentent pour lui une suite logique de cette carrière. L’auteur, passionné de voyages et de rencontres, partage aujourd’hui son temps entre son Alsace natale et l’Espagne tout en poursuivant ses travaux.
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Aperçu du livre
Au temps conté - Denis Kientzel
Préface de l’auteur
Ce petit recueil est mon second travail d’écriture, revu et augmenté dans cette nouvelle édition.
Après la parution de mon premier roman, j’ai eu la chance de pouvoir suivre un cours de littérature narrative en espagnol, animé par deux auteurs connus dans ce pays. Cette formation m’a permis d’améliorer mon style. Les textes que vous allez découvrir ont été écrits lors des sessions de ce nouvel apprentissage.
Vous, futurs auteurs, qui m’accorderez un peu de temps à les lire, j’aimerais vous demander si vous savez dessiner. Vous comprendrez pourquoi dans quelques pages.
Quant à vous, chers lecteurs, je vous souhaite autant de plaisir à découvrir cet ouvrage que celui qu’il m’a été donné d’éprouver en m’exprimant dans cette compilation sans prétention.
Chronique d’une soirée ordinaire
L’horloge égrène le temps qui passe dans son habit de sang, comme le réverbère illumine la nuit troublée par l’éclat blafard de la lune montante. Dix fenêtres aux solennités d’une fin de journée ordinaire se dessinent dans la cité progressivement appréhendée par la nuit.
Première fenêtre : Tordu de douleur, le visage de la parturiente se crispe davantage. La délivrance, enfin. La chambre résonne du cri primal. L’accouchement s’est opéré sans difficulté et le bonheur illumine le visage de la jeune mère. La sage-femme lui tend le nouvel être. C’est une fille. Le train de la vie est en route pour ce petit humain au fluide vital bouillonnant d’espoir. Elle le voulait, cet enfant, avec le désir inconscient de perpétuer l’espèce, malgré la précarité. Donner la vie représentait pour elle l’accomplissement, la chose la plus belle et la plus incertaine aussi. Elle avait dû se battre, chercher, pour obtenir enfin un toit, cette chambre de bonne mansardée à la petite lucarne dans les combles de la vieille maison aux murs épais d’un autre âge.
Malgré la douleur, elle se lève, la chair de sa chair dans les bras, pour allumer la bougie posée depuis plusieurs jours devant l’ouverture. Une lueur incertaine éclaire plus encore le vieux carreau en verre de reflets tremblants, prémisses de jours meilleurs. Il n’y a pas de père, elle le sait. Elle lève les yeux vers le ciel. La lune veille sur eux.
Deuxième fenêtre : J’ai fini mes devoirs. Il commence à faire sombre et j’allume la lumière. Papa va rentrer du travail. Maman est dans la cuisine. Elle fait un gros gâteau au chocolat pour mon anniversaire. C’est long. Maintenant, il doit encore cuire. Elle me demande de l’aider à mettre la table. La nappe est dessinée avec deux traits sur les bords. On dirait des rails, les mêmes que les vrais. J’entends la porte qui s’ouvre. C’est papa qui arrive avec un gros paquet. Il pose le carton par terre. Je vais vers lui et je l’embrasse. Il me souhaite un bon anniversaire et me dit que je peux ouvrir mon cadeau. Maman est là aussi. Ils s’embrassent tous les deux pendant que je tire sur le ruban pour défaire le nœud. Je trouve une boîte rouge du Jouet Français sous le papier avec son petit bonhomme accroupi dessiné dessus. Je veux faire comme lui. Le nœud est compliqué, mais je réussis à l’ouvrir. Il y a des rails, une locomotive, des wagons, une gare et un transformateur avec un papier plié dans un coin. Il commence à faire froid. Papa allume le fourneau. On va manger et, pour une fois, je finis mon assiette. Après le gâteau, c’est le grand moment. Je vais faire rouler mon train. Papa m’aide à construire par terre un grand ovale avec deux rangées de rails d’un côté. Il pose la gare et me montre comment mettre la locomotive et les wagons sur les rails. Il branche le transfo. Il ouvre un tiroir dans le buffet et sort un vieux sifflet de quand il était gendarme. Il siffle trois fois et je tourne le gros bouton. Mon train roule de plus en plus vite et je fais comme le petit bonhomme pour changer l’aiguillage. J’arrête le train devant la gare. Il est tard. Maman me dit qu’il faut aller se coucher. Papa me prend dans ses bras et on regarde par la fenêtre. Il y a aussi des trains dehors. Je les entends siffler. Plus tard, je veux les conduire. Je fais ma toilette et je vais au lit. Maman éteint la lumière. Cette nuit, je veux rêver des trains, de la gare et des wagons.
Troisième fenêtre : Il avait roulé toute la journée. En se levant, il savait qu’il devait quitter une fois de plus un maître qui lui avait enseigné une nouvelle part de savoir, mais il devait poursuivre son tour de France. Une nouvelle adresse dans une ville inconnue l’attendait, et le train était le meilleur moyen pour atteindre cette destination. Un logement bien meublé, propre et bien entretenu, lui permettrait de continuer à vivre dans des conditions correctes. Il s’y rendit de suite en descendant du wagon. Le nouveau maître attendait le compagnon au pied de l’immeuble et lui remit les clés, après qu’ils eurent échangé les signes de reconnaissance traditionnels. Il lui dit simplement qu’il l’attendrait le lendemain à l’atelier, à 6 heures. Le jour commençait à tomber lorsqu’il prit possession des lieux, excité à l’idée de cette nouvelle expérience qui s’offrait à lui. Il n’avait pas faim. Il déballa son balluchon, prit avec précaution les notes qui résumaient tout ce qu’il avait déjà appris, pour inscrire ses premières impressions après avoir allumé la lampe. En regardant par la fenêtre, il s’aperçut que la nuit, porteuse de nouveaux songes, était apparue. Le futur recelait le trésor de nouvelles connaissances.
Quatrième fenêtre : Nous célébrions l’anniversaire de la libération du petit village, où M. devenu ministre avait voulu rendre un hommage à ses anciens compagnons d’armes. J’avais été désigné comme porte-drapeau par le comité, et nous défilions martialement au son de notre hymne devant la tribune officielle. Lorsqu’il nous vit, M. se leva et nous rejoignit, fier de sa présence à nos côtés. Plus loin, une équipe de télévision de ce pays redevenu notre ami, enregistrait l’événement. Ce matin-là, nous avions bénéficié d’une circulation spéciale, en autorail, pour nous retrouver tous. Sur le chemin du retour, l’un des nôtres nous relata quelques paroles prononcées par l’équipe des actualités étrangères après la cérémonie. Ils nous avaient observés, et s’étaient étonnés de notre matériel qui, selon eux, ne pouvait être celui de la vraie télévision. Tout cela pour une simple ampoule de projecteur cassée pendant le transport. Il me restait à prendre une correspondance pour rejoindre mes pénates, mais le train avait du retard. Ce n’est que vers neuf heures du soir que j’arrivai chez moi, passablement éreinté. En me rendant compte que j’avais oublié, le matin même, d’éteindre la lumière en partant, je ne pus m’empêcher de m’adresser des imprécations. Un mouvement réflexe, éteindre, pour rallumer aussitôt en me rendant compte que la pièce était plongée dans le noir, tout en repensant à ce que notre camarade avait entendu. Décidément, ils ne changeront jamais.
Cinquième fenêtre : La nuit. Celle de ses yeux morts, depuis ce stupide éclat métallique qui avait frappé son centre de la vision, lors de l’attentat, alors