#MeTöö
Le Mystère Yves Adrien
CÉDRIC BRU
Séguier
Le rock et la littérature ont ceci de commun que certains de leurs plus grands critiques ont atteint un statut presque aussi mythique que les artistes dont ils évaluaient l’oeuvre. Le critique rock et écrivain Yves Adrien, héros maison de R&F, est sans aucun doute de ceux-là, ses admirateurs sont, sinon très nombreux, tout du moins passionnés et plus que dithyrambiques. Les méritent-ils, lui comme son travail, voilà une autre question, et le livre du journaliste Cédric Bru, “Le Mystère Yves Adrien” allait, pensait-on, répondre à cette interrogation. Il n’en, un être de lumière qui survolerait le siècle avec tout à la fois panache, pénétrante vision et stylistique perfection. Comme souvent avec les fervents d’Adrien, t’es d’ailleurs jamais sûr s’ils l’aiment tant pour ce qu’il a écrit ou pour l’air sophistiqué qu’ils espèrent retirer de la fréquentation de ce demi-dieu qui, selon Bru , et dont les . Rien que ça, putain, rien que ça. Forcément, l’auteur lui-même, face à la présence d’un tel génie , Bru doute donc mais pas longtemps, rassurez-vous, et ragaillardi par les abondants compliments qu’il s’auto-administre sur son propre formidable travail, ponctue subtilement son texte de précieux , ou au cas improbable où on n’aurait pas pigé qu’on est entre gens raffinés qui ont lu Huysmans et consorts, tavu. Que l’on soit sensible ou pas à la prose d’Adrien, sa place dans l’histoire du rock en France est indéniable, l’originalité de son style, son usage immodéré du tréma, comme ses goûts éclectiques ont marqué sa génération et forgé une légende qui aurait vraiment mérité un appareil critique plus abouti et plus riche que des vagues “intuitions d’écrivain” au service d’une artificielle mise en scène d’enquête wannabe intrigante sauf que, non, ça marche pas et, hormis un Niagara de name-dropping, on en sait presque plus sur le narrateur et ses inquiètes ruminations métaphysico-créatives que sur Adrien luimême à la fin de la lecture. Parler d’Adrien sans jamais non plus parler vraiment de musique et d’histoire de la musique, c’est aussi se priver de la matière même, de la chair de son héritage de critique rock et de l’intérêt premier d’un livre sur lui. Et pour finir, citer de nos jours avec gourmandise un Yves Adrien qui et écrire que ce goujat ainsi est tout simplement insupportable de mépris sexiste. Non, un homme qui parlait ainsi des femmes n’est pas un séducteur magnifique, et l’écrire aujourd’hui est aussi contre-productif pour la belle réputation de son héros que révélateur du triste fond de cuve de pas mal de boomers. Surtout que, c’est bête, les femmes écoutent du rock, savent lire et achètent des bouquins mais, faut pas pousser Mémé dans les örties, rarement donc ceux où on les traite comme du gibier pour fantasmes glauques: Sérieusement? En 2021? Tu sais ce qu’elles vous disent, les biches?
