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Le Paradis n'est pas si loin: Roman d'anticipation
Le Paradis n'est pas si loin: Roman d'anticipation
Le Paradis n'est pas si loin: Roman d'anticipation
Livre électronique325 pages4 heures

Le Paradis n'est pas si loin: Roman d'anticipation

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À propos de ce livre électronique

Année 2092. Pollution, bouleversements climatiques, surpopulation, montée des eaux, extinction des espèces...

La Terre agonise et l’humanité est au bord du déclin lorsqu’un vaisseau expéditionnaire lancé 20 ans plus tôt aborde une planète en tous points semblable à la nôtre. L’atmosphère y est respirable et sa surface couverte d’une végétation luxuriante.
Autre monde, autre civilisation, autres mœurs.
Les 1200 colons terriens, choisis pour leurs qualités intellectuelles exceptionnelles, pourront-ils compenser les dix-huit siècles d'évolution qui les séparent de leurs hôtes ? Sont-ils prêts à cohabiter avec les autochtones afin de saisir cette nouvelle chance qui s’offre à eux ?
Les négociations et la confrontation de deux conceptions complètement opposées s’engagent.
Et si la finalité était de rendre le temps aux humains pour qu’ils puissent enfin vivre en harmonie avec la nature dans un monde délivré de toute servitude et compétition ?
Un monde qui donnerait un avant-goût du paradis...

Un roman d'anticipation qui ouvre la réflexion sur les dérives de nos sociétés modernes.

EXTRAIT

John Baker ouvrit les yeux. La cabine avait son aspect habituel. Enfin presque, car il éprouva une impression d'étrangeté qu'il ne sut définir. Les différents écrans somnolents avaient interdit une fois pour toutes à l'obscurité de s'installer. Quelques chiffres faisaient vibrer des colonnes et seul le décompte des secondes sur l'horloge centrale affichait une pulsation régulière. La date indiquait 18 avril 2092. Le temps de la Terre, car sur le vaisseau, le temps réel n'avait plus vraiment de sens. On comptait des "journées" de 24 heures pour respecter le cycle biologique mais avec le phénomène de la relativité, ces 24 heures représentaient environ 39 jours terrestres. Environ, car l'accélération ou le ralentissement du vaisseau changeaient ce rapport.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

En bref, Alain Larchier signe un roman d'anticipation qui ouvre avec simplicité et efficacité le lecteur à la réflexion. Un regard à la fois réaliste et sévère sur l'être humain et son autodestruction, ses besoins de s'accrocher sans cesse à quelque chose de matériel ou à un pouvoir fictif, un besoin de contrôle, qui le perd peu à peu. - Walkyrie29, Babelio

Et si les plus grandes richesses étaient le temps et la connaissance ? Un livre passionnant. - Denis Arnoud, Lecteurs.com

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né le 2 juillet 1939 à Lyon, Alain Larchier est aujourd’hui retraité, après avoir effectué une carrière dans l’industrie comme ingénieur électronicien, puis Directeur de Recherche. Il a commencé à écrire vers 1987, pour sortir du domaine de la technique. Marié et père de trois enfants, grand père six fois, il vit à Chevinay, près de Lyon. Il partage son temps entre l’écriture, le jardin, la vie associative. Il est également correspondant de presse pour Le Progrès. Le paradis n'est pas si loin est son dixième livre.
LangueFrançais
Date de sortie20 déc. 2017
ISBN9782376920038
Le Paradis n'est pas si loin: Roman d'anticipation

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    Aperçu du livre

    Le Paradis n'est pas si loin - Alain Larchier

    cover.jpg

    Couverture et iconographie : Alain Cournoyer (alaincournoyer.com)

    Sources photographiques : © Sebastian Kaulitzki / rolffimages - Fotolia

    © L’Astre Bleu Editions, 2016

    709 RD 933 – Les Leynards – 01140 GARNERANS

    astrebleueditions@laposte.net

    Collection « Hélium »

    Création des versions numériques : IS Edition, Marseille.

    ISBN (version papier) : 978-2-9552-1014-7

    ISBN (versions numériques) : 978-2-37692-003-8

    Du même auteur

    La Dame de Pérouges. 1993. Roman historique

    Éditions Horvath. Prix d’Ambronay en 1996.

    La Demoiselle de Charny. 1995. Roman historique

    Éditions Horvath.

    Les Fontaines de Lugdunum. 1999. Roman historique

    Passe Rêve Éditions.

    Over Flo. 2004. Roman.

    Éditions Les Traboules. Coup de Coeur Vaugelas 2005.

    Fallait pas pousser grammaire dans les orties. 2007.

    Roman policier

    Éditions Nikta et Encre Bleue (gros caractères).

    La tantation de San Pécunio. 2008. Roman policier.

    Éditions Les Traboules.

    Les cinq pétales de l’Athélia. 2010. Conte jeunesse.

    Éditions Samsara.

    Un an maire d’Eure. 2013. Roman.

    7 Écrit Éditions

    Le treizième disciple. 2015. Roman.

    Éditions Les Traboules.

    Quand le dernier arbre sera abattu,

    Quand la dernière rivière sera empoisonnée,

    Quand le dernier poisson sera pêché,

    Alors l'homme s'apercevra que l'argent ne se mange pas.

    Géronimo (1819 - 1901)

    1. Réveil

    John Baker ouvrit les yeux. La cabine avait son aspect habituel. Enfin presque, car il éprouva une impression d'étrangeté qu'il ne sut définir. Les différents écrans somnolents avaient interdit une fois pour toutes à l'obscurité de s'installer. Quelques chiffres faisaient vibrer des colonnes et seul le décompte des secondes sur l'horloge centrale affichait une pulsation régulière. La date indiquait 18 avril 2092. Le temps de la Terre, car sur le vaisseau, le temps réel n'avait plus vraiment de sens. On comptait des journées de 24 heures pour respecter le cycle biologique mais avec le phénomène de la relativité, ces 24 heures représentaient environ 39 jours terrestres. Environ, car l'accélération ou le ralentissement du vaisseau changeaient ce rapport.

    6 heures 45… John s'éveillait presque toujours au même moment, relativité ou pas. D'habitude, il sautait du lit pour prendre sa douche, entamant ainsi la routine d'un nouveau cycle d'activité sans surprise. Mais décidément quelque chose clochait et c'était horripilant de ne pas arriver à savoir de quoi il s'agissait. Aucun bruit… mais pas le silence total. Une rumeur ténue, inaudible, entretenait quelques décibels. Le silence absolu est mortel. Et qui aurait pu faire du bruit puisque tout l'équipage était en hibernation ?

    Il se leva avec un soupir et pénétra dans le minuscule cabinet de toilette. Un cylindre d'acier inoxydable se referma sur lui. La douche répondant à la commande vocale, des jets tièdes sous pression jaillirent à l'horizontale le long de la paroi. Chaque goutte devant être récupérée pour le recyclage, tout était fait pour réduire les pertes au minimum : pas de serviette, mais un séchage à l'air chaud.

    Une sensation de lassitude pesa sur John lorsqu'il commença à s'habiller. Il enfila machinalement son uniforme de capitaine et lança l'ordre pour la préparation de son petit déjeuner. C'était le dernier jour de sa semaine. Demain, le commandant prendrait le relais pour la semaine suivante et lui retournerait en hibernation. Une semaine, c'est court, mais bien trop long lorsqu'il ne se passe rien. Et pour qu'il se produise du nouveau, il faudrait que l'on atteigne l'objectif, but de l'expédition : trouver une exoplanète habitable. Pas de décision à prendre, tout était programmé dans les trois ordinateurs géants qui établissaient le périple : le voyage pouvait ne jamais finir… C'est pourquoi le recours à l'hibernation était indispensable : on ne voyait pas les jours passer et la consommation énergétique se trouvait réduite au minimum. Et surtout cela évitait les éventuels conflits dans une communauté de douze cents individus obligés de se supporter dans un espace assez vaste, mais confiné. Un seul officier restait éveillé, au cas où il y aurait de l'imprévu.

    Le seul fait notable, ce matin-là, était cette impression bizarre que quelque chose n'allait pas. Pourtant, aucun message d'alerte n'apparaissait sur les écrans de contrôle, tout fonctionnait parfaitement à bord. Pas question d'aller faire un tour dans le reste du bâtiment, la température hors de la passerelle de commandement était de moins 42°C. Il est inutile de chauffer des lieux désertiques quand il faut économiser une énergie qui s'épuise lentement. Mais il ne fallait pas descendre en dessous, sinon on risquait l'apparition de dysfonctionnements.

    John, qui venait de terminer son repas, jeta un coup d'œil à l'écran général et sursauta. Un détail mineur mais la température du vaisseau était remontée à moins 41,8 °C. Pas normal, la régulation devait avoir un souci. La mesure se faisait par rapport à la coque qui se trouvait au zéro absolu, une référence qui ne pouvait pas fluctuer. Donc on chauffait trop. Enfin un problème technique à résoudre ! Mais qui n'expliquait pas la sensation de malaise qui continuait. Le programme de vérification ne prit que quelques secondes pour afficher :" Check performed. No warning". Pourtant, la température était maintenant à moins 41,7°C. Que faire ? Réveiller le commandant avec un jour d'avance pour en discuter ? Ou bien attendre un peu pour voir si le phénomène allait se préciser ?

    Il posa machinalement son plateau dans le récupérateur et s'étira en baillant. Il remit les interrogations à plus tard et décida d'aller faire un peu de course dans l'anneau des sports. La piste circulaire faisait exactement cent mètres de circonférence, ce qui permettait d'évaluer facilement la distance parcourue. C'était un couloir assez étroit où l'éclairage était commandé par détection de présence. Il y était possible de circuler à trois de front et un système de vérins pouvait lui donner une pente plus ou moins accentuée. Il fit trente tours d'une allure régulière en réfléchissant à la situation.

    Lorsqu'il revint dans sa cabine vingt minutes plus tard, il alla se peser comme il le faisait chaque fois. Il eut un choc : il avait pris seize kilos depuis la veille !

    Pour de multiples raisons, une pesanteur artificielle régnait à bord. Cela facilitait les déplacements, forçait le corps à l'exercice physique et maintenait les choses en place. Elle était identique à celle de la Terre, mais pouvait être modifiée pour accoutumer l’équipage à une autre valeur existant sur la planète de destination. La première pensée de John fut que la régulation avait eu une défaillance, ce qui aurait peut-être pu aussi expliquer cette sensation étrange qui le perturbait depuis son lever et surtout justifier son surpoids. Comme il commençait à douter de l'infaillibilité de l'informatique, il réalisa une expérience élémentaire mais qui devait donner la valeur de la gravitation sans risque d'erreur. Elle consistait à lâcher, d'une hauteur de deux mètres, une bille d'acier retenue par un électroaimant et à mesurer le temps de chute à l'aide d'un chronomètre optique. Le résultat fut sans appel : la constante gravitationnelle avait augmenté de près de 20% alors que l'écran de contrôle affichait la valeur habituelle.

    C'était une raison suffisante pour justifier le réveil du commandant mais John souhaitait avoir au moins un élément de réponse à proposer, car des questions lui seraient posées. Son supérieur, Edwin Collins ne se montrait pas sympathique avec ses subordonnés, c'était le moins qu'on puisse dire. Comme la plupart des individus médiocres d'esprit, il était servile et flagorneur devant les puissants et autoritaire et cassant envers ceux qui recevaient ses ordres. Il avait obtenu le commandement du détachement militaire de l'expédition plus grâce à ses relations politiques que pour ses capacités à la mener à bien. Également parce qu'il était américain et que les États-Unis, en position dominante pour le projet, avaient exigé d'en avoir la direction. Immensément riche, il s'était acheté des appuis dans le Conseil Mondial qui avait dirigé la réalisation du Survivor, car il avait acquis son grade dans la réserve et n'avait qu'une petite expérience du commandement. Mais il voulait être le premier à atteindre la terre promise pour en recenser les ressources et prendre, avant tout le monde, les options les plus avantageuses. Il était prévu dans son contrat qu'il était autorisé à négocier aussi pour son propre compte. Beau parleur, plus bateleur que philosophe, il arrivait à subjuguer son auditoire par des formules abruptes qui faisaient mouche, mais qui cachaient l'absence de profondeur des idées. Conscient de ses lacunes, il avait eu l'intelligence de s'entourer d'une équipe exceptionnelle qui assurait toutes les tâches et lui donnait le loisir de parader. Sa mémoire prodigieuse lui permettait de mentir effrontément sans se contredire et ses formules, brillantes mais creuses, restaient suffisamment floues pour lui permettre de retomber toujours sur ses pieds. La cinquantaine triomphante, assez beau et élégant, il souffrait cependant de sa petite taille qui le poussait à se mettre constamment en avant.

    John était en tous points opposé. Taillé en athlète, il mesurait six pieds trois pouces et pouvait montrer une force surprenante. Par contraste, son visage encadré de cheveux blonds courts et bouclés reflétait une générosité tranquille qui le rendait accessible. Son regard bleu trahissait parfois sa bonté intérieure. D'une honnêteté scrupuleuse, il s'en tenait toujours à la vérité. C'est pourquoi il voulait trouver la raison de l'anomalie. Non pas inventer une fable qui aurait fort bien pu passer : le commandant ne connaissait pas grand-chose à la technique. Il y avait un problème dont l'importance lui échappait mais qui pouvait avoir des conséquences dramatiques si la malchance s'en mêlait. Inutile de songer à interroger la Terre, la navigation relativiste rendait les liaisons impossibles et de toute façon, le temps de réponse aurait été prohibitif avec la distance déjà parcourue. Il restait Clémentine, l'ordinateur vocal convivial avec lequel on pouvait discuter, obtenir des réponses ou jouer. John n'aimait pas beaucoup dialoguer avec une intelligence artificielle aussi sophistiquée soit-elle. Il lui manquait ce petit détail insignifiant propre à l'être humain : la capacité de se tromper. Ce qui l'amenait parfois à ne pas pouvoir répondre. Dire vrai, ou se taire… si l'homme pouvait en faire autant !

    La touche sensible réagit à l'effleurement, identifia l'opérateur et la voix de Clémentine s'éveilla :

    — Bonjour, capitaine Baker, que puis-je pour vous ?

    — Salut, Clémentine. Appelle-moi John, on est entre nous. Il y a un détail qui me tracasse : la pesanteur indiquée par le panneau de contrôle est normale, mais en réalité je l'ai mesurée plus élevée.

    — Comment avez-vous fait votre mesure, John ?

    — Avec la pomme de Newton ! Ça te dit quelque chose ?

    — Bien sûr ! Ce que vous devez savoir, c'est que le panneau indique la pesanteur recréée par le système du bord. Si votre mesure est supérieure, c'est qu'une autre source de gravitation s'ajoute à celle-ci. Nous devons approcher d'une masse dans l'espace pour que la modification soit aussi sensible.

    — Nom de nom ! Tu as sûrement raison ! Autre anomalie : la température interne est remontée à - 41,5°C. Pourquoi ?

    — Je crois que vous pourriez trouver la réponse, John, mais je vais vous la donner. La température de la coque est au-dessus du zéro absolu. Conclusion, une étoile la réchauffe. Ce qui implique que nous ne nous trouvons plus en espace relativiste. Je vous laisse le mot de la fin.

    Oubliant sa réserve habituelle, le capitaine laissa échapper un juron : Nom de Dieu ! Ça voudrait dire qu’on est arrivés ?

    2. HR 9251- C

    — Dis-moi, Clémentine : pourquoi aucun des ordinateurs n'a-t-il enclenché la procédure d'alerte ?

    — Pas de réponse à votre question, John.

    — Bravo ! Quand on a besoin de toi, tu es aux abonnés absents !

    — Je ne comprends pas votre irritation. Je ne dispose pas de données suffisantes pour formuler une réponse. Ce que je vous suggère, c'est le contrôle visuel. En espace normal, vous devriez pouvoir examiner l'extérieur.

    — Tu as raison, Clémentine. Branche l'écran principal sur la tourelle d'observation.

    La paroi latérale droite qui, l'instant d'avant, avait l'aspect froid d'une plaque d'acier poli, s'illumina, donnant l'impression qu'une fenêtre venait de s'ouvrir sur un espace en trois dimensions. Avec stupéfaction, John aperçut une planète qu'un soleil invisible inondait d'une lumière crue. Une planète ressemblant étrangement à la Terre. Même atmosphère bleutée, même masse d'océans plus vaste que celles des terres émergées. Le tout emballé dans des haillons de nuages éblouissants. Si les cerveaux à puces avaient décidé de la mise en orbite du Survivor autour de ce nouveau monde, c'est que les conditions étaient réunies pour que la vie humaine y soit possible. Mais pourquoi n'avaient-ils pas déclenché la séquence d'avertissement ? Ce serait la question numéro un pour le staff informatique. Pour le moment, l'urgence était de tirer le commandant de l'hibernation avant de procéder au réveil général. John donna les instructions vocales nécessaires à Tom, l'un des trois ordinateurs. L'imagination et la poésie n'étaient pas le fort des astronautes qui les avaient baptisés Tom, Dick et Harry, d'après l'expression Every Tom, Dick and Harry signifiant tout le monde. Mais il y avait peut-être aussi une allusion au fait qu'ils travaillaient en synchronisation permanente et contenaient dans leurs bases de données toute la connaissance humaine stockée en milliards de dossiers.

    La sortie d'hibernation exigeait normalement un peu plus de deux heures avec la lente remontée de la température et le contrôle de tous les processus vitaux. Il était concevable d'accélérer l'opération en cas de nécessité, mais en augmentant les risques d'accident. Comme il n'y avait pas d'urgence, John préféra prendre la sécurité maximale. Il en profita pour consulter le point spatial afin de savoir où ils se trouvaient. L'image de la planète fut remplacée par une nuit étoilée. Puis la Terre, point de départ, se mit en surbrillance et une ligne rouge la relia à la position du vaisseau, tandis que s'affichait la référence du système solaire où ils étaient arrivés : HR 9251, constitué de neuf planètes répertoriées. Celle où le Survivor s'était satellisé était la troisième en partant du soleil.

    Le périple se terminait après 190 jours en temps relatif, ce qui faisait 7 140 jours terrestres, soit un peu plus de 20 ans. On devait commencer à s'inquiéter là-bas !

    Le capitaine donna un ordre bref : Caractéristiques de l'objectif !

    Clémentine réagit presque instantanément.

    — Exoplanète HR 9251-C. Résumé succinct.

    Masse : 1,122 par rapport à la Terre. Diamètre : 14 292 km. Pesanteur : img1.png = 10,958. Températures moyennes diurnes : variation entre - 15° et + 37°C suivant la latitude. Atmosphère : Oxygène : 21,471 % - Azote : 77, 621 % - Argon : 1,102 % - CO2 : 0,0123 %. Pression au niveau de la mer : 1,192 hPa. Durée de la journée : 25 h 17' 11". Durée de l'année : 431,171 jours. Conditions satisfaisantes pour la vie humaine. Deux satellites de type lune gravitent autour d'elle. Voulez-vous l'analyse détaillée, John ?

    — Non, Clémentine. On verra plus tard. Le commandant ne va pas tarder à se réveiller. Envoie deux petits déjeuners classe 5 au mess dans une demi-heure. Avec du vrai café.

    — À mettre sur votre compte ?

    — Tu plaisantes ! Collins ne boit pas autre chose, c'est à lui de payer ! Tu verras avec lui.

    — Il me faut son code de crédit, donnez-le-moi si vous le connaissez.

    — REI1-HC12R1-A9L14. C'est son compte Faux frais.

    — Tout est correct et tout sera fait selon votre requête. Bon appétit.

    — Merci Clémentine. Redonne-moi l'image de la planète et l'accès au zoom optique.

    Durant plusieurs minutes, le capitaine se plongea dans l'observation de HR 9251-C, tout en pensant qu'il faudrait lui trouver un nom plus sympathique. À moins que d'éventuels indigènes ne l'aient déjà baptisée. En dépit des grossissements successifs, il ne put déceler le moindre signe d'activité intelligente mais la résolution maximale ne donnait pas de détails de moins de 100 mètres. Pourtant, s'il y avait des villes, elles auraient dû apparaître. Les forêts semblaient dominer, traversées par quelques grands fleuves. Des massifs neigeux étincelaient et les rares zones arides semblaient désertiques. Un monde vierge en apparence, que le faible taux de gaz carbonique pouvait expliquer. Riche de toutes ses ressources naturelles, sans pollution et suffisamment vaste pour accueillir tous les immigrants qui pourraient être retenus pour le grand départ. Le monde parfait, idéal, qui allait faire de la mission un triomphe.

    La température était remontée à 21°C dans la totalité du vaisseau et les voyants des sas étaient tous au vert : on pouvait désormais circuler partout à condition de s'identifier au contrôle des portes. Tous les membres de l'équipage avaient une puce implantée dans le bras droit qui leur ouvrait automatiquement le passage dans la zone où ils étaient autorisés à se rendre. Les procédures de réveil s'étaient toutes terminées sans l'ombre d'un incident, mais seuls les militaires étaient concernés. Pour les civils, on verrait plus tard. Ainsi en avait décidé le commandant. En fait, il voulait connaître très précisément la conjoncture avant d'être encombré par les scientifiques et les délégués des nations participant à l'opération. Avoir plusieurs longueurs d'avance lui permettrait d'infléchir les décisions à son avantage.

    Il avait convoqué un Conseil avec les officiers douze heures après la sortie d'hibernation pour leur laisser le loisir de se réadapter à la vie normale. Les horloges s'étaient synchronisées sur le cycle diurne d'HR 9251-C, le découpant en 24 heures égales. Mais pas de date affichée, hormis sur la passerelle où le calendrier indiquait celle de la Terre : samedi 19 avril 2092 - 18 h 31' 45". Il n'était pas bon de rappeler trop tôt à l'équipage que peu d'entre eux reverraient les parents et amis laissés là-bas.

    Dans l'entrepont numéro 3D Quartiers 3 et 4, les éléments de la force armée, soldats et sous-officiers retrouvaient la discipline habituelle sous les hurlements de l'adjudant Gourilov.

    — La sieste a été longue, bande de toquards, faut vous secouer les puces. Z'avez dix minutes pour vous présenter en tenue de semaine au réfectoire ! Je veux que tout soit O.K. quand les ordres vont dégringoler d'en haut !

    Pour ce militaire fanatique, un ordre devait être aboyé. Taillé en colosse dans la matière brute, il ne connaissait pas les nuances. Avec son crâne rasé, les balafres de son visage rendaient ses traits encore plus anguleux. Un roc que l'on ne pouvait pas heurter sans subir de dommages. Certains se demandaient pourquoi il avait été sélectionné pour une expédition pacifique, peu savaient qu'Edwin Collins y était pour beaucoup.

    Douze nations étaient représentées dans le corps expéditionnaire et le problème de la langue à utiliser avait été longtemps en discussion. L'anglais, devenu un idiome trop synthétique et sans nuances, avait été rejeté par la majorité et réservé au domaine scientifique. Finalement, ce fut l'ancienne langue diplomatique qui fut choisie : le français. Dimitri Gourilov, Ukrainien, le maîtrisait assez bien, mais il ne saisissait pas toujours les expressions familières ou argotiques que les six Français de la troupe s'amusaient à utiliser et à en apprendre les finesses et les doubles sens à leurs camarades.

    Un peu étourdis par cette longue période de sommeil, les hommes ne mettaient pas l'enthousiasme attendu par la brute galonnée qui vitupérait de plus belle.

    — Quelle bande de gonzesses ! Vous allez voir que les vraies vont vous faire la nique. On les entend se remuer dans leur quartier. Va falloir en mettre un sacré coup, parce qu’on ne sait pas sur quel genre de sauvages on va peut-être tomber en atterrissant. On n'est pas en vacances, vous êtes là parce que vous êtes…

    — Les meilleurs, chef !

    — C'est ce qu'on va voir.

    Dans la cellule B2, Pierre Jacquelin, que ses insignes transformaient en sergent tandis qu'il enfilait son uniforme, discutait à voix basse avec son copain Jean-Michel Dupras, simple première classe. Ils s'étaient connus au centre de sélection où ils avaient passé ensemble les tests de compétence dans le domaine du calcul et du cryptage de données. Ils avaient immédiatement sympathisé, oubliant la hiérarchie. Les longues séances de préparation les avaient rapprochés jusqu'à devenir des amis.

    — Je me demande comment ce type a pu décrocher ce job !

    Son Q.I. ne doit pas dépasser 80, murmura Pierre.

    Jean-Michel eut un sourire ironique.

    — Il se prend pour un super héros du genre Rambo, comme dans les films d'autrefois que tu n'as pas connus mais qu'on pouvait encore dénicher dans les dernières cinémathèques. Le cinéma d'autrefois, c'est un de mes passe-temps et j'ai fait une étude là-dessus. Ce qui est certain, pour con qu'il soit, c'est un gaillard qui connaît son job et qui est capable de se sortir du pire merdier. Mais il ne connaît pas la délicatesse.

    La remarque fit rire le sergent.

    — Tu as le sens de la litote. Ce type semble étranger à la plus rudimentaire courtoisie. Il n'a pas de copains et ne cherche pas à s'en faire. Bizarrement, il semble avoir des relations privilégiées avec le commandant. Mais j'ignorais que tu t'intéressais aux films de ciné-club. Toi, un génie des mathématiques !

    — Les raisonnements logiques, les algorithmes et les équations, agissent comme une drogue et si l'on ne veut pas devenir cinglé, il faut s'évader dans un autre domaine. Le cinéma en est un mais il y en a d'autres, comme la poésie… ou le travail manuel !

    — Tu as raison. Moi ce serait plutôt les jeux d'adresse comme le tir à l'arc ou la pétanque…

    Un coup violent ébranla la porte, interrompant le dialogue : l'adjudant montrait son impatience en parcourant les coursives d'un pas lourd et bruyant. Un à un, les hommes rejoignaient le réfectoire afin d'éviter un nouveau coup de gueule. Gare aux derniers !

    — Allons-y, fit le sergent. J'en prendrai pour mon grade si je ne suis pas en place avant Gourilov. À propos de grade, pourquoi n'as-tu pas essayé de gagner du galon ? Avec ton niveau universitaire, c'était facile.

    Jean-Michel hésita un instant avant d'avouer :

    — Je n'ai pas l'esprit militaire et je n'ai pas envie de donner des ordres. Si je me suis engagé, c'était pour deux raisons : d'abord faire partie d'une expédition fantastique, ensuite pour manger correctement. Dans l'armée, le régime est nettement au-dessus des saloperies d'aliments synthétiques dont doit se contenter la majeure partie de l'humanité.

    ***

    Le réfectoire servait à tout et en particulier de salle de réunion. De forme semi-circulaire, il était divisé en deux par une allée centrale. Les tables disposées en arc de cercle faisaient face à un immense écran installé au-dessus d'une estrade. Le secteur gauche était affecté aux hommes, celui de droite aux femmes. Lorsque toutes les places furent occupées, le système de service automatique se mit en mouvement et des plateaux-repas vinrent se déposer sur les tables, véhiculés par un rail fixé au plafond. L'adjudant et les sous-officiers étaient installés à droite de l'estrade.

    — Vous pouvez commencer ! Prenez des forces, vous allez en avoir besoin. Bon appétit à tous !

    Un chœur répondit : Bon appétit, chef !

    Si la mixité n'était pas autorisée à table pour la troupe, il n'en était pas de même pour les gradés. La section des femmes était commandée par l'adjudante Carmen Vasquez. La quarantaine passée, elle était impressionnante par sa taille et sa silhouette sportive, son regard volontaire et ses mouvements souples et rapides. Des cheveux bruns et courts encadraient un visage harmonieux qui devenait séduisant quand il lui arrivait de sourire. Elle était l'opposé de Gourilov en matière de commandement. Autoritaire et parfois impérieuse, elle ne se laissait jamais aller à la grossièreté. Sévère mais juste, elle cachait sous son apparence abrupte une profonde humanité. De ce fait, elle n'appréciait pas beaucoup son homologue masculin, à l'esprit lourd, misogyne et brutal, qui essayait cependant de lui plaire. Mais il n'avait pas le profil d'un séducteur.

    Les conversations furent brusquement interrompues par une sonnerie de trompettes tandis que l'écran s'illuminait et affichait : Communication du commandant Edwin Collins. Puis une voix froide avec des accents un peu ridicules de tribun en campagne électorale se fit entendre.

    — Aux officiers, sous-officiers et hommes de troupe, voici diverses informations concernant notre situation actuelle. Nous sommes en orbite autour d'une exoplanète référencée HR 9251-C. Les ordinateurs de pilotage ont détecté les caractéristiques favorables au développement de la vie humaine et c'est pourquoi nous pouvons considérer que nous avons atteint le terme de notre expédition. Une inspection optique rapide de la surface n'a pas permis de déceler de traces probantes indiquant une

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