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L’affaire Baralando
L’affaire Baralando
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Livre électronique286 pages3 heures

L’affaire Baralando

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À propos de ce livre électronique

Adèle est une éternelle rêveuse et une grande optimiste. Ingénieure de formation et adepte des probabilités, elle met tout le temps sa vie en équations. Elle cherche son âme sœur, mais cumule surtout les losers et autres plans douteux.
Charline est sarcastique, aime les chiens en peluche et est très, très maladroite. Éternelle étudiante, au grand désarroi de sa mère, elle n’a pas réussi à rentrer dans « le droit chemin » et à choisir un métier dans la liste affichée sur le frigo.

Les deux copines décident de donner une tournure inattendue à leur vie professionnelle et montent une agence de détectives privés à Marseille. Après quelques premiers clients hauts en couleur, le duo improbable est engagé par Daisy Baralando, une femme à l’élégance légendaire. Au volant de leur Twingo rouge, Charline et Adèle mènent l’enquête pour prouver l’infidélité supposée du mari de leur cliente, chirurgien esthétique sur la Corniche. Mais cette mission de routine va les conduire sur une piste criminelle qui n’a rien à voir avec un adultère. Enfin presque...
Entre quiproquos et rebondissements, les deux héroïnes vous entraînent dans leurs aventures rocambolesques. Alors, attachez vos ceintures et découvrez l’univers de Charline et Adèle !

« L’Affaire Baralando » est le premier opus des aventures de Charline et Adèle, série policière humoristique écrite à quatre mains. Dans un style moderne et enlevé, ce roman feel-good atypique raconte l’histoire de deux copines colocataires. L’écriture à deux voix (Charline prend vie sous la plume de Christelle Catarsi, et Adèle, sous celle d’Amélie Hurteaux) donne du pep au récit. Leurs différences de style, ainsi que l’alternance des points de vue, rythment le roman. Le duo fonctionne à merveille et fait des étincelles !

LangueFrançais
Date de sortie15 févr. 2021
ISBN9782370116970
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    Aperçu du livre

    L’affaire Baralando - Amélie Hurteaux

    cover.jpg

    L’AFFAIRE BARALANDO

    Une enquête de Charline et Adèle – Tome 1

    Amélie Hurteaux et Christelle Catarsi

    Published by Éditions Hélène Jacob at Smashwords

    Copyright 2021 Éditions Hélène Jacob

    Smashwords Edition, License Notes

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    © Éditions Hélène Jacob, 2021. Collection Humour. Tous droits réservés.

    ISBN : 978-2-37011-697-0

    À ma grand-mère, Y, et à mon fils chéri.

    Christelle Catarsi

    Pour mes « ptits poulets », les soleils de ma vie.

    Amélie Hurteaux

    Ce roman est une pure fiction. Toute ressemblance avec des faits ou des personnes ayant réellement existé serait totalement fortuite.

    Elles ne savaient pas que c’était impossible, alors elles l’ont fait.

    Petit remix d’une phrase de Mark Twain (l’auteur de Tom Sawyer !)

    Prologue – Adèle

    Marseille, samedi 2 avril 2016

    A&C Détectives

    Agence agréée par le CNAPS du ministère de l’Intérieur

    Adèle Forissier – Charline Pasteur

    Marseille et région PACA

    Investigations privées, commerciales, industrielles

    Rapports d’enquêtes recevables en justice

    Vous cherchez un détective privé ? Voici cinq bonnes raisons de faire appel à nous :

    – Nous sommes les filles les plus coriaces de toute la galaxie.

    – Nous sommes discrètes, organisées, et complémentaires.

    – Nous sommes capables de résoudre des énigmes aussi bien ficelées qu’une paupiette de veau.

    – Nous sommes à votre disposition jour et nuit (enfin, plutôt le jour, quand même).

    – Nous sommes des presque trentenaires vraiment sympas, donc… ben, rien, en fait, mais il fallait cinq bonnes raisons.

    Contactez-nous !

    www.acdetectives.fr

    ***

    Allez, je clique sur « Publier ».

    — Ça y est, Charline, l’annonce est en ligne !!!

    1 – Charline

    Lundi 4 avril 2016

    Le premier dimanche de janvier, c’est le jour de la blanquette de veau chez les parents.

    J’avais décidé que c’était le moment de leur annoncer la grande nouvelle et de faire mon « coming out » comme détective…

    J’avais tout préparé dans ma tête, tout était parfait. Lorsque j’avais fait ma visualisation, ils étaient ébahis et enthousiasmés par mon courage et mon abnégation. J’allais sauver le monde.

    Finalement, ça s’est plutôt mal passé.

    Tout se présentait pourtant bien. Ma mère était d’excellente humeur, mon père aussi, détendu, tranquille.

    J’ai commencé mon annonce :

    « J’ai quelque chose à vous dire » et là, direct, ma mère a pensé que j’étais enceinte ! Je n’ai même pas de mec ! Bravo pour le cliché.

    Du coup, mon père a cru que j’avais cassé un truc. Bon, pour sa défense, je l’ai mal habitué, il y a deux mois, j’ai planté ma voiture. Une araignée. Elle est tombée devant moi, avec son petit corps velu et ses pattes immenses, j’ai senti mon cœur se serrer, ma respiration se bloquer. Je cherchais un moyen de la tuer, l’esprit vagabondant de proposition en proposition pour l’éloigner de mon champ de vision. Et lorsque je suis sortie de ma léthargie, ma voiture avait pris le contrôle, avait quitté la route et s’était encastrée dans une grue. Je m’en suis tirée avec une entorse cervicale et une commotion cérébrale.

    Quand, dans la conversation, j’ai enfin pu placer qu’avec Adèle, on allait monter notre boîte, j’ai reçu un accueil assez favorable. Et là, j’ai ajouté « de détectives » et tout est parti en vrille.

    Mon père s’est esclaffé : « Tu es beaucoup trop maladroite ! Pierre Richard qui file un malfrat sans tomber ni casser un truc, c’est assez dur à envisager. »

    Il se fout de moi, bien sûr, et je ne peux pas totalement lui en vouloir.

    Au fil des années, je suis devenue la reine des démonstrations empiriques des effets de la gravitation et des calculs physiques en tous genres.

    À quelle vitesse mon corps va-t-il heurter le sol si je trébuche en marchant à six kilomètres-heure ?

    Quelle est l’énergie développée par le choc frontal d’une voiture roulant à cinquante kilomètres-heure avec une grue ?

    J’ai pu vérifier tout ça, et plus encore.

    J’ai eu mon premier trauma crânien dans mon couffin, c’est dire si j’étais prédestinée à tomber.

    Même avec un GPS, je me perds. Un truc sur mon système d’orientation spatial défectueux, à la suite d’une de mes nombreuses chutes, il paraît.

    Et ensuite, il a compris que je ne rigolais pas. Et il a vrillé : « Ça fait dix fois que tu changes de trajectoire ! »

    C’est pas faux…

    Depuis mes 12 ans, je me voyais vraiment bien médecin légiste. J’avais décidé que mener des enquêtes et disséquer des corps seraient les activités qui occuperaient ma vie. Je m’imaginais mystérieuse et intelligente, suivant mon intuition redoutable pour démasquer les coupables. Zorro en blouse blanche ensanglantée et avec des cheveux longs qui aurait, à la manière de Sherlock Holmes, un esprit de déduction et d’observation incroyable. J’ai trouvé ça enthousiasmant de découper une souris, une grenouille… Jusqu’au jour où je me suis retrouvée face à mon premier cadavre, en début de deuxième année. Enfin, j’ai pensé que c’en était un. En fait, il s’agissait d’un bizutage hautement philosophique qui consistait en la reconstitution d’une main coupée en morceaux. Après avoir vomi tripes et boyaux, j’ai abandonné l’idée de la médecine légale et de la médecine tout court, d’ailleurs. Je n’ai pas supporté. Il semblerait que je sois un peu trop sensible, aux dires de mes profs et camarades.

    Ayant perdu ma vocation première dans le sang, la sueur et le vomi, j’ai vécu un moment d’introspection et de flottement psychologique. Que faire, maintenant que le rêve de mon adolescence est brisé ? Le sens de ma vie avait disparu. À quoi bon chercher ?

    Durant ma période d’errance, je me suis perdue, physiquement, dans un bâtiment de la fac. J’ai tourné en rond pendant quarante minutes, et au détour d’un couloir je me suis trompée de porte et je me suis retrouvée dans le bureau de la responsable de l’unité diététique. Elle m’a trouvée sympa, elle m’a proposé d’entrer dans sa section. Vu que j’adore la nourriture, je me suis dit que la nutrition, cela m’irait très bien. Jusqu’à ma dernière année. Celle durant laquelle j’ai découvert l’enfer. Ou plutôt devrais-je dire « les autres », parce que, selon Jean-Paul Sartre, « L’enfer, c’est les autres ».

    Faire des programmes nutritionnels, expliquer à des gens que, pour être en bonne santé, ils doivent manger équilibré, et ensuite m’entendre dire qu’ils ont pris du poids parce que, au choix :

    – Les Mojitos ne sont pas des boissons diététiques, même si elles contiennent du citron vert et de la menthe.

    – Le régime est trop dur parce que la pâte à tartiner ou les pâtisseries ne sont pas autorisées tous les jours.

    – Un écart par semaine, ça marche bien, surtout si on décide que chaque nouvelle semaine commence le lendemain.

    J’ai bien vu, à ce moment-là, que la sociabilité étendue à l’ensemble du genre humain, sans choix ni distinction, ce n’était pas fait pour moi. J’ai fini par craquer, hurlant sans vergogne sur une patiente au milieu de l’hôpital dans lequel je travaillais durant mon stage de fin d’année. Elle se plaignait de devoir faire du sport et arrêter la bière tous les midis alors qu’elle considérait ça comme des céréales. Puis elle m’avait traitée de connasse mince qui mangeait des chips et du chocolat et qui lui faisait la morale, à elle. J’ai été virée, gentiment. Ou presque. Trop émotive, on dirait…

    Lassée des gens, comprenez des contacts non désirés avec des personnes inconnues, j’ai entamé des études de français, c’est plus intellectuel. Je suis actuellement en master de didactique du français et j’adore la grammaire, c’est ma vie, je rêve de faire ma thèse sur son évolution à travers les âges. C’est un super sujet et, en plus, je ne suis obligée de parler à personne, sauf quand j’en ai envie.

    Étonnamment, mes amis me prennent pour une intello allumée, à la limite entre l’ado et la bibliothécaire. Et cette couverture m’ira très bien quand on aura des clients en tant que détectives.

    En soirée, quand on me demande : « Tu fais quoi, dans la vie ? », je réponds avec un sourire éclatant : « J’étudie la grammaire ! » en exhibant mon tee-shirt préféré sur lequel il est écrit « Grammaire, l’autre pays du café ». Une blague qui ne fait rire que moi et qui m’assure l’indifférence totale de la part des convives. Qui a envie de débattre de l’évolution du rôle du groupe verbal à travers les âges ? Ben, moi, bien sûr ! Il paraît que la culture générale la plus efficace, en société, c’est l’Histoire. Visiblement, l’histoire de la grammaire n’en fait pas partie, j’ai du mal à saisir pourquoi. Mais bon, y’a bien des gens qui aiment le foot, le rugby, le catch, la téléréalité – non exhaustif… – et, moi, je ne comprends pas du tout comment ils peuvent perdre une seule seconde à regarder ces trucs. N’entendent-ils pas leurs neurones se suicider en poussant des hurlements de douleur ?

    Et, en plus, ça plaît à ma mère ! Elle a trouvé un mot sur sa liste, « prof », et elle a fièrement ajouté « de lettres ».

    Depuis ma naissance, ma mère tient un inventaire des métiers qu’elle avait prévus pour moi.

    Médecin généraliste, ingénieur, cadre commerciale, professeur, cascadeuse ou pilote de rallye. Il y a même un moment où elle avait mis mannequin et danseuse classique à l’Opéra.

    Je lui ai ôté ses illusions une à une. Au fur et à mesure de mes fractures, entorses et autres démonstrations de ma gracieuseté et de mon habileté avec les chiffres, je voyais ma mère barrer, avec une sorte de désespoir résigné, la liste qu’elle avait accrochée sur le frigo. Décevoir ses parents, c’est tout un travail d’affirmation de soi, et l’affirmation, ça me connaît.

    Et ensuite, mon père a asséné l’habituel :

    « Et tout ça, c’est encore à cause de ta fichue copine Adèle ! C’est une plaie, elle, tu le sais, ça ? Je n’aime pas du tout que tu la fréquentes, elle a une mauvaise influence sur toi ! »

    Adèle. Je l’ai rencontrée sur le panneau d’affichage de la cafèt de la fac. « Fille sympa, organisée et piètre cuisinière, cherche coloc’ pour faire à manger, parler philosophie et partager le loyer. Loser s’abstenir. » Pas une faute d’orthographe, rien. Et un mot désuet dans le texte, j’y ai vu un signe et j’ai signé. Elle a oublié de préciser qu’elle est ultra maniaque, mais ça me va, je veille à ne pas laisser mon bordel sortir de ma chambre et nous vivons en paix.

    Adèle et moi, nous sommes complémentaires dans la boulettitude{1}. Entre moi, qui ressemble à Pierre Richard dans La Chèvre, et elle, qui est une chèvre affective, notre vie est palpitante et fatigante un peu, j’avoue… Mais c’est mon amie. Je sais qu’elle est parfois perchée et je l’adore quand même.

    Avec son intelligence de matheuse, Adèle calcule en quelques secondes les probabilités que les événements arrivent, c’est trop une star. Tous sont anticipés, programmés, à la seconde.

    Sauf qu’elle est socialement inadaptée. Son niveau de lecture du langage corporel est proche du zéro, ce qui fait qu’elle envoie aux hommes des signaux parfaitement inadéquats. Quand elle demande à un mec : « On va boire un café ? », il comprend : « J’emménage demain ».

    Elle croit que « Bonjour » veut dire « Veux-tu m’épouser ? » et que s’accrocher à la jambe d’un gars est le meilleur moyen pour qu’il devienne son petit ami.

    C’est bizarre, parce que, normalement, ce genre de handicap est plutôt masculin… Vous connaissez probablement la théorie selon laquelle « non » signifie « peut-être ». Et « dégage ! », « je t’aimerai toujours ». C’est un truc de garçon obstiné, qui pense que consentement est un mot trop compliqué pour être utile… Et là, c’est elle qui est paumée.

    Ce que je ne comprends pas, c’est qu’Adèle est marrante, intelligente et mignonne : brune, les yeux noirs, la ligne svelte, un candide sourire d’illuminée toute la sainte journée. Malgré cela, c’est un boulet affectif.

    Quant à moi, je lis le visage des gens, je sais avec certitude qui me ment. Et mon intuition ne me trompe jamais. Mais, comme tous les superhéros, j’ai des points faibles : je ne peux pas marcher sans tomber, je mets le feu au four et je ne fais pas la différence entre un tournevis et un marteau. Ce qui est bien dommage, parce qu’au quotidien, il serait préférable que je sois capable de monter un meuble Ikea, mais bon, on ne peut pas tout avoir…

    Un jour de shampoing, donc un mercredi ou un samedi – y’en a qui ont des jours de lessive, nous on a des jours de shampoing –, Adèle est entrée dans ma chambre, ses longs cheveux noirs frisottants et le regard halluciné, hurlant comme une hystérique :

    — Ça y est, j’ai trouvé ! Pourquoi on ne monterait pas une agence de détectives privés ?! On est faites pour ça !

    — Pardon, Adèle, mais est-ce que tu es bien sûre de toi ?

    — Carrément !

    Tiens, je l’entends bien, mon intuition, là… Elle me crie « REFUSE ! C’est n’importe quoi ! »

    Et, au lieu de répondre une phrase sensée, comme « oublie ça, chérie, ça sent la lose », j’ai rétorqué d’une voix beaucoup trop aiguë : « Trop fort ! On commence quand ? » Je me suis laissé emporter par une vague d’enthousiasme contagieuse ; colossale erreur, j’en suis sûre. Je me suis dit, on ne sait jamais, elle changera d’avis avant qu’on ait fini.

    Si je suis partie dans cette aventure avec Adèle, c’est parce qu’elle m’a vendu du rêve. Elle bossait comme statisticienne et trouvait ça nul. Elle voulait donner « un sens à sa vie ». Elle, comme moi, a une grande idée de ce que doit être la justice. Et, parfois, je vois bien que la police ne peut pas tout faire. En plus, elle m’a dit que ce serait super stimulant, intellectuellement, et que je ne serais pas obligée de parler à des gens si je n’en ai pas envie.

    Et c’est vrai que ça va bien avec mon rêve perdu de médecin légiste, au lieu d’être Zorro en blouse, je serai Zorro en baskets.

    On a déjà commencé par une formation. Ça a été horrible, j’ai dû jongler entre les deux écoles, Marseille pour mon master et Montpellier pour celle de détective. J’ai bossé mes partiels la nuit. Après un stage café-photocopies dans une vieille agence pourrie à Istres, nous nous sommes lancées dans la grande aventure. J’ai parfois des coups de mou, alors, pour vérifier que je suis sur la bonne voie, je fais des expériences. L’autre jour, j’ai suivi une fille pendant qu’elle faisait son shopping, elle ne m’a même pas captée ! Enfin si, en fait, elle m’a vue, bien sûr, puisque j’ai trébuché dans le rideau de la cabine d’essayage à côté de la sienne et que je suis tombée à ses pieds, déchirant le tissu et cassant le tabouret de sa cabine. Mais, à aucun moment, elle ne m’a soupçonnée ! Si ça se trouve, je suis faite pour ça !

    Et puis, avec Adèle, on pourrait devenir vraiment douées et aider la police !

    D’ailleurs, si je n’ai pas choisi les forces de l’ordre, c’est parce que c’était sur la liste de ma mère. Non, je rigole, évidemment que ce n’était pas dessus.

    C’est plutôt que le danger, je n’aime pas ça. Je suis peureuse, émotive, et mon instinct de survie est très développé.

    Avez-vous déjà senti la lame d’un cran d’arrêt contre votre abdomen ? Avez-vous déjà été mis en joue par un ivrogne à 2 heures du mat’, en vous disant « Le con, même s’il vise à côté, il est tellement cramé que je risque d’en prendre une ! » Non ? Je ne vous le souhaite pas. Et je vous assure que je préfère relever les petites mesquineries du genre humain, plutôt que de rêver de cadavres toutes les nuits ou d’en être un moi-même.

    Il faut ajouter à cela que c’est un métier très peu reconnu. Les vieux t’adorent et les autres te méprisent : soit tu fais trop bien ton job et ça les dérange, soit tu ne le fais pas et bien sûr, on te le reproche.

    Non, franchement c’est trop ingrat. Sans compter que certains agents – comme le reste de la population – me donnent envie de les assommer à grands coups de Bescherelle en espérant que « La connaissance de l’orthographe et de la grammaire » entrera dans leur crâne par diffusion. Je bosse avec eux, mais je n’en fais pas partie. Les avantages, sans les inconvénients.

    Mon seul contact dans la police, c’est mon pote Patounet, lui, au moins, ne me jette pas un regard concupiscent en disant : « Très bien, mademoiselle, nous pourrions peut-être aller boire un verre, histoire de me remercier de mon aide… ». À moi la liberté, l’indépendance et l’aventure !

    Enfin, ça, c’était le rêve. Parce que la réalité est tout autre.

    Mon père s’est vraiment énervé. Il menaçait de me couper les vivres. Ma mère a négocié pour moi, trois mois d’essai et je dois finir mon master. Et exercer en tant que prof de lettres. Elle veut absolument cocher sa case sur le frigo. J’ai accepté, ce n’est pas comme si j’avais eu le choix… Je serai donc bientôt enseignante détective… Si c’est pas de la couverture en béton, ça !

    C’est vraiment très important pour moi de réussir, c’est une question d’honneur, maintenant. J’ai bien vu dans les yeux de mon père, résigné, il me regarde comme un petit Padawan, à qui on a tout appris, mais qui veut quand même faire ses erreurs, pour être sûr que c’en est une. Mais je suis persuadée qu’on va tout déchirer, et que, très bientôt, je lirai à nouveau la fierté dans ses yeux.

    Enfin… Quand on saura comment communiquer sur nos incroyables compétences.

    Comment se faire connaître sans être démasqué quand on est détective privé ? C’est une excellente question. On a essayé de se balader en distribuant des cartes de visite, mais les gens avaient vu notre visage, du coup notre couverture était morte. Pour la discrétion, on repassera.

    Sans compter que je fais 17 ans depuis que j’ai 17 ans, donc niveau crédibilité, je repasserai aussi.

    J’ai demandé à Adèle de faire un super site Internet, histoire que les clients potentiels nous trouvent. Elle a quelques amis avocats. Elle est super enthousiaste, Adèle. Elle a même publié une petite annonce dans La Dépêche.

    Mais, moi, pour le moment, je jongle entre mes études, mes parents et notre absence de prospects. Ça fait trois mois qu’on a commencé, le délai donné par mon père arrive à expiration à la fin de la semaine prochaine, et personne ne nous a appelées, personne !

    Je me demande s’il ne va pas falloir que je prenne un job pour payer ma part de loyer.

    Demain, j’épluche les petites annonces.

    2 – Adèle

    Mardi 5 avril 2016

    — Ça doit être sympa de travailler dans l’enseignement… À un moment, ça m’avait tentée, j’avais pensé faire prof de maths moi aussi, mais finalement j’ai fait totalement autre chose.

    — Tu bosses dans quoi, alors ?

    — En fait… je fabrique des bijoux.

    — Tu fabriques des bijoux ? Tu veux dire que tu as une boutique ?

    — En quelque sorte… mais… euh… ça te dirait qu’à l’occasion on aille prendre un café ? Ça nous permettrait de faire mieux connaissance, ça serait sympa…

    — Écoute… Tu vois, Adèle, tu es vraiment une fille formidable, super marrante, intelligente, et très belle, mais je ne serai jamais rien d’autre que

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