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Green Man: Un roman engagé
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Livre électronique331 pages5 heures

Green Man: Un roman engagé

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À propos de ce livre électronique

Un trio d'activistes en cavale...

Responsable de la mort d’un chasseur, un naturaliste fuit l’Ardèche pour échapper à la justice. Dans son exil jurassien, il rencontrera une jeune artiste néo-païenne et un septuagénaire haut en couleur avec qui il formera un trio activiste hétéroclite mettant à mal constructions illégales et projets destructeurs. Défiant bien-pensants, gendarmes et politiciens dans un parcours semé d’embuches, de belles rencontres et de rites païens, le drôle de gang s’organise pour détruire un barrage hydraulique, point d’orgue de leurs aventures.

Ce roman d'aevntures rend hommage aux personnes qui s'impliquent activement dans la protection de la nature.

EXTRAIT

Cela ne faisait pas cinq minutes que Jean-Jean avait quitté le groupe pour se rendre sous la falaise, qu’il entendit un coup de feu. « Veinard ! » pensa-t-il. Mais quelques secondes après, il entendait les cris désespérés de Maurice qui hurlait : « Dédé ! Dédé ! Au secours, j’ai tué Dédé ! » « Vite, vite, venez ! » C’est le plus vite possible que le père Jean descendit le chemin, puis remonta jusqu’au départ des sentiers où déjà deux autres chasseurs arrivaient. Tout trois remontèrent le passage entre la dense végétation arbustive. Ils arrivèrent au décroché du chemin. Maurice était à genou le visage blême. À côté de lui, gisait le corps d’André Dessaigne et ce qui lui restait de tête. Une mare de sang au sol, et des éclaboussures écarlates tout autour. Maurice ne pouvait plus prononcer un seul mot intelligible. Il était en état de choc. C’est lui qui avait tué Dédé. Il était tombé, et le coup de feu était parti. Dans la mauvaise direction. C’est ce qu’ils comprirent au bout de quelques minutes. Il n’y avait plus rien à faire pour ce pauvre André.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Naturaliste forestier, Pierre Athanaze milite au sein d’organisations et associations de protection de la nature depuis plus de 30 ans. Un parcours qui l’a amené à côtoyer scientifiques et militants, naturalistes et activistes. Et parfois des ministres…
Auteur de 3 essais sur la protection de la nature : « Le livre noir de la chasse », « Qui veut la peau du lynx ? » et « Le retour du sauvage », il publie aujourd’hui son premier roman en hommage à l’engagement des protecteurs de la nature de toutes sortes et de toutes obédiences. A la condition que leur engagement soit sans compromission.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie21 mars 2018
ISBN9782378730215
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    Aperçu du livre

    Green Man - Pierre Athanaze

    cover.jpg

    Table des matières

    Résumé

    Préface

    Le piège

    La fuite

    Sylvianne

    Gwenn

    Jeannot

    Cicatrices

    Jean-Paul

    Explosif

    Green Man

    L’arbre de vie

    Le gendarme

    Nathalie

    L’explosion

    Monique

    La rivière

    Le barrage

    Le lynx

    Franck

    Les loups

    Remerciements

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    Résumé

    Responsable de la mort d’un chasseur, un naturaliste fuit l’Ardèche pour échapper à la justice. Dans son exil jurassien, il rencontrera une jeune artiste néo-païenne et un septuagénaire haut en couleur avec qui il formera un trio activiste hétéroclite mettant à mal constructions illégales et projets destructeurs. Défiant bien-pensants, gendarmes et politiciens dans un parcours semé d’embuches, de belles rencontres et de rites païens, le drôle de gang s’organise pour détruire un barrage hydraulique, point d’orgue de leurs aventures.

    Naturaliste forestier, Pierre Athanaze milite au sein d’organisations et associations de protection de la nature depuis plus de 30 ans. Un parcours qui l’a amené à côtoyer scientifiques et militants, naturalistes et activistes. Et parfois des ministres… Auteur de 3 essais sur la protection de la nature : « Le livre noir de la chasse », « Qui veut la peau du lynx ? » et « Le retour du sauvage », il publie aujourd’hui son premier roman en hommage à l’engagement des protecteurs de la nature de toutes sortes et de toutes obédiences. A la condition que leur engagement soit sans compromission.

    Pierre Athanaze

    GREEN MAN

    Roman

    ISBN : 978-2-37873-021-5

    Collection Blanche : 2416-4259

    Dépôt legal mars 2018

    © couverture Ex Aequo

    © 2018 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de

    traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

    Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    Préface

    Ce roman possède le charme d’une belle histoire d’amour entre deux êtres épris de nature, chevaliers de l’extrême prêts à se sacrifier pour sauver leur planète en perdition. Au travers de personnages attachants et de policiers scrupuleux, il s’agit également d’un récit d’aventures parsemé de rebondissements qui nous tiennent en haleine.

    Enfin, sous couvert d’expéditions à hauts risques et de virées nocturnes sur les traces du lynx, l’auteur nous livre sa connaissance aiguisée des forêts et de leur faune sauvage tout en marquant son réel engagement de militant naturaliste.

    Jean-François Rottier

    Le piège

    Cette fois, c’en était trop ! Les chasseurs avaient promis de ne plus chasser sur la colline du Fromental. Ils l’avaient promis lors d’une de ces réunions qu’il détestait tant, en préfecture de Privas. Mais Franck le savait, il n’avait jamais cru les chasseurs, et les derniers évènements lui donnaient raison : « Ils n’ont aucune parole ! Eh bien, ils vont voir ce qu’ils vont voir ! ».

    Le Fromental abritait l’une des rares aires d’aigle royal du département, c’était un superbe site à amphibiens, dont le crapaud sonneur à ventre jaune, coqueluche des naturalistes. Depuis des années, les associations de protection de la nature de la région essayaient d’en faire une réserve naturelle régionale. Enfin, le maire de St-Jean-du-Tanargue avait donné son accord. Les services du Conseil Départemental soutenaient ce projet porté également par les élus écolos de la région. Sur cette montagne à la géologie si particulière, les forêts avaient été épargnées depuis plusieurs décennies par les incendies et les tronçonneuses. Rien que pour ça, ce site méritait une vraie et durable protection. Les chasseurs avaient négocié une contrepartie à ce projet. Ils demandaient une date d’ouverture anticipée au sanglier sur la majeure partie du département qui leur permettrait de chasser plus longtemps encore. Le préfet les en avait autorisé. Mais un peu trop tôt. L’arrêté publié, les chasseurs revenaient sur leur engagement au nom de la tradition qui faisait que les grands-pères de leurs grands-pères chassaient déjà sur le Fromental, qu’il n’y avait donc aucune raison que cela ne change. « Si c’est la guerre qu’il veulent, ils l’auront ! »

    La bagarre était relancée. Une multitude de réunions toutes aussi stériles qu’inutiles furent organisées. Mais en cette fin août, Franck avait vu que les Tartarin locaux avaient ouvert de nouveaux chemins, histoire de chasser plus facilement. L’ouverture de la chasse était pour dans deux jours. Il leur ferait payer ces abominables trouées qui défiguraient ce site magnifique et seraient source de dérangements incessants pour la faune sauvage.

    Franck n’était pas un va-t-en-guerre. Mais il n’entendait pas les laisser chasser ici sans rien faire. Il avait en tête quelques tours à leur jouer. Rien de bien méchant. Mais qui devrait suffire à leur gâcher le plaisir de quelques parties de chasse. En tout premier lieu, leur faire payer ces nouvelles tranchées dans les parties arbustives. Là où la faune trouvait refuge avant que les sécateurs et les tronçonneuses des Nemrod ne créent ces sentiers, quadrillant la plus belle zone de quiétude du massif. Là, dans les fourrés, il allait leur rendre le passage plus difficile. Sournoisement. Inutile de tenter de reboucher les chemins avec les branches et les troncs fraichement coupés qui avaient été jetés de part et d’autres de ces balafres qui serviraient de sentier. Franck savait pertinemment que les équipes de chasseurs passeraient la veille de l’ouverture pour examiner le bon état de leurs cheminements. Il fallait jouer plus malin.

    Il prit l’un des layons, remonta le fourré sur une bonne centaine de mètres, et s’accroupit. Il sortit de son sac une paire de pinces coupantes et une bobine de fil de fer. Un fil fin, mais solide qu’il avait emprunté à son patron l’après-midi même. Il s’en servait habituellement pour des réparations de fortune qui, bien souvent, duraient très longtemps, au plus grand plaisir des clients. Franck était connu dans tout le canton comme un taiseux bourru, mais aussi comme l’un des plus habiles mécaniciens de la région. Lui seul savait réparer correctement les antiques tracteurs Centaur D 140, dont certains paysans du coin refusaient de se séparer malgré plus de 60 années à travailler le sol ardéchois. Un hurluberlu venu du fin fond de l’Aveyron lui avait même fait réparer un vieux Fortson N de 1924. Une véritable épave, qui se mit pourtant à tourner comme une horloge après quelque semaines de soins, de débrouille et de patience. Monsieur Lagrange l’avait très largement récompensé d’un « ça c’est du bon travail Franck ! »… Il lui devait donc bien un rouleau de fil de fer aujourd’hui.

    Franck s’accroupit et enroula le bout de la bobine de fil de fer au pied d’un cornouiller et en torsada soigneusement l’extrémité. Comme s’il était au travail et que son installation se devait d’être pérenne, il tendit le fil au-dessus de la sente et fit de même au pied d’un houx juste en face. Le câble devait être tendu, mais pas trop. Pas trop haut non plus, de façon à ne pas être trop visible. Il ne lui restait plus qu’à le dissimuler avec quelques herbes et feuilles légères et le tour serait joué. Le chasseur qui passera par-là, n’y verra rien, et se prendra les pieds dedans. Et vlan ! Il en serait quitte pour une bonne chute. « Ça leur fera les pieds ! » Il réitéra son opération une dizaine de fois, sur quelques-unes des allées ouvertes par les chasseurs.

    Il ne lui restait plus qu’à rentrer. Mais avant, il sortit ses jumelles, et alla jusqu’à la souille où des cerfs, récemment arrivés de la Lozère toute proche, aimaient à se rouler dans la boue odorante. Les cervidés n’étaient pas au rendez-vous. La chouette hulotte entonna ses premiers chants de la soirée. Il était temps de rentrer. Il tenait à être discret, mais pas question de se cacher. Le Fromental était « son » site d’observation, et même de communion avec la faune sauvage, et surtout, avec cette forêt, libre de toute gestion, où il y avait tant à découvrir. Des champignons lignivores apparaissaient sur les arbres dépérissants et sur les troncs gisants, des mousses et des lichens poussaient dorénavant à profusion et toutes sortes de coléoptères inféodés au bois mort parcouraient la litière. Des chants et des cris d’oiseaux qui se mêlaient au son du vent dans les houppiers des vieux sapins. Nulle part ailleurs Franck ne partageait une telle communion avec la nature. La tromperie des chasseurs était pour lui une véritable déclaration de guerre. Il était déterminé, même s’il savait bien que ce ne seraient pas ces « pièges » qui, à eux seuls, permettraient de libérer le Fromental de la chasse.

    En rentrant, il passa devant le garage Lagrange. De vieux tracteurs attendaient d’être réparés. Ils attendraient encore demain. Puis la semaine prochaine, ou même un peu plus. Il remonta la rue jusqu’à la mairie, et pris à droite la rue fine où se trouvait son petit appartement. Il l’occupait depuis son divorce, cela faisait maintenant trois ans. Il avait beaucoup aimé Sandrine, mais rapidement leur ménage s’était essoufflé. Elle ne voulait pas d’enfant. Enfin, pas tout de suite. Lui en rêvait. Elle aimait sortir et parler, lui se complaisait dans le silence et ses activités naturalistes. Ils s’étaient quittés sans haine ni rancœurs. Mais régulièrement Franck repensait avec regret à Sandrine. Bien sûr, il connut d’autres filles. Certaines très gentilles et attentionnées, mais aucune avec laquelle il ne put envisager une vie commune.

    Rentré dans son appartement, situé au-dessus de la boulangerie du père Antoine, il rangea ses affaires. Ses jumelles, son bien le plus précieux, en tout premier lieu. Puis sa sacoche dans laquelle reposait ce qui restait de la bobine de fil de fer, une paire de pinces coupantes et une paire de tenailles. Quelques boîtes aussi, qui lui servaient à ramener divers échantillons de mousses ou de lichens qu’il essayait de déterminer. Parfois avec succès. Il s’intéressait depuis peu à ces drôles de végétaux. Il était déjà un très bon connaisseur des champignons. Il y avait tant à découvrir en forêt. Aussi, il souhaitait pouvoir mettre un nom sur tout ce monde, aussi petit soit-il, afin de mieux en partager l’intimité. Le matériel rangé, il se prépara à manger. Pas de la grande gastronomie, un bon petit plat quand même, dont il lui fallait également une portion pour le repas de demain midi.

    Dimanche, ce serait l’ouverture de la chasse. Pas question pour Franck de monter au Fromental. Mais pas question non plus de déserter la nature. Ce n’était pas parce que la chasse était ouverte qu’il renoncerait à ses activités naturalistes. Il irait certainement à Sarnace, remonterait le ruisseau de la Mayolle. Son eau claire abritait une population d’écrevisse à pattes blanches. Et il espérait bien y découvrir la très rare moule perlière. Son mentor, Jean-Paul Voynet, le meilleur spécialiste français de l’espèce, et sans doute d’Europe aussi, l’avait vainement cherché dans ce ruisseau forestier. Mais n’en avait trouvé qu’un reste de coquille. Si Franck, pouvait y découvrir quelques individus, ce serait pour lui une bien belle réussite, et un cadeau qu’il ferait à son ancien professeur de sciences naturelles. C’est lui qui l’avait initié à la découverte de la nature lorsqu’il était au lycée. Mais il avait dû arrêter l’école au décès de son père et trouver du travail afin d’aider sa mère à élever ses trois frères et sœurs. Et permettre tout simplement à la famille de se nourrir et de continuer à vivre, malgré le drame de la perte du père. C’est là qu’il apprit la mécanique. Tout d’abord dans un garage automobile et, depuis près de dix ans, au garage de Jean Lagrange. Pas un mauvais patron. Mais un emploi de peu d’avenir.

    Frank était toujours resté en rapport avec son ancien professeur. Ils avaient fait ensemble nombre de sorties dans la nature. Il avait continué d’apprendre auprès de cet homme, véritable puits de science, mais également le plus charmant des hommes. Il aimerait tant maintenant faire des découvertes qu’il pourrait offrir à son ami, histoire de lui montrer qu’il était digne de toute l’attention et de la patience que Jean-Paul avait portées à son égard toutes ces années. Oui, dimanche, il remontera, une fois de plus la Mayolle.

    ***

    Ce lundi matin, comme chaque jour, sur le chemin du travail, il s’arrêta au café-restaurant de la mère Lucette, pour y prendre un café et écouter les dernières nouvelles du village. Il y avait un peu de monde. Tous regroupés autour du Père Jean, qui expliquait le drame, un journal à la main. Hier, il était à la chasse. Avec son « équipe » habituelle. Ils étaient allés chasser au Fromental, histoire de faire une belle ouverture. Lui était allé de suite sous la falaise. Mais Maurice et Dédé prirent la première sente. Une de celles qu’ils avaient ouvertes dans cette saloperie de broussaille, il y a deux semaines. Celle qui mène sous les grands sapins. Les autres chasseurs s’étaient déployés sur les autres sentiers nouvellement tracés par leurs bons soins. Il faisait à peine jour. Officiellement, la chasse n’avait pas encore démarré. Mais les gardes-chasse ne venaient jamais à St-Jean-du-Tanargue. Personne ne le saurait. Et c’est à ces heures qu’on a le plus de chance de voir un cerf. Et de le tirer.

    Cela ne faisait pas cinq minutes que Jean-Jean avait quitté le groupe pour se rendre sous la falaise, qu’il entendit un coup de feu. « Veinard ! » pensa-t-il. Mais quelques secondes après, il entendait les cris désespérés de Maurice qui hurlait : « Dédé ! Dédé ! Au secours, j’ai tué Dédé ! » « Vite, vite, venez ! » C’est le plus vite possible que le père Jean descendit le chemin, puis remonta jusqu’au départ des sentiers où déjà deux autres chasseurs arrivaient. Tout trois remontèrent le passage entre la dense végétation arbustive. Ils arrivèrent au décroché du chemin. Maurice était à genou le visage blême. À côté de lui, gisait le corps d’André Dessaigne et ce qui lui restait de tête. Une mare de sang au sol, et des éclaboussures écarlates tout autour. Maurice ne pouvait plus prononcer un seul mot intelligible. Il était en état de choc. C’est lui qui avait tué Dédé. Il était tombé, et le coup de feu était parti. Dans la mauvaise direction. C’est ce qu’ils comprirent au bout de quelques minutes. Il n’y avait plus rien à faire pour ce pauvre André.

    Quand arrivèrent les autres chasseurs, le grand Jacques se prit les pieds dans un fil de fer. Un fil de fer ? Que diable pouvait-il bien faire ici ? Les chasseurs regardèrent avec plus d’attention, et découvrirent qu’un câble, très fin était tendu en travers du sentier. C’est sans nul doute ce qui avait fait trébucher Maurice. Ce qui était responsable de la mort de Dédé !

    Avant même que le chasseur eut fini son récit, Franck avait compris qu’il était responsable de la mort de cet homme. Un chasseur, un homme du village. Egalement un client de monsieur Lagrange. Il ne l’appréciait pas. C’était un vantard invétéré, une de ces grandes-gueules qui sait tout faire et qui donne toujours des conseils à ceux qui n’en ont pas besoin. Il était le mari de la Juliette, une brave femme que Franck aimait rencontrer au village. Franck ne put finir son café. Il ne pouvait rester là à écouter tous les commentaires qui fusaient.

    « Mais qui est l’enfoiré qui a bien pu tendre un fil de fer ici ? C’est criminel ! Si je le tiens, j’lui ferai payer »

    « La pauvre Juliette, qu’est-ce qu’elle va devenir après un drame pareil ? »

    « Moi j’vous le dis, c’est encore un coup des écolos ! Va falloir qu’ils le paient ces salopards ! »

    « A nom de Dieu de bon Dieu ! Faut-il être un sacré dégueulasse pour faire des choses pareilles. »

    C’en était trop pour Franck. Il était livide. Heureusement pour lui, sa barbe épaisse cachait son teint blafard. Il posa la monnaie sur le comptoir et quitta la salle du café sans que les autres clients n’y prêtent attention, tous complètements absorbés par cet horrible fait divers qui frappait la petite communauté de St-Jean-du-Tanargue. Il descendit la rue, remonta la route de Largentière qui le menait au garage. Son esprit était tout entier accaparé par ce drame, par sa responsabilité dans la mort d’un homme. André Dessaigne n’était pas un type bien. Un fort en gueule qui avait dû mener la vie dure à la Juliette, un des meneurs de la société de chasse qui avait tout fait pour que le Fromental ne devienne pas une réserve naturelle. Mais il était mort aujourd’hui. Et cela par sa faute. Un peu comme si c’était lui qui avait appuyé sur la détente. Bien sûr, personne ne pouvait savoir que c’était lui qui avait tendu le piège. Enfin, il l’espérait. Mais comment pourrait-il assumer la mort d’un homme ? Combien de temps cela allait-il le hanter ? Pourrait-il continuer à vivre comme si de rien n’était ?

    En arrivant au garage, Jean Lagrange était en discussion avec un client matinal. De quoi pouvait-il bien parler sinon de la mort d’André Dessaigne ? Pas question d’affronter une pareille discussion. Il ne passa pas, comme il le faisait habituellement, par le bureau de son patron, mais ouvrit le portail de l’atelier, en s’enfonçant dans le noir jusqu’au vestiaire. A peine avait-il enfilé son bleu de travail que Lagrange l’appela. Etait-ce pour lui annoncer la mort du chasseur ? Pour le questionner sur ce qu’il aurait pu voir sur le Fromental, puisqu’il savait très bien que Franck y passait beaucoup de son temps à « courir les bois » ? Se doutait-il de quelque chose ? Allait-il le harceler de questions ? Il lui fallait donner le change. Avoir l’air de rien. Il sentait ses jambes choir sous lui. Il devait être plus blanc que la neige. Il se renfrogna plus encore sous sa barbe et rentra dans le hall d’entrée du garage, où son patron parlait toujours à son client. « Franck, il faut absolument que le tracteur de monsieur Dufour soit prêt demain matin au plus tard. Bouge-toi un peu, tu as trop fait la fête ce week-end ou quoi ? ! Tu as une de ces têtes ce matin… Demain matin au plus tard ! » Le mécanicien fit aussitôt demi-tour, et s’enfonça dans l’atelier. Il y serait en paix pour quelques temps. Mais pas en paix avec lui-même. Comment aurait-il pu l’être ? Sans cesse il revoyait le visage du mort. La voix du Père Jean commentant la découverte du cadavre le hantait. De ce qui lui restait de tête, de la flaque de sang et des éclaboussures sanguinolentes tout autour. Dès qu’il se reprenait, c’était pour penser à la Juliette. Cette pauvre femme en avait bavé avec son mari infidèle, prétentieux et vantard. Mais ce serait sans doute plus dur pour elle dorénavant. Seule. Elle allait finir sa vie seule. Cela par sa faute.

    Personne ne devait se douter de rien. Pas question que quelqu’un découvre qu’il était le coupable de cette mort non accidentelle. Pas question qu’il gâche le restant de sa vie, pour la mort d’un salaud. Un de ces types qui ne prend la nature que pour un terrain de jeu et les animaux pour des cibles. Personne ne pourrait faire le lien entre lui et le fil de fer. Tout le monde a du fil à la campagne. Le Fromental n’est qu’à quelques centaines de mètres de la route, à cinq kilomètres de St Jean, à quatre de la Bégude. N’importe qui aurait pu faire cela. Même un chasseur jaloux. Non, il ne fallait pas éveiller de soupçon.

    Il sortit dans la cour, et se rendit auprès du vieil International B 414 qui avait encore fière allure. Voila qui lui ferait penser à autre chose. Enfin, l’espérait-il.

    Midi arriva. La pause déjeuner avec. Aujourd’hui, il fallut que son patron appelle Franck pour qu’il arrête le travail pour venir manger. Depuis le temps qu’ils travaillaient ensemble, ils avaient ce rituel. Même s’ils ne se voyaient pas, ou peu de la journée, chaque midi, ils déjeunaient en parlant de la pluie ou du beau temps. Ou des gens du village. Ou des villages environnants. Enfin, c’était surtout Jean Lagrange qui parlait. Et Franck qui acquiesçait. Mais ça lui faisait du bien. Il avait ainsi l’impression de partager la vie de cette petite communauté villageoise. Il en aurait, bien sûr, des choses à dire. L’arrivée des premières fauvettes des jardins, le brame du cerf, ou les ours que, chaque été, il essayait de voir et de pister dans ses chères Pyrénées. Mais cela n’intéressait pas son patron. Ou peut-être, ne savait-il pas intéresser son patron à ses passions. Deux fois, il avait eu la chance d’observer les ours dans les magnifiques forêts de l’Ariège ou des Hautes-Pyrénées. Il en avait même photographié un. Une photo un peu floue, un peu sombre. En tout cas mille fois moins belle que le souvenir qu’il avait gardé, gravé dans sa mémoire, de cette incroyable rencontre avec le prince des forêts.

    Franck alla jusqu’au réfrigérateur. Il sortit ses gamelles, son assiette, ses couverts et son verre. Sans un mot, il prit une casserole et fit réchauffer le reste de rôti et de petit pois de la veille. Son patron le regardait amusé : « Tu as dû en faire une de ces fêtes ce week-end ! Tu as une de ces têtes ! » Les assiettes remplies, ils s’assirent face à face. Chacun à leur place. Comme tous les jours. Et comme d’habitude, c’est le patron qui entama la discussion.

    — Ben dit donc, t’as appris pour l’autre dégourdi de Dédé Dessaigne ? Il est mort hier à la chasse ! Il parait que ce serait un coup des écolos. Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre.

    — Ouaih ! J’ai entendu ça ce matin chez la mère Lucette.

    — Dis donc, tu en connais toi des écolos. Z’aiment pas bien les chasseurs ces types-là. Tu crois tout de même pas qu’ils feraient des trucs comme ça tes potes ?

    — Non. Enfin… Si j’en connais. Mais ils feraient pas ça.

    — Y’a pourtant ben quelqu’un qui l’a mis ce foutu fil de fer ! Parait que la gendarmerie, elle en a trouvé d’autres des fils de fer en travers des chemins de chasseurs.

    — Chais pas.

    — Y parait que les gendarmes ont fait appel à des policiers en blouses blanches. Tu sais, des types comme dans les séries américaines. J’sais pas s’ils sont aussi bons en France. Mais en Amérique, rien qu’avec une goutte de transpiration séchée, ou un postillon, ils retrouvent le coupable. Enfin on verra.

    La police scientifique ! Oui, c’est vrai ça. Avec rien du tout ils trouvent des coupables, mêmes des années après, avec leurs nouvelles technologies. Franck essaya de se rappeler s’il avait pris des précautions particulières. Pas vraiment. Certes, il avait tenté de ne pas attirer l’attention sur lui. Mais il n’avait pas de gants. Les criminels, comme les voleurs ont toujours des gants à la télé. Mais lui n’était pas un criminel. Enfin, si, maintenant. Mais c’est pas pareil. Là, c’était une mauvaise blague qui a mal tourné. Ce n’était pas de sa faute. Et puis quelle idée de prendre un sentier à deux. Si le Maurice y était allé seul dans son sentier, il serait tombé. Le coup serait parti. Mais il n’aurait tué personne. Quel abruti ! Non, il n’avait pas de gants. Mais on ne laisse pas d’empreinte digitale sur un fil de fer aussi mince. Et l’ADN ? C’est presque toujours avec l’ADN que le FBI trouve les coupables. En avait-il laissé ? Comment en laisse-t-on ? Par la salive ! Il n’avait pas parlé, il était seul ce jour-là. Comme bien souvent. Par la transpiration ? Peut-être. Mais il ne se rappelait pas avoir transpiré lors de cette « opération ». Non, ce qui l’inquiétait plus, C’était les cheveux ou les poils de barbe. C’est souvent comme cela que les criminels se font prendre dans les films policiers ou les séries télévisées. Mais comment ferait-il pour trouver un cheveu ou un poil de barbe au milieu des fourrés. D’autant qu’il y en a eu du monde dans ce maudit sentier. Les chasseurs qui sont venus aux cris de Maurice. Puis les pompiers. Les gendarmes de Largentière, puis ceux d’Aubenas. Ça en fait du monde. Ça en fait des possibilités de cheveux et de poils de barbe. Non des barbus, il y en a moins. « Nom de Dieu ! Peuvent-ils m’identifier ? »

    Après le café, chacun retourna à son tracteur. Franck vit passer des véhicules de la gendarmerie. Dans un sens. Puis dans l’autre. La voiture du maire passa. On reconnaissait bien sa vieille Ford, toujours poussiéreuse du premier janvier au trente et un décembre. « Pas une voiture pour un maire. Sauf à St-Jean… » Ces allées et venues n’étaient pas pour rassurer Franck. L’après-midi passa tout de même. La journée de travail finie, il remonta jusqu’au village. Il lui fallait passer à l’épicerie. Là-bas, il aurait toutes les infos de la journée. Personne n’était plus bavarde ni mieux informée que la Marie-Jeanne. S’il restait dix minutes, histoire que passent deux ou trois clients, sûr qu’il aurait une idée de la tournure de l’enquête. Enfin, il l’espérait. Même s’il savait très bien qu’en aucun cas, la Marie-Jeanne n’aurait recueilli des confidences de la maréchaussée. Mais elle avait un don pour les bonnes infos.

    Il rentra dans ce qui ressemblait à un minuscule libre service. Hésita entre les macaronis et les coquillettes, la boîte de petits pois ou celle de haricots, et le camembert ou le pélardon local. Ce qui lui permit de laisser passer devant lui la femme du maire, le père Durand et la « femme du curé ». De quoi récolter quelques infos que chacun dévoilait à l’autre comme s’il s’agissait d’un secret connu de lui seul.

    — Parait qu’il était pas beau le Dédé Dessaigne. La tête complètement explosée ! De la cervelle de partout !

    — Elle devait pas être bien grosse la cervelle de Dédé !

    — Les gendarmes de la ville, ils en ont récupérée qu’ils ont mis dans de petites boîtes.

    — Parait que ces gendarmes, z’étaient habillés en blanc dans des combinaisons, comme des cosmonautes. Fera pas le malin longtemps celui qui a fait ça. Avec leur chimie et leurs ordinateurs, z’auront tôt fait de lui mettre la main dessus à ce salopard.

    — Non, parait que c’est long toutes ces analyses. Pas comme dans les films de la télé. Il aura le temps de prendre le large le salaud.

    — Et vous voulez qu’il aille où ? De nos jours, on attrape

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