Témoignages de cueilleurs
La friandise des écureuils!
Dès la fonte des neiges dans les hêtraies-sapinières de Haute-Savoie, Laurent Francini arpente les bois à la recherche du “marzu”.
Membre actif de la Société mycologique et botanique de Ville-la-Grand depuis trente ans et aujourd’hui son président, Laurent Francini se passionne pour la nature depuis bien longtemps. Botanique, faune et champignons composent ainsi un quotidien qu’il partage avec générosité sur son site Internet. «Je m’intéresse aux champignons depuis environ quarante-cinq ans. Dès l’âge de 7 ans, j’accompagnais mon père dans les forêts du bassin lémanique, entre Annecy et le mont Salève. J’ai un souvenir précis de ces sorties baignées par la rosée matinale.» Laurent garde en mémoire des récoltes fantastiques: «Chanterelles, bolets et pieds-de-mouton, trompettes-des-morts et d’autres espèces que l’on ne connaissait pas mais qui m’attiraient déjà par leur beauté, leurs formes, leurs couleurs… » Et que dire de ce souvenir de… 1966 ? « Nous avions une fois trouvé quantité d’un beau champignon orange dont on ignorait la comestibilité. Nous les avions laissés presque tous sur place et demandé une identification au secrétaire de mairie du village. “Des amanites des Césars!” nous répondit-il. Nous étions retournés dans la forêt l’après-midi pour les ramasser, et nous en avions finalement cueilli près de 5 kg!»
Laurent Francini évoque également un champignon de saison, un champignon de connaisseur: l’hygrophore de mars. « Ici, en Haute-Savoie, il pousse dans les hêtraies-pessières dès 400 m d’altitude, fin janvier en plaine et jusqu’à début juillet parfois à 1600 m.» Des conditions particulières et des indices? «Il faut que la neige soit fondante, la température douce, qu’il y ait de l’humidité et que le vent du nord ne souffle pas trop fort, car la bise est un ennemi. Le marzu supporte le gel tant qu’il ne dure pas plusieurs jours.» Pas d’indices, si ce n’est la patience ou l’éventuelle présence de clitocybes printaniers – Radicellata et Vermicularis – et d’une flore précise. «Il est souvent associé au myrtillier, à l’épicéa et au sorbier.» Mais il faut avoir l’œil pour être capable de repérer les petits monticules formés par le chapeau encore caché sous la litière d’aiguilles et de feuilles.
Un souvenir… «C’était en 1995, au sortir de l’hiver, avec ma femme et un ami, sur le plateau des Glières. Un site que je fréquente depuis quarante ans. Nous étions tombés au bon moment sur une station où nous avons récolté près de 12 kg d’hygrophores»… et des anecdotes plein le panier. «En 2001, nous avions décidé de faire une sortie de groupe afin de faire connaître cette espèce aux débutants. Après avoir passé trois heures dans la forêt à retourner en tous sens les tapis de feuilles et d’aiguilles, pas moyen d’en dénicher un seul exemplaire. Soudain, c’était justement un débutant qui avait remarqué des miettes laissées par les écureuils. Une vingtaine d’exemplaires en parfait état.» Laurent Francini ne compte plus les remarques, souvent amusantes, par exemple «celles des promeneurs qui, en février, nous voyant chercher des champignons, nous demandent si l’on n’était pas devenus fous». À la cuisine, le
