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13 ÂMES
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Livre électronique158 pages2 heures

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À propos de ce livre électronique

C'est curieux car chaque fois qu’une personne me demande ce que je fais, je réponds que je suis psychologue en soins palliatifs, et automatiquement, elle change de sujet. Presque personne ne m'interroge sur mon travail, presque personne ne veut entendre parler de la maladie, et encore moins de la mort, alors que la seule chose certaine dans notre vie, c'est que nous allons mourir.

Nous ne savons pas quand ni comment ; mais quand ce moment se produira, nous voulons tous « bien mourir », sans même se demander en quoi consiste « bien mourir ». Heureusement, j'ai l'immense plaisir d‘exercer au sein d'une équipe de médecins et d'infirmiers très professionnelle, mais surtout très humaine, avec qui j’ai partagé l'expérience extraordinaire d'aider de nombreuses personnes à mourir du mieux possible. Et si c'est ainsi, c’est parce que chaque personne malade rencontrée possède une histoire et un présent qui sont le fruit de son unique passé. Ils nous lisent les pages de leur biographie, nous enseignent à voir avec nos yeux et à sentir avec notre cœur ; ils nous font part de leurs peurs et de leurs inquiétudes, laissent exprimer leurs émotions pour que le moment venu ils puissent mourir avec le moins de souffrance possible. 

Mon plus grand apprentissage au fil des années a été le suivant : si nous écoutions davantage les personnes proches de la mort, nous les aiderions à mourir mieux. Et surtout, si nous écoutions davantage les personnes qui s'approchent de la mort, nous apprendrions à vivre mieux. 

LangueFrançais
Date de sortie1 juil. 2020
ISBN9781071545256
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    Aperçu du livre

    13 ÂMES - Sara de Miguel

    Sara de Miguel

    Traduit par Virginie Kernaonet 

    13 ÂMES

    ––––––––

    Écrit Par Sara de Miguel

    ––––––––

    Copyright © 2020 Sara de Miguel

    ––––––––

    Tous droits réservés

    ––––––––

    Distribué par Babelcube, Inc.

    ––––––––

    www.babelcube.com

    ––––––––

    Traduit par Virginie Kernaonet

    ––––––––

    Babelcube Books et Babelcube sont des marques déposées de Babelcube Inc.

    ––––––––

    Dédié à toutes ces personnes malades et décédées

    qui m’ont tout enseigné de la vie.

    Si tu peux guérir, guéris.

    Si tu ne peux pas guérir, soulage.

    Et si tu ne peux pas soulager, console.

    (Augusto Murri)

    SOMMAIRE

    Une brève présentation

    Eva

    Juan Luis

    Maria

    Ivan

    Ana

    Azahara

    Alberto

    Manuel

    Eugenia

    Pilar

    Felipe

    Roberto

    Sara

    UNE BRÈVE PRÉSENTATION

    Je m'appelle Sara. À l’âge de 13 ans, on me diagnostiqua une petite tumeur bénigne à l'humérus. Les médecins n’y accordèrent que peu d'importance, m’annonçant que j’étais en pleine croissance et qu’elle se résorberait probablement d’elle-même. Je continuais ma vie d'adolescente avec une certaine insouciance propre à cet âge. Je terminai mes études secondaires avec de bonnes notes, survécus à une situation familiale très compliquée et entrepris mes premières expériences comme adulte.

    Je décidais d'étudier la psychologie parce que j'aime les gens, mais je n'aime pas les voir souffrir, aussi je pensais pouvoir aider les autres à se sentir mieux avec eux-mêmes et avec leur entourage. La tumeur n’avait pas évolué jusqu'à l'âge de 19 ans, puis soudainement, elle prit de l’ampleur. Elle envahit toute la tête de l'humérus et il fallut m'opérer en urgence ; on m’enleva la tumeur et m'implanta une greffe de l’os de la hanche et d'os artificiel. Plus d'un an et demi furent nécessaires pour récupérer une mobilité partielle. Ce fut un processus lent et douloureux, surtout sur le plan psychologique, car ma vie était celle d'une personne malade alors que tous mes amis avaient une vie « normale ». À tous les niveaux cette expérience m’a beaucoup marquée. Je reconsidérais donc mes priorités en appréciant chaque petit moment de la vie ainsi que les relations avec les personnes présentes autour de moi.

    Cette expérience précoce de la maladie et la présence d’une mort éventuelle (bien que lointaine, on ne peut s'empêcher de l’envisager), m'incitèrent à approfondir la partie de la psychologie qui permet de travailler avec les personnes malades. Je voulais les écouter, partager leur douleur physique et psychologique et pouvoir les aider autant que possible. En tant que psychologue, mon premier travail était en lien avec la santé mentale, et pendant ces sept années auprès de malades atteints de troubles psychiatriques graves, je suivais en parallèle une formation me spécialisant en psychologie des soins palliatifs.

    Le 19 octobre 2011, je frappai à la porte de mon premier patient comme psychologue en soins palliatifs à domicile. Je savais qu'en entrant dans cette maison, ma vie allait changer à jamais. Ce que j’étais loin d’imaginer c’était jusqu’à quel point.

    Voici déjà plusieurs années que je frappe aux portes de personnes gravement malades qui vont mourir sous peu. Chaque fois que je frappe à une porte, je ne peux éviter une certaine culpabilité : bien que je n'apporte pas la maladie, je suis la preuve tangible qu'une personne est malade et se rapproche de la mort. Je ne peux éviter un immense malaise toutes les fois que je regarde dans les yeux chaque personne et leurs familles. C'est pourtant ce même malaise qui me motive à continuer de frapper aux portes pour offrir une écoute, un réconfort et un soutien.

    C'est curieux car chaque fois qu’une personne me demande ce que je fais, je réponds que je suis psychologue en soins palliatifs, et automatiquement, elle change de sujet. Presque personne ne m'interroge sur mon travail, presque personne ne veut entendre parler de la maladie, et encore moins de la mort, alors que la seule chose certaine dans notre vie, c'est que nous allons mourir.

    Nous ne savons pas quand ni comment ; mais quand ce moment se produira, nous voulons tous « bien mourir », sans même se demander en quoi consiste « bien mourir ». Heureusement, j'ai l'immense plaisir d‘exercer au sein d'une équipe de médecins et d'infirmiers très professionnelle, mais surtout très humaine, avec qui j’ai partagé l'expérience extraordinaire d'aider de nombreuses personnes à mourir du mieux possible. Et si c'est ainsi, c’est parce que chaque personne malade rencontrée possède une histoire et un présent qui sont le fruit de son unique passé. Ils nous lisent les pages de leur biographie, nous enseignent à voir avec nos yeux et à sentir avec notre cœur ; ils nous font part de leurs peurs et de leurs inquiétudes, laissent exprimer leurs émotions pour que le moment venu ils puissent mourir avec le moins de souffrance possible.

    Mon plus grand apprentissage au fil des années a été le suivant : si nous écoutions davantage les personnes proches de la mort, nous les aiderions à mourir mieux. Et surtout, si nous écoutions davantage les personnes qui s'approchent de la mort, nous apprendrions à vivre mieux.

    EVA

    Le 19 octobre 2011, je frappai à la porte de mon premier patient en tant que psychologue en soins palliatifs à domicile. Il s'agissait d'une vieille porte en bois, dans un ancien immeuble du centre-ville. La sonnette retentit dans le large palier à hauts plafonds. Ma main tremblait.

    Avec un sourire sincère, une femme menue m’ouvrit la porte et à peine entrouverte me demanda si j'étais la psychologue. J’acquiesçai avec un signe de tête en lui souriant en retour ; elle prit ma main, me regarda dans les yeux et me serra dans ses bras. Je ne tremblais plus.

    Eva me prit par la main pour m’emmener dans un salon accueillant et s'assit dans l’angle d'un vieux canapé. Tous les meubles étaient anciens et abimés par le temps, mais ils sentaient le propre, comme un désodorisant de fleurs très agréable. Je m’assis à côté d'elle, et elle partagea avec moi une couverture de laine que nous avons posée sur nos jambes. C'était une couverture en patchwork, une de ces couvertures aux carrés colorés tissés ensemble, défraichie par l'usage. Elle était malade depuis plus de trois ans et savait mieux que moi comment parler à une psychologue. Elle était très bavarde, pleine d'esprit et drôle. J'écoutais son histoire pendant plus de trois heures ; c’était une conversation agréable et enrichissante. Cet après-midi-là, j’écoutais seulement, elle et son histoire. Ainsi j’appris à la connaître et je pouvais la reconnaître dans chacune de ses paroles.

    Eva avait 39 ans. Elle mesurait à peine un mètre soixante et elle avait l'air un peu boursouflée, probablement à cause des corticoïdes qui procurent cet effet secondaire indésirable. Elle portait un foulard noué derrière son cou, de couleurs vives, qui lui donnait une apparence juvénile malgré sa calvitie. Elle avait de toutes petites rides au coin de ses grands yeux marron et des cernes sombres et marqués sous ses yeux. Elle me raconta qu'elle s'était mariée à 20 ans et avait eu trois enfants. L'aîné, Toni, alors âgé de 19 ans, travaillait comme serveur dans un bar de la côte. Les plus jeunes, Juan et Miguel, avaient 9 et 7 ans et s'entraînaient au football cet après-midi-là. Elle s'était séparée de son mari il y a quatre ans et tomba malade quelques mois plus tard d’un cancer du sein avec des métastases au cerveau. Elle subit plusieurs opérations et de la chimiothérapie entre autres. La probabilité de guérison était très faible, et elle le savait. Elle était en colère, mais acceptait son sort avec stoïcisme.

    Pendant qu'Eva parlait, je devais parfois retenir mes larmes, et à d'autres moments, j'avais une boule dans la gorge qui m’empêchait de respirer. Elle ne versait pas une seule larme. Je suppose que quand tu as déjà versé toutes tes larmes, il ne te reste plus grand-chose à pleurer.

    « Je ne comprends pas, pourquoi moi ? J'ai toujours été une bonne personne. J'étais une brave fille, très obéissante. J'étais une femme bien ; très amoureuse, je me suis mariée et j'ai toujours pris soin de mon mari et de mes enfants. Même maintenant que je suis très malade, je me lève chaque jour, je prépare le petit déjeuner et je les accompagne à l'école ; même si je dois m'asseoir sur le canapé pendant une heure pour récupérer de cet effort. Tu vois, je ne vais plus faire de marathon ! Ha-ha-ha-ha ! Mon mari m'a quittée pour une gamine d'une vingtaine d'années, la laissant quelques mois plus tard pour passer à une autre. Je travaillais beaucoup, dans un magasin de meubles. Je vendais avec facilité parce que j'aime les gens, et j'étais très agréable avec les clients. Dès que je me suis mise en arrêt maladie à cause du cancer, j'ai été virée pour quatre sous. Maintenant, je ne parviens pas à terminer le mois, mes frères et sœurs doivent m'aider. Je ne comprends pas pourquoi il existe dans le monde des personnes si méchantes, de véritables parasites, et ils sont toujours là, et moi je vais bientôt mourir. Et je ne verrai pas mes enfants grandir. Je ne les verrai pas se marier ou avoir des enfants. Je ne pourrai pas être grand-mère ou m'occuper de mes petits-enfants. Ce n'est pas juste. »

    Mon premier domicile, mon premier patient et ma première leçon : la vie n'est pas juste.

    Je retournais chez elle de nombreuses fois, à raison d’une fois par semaine, pendant un an et demi. On s'asseyait toujours sur son canapé, l'une à côté de l'autre. En été, elle remplaça la couverture de laine par un drap blanc et frais parce qu’elle disait que même s'il faisait chaud, elle avait un peu froid aux jambes. Elle parlait beaucoup, presque sans pause. De temps en temps elle souriait, et de temps en temps elle baissait la tête avec une expression triste.

    Elle me racontait les problèmes de comportement de Juan qui était devenu un petit tyran à l'école, de Toni et sa petite amie, qui souhaitaient aller vivre à Madrid, de la tristesse qui s'emparait de Miguel et qui augmentait à mesure qu'elle était contrainte de demander plus d’'aide pour se lever, se doucher ou faire à manger. Face à la détérioration physique d’Eva, ses frères et sœurs s’étaient érigés en chefs pour gérer ses affaires dans sa propre maison ; et pour Eva, c’était source de conflits. Elle était épuisée par des symptômes comme les maux de tête, la constipation induite par la morphine, les sautes d'humeur et l'insomnie. Nous cherchions ensemble des solutions à chaque pièce de son puzzle si particulier aux innombrables problèmes. Lors de mes visites, je consacrais souvent du temps pour travailler avec ses enfants ou ses frères et sœurs, afin de faciliter la cohabitation et le bien-être d'Eva. Bien que nous ne parvenions pas toujours à ce qu’ils agissent comme une équipe, au moins Eva avait un lieu et du temps pour exprimer à sa

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