Aventures sahariennes: La montagne au désert
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À propos de ce livre électronique
Ce récit vous prend au cœur. Il vous transporte, où qu’on le lise, loin dans l’espace et même loin dans le temps. On suit avec l’auteur de cahotantes pistes sahariennes.
On se retrouve avec lui dans les parois du Hoggar que des hommes tentent de gravir sous un soleil de plomb, en vivant l’épreuve de la soif, l’inconfort extrême, la peur parfois... On découvre aussi la noblesse des Touaregs rencontrés, leur mode de vie si frugal et si pur, leur hospitalité si franche que le monde artificiel qui est le nôtre se voit dans sa véritable vanité. Ces expéditions au désert se révèlent comme de superbes histoires d’amitié par-delà la vie et la mort... - Anne Sauvy
Ce livre a obtenu le Prix du Mont-blanc au salon international du livre de montagne de Passy en 2003.
Un récit autobiographique émouvant qui raconte le rapport d'un homme à la montagne et à ses propres limites.
EXTRAIT
Comment devient-on alpiniste ? Comment naît une telle passion ? Comment, de simple loisir même sublimé par l’appel de la montagne, un engouement devient-il raison de vivre ?
J’ai tenté de répondre à ces questions dans un premier ouvrage, Les Brodequins du Soleil.
J’ai aimé en écrivant ce livre, refaire le chemin qui m’a tiré de l’atelier de menuiserie de mon patron, vers mes premiers sommets. J’ai renoué, ému, avec le temps où, écolier instable et enfant inconscient, je fuyais l’école et la maison de mes parents pour m’offrir le luxe, hors de prix et de compréhension — de la part des grands — de plusieurs journées et nuits d’affilée où j’égrenais mes heures de liberté volées, dans la nature et à la belle étoile.
J’ai dit ma fascination en découvrant le Mont-Blanc à l’occasion d’un camp de vacances et la cruauté de notre première séparation à l’issue de ce même camp. Je me souviens des bavards dans l’autobus qui nous ramenait à notre pays d’usines, et des récits de quelques exploits insensés. J’étais, c’est vrai, l’unique cœur silencieux parmi cette débauche de souvenirs, si vite embellis au flirt de l’imaginaire. Mais en moi la montagne grondait, appelait, s’imposait. De Chamonix à la Franche-Comté, ma région natale, deux mots ont nourri mon silence :
— Je reviendrai.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Jean-Marie Choffat rend un bel hommage à Frison-Roche et aux hommes du désert ; écrivain passionné et passionnant, il nous conte ici une véritable histoire d’amour entre un homme et une montagne inaccessible. - Patrick Poivre d'Arvor, Place aux livres, LCI
Un Choffat des grands jours : enflammé, talentueux, mais surtout humain, terriblement humain au pied des rudes montagnes du désert. - Serge Lacroix, L'Est républicain
Un livre chaleureux, à l’image de l’auteur ; et l’on se surprend à se projeter dans le grand désert pour connaître à notre tour l’enthousiasme que ses textes contiennent et distillent à profusion. - Alpinisme & Randonnées
Un seul mot pour résumer cet ouvrage : superbe ! - M. Galien, France 3
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1956 à Belfort, Jean-Marie Choffat découvre la montagne et l’alpinisme à l’âge de 14 ans. En 40 années de montagne, il a réalisé plus de 1200 ascensions et de nombreuses premières, tant en France qu’à l’étranger. Ancien secrétaire et vice-président du G.H.M, membre de l’Alpine Club, il est l’auteur d’une dizaine de livres dont beaucoup ont été primés.
En savoir plus sur Jean Marie Choffat
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Aperçu du livre
Aventures sahariennes - Jean-Marie Choffat
Table des matières
Résumé
AVANT PROPOS
PRÉFACE
PROLOGUE
Première partie
Montagnes d’ailleurs
La part du rêve
DÉPART
NOËL DANS LA VILLE BLANCHE
TAMANRASSET, CAPITALE DES HOMMES BLEUS
PREMIÈRES PISTES
L’ARÊTE NORD DU TIDIKMAR
GARET EL DJENOUN, MONTAGNE DES GÉNIES
BOUBEKER, GUIDE SAHARIEN
Mertoutek, le village de roseaux
LES GRANDES DALLES DE L’IN-AKOULMOU
Ascensions dans L’Atakor
REVENIR
Deuxième partie
Une découverte et un défi
RECRUTEMENT
DE TUNIS AU GRAND ERG ORIENTAL
NOËL DE SABLE
JOIES DE LA PISTE
VERS L’ILAMANE
OCÉAN VERTICAL
DES CENDRES DANS LA BOUCHE
LE COUSCOUS D’AHMED
TRANSSAHARIENNE
EL GOLEA ET GHARDAIA, OASIS AUX MILLE SOLEILS
KAIROUAN
BILAN
Troisième partie
Solitude à quatre
QUATRE HOMMES ET UNE PAROI
ATTENTE À L’AÉROPORT
TAXI POUR LA SOLITUDE
PROVISIONS D’EAU
VISITE AU CAMP DE BASE
LA PIERRE ET LE FEU
LA NOURRITURE ET L’EAU MANQUENT
PASSERA OU PASSERA PAS ?
LA VOIE DE LA REVANCHE
ON RENTRE
DES RÉUSSITES, MAIS…
Quatrième partie
D’autres voyages…
Après bien des années…
Deux autres voyages… la même année
Parenthèse
Djado : des citadelles dans le désert
Épilogue
Annexes
Bibliographie
Du même auteur
Résumé
Ce récit vous prend au cœur. Il vous transporte, où qu’on le lise, loin dans l’espace et même loin dans le temps. On suit avec l’auteur de cahotantes pistes sahariennes.
On se retrouve avec lui dans les parois du Hoggar que des hommes tentent de gravir sous un soleil de plomb, en vivant l’épreuve de la soif, l’inconfort extrême, la peur parfois… On découvre aussi la noblesse des Touaregs rencontrés, leur mode de vie si frugal et si pur, leur hospitalité si franche que le monde artificiel qui est le nôtre se voit dans sa véritable vanité. Ces expéditions au désert se révèlent comme de superbes histoires d’amitié par-delà la vie et la mort…
Anne Sauvy
« Jean-Marie Choffat rend un bel hommage à Frison-Roche et aux hommes du désert ; écrivain passionné et passionnant, il nous conte ici une véritable histoire d’amour entre un homme et une montagne inaccessible. »
Patrick Poivre d’Arvor
Place aux livres sur LCI
« Un Choffat des grands jours : enflammé, talentueux, mais surtout humain, terriblement humain au pied des rudes montagnes du désert. »
Serge Lacroix
L’Est Républicain
« Un livre chaleureux, à l’image de l’auteur ; et l’on se surprend à se projeter dans le grand désert pour connaître à notre tour l’enthousiasme que ses textes contiennent et distillent à profusion. »
Alpinisme & Randonnée.
« Un seul mot pour résumer cet ouvrage : superbe !
M. Galien
France 3
Ce livre a obtenu le Prix du Mont-blanc au salon international du livre de montagne de Passy en 2003.
Né en 1956 à Belfort, Jean-Marie Choffat découvre la montagne et l’alpinisme à l’âge de 14 ans. En 40 années de montagne, il a réalisé plus de 1200 ascensions et de nombreuses premières, tant en France qu’à l’étranger. Ancien secrétaire et vice-président du G.H.M, membre de l’Alpine Club, il est l’auteur d’une dizaine de livres dont beaucoup ont été primés.
Jean-Marie Choffat
Aventures sahariennes
La montagne au désert
Récit
ISBN : 978-2-37873-013-0
Collection Grands espaces
Dépôt légal février 2018
© couverture Ex Aequo
© 2018 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de
traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
À mon fils Marcelin, qui, peut-être,
découvrira un jour ces terres du Grand Sud saharien.
À la mémoire de Roger Frison-Roche,
Initiateur secret de ces voyages au désert…
Et dans les rires envolés de mes amis
Alain, Yannick, Claude, Louis et Pascal
J.M.C
AVANT PROPOS
Depuis son origine, ce livre a connu un bien étrange parcours. Mis en forme au cours de l’année 1984, mon texte devait être publié à la fin de cette même année. Cependant, les aléas de la vie et de l’édition ont fait que cet ouvrage n’a vu le jour qu’en 1990, et chez un autre éditeur que celui auquel il était destiné. Une maison d’édition franc-comtoise, plus habituée à la publication d’ouvrages à caractère régional finit par éditer ce livre, avant de cesser toute activité quelques mois plus tard.
Automne 2002 : nouvelle publication, cette fois auprès d’un éditeur grenoblois. Malgré l’obtention d’un Prix littéraire l’année suivante au salon international du livre de montagne de Passy, l’ouvrage mal diffusé tomba peu à peu dans l’oubli. Ainsi ce livre ne parvenait pas à rencontrer son public. Cela fut pour moi une grande déception. J’aime profondément les étendues du Grand Sud saharien et mon désir le plus cher, ayant vécu ces aventures, était de les partager.
Grâce à Éric Jacquet-Lagrèze, directeur des éditions Tensing, amoureux des voyages et des grands espaces, ce livre a pu repartir vers les passionnés d’aventures. Aujourd’hui, Éric hélas n’est plus là, mais le livre poursuit sa route grâce à Laurence Schwalm et aux éditions Ex Aequo.
Cela me réjouit et je remercie cette maison d’édition et sa directrice.
Si on les compare à ceux consacrés aux Alpes ou encore à l’Himalaya, les ouvrages français traitant d’escalades sahariennes sont rares. À ma connaissance, quatre ou cinq, pas plus ; encore faut-il y ajouter les topos guides. Et pas mal d’entre eux sont, hélas, épuisés.
J’écris ces lignes, alors que plus de trente années me séparent
de mon premier voyage saharien. Je me souviens encore de notre joyeuse équipe franco-suisse en ce matin de Noël 1980. En montant dans l’avion, nos bagages à main étaient remplis de mousquetons, de pitons, de cordes et même de marteaux. Insouciante jeunesse d’alors. Elle pouvait voyager sans la peur de voir son avion achever sa course dans un gratte-ciel, ou exploser en plein vol. Le terrorisme existait certes déjà, mais ces actes ignobles restaient rares.
Les temps ont changé…
En me replongeant dans ces pages pour la présente édition, j’ai retrouvé avec un plaisir insoupçonné l’exceptionnelle ambiance saharienne qui régnait alors. Essayer de la retrouver intacte de nos jours serait courir inutilement après de bien cruelles chimères.
D’abord, il y a les problèmes géopolitiques et religieux qui agitent les pays arabes aujourd’hui, et ôtent aux voyageurs l’envie de s’y rendre.
Ensuite, il y a les amis disparus…
Plus d’une fois, mon regard s’est embué à la relecture de ces textes. Et, si cette fois encore, à travers ces lignes, je me suis beaucoup amusé en leur compagnie, leur simple souvenir m’a souvent broyé le cœur avant de le submerger. Car si le sel des mots existe, il réclame aussi parfois celui des larmes. Revenir à ces pages, c’est aussi une belle façon de les remercier et de leur rendre hommage.
Une certitude m’habite : l’amitié vraie existe. Elle se situe sans doute bien au-delà des phrases et des mots, toujours si pauvres pour l’évoquer. J’ai eu la chance immense de la rencontrer là-bas, grâce à des hommes d’ici. Elle s’est poursuivie, s’est amplifiée. Elle est toujours ancrée, bien vivante et intacte, désormais gravée pour l’éternité au burin dans mes souvenirs et par-delà les nuages.
Ainsi, après bien des détours et des incertitudes, j’ai pu enfin traverser le grand désert longtemps caressé par mes lectures et mes rêves d’adolescent. Sa découverte a dépassé toutes mes attentes et toutes mes espérances. J’y ai connu quelques-unes des plus belles émotions de mon existence.
Reste donc ce livre que vous allez découvrir et dont les récits s’étalent sur seize années. Les premières pages, je les ai écrites dès 1982 — j’avais 26 ans —, les dernières en 1998, au retour de mon dernier voyage dans les montagnes du Djado au Niger.
Le désert est grand, il est beau, surtout il n’est pas vide puisque tous nos rêves l’habitent. Si avec ce modeste ouvrage j’arrive à vous le faire aimer un peu, alors j’en serais heureux.
Jean-Marie Choffat
Janvier 2018
img1.jpgCarte du Hoggar — dessin de Claude Aulard
PRÉFACE
Voici un siècle à peine, le Hoggar faisait encore partie des « terres inconnues », représentées sur les cartes par une tache blanche. Ce n’est qu’après l’accord de paix avec les Touaregs, à In-Salah, en 1905, que les compagnies méharistes sahariennes effectuèrent les reconnaissances de ce pays toujours mystérieux. Il fallut encore attendre trente ans pour les premières escalades des sommets prestigieux, l’Ilamane, volcanique et l’Oudane, granitique (plus connue sous le nom de Garet El Djenoun, traduction arabe de montagne des génies.)
Les récits de ces ascensions, réalisées au cours de véritables expéditions, ont été à l’origine de bien des rêves de jeunesse pour ceux qui avaient à l’époque, l’âge de Jean-Marie Choffat, lorsqu’il a ressenti, à son tour, l’appel du Hoggar.
J’ai eu la chance de réaliser mon rêve en 1955, de gravir la Garet El Djenoun, qui était retombée dans l’oubli pendant vingt ans. Et c’est donc tout naturellement que j’ai été amené à écrire cette préface pour le livre de Jean-Marie, en témoignage de notre commune passion pour le plus beau désert du monde.
Quelle évolution rapide en l’espace d’un demi-siècle !
On peut regretter ce que nous appelons « le progrès », mais sans lui, combien n’auraient jamais pu ressentir l’émotion qu’on éprouve dans ce monde si attachant.
Traversé par le tropique du Cancer, le Hoggar est situé dans le Sahara algérien, à deux mille kilomètres au sud d’Alger, entre 21° et 26° de latitude Nord et 3° et 10° de longitude Est (Greenwich.) C’est le plus grand des massifs cristallins — granites, roches métamorphiques, volcans — qui surgissent, tels des îles, de cette mer de terrains sédimentaires qui constituent la majorité du Sahara : sables, argiles, calcaires et grès. Le Hoggar est limité au Nord et à l’est par la falaise des Tassilis — Ahnet, Mouydir, Ajjer — au sud par les Tassilis du Hoggar et l’immense Ténéré, à l’ouest par le Tanezrouft.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’escalade relancée par Bernard Pierre s’est d’abord limitée aux massifs volcaniques, relativement proches de Tamanrasset, accessibles en méharées ; celles-ci conservent tout leur charme, elles sont irremplaçables pour qui veut entrer dans l’intimité de ce pays et créent une ambiance exceptionnelle. Mais on ne dispose pas toujours du temps nécessaire, surtout lorsqu’on veut visiter des régions éloignées les unes des autres.
C’est en 1955, après avoir gravi mes premiers sommets au cours d’une méharée dans l’Atakor, que j’ai utilisé la voiture tout-terrain ; tout simplement parce que ce moyen de transport était indispensable au développement, dans un si vaste territoire, des recherches géologiques et minières, auxquelles j’avais la chance de participer.
Ma première approche de la Garet se fit ainsi en voiture, mais les Touaregs qui nous accompagnaient, éprouvaient la même frayeur que les compagnons de Frison-Roche et nous avons dû les quitter plusieurs kilomètres avant les premières pentes, les premiers éboulis de notre montagne. Quant à nous, nous savions que les « génies » n’avaient pas retenu la cordée précédente et nous partions sans inquiétude, décidés à gravir la montagne par une voie nouvelle, le Coup de sabre, immense fissure qui rayait d’un seul trait, du haut en bas, la paroi nord. Nous étions légers, un peu insouciants, mais bien entraînés : un litre d’eau seulement — c’était l’hiver —, et un simple anorak dans le sac. Escalade agréable, peu soutenue. À 14 heures, nous étions au sommet, près du cairn érigé par nos prédécesseurs, d’où sortait encore la hampe de leur drapeau. Quel merveilleux spectacle à mille cinq cents mètres au-dessus du reg !
La journée était claire, la vue portait à plus de cent kilomètres, notamment sur la falaise des Tassilis d’Amguid. Nous sommes restés longtemps sur le plateau sommital où poussaient encore quelques oliviers sauvages et nous avons bu notre dernière goutte d’eau, pensant être en bas le soir même. La nuit, très froide, longue nuit saharienne, nous surprit entre deux rappels. Ce fut le premier, mais le plus sévère de mes bivouacs à la Garet. Nous avons souffert du froid et de la soif, mais sans crainte pour la fin de la descente.
Un an après cette première visite, nous sommes revenus, mon ami Jacques Bertraneu et moi, pour reconnaître la face est. Un de nos compagnons touaregs nous a, cette fois, acompagné jusqu’au pied même des rochers, loin à l’intérieur du massif. Deux ans plus tard, le Targui Ouenni atteignait le sommet !
Il accompagnait un groupe de jeunes et brillants grimpeurs du CAF de Paris, entraînés par leur président Jean-Paul Gardinier. En deux expéditions, fin 1957 et fin 1958, plus de cinquante voies nouvelles furent ouvertes sur les pitons volcaniques du Hoggar ; certains resteront parmi les plus difficiles ou les plus belles du massif, de plus en plus fréquenté par des alpinistes ou randonneurs, en majorité français, mais les autres Européens, notamment les Espagnols à l’éperon nord et à la face ouest de la Garet, y laissèrent aussi leurs marques.
L’escalade se développe en dehors des massifs volcaniques et des granites de la Garet ; on grimpe même sur les Aiguilles gréseuses des Tassilis, à la bordure du Hoggar.
Ne croyez pas cependant que le Sahara de l’aventure n’existe plus. On y meurt encore de soif. Certes, de voir aujourd’hui tant de monde parcourir le Hoggar, où j’ai eu la chance de découvrir de merveilleux « jardins secrets », me laisse parfois un goût amer et une certaine nostalgie. Mais doit-on garder jalousement pour soi de telles beautés ou permettre à ceux qui le méritent de les partager ?
Quant au sortilège de la Garet, a-t-il disparu ? Ou simplement s’est-il transformé ? Chaque fois que j’ai quitté cette montagne, ses génies m’accompagnaient, je n’avais qu’un désir : revenir ! Découvrir de nouveaux ravins, de nouvelles gueltas, des sommets cachés, connus des seuls mouflons qui abondent en ces lieux. Cela dure depuis près de cinquante ans et j’éprouve toujours la même émotion en retrouvant ce paysage pourtant devenu familier.
Le récit de Jean-Marie Choffat montre qu’il n’est pas nécessaire d’aller en Himalaya, au Groenland ou au Pôle Sud pour réaliser les rêves d’évasion. C’est aussi une belle leçon de courage et de volonté. Ce qu’il a fait avec des moyens financiers limités est un message d’espoir pour les plus démunis d’entre nous.
La voiture au Sahara permet l’approche et la reconnaissance des zones éloignées des centres urbains. On choisira celles qui méritent des séjours prolongés pour des randonnées ou des escalades, comme l’a fait Jean-Marie avec le Tidikmar, la Tefedest ou l’Ilamane. Le Hoggar et les Tassilis sont inépuisables sous cet aspect.
La voiture a cependant un inconvénient grave, elle laisse des traces, même sur les regs durs ; ces traces ne sont pas esthétiques, elles s’effacent lentement sauf dans les dunes où le sable est en mouvement constant. C’est une forme de pollution qui peut enlever tout charme à des massifs aussi beaux que les granites de Tioueine, à l’ouest de Tamanrasset. Il faut y penser quand on aborde des régions peu fréquentées et établir son bivouac en conséquence.
Maintenant, partez avec Jean-Marie à la découverte de ces « terres inconnues », en attendant de goûter vous-même cette ambiance saharienne faite de solitude, d’isolement et d’horizons infinis. Et comme Jean-Marie l’a si bien et si simplement exprimé, vous découvrirez aussi au fil des jours les qualités des Touaregs, peuple d’une profonde originalité, que vous regarderez avec respect et sympathie.
Claude Aulard{1}
PROLOGUE
Les affiches répandues dans la ville ont attiré quelque monde. Ce n’est en rien comparable aux marées déclenchées par la venue d’un Higelin ou d’un Goldman, mais, on peut le parier, ceux qui sont là ce soir vibreront aussi fortement à certaines évocations, que trépignent les fans de telle star ravageuse à son irruption sur un plateau.
Jean-Marie Choffat présente : « Sahara : Aventures au Pays des Hommes Bleus. »
C’est le thème de ma conférence, l’en-tête de mon affiche où le monochrome, un mauvais bleu, éteint l’éclat des paysages fabuleux, assassine la fierté d’un regard Targui.
Les moyens du bord, mon problème de toujours.
J’essaie de me décontracter. Dix ans d’impact sur le public devraient m’avoir aguerri. Mais il ne s’agit pas seulement de lui, que je sais pouvoir promener et faire rêver plus ou moins à ma guise. Il s’agit des souvenirs de ces « aventures-là », que trop de fougue ou une simple erreur d’appréciation dans une réponse peuvent me faire trahir.
Le peuple touareg et sa pauvre terre ensablée constituent l’une des ultimes perles de pureté du monde, et le privilège d’avoir été convié à partager son pain — la Taguella —, m’interdit toute fantaisie ou improvisation gratuite.
Mes expéditions, et c’est heureux, ont été nombreuses, et diverses les conférences qui en ont découlé. Dans les Alpes ou le Grand Nord, accroché aux parois du Mali ou saisi dans les cascades d’Écosse, j’ai découvert la beauté, la grandeur, ma précarité d’homme. J’ai exulté et j’ai eu peur, j’ai apprécié chaque seconde de la vie en me contraignant à ne point trembler quand je côtoyais la mort, toujours si proche, mais toujours si incertaine et si écartée.
Afin de restituer ces aventures et ces émotions à un public pour qui je suis ce genre de vagabond des cimes un peu particulier, qu’il n’a osé ou n’a pu devenir, toujours j’ai joué de la latitude absolue de mon instinct, de ma liberté et de mon droit au bonheur sur un sommet, sur une face ou une arête. J’exprimais les choses et mes sentiments simplement, comme elles m’étaient apparues et comme je les avais éprouvés. Et qui m’aurait contredit ?
Ici, un peu de cette liberté m’est refusée.
Les six cents photos que je vais offrir à mes compagnons d’un soir ne sont pas mon aventure. Et si ma liberté d’aimer est plus grande, ce pays des hommes bleus m’a révélé une âme où le sable, la terre pauvre, le roc, l’eau trop rare, un peuple et son humble pain, sont trop intimement, trop mystérieusement mêlés pour que je m’autorise à décliner une gloire quelconque d’avoir vaincu ses montagnes.
Là-bas, je n’ai rien vaincu.
Alpiniste, j’ai abreuvé ma folie d’horizon vertical sur un roc ou je suis devenu roc moi-même. Homme, je me suis incliné devant des hommes plus grands au pied de leurs montagnes, que je le serai un jour sur leurs sommets.
Et si Dieu, si ces hommes et ces montagnes ont accepté que je fraternise avec le peuple, avec la pierre et avec la terre, je me dois, par reconnaissance, par respect et par amour, de restituer combien cet amalgame étrange m’a davantage bouleversé que la plupart de mes fantastiques courses passées.
Après le défilement de ces six cents diapos, après avoir retrouvé le désert, ses montagnes et ses hommes, après les avoir présentés au public je m’adresserai à lui. Je répondrai à ses questions et demain, malgré toute l’éloquence dont je suis capable, je saurai n’avoir point encore découvert de mots assez profonds pour lui faire saisir infiniment le Sahara.
Peut-être après tout, ces mots-là n’existent-ils pas.
J’en ai fini avec ma projection. On s’en va ou on reste en ma compagnie, selon l’humeur, selon la façon dont on m’a perçu. On reste beaucoup. Et puisque je vais parler, le peuple touareg veille sur moi afin que je ne trahisse ni son sol, ni son ciel déchiré de montagnes fabuleuses, ni son humble majesté.
Première partie
Montagnes d’ailleurs
« Méfiez-vous des rêves de jeunesse,
ils finissent toujours par se réaliser »
Goethe
1
La part du rêve
Comment devient-on alpiniste ? Comment naît une telle passion ? Comment, de simple loisir même sublimé par l’appel de la montagne, un engouement devient-il raison de vivre ?
J’ai tenté de répondre à ces questions dans un premier ouvrage, Les Brodequins du Soleil.
J’ai aimé en écrivant ce livre, refaire le chemin qui m’a tiré de l’atelier de menuiserie de mon patron, vers mes premiers sommets. J’ai renoué, ému, avec le temps où, écolier instable et enfant inconscient, je fuyais l’école et la maison de mes parents pour m’offrir le luxe, hors de prix et de compréhension — de la part des grands — de plusieurs journées et nuits d’affilée où j’égrenais mes heures de liberté volées, dans la nature et à la belle étoile.
J’ai dit ma fascination en découvrant le Mont-Blanc à l’occasion d’un camp de vacances et la cruauté de notre première séparation à l’issue de ce même camp. Je me souviens des bavards dans l’autobus qui nous ramenait à notre pays d’usines, et des récits de quelques exploits insensés. J’étais, c’est vrai, l’unique cœur silencieux parmi cette débauche de souvenirs, si vite embellis au flirt de l’imaginaire. Mais en moi la montagne grondait, appelait, s’imposait. De Chamonix à la Franche-Comté, ma région natale, deux mots ont nourri mon silence :
— Je reviendrai.
Et je suis revenu{2}.
Je suis revenu assoiffé de glaciers, de pics enneigés et d’aventure blanche.
Je suis revenu, sectaire ignorant, là où l’appel m’avait frappé, convaincu encore que tout se passait sur quelques kilomètres alpins à la réputation grandiose.
Gamin de quinze ans aveuglé par les escarpements blanchis, je succombais de toute mon âme au romantisme des Premiers de Cordée de Frison-Roche, cette extraordinaire plume de la montagne.
L’aventure était alpine ou n’était pas.
Mais Frison-Roche, justement…
L’ancien, vénérable et vénéré autant pour son âge que pour son talent, était une porte qu’un coup de cœur suffirait à ouvrir sur une montagne plus vaste, plus inconnue, plus totale.
Plus lointaine aussi.
Pour moi, Frison demeure celui qui a fait des montagnes du monde : la montagne.
Me forgeant une morale à l’écoute du montagnard et de l’écrivain immense, je m’emplissais de lui entre deux courses inscrites dans le seul périmètre autorisé par mes moyens d’alors.
Aussi, quand au détour de l’un de ses livres je rencontrai le Hoggar, quand avec son amour d’homme pur, avec les mots qui jonglaient sur son cœur ou l’éraflaient, avec son respect émerveillé, il m’entraîna à cette découverte bouleversante, je sus que, les aimant déjà grâce à lui, je foulerai un jour ces terres-là, je m’élèverai sur ces montagnes-là, je toucherai la main, et avec l’aide de Dieu, le cœur de ces hommes-là.
Ce coup de foudre n’avait heureusement pas éteint ma soif de haute montagne et de sommets enneigés. Mes moyens, par ailleurs, ne me permettraient pas avant longtemps d’aller plus loin agrandir mon soleil.
Pendant dix ans, je me mesurai aux sommets et aux chaînes de France et d’Europe, gravant plus définitivement en moi mon idéal de montagne. Quelquefois, la chance aidant mes finances, je poussais l’aventure au-delà de ces frontières.
Ma première rencontre avec Yannick Seigneur ramena mes rêves dans les traces profondes de Frison-Roche, parmi ce Hoggar dont il m’avait entr’ouvert les pistes des années auparavant.
Passionné de photo et de cinéma de montagne, je gagnais alors ma