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Sous influence: Un polar atypique
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Livre électronique251 pages3 heures

Sous influence: Un polar atypique

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À propos de ce livre électronique

Fiction ? Pas si sûr.

Ce roman décortique avec beaucoup d’humour le mécanisme d’un engrenage qui, parti d’une découverte fortuite, précipite l’individu dans une course sans fin jusqu’à une soumission consentante.
Sur un fond de critique humoristique des « experts » scientifiques et autres gourous de toutes espèces qui entraînent le monde et soumettent l’individu gavé par les médias, ce roman est mené comme une enquête policière.

Ce polar atypique nous tient en haleine jusqu’à la fin où il réussit à nous surprendre... pour soulever beaucoup d’autres questions. Une réussite.

EXTRAIT

Tout à coup, ces pensées quasiment ménagères furent interrompues par un bruit étrange émis par son patient.
« Qu’y a-t-il, Danny ? Que se passe-t-il ? »
Le jeune homme haletait, en sueur et rouge comme une pivoine. Il ouvrit la bouche plusieurs fois sans sortir le moindre son puis il lâcha, avec difficulté :
- J’étouffe… on m’écrase tout le corps ! …est chaud et mouillé ! Aide-moi, je ne peux pas respirer ! J’ai froid… Un …blanc me frappe, ça pique ! À l’aide !
Le pauvre Danny s’agitait sur le divan en serrant les poings, en proie à une peur terrible.
- Continue à revenir en arrière ! ordonna le docteur. Il voulait arriver au début de ce souvenir qui pouvait bien être la clé du cas Danny B. Celui-ci se calma soudain. Puis, après quelques secondes à peine, il se raidit à nouveau en hurlant :
- Ne faites pas ça, vous êtes folle ! S’il vous plaît, ne le faites pas !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pour son premier roman, Sorin Alex Stania a réalisé une vraie performance d’écriture : faire ressentir l’avancée sans obstacle de la machination pendant toute cette intrigue. Heureusement, l’humour est omniprésent et permet de garder une certaine distance.
L’auteur a déjà été lauréat d’un concours de fiction pour jeunes auteurs en France.
LangueFrançais
ÉditeurIpagine
Date de sortie30 juin 2017
ISBN9791091749961
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    Aperçu du livre

    Sous influence - Sorin Alex Stania

    Prologue

    Un invité d’honneur

    Le professeur John Eckman accrocha le petit microphone sans fil au col de sa veste, puis il évalua en un coup d’œil les étudiants assis dans l’amphithéâtre. Ils étaient presque une centaine, ce qui constituait certainement un record pour une matière facultative, même pour le premier cours de l’année. En fait, c’était exactement pour cela que l’unique cours d’histoire scientifique du professeur Eckman avait été programmé en introduction : pour mettre en éveil les étudiants et les attirer vers cette discipline. Ils semblaient plus agités que d’habitude, mais Eckman les trouva jeunes, beaux et pleins de vie. Il attendit le silence, puis commença à parler :

    « Bonjour, je suis le professeur Eckman. Avant toute chose, je voudrais vous féliciter et vous remercier d’avoir choisi comme discipline optionnelle l’histoire de la science. Je dois vous avouer que le cours d’aujourd’hui est un peu spécial, en tout cas de mon point de vue, car j’ai eu la chance – ou la malchance, c’est à vous de décider – de vivre à l’époque des événements dont je vais vous parler. »

    Un murmure d’étonnement traversa le grand amphithéâtre, mais le professeur l’ignora :

    « L’histoire que vous allez entendre aujourd’hui constitue mon seul cours pour cette année, puisque je suis simplement une sorte « d’invité d’honneur ». Le professeur Allen, qui est le professeur responsable de cette discipline, viendra vous enseigner la suite du programme à partir de la semaine prochaine.

    Ce que je vais vous raconter pendant les deux heures qui vont suivre est, comme je vous le disais, une suite d’événements qui ont marqué et créé l’histoire. Ce n’est pas vraiment un cours, mais plutôt un récit qui contient beaucoup de souvenirs personnels. Ne prenez donc pas de notes, écoutez seulement et réfléchissez. Cela a été une grave leçon pour l’humanité, et il faut la comprendre dans le contexte de l’époque. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser. »

    La plupart des étudiants rangèrent leurs ordinateurs et le regardèrent attentivement.

    « L’origine des… des changements, l’événement qui a déclenché ce formidable bouleversement remonte à l’année 2013, commença Eckman. En ces moments-là, le monde n’était pas tellement différent du monde actuel, tout du moins à première vue. La technologie était assez développée… trop même, pour l’époque.

    Voyez-vous, tout au long de l’histoire des hommes, les techniques se sont développées plus rapidement que la capacité des gens à s’en servir. Prenons l’exemple de la massue d’un homme primitif : c’est un objet que son propriétaire utilisait à 100 % de son potentiel, qui consiste principalement à taper sur… différentes choses. Si vous prenez maintenant votre ordinateur, ou même votre téléphone, vous vous rendez aisément compte qu’un seul individu n’utilise même pas 10 % des immenses possibilités de ces objets. La plupart d’entre vous ne s’en servent que pour communiquer ou prendre des notes, alors que vous pourriez faire de la comptabilité, créer des mondes virtuels, simuler des réactions chimiques et nucléaires… ou bien vous pourriez retourner aux valeurs simples et l’utiliser pour taper sur différentes choses. »

    Les étudiants regardèrent leur professeur, étonnés. Il fallut attendre presque deux secondes pour que quelques-uns se rendent compte que la dernière phrase était un trait d’humour ; il avait l’air très sérieux.

    « Mais revenons à nos moutons, reprit Eckman ; on était en 2013. Quant à moi, j’avais 43 ans, et j’étais neuropsychiatre dans une petite ville à côté de Détroit. Je venais d’inventer une technique qui combinait à la fois l’hypnose et la psychanalyse, que j’avais appelée « Sondage psychique rétrograde ». Ce n’était pas une invention extraordinaire, mais elle avait donné des résultats remarquables pendant les quelques mois de tests.

    Pour que vous puissiez comprendre les principes du sondage psychique rétrograde, ou SPR comme on l’a renommé plus tard, je dois vous dire qu’à l’époque, on connaissait très peu de choses du fonctionnement du cerveau humain. On en connaissait bien la biologie au niveau cellulaire, on avait même des moyens techniques pour détecter avec précision les parties actives lors de différentes pensées ou activités, mais cela ne nous aidait pas tellement à comprendre comment le système fonctionnait. Comme pour tous les systèmes complexes, la compréhension du fonctionnement de chaque élément n’est pas suffisante pour prédire le fonctionnement de l’ensemble. Alors on avait recours à des méthodes affreusement empiriques pour faire des investigations, et essayer de guérir les troubles psychiques. »

    Le professeur eut l’air de réfléchir pendant un moment, avant de poursuivre :

    « Mais je suppose que je devrais d’abord vous expliquer ce qu’était le trouble psychique, ou ce qu’on appelait populairement « folie ». Le mot « fou » n’avait pas, à l’époque, la même signification qu’aujourd’hui ; ce terme ne servait pas encore à désigner les personnes ayant beaucoup d’imagination ou des capacités associatives hors du commun…

    On avait l’habitude d’appeler fous, ou malades mentaux, les personnes dont le mode de pensée et le comportement étaient significativement différents de ceux de la majorité des gens. Ces personnes inspiraient aux gens « normaux » un sentiment de malaise, voire de peur, car leur fonctionnement mental était illogique et mystérieux. Au cours de l’histoire, on avait eu tendance à les isoler lorsque leur liberté était jugée dangereuse pour les autres ou pour eux-mêmes. Vers la fin du vingtième siècle, il était devenu courant de les traiter en ambulatoire, peut-être parce tout le monde semblait avoir des problèmes psychiatriques et que l’hospitalisation devenait trop chère pour la société. Mon métier, c’était de m’occuper de ces personnes, d’essayer de les réintégrer dans la société.

    - Pourquoi ils n’étaient pas intègres dans la société ? demanda une jeune fille assise au second rang.

    - Dans la plupart des cas, répondit Eckman, c’était tout simplement parce que leur comportement et leurs actes étaient imprévisibles… Et, comme les gens considérés comme normaux détestaient par-dessus tout l’imprévisible, ils étaient plus tranquilles en sachant que ces « fous » n’étaient pas trop présents dans la vie sociale ou professionnelle. Vous voyez, à l’époque, le chaos et la complexité n’étaient encore perçus que comme des concepts mathématiques abstraits, et les gens avaient encore l’illusion de pouvoir contrôler leur existence. Ils le faisaient très naïvement, en s’isolant autant qu’ils pouvaient se le permettre du reste du monde et de son caractère aléatoire.

    Le professeur sourit, prit la carafe d’eau qui se trouvait sur la grande table en bois et remplit son verre.

    « Pour tout vous avouer, dit-il en reposant le récipient à moitié vide, je ne travaillais pas à proprement parler dans un hôpital psychiatrique. J’avais un cabinet privé, et la plupart du temps, mes patients étaient des gens pratiquement normaux. Certains d’entre eux manifestaient des tendances plus ou moins pathologiques, des formes légères de trouble psychique… D’autres patients venaient me voir parce qu’ils s’ennuyaient, ou tout simplement parce que c’était la mode d’aller voir un psy une fois par semaine.

    Dans ces conditions, mon travail était tranquille. Assez monotone même. Puis, un jour, j’ai eu un cas étrange. Le patient s’appelait Danny B., il avait une vingtaine d’années, et souffrait d’une phobie assez banale, en somme : il avait une peur irrationnelle des femmes. Il n’était pas homosexuel, mais il devenait littéralement terrorisé au moment où il entrait en contact avec une personne de sexe opposé. Ce n’était pas de la timidité, mais véritablement une réaction instinctive de terreur, quels que soient l’âge ou l’apparence de la femme en cause.

    Ce n’était pas la première fois que je le voyais ; pourtant, ce jour-là, le hasard est intervenu, et le protocole a dérivé dans une direction imprévue, qui m’a mise en contact avec un monde inconnu jusque-là… J’ai fait plonger le jeune Danny B. en semi-hypnose, comme d’habitude, mais…

    Chapitre I

    LA NAISSANCE

    - 1 -

    Une expérience qui va trop loin

    Quelques gouttes de sueur froide perlaient sur le front du jeune homme, qui s’était visiblement bloqué au contact d’un souvenir traumatisant. Son visage était crispé, comme s’il s’efforçait de supporter une image terrible. Le docteur Eckman eut l’intuition qu’il s’approchait d’un moment important de la vie de son patient ; il dit, en prenant une voix grave :

    « Tu as donc quatre ans et demi, c’est l’été, tu marches tout seul dans la forêt. Qu’est-ce que tu vois, Danny ? Pourquoi tu t’es arrêté ? Il n’y a aucun danger, ça va…

    Le jeune homme chuchota :

    - Il y a un ours, là-bas, près du buisson… Tu le vois ?

    Le docteur s’installa confortablement dans son fauteuil en cuir, il croisa les bras et répondit à voix basse :

    - Oui, je le vois très bien. Qu’est-ce qu’il fait ?

    - Oh là ! Il vient vers moi ! cria Danny. Ses bras et ses jambes s’agitaient spasmodiquement, et une peur terrible s’était imprimée sur sa figure.

    - Calme-toi, Danny ! dit le docteur, autoritairement. On va aller plus en arrière, avant l’ours, bien avant… »

    Le jeune homme se calma soudain, comme si son angoisse avait été balayée par une force terrible. Il restait désormais immobile sur le divan, en remontant ses souvenirs.

    « Fausse piste… » se dit Eckman. Le sondage psychique rétrograde donnait d’excellents résultats, mais dans le cas de Danny, il était peu probable qu’une frayeur provoquée par un ours ait eu comme effet son irrépressible peur des femmes. Il fallait donc fouiller les souvenirs antérieurs à l’âge de quatre ans et demi, dans l’espoir de tomber sur quelque chose d’exploitable. Mais il pouvait aussi s’agir d’une psychose sans cause précise dans l’enfance, car les traumatismes psychiques refoulés n’étaient pas l’explication universelle de tous les problèmes, comme avaient tendance à considérer certains de ses collègues férus de Freud. Le docteur laissa son jeune patient « dérouler » ses souvenirs inconscients et quitta la pièce pendant quelques instants pour demander à Cathy, sa secrétaire, de lui préparer un café.

    « Tout de suite, docteur, répondit-elle. Vous le voulez comment ?

    - Arabica, court, noir, sans sucre. Dans une tasse, ajouta-t-il. »

    Elle sourit poliment, affichant sa denture irréprochable. Cathy Hoffman était une excellente secrétaire ; de plus, elle s’était adaptée à l’étrange habitude d’Eckman de changer de façon aussi imprévisible que radicale ses goûts en matière de café. Ses cheveux bruns éternellement pris en chignon et ses lunettes rondes donnaient à son visage un air un peu austère, mais son sourire aurait pu faire fondre un iceberg, selon l’opinion avisée de Mark, le collaborateur et associé de John.

    Après avoir échangé quelques mots avec Cathy au sujet des consultations du jour, d’une voix longuement travaillée pour lui donner une tonalité plus grave, il revint dans le cabinet ; son jeune patient avait dû remonter quelques bonnes années pendant son absence. Généralement, on arrêtait automatiquement de « dérouler » le fil de la mémoire quand on rencontrait un souvenir inconscient traumatisant. Il était peu commun que les patients sondés en laissent passer sans réagir.

    « Peut-être qu’il progresse plus lentement… » pensa Eckman, qui s’ennuyait. Il laissa son regard errer sur les milliers de livres qui se trouvaient sur les étagères de la bibliothèque, recouvrant les trois quarts des murs. La bibliothèque, le classique divan « à la Freud » et son bureau chinois étaient les seuls meubles de cette pièce, volontairement austère. Ce cadre convenait parfaitement à John Eckman qui était considéré, malgré son assez jeune âge, comme un grand neuropsychiatre, notamment pour son invention, qui combinait avantageusement les techniques utilisées par ses prédécesseurs. Une grande partie de son prestige était également due à sa physionomie : ses traits aristocratiques, sa barbe grisonnante et ses lunettes rectangulaires, aux fines montures dorées, imposaient le respect des patients et des collègues.

    Entendant le bruit du portail automatique, il se leva et s’approcha de la fenêtre ; la Dodge Viper rouge de son associé, le docteur Mark Scott, fit irruption dans la cour et freina violemment sur le gravier. Eckman pensa qu’il fallait rappeler à Mark de ne plus faire cela, car les cailloux projetés sur le gazon perturbaient la robo-tondeuse. Tout à coup, ces pensées quasiment ménagères furent interrompues par un bruit étrange émis par son patient.

    « Qu’y a-t-il, Danny ? Que se passe-t-il ? »

    Le jeune homme haletait, en sueur et rouge comme une pivoine. Il ouvrit la bouche plusieurs fois sans sortir le moindre son puis il lâcha, avec difficulté :

    - J’étouffe… on m’écrase tout le corps ! …est chaud et mouillé ! Aide-moi, je ne peux pas respirer ! J’ai froid… Un …blanc me frappe, ça pique ! À l’aide !

    Le pauvre Danny s’agitait sur le divan en serrant les poings, en proie à une peur terrible.

    - Continue à revenir en arrière ! ordonna le docteur. Il voulait arriver au début de ce souvenir qui pouvait bien être la clé du cas Danny B. Celui-ci se calma soudain. Puis, après quelques secondes à peine, il se raidit à nouveau en hurlant :

    - Ne faites pas ça, vous êtes folle ! S’il vous plaît, ne le faites pas !

    Son corps maigre et suant se contorsionnait sur le lourd divan en cuir noir. Le docteur demanda promptement :

    - Qu’est-ce qu’il y a, Danny ? Parle-moi, dis-moi ce qui se passe !

    Celui-ci haleta :

    - Une infirmière… Elle a une seringue hypodermique, elle veut me… Non ! Elle me pique dans le cou !

    Dans un spasme désespéré, ses jambes se détendirent avec violence et il tomba du divan où il était allongé, et continua à s’agiter par terre, comme un poisson hors de l’eau. Eckman le prit dans ses bras et le remit en place, tout en lui parlant :

    - Danny, reste tranquille. Je vais compter jusqu’à trois et tu vas te réveiller. Un… Deux… Trois !

    Le jeune homme ouvrit les yeux lentement et s’assit, épuisé, sur le rebord du divan, sans dire un mot. Il passa une main sur sa tempe humide et regarda ses doigts brillants de sueur. Visiblement, il attendait les commentaires du docteur. Mais Eckman, pour sa part, semblait ruminer quelque chose.

    - Vous avez trouvé quelque chose ? Finit-il par demander.

    - C’est possible… murmura le docteur. Danny… Tu sais ce qu’est une seringue hypodermique ?

    Le jeune homme écarquilla les yeux, réfléchit un peu puis répondit :

    - Non, je ne sais pas ce que c’est. Aucune idée.

    - Tu en es bien certain ? Réfléchis bien, ça peut être important.

    - Non, dit Danny en haussant les épaules, les trucs médicaux, je ne les connais pas trop. Pourquoi ?

    Eckman ne répondit pas à sa question. Il l’emmena vers la porte du cabinet :

    - Bon, on se voit mardi à dix heures… Je crois qu’on tient le bon bout, cette fois !

    - Vous avez trouvé quelque chose ? répéta Danny.

    Eckman se contenta de hocher la tête.

    * * *

    La porte du cabinet s’ouvrit brutalement et le docteur Scott fit son apparition, en achevant de boutonner sa veste. Le jeune associé d’Eckman était un homme plutôt séduisant, selon la plupart des avis féminins : assez grand, mince mais bien bâti, son visage tanné aux traits marqués laissait rarement les femmes indifférentes. S’il fallait en croire les rumeurs, Mark Scott passait sa vie à concilier sa réputation d’excellent psychiatre et celle de Don Juan malgré lui. Néanmoins, Eckman l’appréciait beaucoup, car il était très compétent, ouvert et avait un humour très fin.

    « Désolé pour le retard, John, s’excusa-t-il d’un air distrait, mais cet imbécile de… »

    Eckman ne le laissa pas finir sa phrase :

    - Écoute, je suis tombé aujourd’hui sur un truc étrange. Danny B., ça te dit quelque chose ?

    Le docteur Scott réfléchit, puis hocha la tête :

    - Je crois que je l’ai vu une fois, quand tu étais en vacances. Une phobie…

    -…des femmes, compléta Eckman. Il a peur du contact avec les femmes. Je l’ai sondé aujourd’hui, mais je crois que je l’ai laissé remonter trop longtemps et il a commencé à débiter n’importe quoi : un truc blanc qui pique, de la chaleur humide, ensuite du froid, une sensation d’étouffement, d’écrasement…

    -…truc blanc qui pique ? demanda le docteur Scott en haussant les sourcils.

    - Un truc blanc qui frappe et qui pique. Et ce n’est pas tout : je l’ai fait dérouler encore plus loin et il a commencé à crier qu’une infirmière le piquait dans le cou avec une seringue hypodermique.

    - Tu as l’enregistrement ? » demanda Scott d’un air très dubitatif.

    Ils écoutèrent plusieurs fois le fichier où Eckman avait enregistré le SPR, mais cela ne fit qu’augmenter leur confusion.

    « En principe, ce serait simple, conclut le docteur Scott : la phobie que notre jeune patient éprouve envers les femmes serait due à l’image subconsciente de l’infirmière et de sa seringue hypodermique. Mais une seringue hypodermique ne peut pas être utilisée…

    - Jamais dans la jugulaire, et encore moins dans la carotide, confirma Eckman. Une seringue hypodermique, ça s’enfonce dans la peau… souvent dans le gras du bide, si mes souvenirs sont bons. Par exemple, chez les diabétiques, ça se faisait avant l’invention des pompes implantables à insuline et les greffes de cellules pancréatiques.

    De plus, à l’époque où l’événement a dû se passer, Danny avait moins de trois ans. Il ne pouvait pas savoir ce que c’est qu’une seringue hypodermique…

    -…Ni même une infirmière, compléta son associé. Mais il a pu retenir les images et les réinterpréter pendant le sondage avec ses connaissances actuelles…

    - Le problème, dit Eckman en le regardant, c’est que ce genre de seringue ne fait pas partie de ses connaissances actuelles… Danny ne sait toujours pas de quoi a l’air une seringue hypodermique. Et, selon son fichier médical, il n’a jamais subi d’autres interventions ou investigations médicales que les vaccins et les contrôles obligatoires.

    - Tu crois qu’il a tout inventé ?

    - Ce serait bien la première fois qu’un patient en SPR… Eckman secoua la tête. Non, ce n’est pas possible, pour mentir il faut être conscient…

    Le Dr. Scott alluma une cigarette et envoya une volute de fumée bleuâtre vers le plafond. Il haussa les épaules :

    - C’est théoriquement impossible. Mais, comme tu le dis souvent, en psychiatrie, la théorie n’est souvent qu’une douce illusion… Et cet étouffement humide et chaud, cette pression sur tout le corps, la sensation d’étouffement, plus la chose blanche… Un docteur, peut-être. Ça ressemble à une réanimation d’urgence. T’es sûr qu’il n’a jamais eu d’accident ?

    - Pas selon son fichier. Et une réanimation d’urgence ou on t’écrase tout le corps, à moins d’un massage cardiaque ou d’une respiration artificielle…

    Le téléphone sonna ; c’était Cathy, la secrétaire, qui annonça que M. Todd Darwell était arrivé pour son rendez-vous quotidien avec le docteur Scott. Eckman prit son imperméable et sortit discrètement par la porte de service.

    * * *

    Sa maison ne se trouvant qu’à quelques centaines de mètres de son cabinet, Eckman ne prenait pratiquement jamais la voiture pour aller travailler ; il n’utilisait sa vieille Ford de 2002 que pour aller faire les courses au supermarché du coin. Cette voiture avait été méthodiquement maltraitée par son fils pendant quatre ans, avant que celui-ci ait gagné assez d’argent pour s’acheter une Mercedes décapotable. John Eckman Junior vivait maintenant à San Francisco, où il menait

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