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Une plume sous contrôle: Thriller politique
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Livre électronique353 pages5 heures

Une plume sous contrôle: Thriller politique

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À propos de ce livre électronique

Un jeune journaliste de province débarque dans un univers où la presse, la politique, les femmes et le chantage font bon ménage...

Lorsque en ce jour maussade, Rémy Vernier regarde le cercueil descendre en terre, il ne peut s’empêcher de dire que cet homme-là est mort à cause de lui, pour immédiatement se reprendre et ajouter avec fierté : « Grâce à moi ».
Rémy Vernier débute dans le journalisme de province en jeune naïf. Il lui faudra peu de temps pour comprendre les rouages d’un mécanisme diabolique où la presse, la politique, les femmes et le chantage forment un passage obligé pour survivre et tenter de réussir. En même temps qu’il succombe aux charmes d’Élisabeth, une explosive maîtresse, Rémy Vernier croise le chemin de Paul-Henri Chasserand, dernier magnat d’un textile décadent dans une région en survivance. Cet homme déterminé aux objectifs politiques démesurés, sans autre morale que la sienne, tire les ficelles d’un jeu macabre dans lequel Rémy Vernier n’est qu’un journaliste pantin. Jusqu’au jour où une femme, une autre, s’offre à lui pour qu’il entre en révolte, et lui donner l’envie de retrouver son honneur.

Suivez Rémy Vernier dans sa révolte, avec ce thriller politique aux rouages explosifs et au suspense haletant !

EXTRAIT

— L’important, madame, c’est de savoir où se trouve Chasserand. Vous le savez ?
— Oui, dit-elle sèchement.
— Oui, mais encore ? À moins que ce ne soit un secret professionnel.
— Vous êtes chez vous, sur un portable, dans une cabine ?
— Chez moi avec mon portable, mais ça change quoi ?
— Ça change tout. C’est exact votre numéro s’affiche. Sur votre ligne fixe, j’aurais raccroché, vous êtes sur écoute, monsieur Vernier.
— Je sais, pour le compte des Communistes, le chef du central est un copain du maire, c’est Chasserand qui me l’a dit.
— Non, monsieur Vernier, vous vous trompez, dit-elle avec un peu d’amusement. Sur écoute oui, mais pour le compte de Chasserand. Mais de toutes les façons, je ne peux rien vous dire au téléphone. Puisque vous avez encore mon numéro, vous avez également mon adresse. Alors, venez, je vous attends, vous avez une demi-heure.
— Mais vous êtes folle, je ne vais pas faire 25 km pour m’entendre dire que…
— Vous n’avez pas le choix, monsieur Vernier, reprit-elle d’une voix cette fois totalement réveillée. Vous ne savez rien de ce que j’ai à vous dire et je pense que vous apprécierez. Alors, venez.
Et elle raccrocha sans attendre ma réponse.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Journaliste, photographe, maquettiste, Jack Durvicq a connu toutes les formes de journalisme en presse écrite : Le Journal d’Elbeuf, Paris Normandie, Le Courrier-Picard, Télé 7 Jours. Formateur pendant dix ans au C.F.P.J., il crée ensuite plusieurs sociétés de communication et réalise les revues internes de la SNCF, du Ministère de l’Intérieur, des Logis de France et de plusieurs fédérations sportives. Pour les amoureux du terroir et du patrimoine, il fonde en 1995, la revue Balades en France. Aujourd’hui, il écrit, peint et photographie en Charente-Maritime, face à la mer.
LangueFrançais
Date de sortie30 juil. 2019
ISBN9782851136312
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    Une plume sous contrôle - Jack Durvicq

    Jack Durvicq

    Une plume sous contrôle

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Jack Durvicq

    ISBN : 978-2-85113-631-2

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.

    À Rose, ma petite-fille

    Préambule

    Toute la ville était représentée, par petites grappes d’hommes et de femmes soigneusement regroupées par affinités : les notables, les personnalités, ceux du clan, et la famille du défunt. Il y avait également les amis, les curieux et ceux qui, par principe ou par oisiveté, font partie de tous les enterrements. Se trouvaient là, de la même manière, les « sans étiquettes », les sans-grade, venus parce que celui qui retournait à la terre aujourd’hui ne ressemblait pas tout à fait aux autres. Parce qu’il était pire.

    Le petit cimetière, logé sur les contreforts de la colline, dominait la ville et la vallée de la Seine. Toute la vallée, jusqu’à la deuxième boucle, quand le fleuve s’enfonce au milieu des arbres pour disparaître, aux yeux de ceux que le paysage avait détournés de la cérémonie. Une petite pluie fine fouettait les visages au gré de quelques rafales. Le vent passait, ici, pour prendre son élan avant de s’engouffrer dans le lit du fleuve qui le menait en amont, vers d’autres horizons, pour agresser d’autres visages.

    Les pieds dans la boue, au milieu des pots de chrysanthèmes des années précédentes, abandonnés derrière les tombes, il regardait, entre les croix, le troupeau nonchalant venu rendre au défunt un dernier hommage, à moins que ce ne fût une dernière politesse, une dernière corvée. Lui qui n’avait jamais été totalement triste dans les cimetières, pensait que les morts, du fond de leur cachette, observaient nos mines défaites et le dessous de nos semelles, en riant de celles que le temps – notion oh combien dérisoire pour eux – avait largement trouées.

    Aujourd’hui, col remonté, mains dans les poches et tête baissée pour éviter la pluie autant que pour ne pas être reconnu, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une joie intérieure, mêlée à l’immense soulagement que la mort de cet homme représentait pour lui. C’était comme si, après l’humiliation des défaites, il triomphait enfin, et contre toute attente. Soudainement, il se voyait boxeur, pour se relever à l’ultime seconde et donner un coup fatal sorti de nulle part ; ou toréro blessé pour finalement placer l’estocade dans un jaillissement de sang qui ne serait pas le sien. Tous les combats du monde défilaient dans sa tête, toutes les victoires lui appartenaient. Et quand il pensait que Paul-Henri Chasserand, dont le cercueil descendait en terre à quelques mètres de là, était probablement mort à cause de lui, il ne pouvait empêcher de se reprendre et d’ajouter ; « Grâce à moi ».

    Personne n’avait prêté attention à sa présence discrète, ce dont il se félicitait, à moins que certains aient feint de ne pas le reconnaître. Il savait depuis longtemps que la notoriété se perd aussi vite qu’elle s’acquière, la sienne y compris ; et n’ignorait pas que les braves gens n’aiment pas ceux qui traînent la mort derrière eux. Or, en cet instant, si Chasserand reposait sous terre, lui se sentait bien vivant. Vivant mais seul, et il ne savait pas encore à quel point les situations les mieux établies peuvent changer en un rien de temps.

    ooOoo

    Chapitre 1

    Rémy Vernier se félicitait encore de son arrivée à « La Ruche », avec le titre de rédacteur stagiaire ; la chose lui paressait tellement improbable quelques semaines auparavant. Ce jour-là, dans ce journal de province qui avait bercé son adolescence, personne, ou presque, ne remarqua vraiment ce jeune homme exagérément discret qui attendit d’y être invité pour prendre possession d’un bureau laissé libre par son prédécesseur.

    Rémy Vernier réalisait un vieux rêve en embrassant la profession de journaliste, à ses yeux, merveilleuse et chargée de tous les honneurs qu’il put désirer pour un véritable premier emploi ; le tout venant après un bac difficilement obtenu, un début calamiteux en fac de Droit et une succession de petits boulots peu reluisants. À 27 ans, Rémy s’était naïvement risqué à proposer ses services à quelques journaux de la région normande, ignorant que, là comme ailleurs, sans expérience il n’existe pas de carrière facile, si carrière il y a. Et si en la circonstance il ne disposait pas réellement des moyens qui forgent généralement les grands reporters et les présentateurs du JT, il ne pouvait nier que la chance lui avait mis sous le nez une belle occasion.

    « Je viens de licencier un de mes rédacteurs, lui avait dit le directeur de La Ruche, si vous savez écrire autrement qu’avec vos pieds en sachant prendre une photo qui ne soit pas floue, vous commencez demain ».

    René Gavelot, directeur de « La Ruche », avait engagé Rémy Vernier au nom d’un vieux proverbe paysan qui veut que faute de grives on mange des merles, tout en faisant confiance à ses instincts qui lui permettaient de déceler chez ce jeune innocent, une parfaite bonne volonté dont il savait avoir besoin. Bref, il ne voyait aucun risque à s’attacher les services d’un garçon apparemment malléable dont il saurait utiliser au mieux les compétences.

    Rémy n’était pas ignorant des circonstances qui lui valaient de faire son entrée à « La Ruche ». Il savait quelle place il allait y tenir et quel travail il devrait fournir pour être reconnu : le travail de celui qu’il remplaçait. Travail d’autant plus important qu’il ne connaissait rien à la presse, si ce n’est qu’elle l’envoûtait depuis sa plus tendre enfance. Envoûtement considérablement amplifié dès lors qu’il mit les pieds pour la première fois dans la salle de rédaction.

    Il ne fallait pas compter sur René Gavelot pour contribuer à faire disparaître le désordre intérieur qui régnait dans l’esprit de Rémy à la perspective de se heurter à des pages blanches. Directeur administratif autant que rédacteur en chef, Gavelot était un homme coléreux autant qu’impulsif, supportant mal l’adversité qui le renvoyait parfois à ses limites. Taillé en pièces, voire ridiculisé par un interlocuteur talentueux, qu’il soit notable ou non, Gavelot se montrait capable de vengeance sans scrupule face à de plus modestes que lui.

    Et en effet, il n’avait pas fallu beaucoup de temps à Rémy pour comprendre que Gavelot ressemblait moins à un directeur qu’à un prisonnier ; plus à un pigeon qu’à un vieux renard, au contraire de ces grands patrons de presse de l’après-guerre dont il restait aujourd’hui plus de souvenirs que de leçons, et qui alimentaient toujours les espérances professionnelles du jeune Rémy. Prisonnier, parce que n’étant pas sorti de « sciences po » ou d’une école de journalisme, Gavelot devait se contenter de ce qui lui était offert par les actionnaires du journal ; pigeon parce qu’il était évidemment utilisé pour servir des intérêts qui le dépassaient. Rémy ne supposait pas à quel point ce constat allait s’avérer parfaitement exact.

    Ayant assez rapidement compris le type de relations qu’il devrait installer entre lui et Gavelot, Rémy Vernier allait devoir s’imprégner des méandres de cette profession qu’il vénérait par ignorance et admirait sans borne. C’est tout juste s’il devinait les déboires à venir, parallèlement à d’immenses joies et de nombreuses satisfactions personnelles. En un mot, Rémy Vernier était professionnellement vierge, intellectuellement demandeur, amoureusement ouvert, étant entendu qu’un lutin malicieux aurait pu intervertir substantifs et adjectifs sans que cela y changea grand-chose. Cela aussi Rémy n’allait pas tarder à le découvrir.

    La préoccupation première du jeune stagiaire de « La Ruche » consistait dans l’immédiat à faciliter son insertion au sein de l’équipe rédactionnelle, réduite mais existante, avec toute la modestie que lui imposait son statut. Il s’attendait à un léger bizutage ; il allait découvrir bien pire.

    Pire, c’était le climat interne du journal, qui ressemblait davantage à un cataclysme qu’à l’anti cyclone auquel il aspirait. Pire, c’était Michèle Pellennec, l’autre journaliste de « La Ruche », qui assurait une grande partie du contenu rédactionnel. Ce fut très vite évident, elle n’avait toujours pas accepté le licenciement de son confrère, celui-là même que Rémy Vernier remplaçait désormais, et dont il ne faisait quasiment aucun doute qu’elle avait dû en être amoureuse. Le tableau était brossé, il ne manquait que les détails qui n’allaient pas manquer d’apparaître.

    L’affaire aurait pu paraître banale en d’autres circonstances, en d’autres lieux, dans un autre environnement professionnel. Mais là, dans un journal local, où chaque mot écrit pouvait donner l’impression de venir d’un malaise ou d’une désapprobation, la cohabitation entre un nouveau et une ancienne confinait à l’impossible. Les humeurs de René Gavelot apparaissaient comme de délicates gracieusetés auprès de ce qui attendait Rémy face à Michèle Pellennec.

    oo0oo

    Michèle Pellennec cherchait le partenaire idéal pour la seconder dans une tâche journalistique de plus en plus astreignante, pas un Rouletabille en jupon qui découvrirait avec horreur qu’un journal n’est pas essentiellement destiné à des lecteurs que l’on peut prendre pour des imbéciles.

    Alors qu’internet sévissait sur toute la planète, elle se résignait difficilement à photographier les canards à trois pattes, les sapeurs-pompiers valeureux et les centenaires souriantes ; mais elle le faisait et attendait celui qui donnerait un souffle nouveau à des informations locales qu’elle jugeait fades et mielleuses. Donc, pas d’a priori négatif face au nouveau venu, mais pas de cadeaux non plus. D’autant moins de cadeaux que le licencié ne partageait pas seulement la salle de rédaction avec Michèle Pellennec ce que personne n’ignorait à « La Ruche ». Il occupait une place privilégiée dans le cœur volcanique de cet ouragan fait femme, cela devenait limpide pour Rémy. René Gavelot s’étant débarrassé de son journaliste pour une très évidente incompatibilité d’humeur, doublée d’une réticence affichée à voir deux membres de sa rédaction partager leur lit et leur stylo, le remplaçant ne pouvait être qu’un intrus aux yeux amoureux de Michèle. Ce n’était pas le moindre des obstacles pour Rémy Vernier qui n’en perçut pas immédiatement l’ampleur.

    Ainsi donc, pendant des semaines, en présence de Michèle, Rémy Vernier perdait son temps à recueillir des informations qu’elle possédait depuis longtemps. En son absence, il se noyait dans un océan indigeste de paperasserie et ressemblait davantage à un poisson dans une cuve de fuel qu’à un journaliste. Et s’il ne subissait pas l’une ou l’autre de ces vexations, il se heurtait au sourire désobligeant des ouvriers de l’atelier de fabrication, dont le jargon professionnel le laissait pantois.

    Michèle Pellennec était la seule à pouvoir sortir le journal en temps voulu, deux fois par semaine, sans l’aide rédactionnelle de personne, bien que son arrivée à « La Ruche » n’ait pas été sans problème pour elle non plus. Bretonne de cœur, elle supportait mal d’avoir dû quitter sa Côte sauvage pour gagner sa vie en décrivant les fêtes foraines et les concours de pétanque. Les gens d’ici ne lui en tenaient pas rigueur. Elle réussissait à être gentille avec tout le monde. Presque. Au commissariat de police, Michèle faisait fureur. Sa frimousse espiègle de jeune bretonne avait tout de suite plu aux spécialistes du fait-divers. Pas vraiment belle, plutôt jolie, elle possédait, en plus d’un délicat nez en trompette, le charme agressif des femmes de caractère qui ne laissent pas les hommes indifférents. Son mètre cinquante-cinq terminé par une boule de cheveux blonds, coupés courts, avait le don de semer la bonne humeur chez les agents de la force publique. Ils en avaient même oublié le vieux Raymond qui assurait la rubrique des « chiens écrasés » avant l’arrivée de Michèle. Dans les couloirs de la police, l’odeur de son parfum remplaçait avantageusement celle du beaujolais qu’affectionnait particulièrement son prédécesseur.

    À « La Ruche », comme ailleurs, Michèle, elle aussi, était connue pour des colères dont René Gavelot s’accommodait. Parfois, afin d’asseoir son autorité sur une petite victoire, il ordonnait à Michèle de réaliser un reportage qu’elle venait justement de refuser. Question de principe, pour ce directeur qui par ailleurs, en avait peu. Mais la satisfaction de Gavelot n’était jamais totale, jamais bien longue. À chaque fois, claquant la porte derrière elle, une injure au bord des lèvres, Michèle pénétrait dans le bureau de son directeur avec la ferme intention de régler ses comptes. Pour le plus grand plaisir de Madame Leguilloux, la réceptionniste, qui branchait alors discrètement l’interphone pour faire profiter tout le journal des leçons de journalisme que se donnaient mutuellement le directeur et sa journaliste. Gavelot vociférait quelques menaces, exigeait, ordonnait, avant de succomber devant l’obstination de ce petit bout de femme qui lui inspirait des sentiments divers et contradictoires. Il n’avait jamais vraiment considéré Michèle comme une journaliste et certains n’excluaient pas qu’il vît en elle davantage la femme que l’employée de rédaction. Son attitude s’en ressentait. Et Madame Leguilloux, dont la principale occupation consistait à tout savoir en osant le répéter, se demandait parfois si ce veuf de 49 ans n’éprouvait pas une sorte de faiblesse pour le sourire coquin de cette petite que personnellement elle aimait bien. Tout en fait le laissait penser. Alors, en attendant l’orage suivant, Gavelot et Michèle terminaient généralement leur duel devant le steak au poivre du restaurant voisin, seul point commun qu’on leur connaissait vraiment.

    oo0oo

    Malgré toutes les tensions quotidiennes, les querelles, les regards hostiles, les mots blessants et l’ambiance générale peu propice à l’épanouissement professionnel d’un novice, les mois qui suivirent l’arrivée de Rémy à « La Ruche » furent les témoins de rapides progrès. Parmi les nombreuses personnes habituées à prendre contact avec la rédaction et les représentants de « La Ruche », beaucoup aimaient à reconnaître les talents de ce garçon sympathique, pour lequel les susceptibilités à ménager, les sensibilités à percevoir, les ambiguïtés à lever, n’avaient presque plus de secret. Il progressait très vite.

    La plus grande surprise provenait de la classe dirigeante : les élus locaux, les politiciens, ceux que l’on retrouve régulièrement dans les assemblées générales, pour les discours convenus, dans les réunions de travail de la Communauté de commune, de la Chambre de commerce, et, plus encore, dans les cocktails qui ponctuent ces rassemblements d’aréopages convaincus de leur science. Mais Rémy Vernier n’était pas dupe. En lui témoignant une sympathie trop rapide pour ne pas être intéressée, ces maîtres de l’hypocrisie signifiaient du même coup une certaine répugnance à traiter de politique avec une femme. Michèle Pellennec ne leur pardonnait pas. Ayant décidé de ne pas s’abaisser devant ceux qu’elle appelait les « costards trois-pièces » de ville moyenne, elle s’était octroyé les rubriques plus féminines, propres néanmoins à satisfaire une plume souvent acide, mais toujours de qualité. En ne s’occupant que du terrain qu’elle avait choisi, Michèle savait qu’elle jetait Rémy dans les bras grands ouverts des requins locaux de la politique et de l’industrie. Mais l’étreinte n’était pas faite pour déplaire à ce jeune ambitieux. Il lui était même venu pour l’eau trouble une attirance nouvelle, voire incontrôlable ; une sorte de jouissance à entrer dans le jeu, sachant par avance qu’avec beaucoup de prudence il pouvait en être, à la fois, l’arbitre et le vainqueur, tout en évitant, autant que faire se peut, d’en devenir la victime.

    Au plaisir qu’il trouvait à s’être ainsi imposé, il lui aurait fallu ajouter la méfiance, qualité qu’il n’avait pas encore eu le temps de parfaire. Certes, au fil des mois il avait acquis cette habitude qui façonne les carapaces les plus robustes, du moins le croyait-il, et il s’était élevé au-dessus de la mêlée, du moins lui disait-on, restant méfiant, voire insensible aux premières manœuvres de flatterie ou d’intimidation. Mais il oubliait, pour ne pas le savoir, qu’à trop se frotter on se pique ; qu’à jouer avec le feu on se brûle. Il n’allait pas tarder à comprendre que ces expressions, mille fois entendues dans la bouche de son grand-père, n’étaient pas seulement destinées à être perdues dans nos livres. Il allait y être confronté et c’était pour lui une longue histoire qui commençait.

    Chapitre 2

    Alors que j’arrivais avec Michèle dans la grande salle des fêtes de l’Hôtel de Ville, les premières estimations circulaient. Au terme d’une journée entièrement consacrée à photographier les maires du canton déposant leur bulletin de vote dans l’urne, nous arrivions, avec la certitude d’apprendre la réélection d’Edmond Bonnet, maire communiste de la ville, conseiller général sortant et candidat au renouvellement de son mandat. Sous le magnifique lustre vénitien, les états-majors refaisaient une nouvelle fois leurs calculs, affinaient les pourcentages, observaient l’ennemi. Rien ne semblait définitivement joué, mais tout semblait normal, comme à chaque élection. En ce mois de mars 1998, Edmond Bonnet s’apprêtait à entamer un troisième mandat de conseiller général, Michèle et moi connaissions notre première journée d’élection depuis mon arrivée à « La Ruche » et tout allait désormais très bien entre nous.

    La fine moustache en effervescence, Albert Demaison, le secrétaire général de la mairie, allait de table en table collecter les résultats définitifs, tandis qu’il surveillait l’arrivée des scores obtenus dans les autres communes du canton. Tout allait se jouer ici dans moins d’un quart d’heure.

    En vingt ans passés à ce poste, Albert Demaison avait connu trois maires et deux conseillers généraux différents. Il savait tout, entendait tout, deux qualités qu’à son contact j’avais appris à développer. C’est à lui que je devais d’être aujourd’hui accepté dans certaines sphères politiques de la région, là où s’élaborent les grandes manœuvres, là où les investitures de partis se font et se défont, là où les désistements du premier tour s’envisagent, se réalisent ou capotent. C’est lui qui freinait mes ardeurs, contenait mes impulsivités, dirigeait mes hésitations. Il avait largement contribué à forger ma personnalité de journaliste et mon regard sur le monde politique ; et grâce à lui, je pouvais faire usage du pouvoir discrétionnaire qui m’était reconnu par tous les secrétaires de partis, les leaders syndicaux et les divers élus locaux du canton.

    Beaucoup auraient volontiers poussé Albert Demaison vers la retraite, mais celui-ci possédait une valeur essentielle qui le préservait des coups bas : une impartialité exemplaire, accrochée à un caractère forgé dans le béton. Et à l’aube du troisième âge, expression dont il savait qu’elle ne signifiait rien, Albert Demaison appréciait, semble-t-il, de retrouver en moi le jeune homme fougueux qu’il fût, et le journaliste qu’il aurait probablement aimé être. Il m’aimait bien et je lui rendais au centuple.

    À l’heure des résultats, c’est René Blainville, le premier adjoint, qui prit la parole pour annoncer officiellement la réélection d’Edmond Bonnet comme conseiller général du canton, avec un peu moins de 800 voix d’avance sur le candidat de Droite ayant regroupé les divers courants d’opposants au maire communiste. Au milieu des applaudissements, je savais déjà que paradoxalement, cette nouvelle défaite des forces de Droite allait stimuler leur appétit et générer quelques réactions dans un proche avenir. Élections municipales en 2001, présidentielle et législatives en 2002, voilà qui ne pouvait laisser indifférents les adversaires de Bonnet. Il allait se passer des choses et j’étais persuadé qu’Albert Demaison pouvait m’aider à y voir plus clair dans les stratégies qui n’allaient pas tarder à se dessiner. Dans ce domaine, il n’est pas trop de trois années pour peaufiner les stratégies.

    À la fin de l’ovation qui suivit la fastidieuse mais réglementaire lecture des résultats complets de l’élection du jour, une chaleureuse ovation salua de nouveau Edmond Bonnet, le vainqueur venu rejoindre son premier adjoint, et qui remercia tout le monde, n’excluant personne à l’exception de ses parents et de son chien, comme s’il venait de recevoir un César. Mais le plus étonnant advint au moment où il demanda le silence d’une manière anormalement appuyée.

    — Je ne voudrais pas terminer cette séance de remerciements, sans évoquer, au nom d’une grande partie des candidats à cette élection cantonale, un des acteurs essentiels de la campagne électorale qui vient de se dérouler avec passion, parfois avec agressivité. Je voudrais donc rendre un hommage tout particulier à la manière dont la presse locale a rendu compte de cette période que nous venons de vivre et qui fut pour le moins très animée. Et puisque le principal artisan de cette réussite se trouve dans cette salle, je m’autorise, là encore au nom d’une majorité des candidats qui ont bien voulu m’en faire état, à saluer le journaliste de « La Ruche » en charge des dossiers politiques, j’ai nommé Rémy Vernier ».

    C’est tout juste si je fus certain d’avoir bien entendu mon nom. Il me fallut la confirmation des regards tournés vers moi pour être définitivement convaincu qu’il ne s’agissait pas d’un autre. Je ne pensais pas qu’une telle attitude fut possible un soir d’élection. Mais les bras de Blainville et de Bonnet, tendus dans ma direction, ne laissaient planer aucun doute et indiquaient clairement qu’il me fallait accéder à l’estrade. Me contentant de saluer d’un hochement de tête, je pris le bras de Michèle pour qu’elle recueille avec moi une partie de ce petit moment de gloire aussi éphémère qu’hypocrite, nous le savions tous.

    Après trois ans de présence à « la Ruche », je me trouvais pour la première fois sur le devant de la scène, de manière un peu trop officielle à mon goût. Mais je ne détestais pas. Ainsi livrés aux regards de l’assistance, Michèle et moi n’étions pas dupes. Elle me savait le seul destinataire de cet hommage et en tentant de l’y associer j’essayais de la remercier du soutien qu’elle m’avait apporté. Elle se dégagea doucement, recula d’un pas et me laissa seul devant. Devais-je voir en ce geste un rejet de mon action lors de la campagne électorale ? Ou, plus sûrement, un refus d’être applaudie par des « costards trois-pièces » qu’elle détestait ? Je lui repris la main et cette fois nos deux bras se levèrent légèrement afin d’afficher ostensiblement un salut en duo. Ainsi, cela ressemblait à l’apothéose d’une complicité professionnelle, souvent tumultueuse, que nous devions au temps plus qu’à nous même.

    Aujourd’hui, étant exposés tous les deux aux regards des notables locaux, ce n’était plus Rémy Vernier ou Michèle Pellennec, mais un duo de journalistes qu’Edmond Bonnet mettait en exergue. Et cela signifiait également que désormais ces messieurs allaient devoir prendre en compte l’existence de ma consœur, cesser leur discrimination machiste et revenir à une autre réalité. Avec « La Ruche », Michèle et moi, il existait désormais sur le canton une presse libre et indépendante avec laquelle tous devraient compter.

    En m’écroulant lourdement sur mon lit ce soir-là, voilà qu’elles étaient mes pensées, qu’avec fierté et naïveté je repassais en boucle dans un cerveau fatigué et ralenti par une journée électorale bien chargée. Fier je l’étais ; naïf je ne savais pas à quel point.

    oo0oo

    Avant de parvenir à la formation de ce couple, Michèle et moi avions traversé tout un désert d’incompréhensions et de malentendus. Traversée au cours de laquelle les chemins parallèles que nous empruntions se rapprochaient parfois. À notre insu souvent.

    En arriver là, dans ma vie, à « La Ruche », m’avait imposé de passer par quelques moments de désespoir au cours desquels il n’aurait pas fallu me pousser beaucoup pour que je repasse en sens inverse la porte d’entrée du journal. Je me consolais toujours en pensant que rien de bon n’arrive à ceux qui fuient et que même une fois « installés » les journalistes, y compris les plus grands, subissent bien des moments de désespérance. Me comparer à mes glorieux confrères me rassurait, bien que ne mesurant pas la distance qui nous séparait.

    L’attitude de René Gavelot, agissant en directeur de journal caractériel, n’avait pas été la moindre des épreuves à surmonter. Il n’avait jamais manqué de mettre en évidence mes erreurs, mes oublis, mes lacunes, mes interprétations hasardeuses dans le moindre de mes textes. De l’autre côté, Michèle s’était longtemps montrée indifférence à mes appels. Bien que ses présences puissent devenir très pesantes pour moi, c’est paradoxalement lorsqu’elle partait que je perdais une grande partie de ma motivation. Je la préférais distante à mes côtés plutôt que totalement absente. Là, au moins, elle sécurisait mes doutes comme mes craintes. Aujourd’hui, je me demande toujours si son comportement indifférent n’était pas dicté par le désir inavoué de me stimuler. Je ne lui ai pas demandé, je ne le saurai probablement jamais.

    La personnalité de Gavelot avait donc contribué à mon lent mais irréversible rapprochement avec Michèle. Il existait chez cet individu tous les ingrédients qui autorisent à dire d’un homme qu’il est antipathique. La sauce pouvait avoir belle allure, mais il valait mieux ne pas la goûter. N’étaient gourmands en la matière que ceux qui avaient le plus grand besoin des faveurs d’un patron de presse. Ils pouvaient être nombreux dans une agglomération de 50 000 habitants.

    Issu d’une famille modeste de commerçants, Gavelot était devenu directeur de « La Ruche » par inadvertance, par protection ou par erreur. Peut-être bien pour tout cela en même temps. Il s’était fait une petite place dans la bourgeoisie à la force du poignet. Entendez par là que sur les courts son coup de raquette était moins ridicule que son allure de jeune coq. Les efforts qu’il déployait pour séduire la basse-cour locale déclenchaient régulièrement l’hilarité des vieilles poules qui l’observaient tenter un ace tout en lorgnant la première jupette venue. S’il en était conscient, il s’en moquait bien.

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