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Aperçu du livre
La Plage - J.M. Varlet
LA PLAGE
J.M. Varlet
La Plage
LES ÉDITIONS DU NET
70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
Aux Femmes de ma vie
© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-00841-7
Avant-propos
Oh rassurez-vous, je fais-moi aussi parti de ceux qui tournent immédiatement la page qui porte ces mots : « avant-propos ».
Cependant, pour ceux qui ne l’ont déjà fait, laissez-moi vous tenir ce petit (tout petit) propos.
Alors que l’inégalité sociale se creuse un peu plus chaque jour, combien d’enfants, un peu partout dans le monde, semblent n’avoir pour destin que ce qui compose leurs horizons ?
Ces vies qui sont vouées d’office à la lutte pour une survie à tout prix. La vie même sans plaisir, mais la vie, quitte à donner la mort.
Et puis, curieusement, parfois, dans l’obscurité, une étincelle d’espoir jaillit. Une étoile filante dans un ciel terne qui attire les regards et vers laquelle les visages se tournent. Combien se surprennent alors à penser : « et pourquoi pas moi ? »
Je crois profondément en l’espoir. C’est la force qui permet de bousculer les certitudes, renverser les tyrans, changer le cours d’une vie, vaincre la maladie…
J’ai entendu une fois que lorsqu’il n’y avait plus d’espoir, on mourrait.
Moi, je reste persuadé qu’il reste toujours cette petite braise fragile qui luit faiblement dans les cœurs, cette voix qui nous murmure inlassablement et qui nous pousse en avant : « et si… ? »
JM
Livre I
Ouragan
Compte à rebours
3…
Une secousse projeta l’homme de petite taille contre la cloison métallique du vaisseau alors qu’il cheminait péniblement dans la galerie vivement éclairée.
Tout en rondeur, Romuald Schmitt portait un scaphandre orange couvert de tâches. Le cerclage en acier poli qui devait permettre un verrouillage rapide et efficace du casque le gênait, il passait son temps à le recentrer autour de son cou. La trentaine à peine passée, son visage poupin était encadré par des cheveux bruns parsemés de blanc. Assez longs pour que sa frange le dérange quand ils passaient devant ses yeux, ils auraient bien mérité un coup de peigne. Ce soir-là, ce n’était pas un problème, car ils collaient à son front couvert de sueur.
Le scaphandre, une fois fermé, pouvait réguler la température, mais son casque était resté dans le pc tactique, à l’autre bout du couloir, et il avait fait suffisamment de chemin pour ne pas avoir envie de revenir sur ses pas le chercher.
Et puis il avait l’impression d’étouffer avec…
Un bruit de chute derrière lui, suivie d’un roulement, l’informa que, de toute façon, le casque venait de tomber et de rouler vers une destination inconnue, au gré des secousses de ce « foutu » appareil.
Malgré tout ce qui se passait autour de lui, il n’avait pas vraiment peur. Il avait cette inconscience propre à ceux qui sont trop concentrés sur leur propre tâche pour penser à autre chose. Et sa mission du moment consistait à régler les problèmes mécaniques du « Liberty », le reste ne le concernait pas. En outre, il ne manquait pas de travail et, depuis leur départ, lui et le pilote n’avaient cessé d’être confrontés à des incidents en chaîne.
Il s’agrippa comme il pouvait à des tuyaux qui passaient le long du plafond pour éviter la chute, et ne les lâcha plus jusqu’à sa destination : la porte du poste de pilotage.
En grognant, il écrasa du pied le bouton d’ouverture électrique. Il n’était pourtant pas souple et il dut son salut à la solidité des conduites qui lui permirent de s’y pendre, malgré de sérieux grincements de protestation.
La porte s’effaça devant lui en glissant vers la gauche.
Le poste de pilotage comportait trois sièges confortables côte à côte derrière la large console de commande qui revenait vers eux comme une table inclinée.
La multitude de commandes et d’interrupteurs faisait concurrence au nombre de leds et d’écrans qui berçaient l’endroit dans une atmosphère chaleureuse.
Sur une sorte d’estrade, derrière les trois sièges, se trouvait un quatrième fauteuil, avec son propre pupitre de contrôle.
La place du commandant.
Elle était vide.
Et pour cause : le Liberty venait d’être terminé, équipé et armé. Le chantier de construction, pressé par le commanditaire, avait dépêché deux hommes pour le livrer à Yvernia, son port d’attache, où son équipage l’attendait. Un pilote et un mécanicien. C’était le minimum… par beau temps.
Tous les panneaux techniques clignotaient et illuminaient la pièce de tous les cotés jusqu’au plafond.
Le long de la paroi avant, à près de un mètre devant le pupitre de commande, l’épais vitrage d’une hauteur de 50 cm allait d’un bord à l’autre en suivant la forme de l’immense panneau de contrôle.
La place du milieu était occupée par Timothy Fergusson, un homme mince, la trentaine, vêtu d’un pantalon sombre et d’un t-shirt beige clair. Au niveau des aisselles et du dos, des auréoles de transpiration se dessinaient parmi les traces noires laissées par leur dernier dépannage. Les deux hommes se connaissaient depuis de nombreuses années, et ils passaient souvent leur temps ensemble entre deux vols. Exceptionnellement, la ceinture ventrale était serrée autour de sa taille athlétique pour le maintenir à sa place. Le fauteuil pivotait et s’inclinait sur son axe pour amortir un peu les sollicitations du pilote qui s’agitait accroché à ses commandes.
– Comment ça va là-dedans ?
– À peu près comme d’habitude Rom’
– Si mal que ça ?
– Ben… on dirait que le drôle de bruit que tu as entendu tout à l’heure provenait d’une partie de notre bouclier thermique arraché par le vent…
– Attend Tim’, cet appareil est neuf ! Il sort de sa période d’essai et doit partir en mission pour Tyclon. C’est peut être normal, il faisait déjà un bruit il me semble…
– Ben maintenant il n’en fait plus…
Un long grincement de plus en plus fort fit vibrer tout le vaisseau. Un choc sourd puis une sorte de détonation y mit fin. Le patrouilleur se mit à tanguer de plus en plus.
Timothy s’emporta, cramponné aux tubes, toujours sur le seuil de la porte.
– Au retour j’attrape l’équipe qui s’est occupé de ce bouclier et je les pends avec leurs tripes !
– Au train où on va, je crois que le bouclier thermique sera le cadet de nos soucis. Tim’, cette foutue tempête va déchiqueter cet appareil morceau par morceau, il faut regagner l’espace !
– C’est trop tard maintenant. Les parties qui restent de notre bouclier pendent le long de la coque et nous ralentissent comme des aérofreins. On va manquer de vitesse, on ne peut plus remonter. Va plutôt vérifier si tout va bien dans les autres compartiments.
L’homme en scaphandre secoua vigoureusement la tête de droite à gauche.
– Certainement pas ! C’est le meilleur moyen pour se prendre quelque chose sur le coin de la figure en ce moment ! Il y a des caisses de plus de cinq cent kilos derrière. Si elles se promènent, c’est trop tard, tant pis ! … Et puis s’il y avait un souci, notre « ami » en soute nous aurait déjà mis au courant par l’interphone.
Ils échangèrent un regard complice en pinçant les lèvres de travers. Ils n’aimaient pas ce qu’on leur avait imposé au moment de partir : un chargement de dernière minute, avec, à la prime, un gars à la mine patibulaire pour veiller à ce que personne ne s’en approche de trop près. Ils n’avaient même pas pu savoir de quoi il s’agissait, tout juste avaient– ils pu obtenir des informations sur le poids afin de pouvoir organiser la soute. La caricature de mafieux était restée avec les caisses, à leur grand soulagement. Au moins le reste du vaisseau était tout à eux.
Romuald reprit.
– Et puis avec toutes ses secousses de toute façon, je suis bien incapable de bouger. Même le générateur de gravité n’arrive pas à compenser les G{1} ! Si je lâche ces conduites, c’est moi qui vais voltiger à travers le vaisseau.
Le pilote l’écoutait à peine et observait, l’air soucieux, une des jauges devant lui dont les chiffres lumineux décroissaient à toute vitesse. Cela voulait dire que le vaisseau descendait vite, vraiment très vite.
Trop vite.
– Ne reste pas là… ferme la porte… Attend, t’aurais pas une clope ?
L’appareil fit une violente embardée vers le bas, comme si un géant venait de lui taper sur le toit. Les pieds de Romuald se soulevèrent et il fut presque plaqué au plafond. Puis il redescendit en se retenant des mains. Les tuyaux auxquels il se cramponnait grincèrent, puis l’un deux céda.
L’homme bascula contre la cloison de métal, y écrasant le côté gauche de son visage avec une sorte de gémissement étouffé. Le second conduit lâcha à son tour.
– et merde…
Chacun des tubes coupés projetait un liquide sombre et gras, par saccade, au gré des sollicitations de Timothy sur les commandes.
Au choc sourd que fit le mécanicien en tombant, le pilote se tourna un bref instant pour apercevoir le dessous des chaussures de son compagnon.
– Mais tu fais quoi derrière ? J’ai les commandes de plus en plus raides… je t’ai dis de fermer cette porte !
D’un geste ferme, il écrasa une touche, masquée derrière un capot de sécurité qu’il ouvrit du pouce, pour passer l’appareil en mode « safety ».
L’éclairage d’ambiance s’éteignit et la porte glissa devant Romuald. Tout sont champ de vision fut plongé dans un halo rouge. Il roula en jurant vers l’autre cloison, emporté par une gîte à gauche soudaine de l’appareil.
Ce mode isolait chaque compartiment de manière étanche. Dès lors, l’ouverture des portes ne pouvait être que mécanique, à partir des boîtiers de commande au-dessus de chacune d’elles. Des lettres lumineuses rouges, « safety light », brillaient sur leur face et fournissaient désormais le seul éclairage du vaisseau en perdition.
Ce mode de fonctionnement avait aussi un autre intérêt : il permettait de mettre l’ensemble de la puissance du générateur d’énergie au service du pilote, au détriment cependant du générateur de gravité artificielle. C’était ce dernier qui permettait de neutraliser les effets de faible gravité, ou de marcher normalement sur le sol, même si l’appareil était sur le côté ou à l’envers.
Timothy reporta toute son attention sur l’altimètre affolé dont les chiffres des plus petites unités étaient trop rapides pour pouvoir être suivi à l’œil nu. Les centaines de mètres décroissaient au rythme de près de deux par seconde. Il tenta de jeter machinalement un œil à travers les vitres devant lui des où des gouttes énormes s’écrasaient avant de ruisseler vers les cotés extérieurs.
Il faisait horriblement noir et rien n’apparaissait dans les traits de lumière des puissants projecteurs. De temps en temps, un immense éclair bleuté zébrait le ciel, sans bruit.
Avec un sifflement rauque qui devenait assourdissant, le vaisseau de transport de 160 tonnes prenait de plus en plus de vitesse vers le sol.
Inconsciemment, il pensait qu’ils n’avaient aucune chance, mais le pilote se sentait responsable de son mécanicien. En tant que tel, il était gonflé d’espoir en refusant d’admettre qu’il pouvait le voir mourir sans qu’il ne puisse rien faire.
Tout son être était tendu vers son but : il devait exister une solution, et il allait la trouver.
Il essayait toutes les configurations techniques possibles, il tentait d’estimer comment la force de l’air s’exerçait sur la coque de l’appareil pour lui offrir le maximum de résistance, tout en gardant le contrôle.
Couper les moteurs principaux, dévier la puissance vers les auxiliaires, corriger le cap, relancer le propulseur droit pour annuler un début de vrille à plat…
À force d’effort, les chiffres de l’altimètre commencèrent à ralentir leur course folle. Imperceptiblement, puis de plus en plus nettement, ils finirent par ralentir, puis s’arrêter, avant d’amorcer une progression dans l’autre sens. Timothy esquissa un sourire victorieux, il avait réussi.
– C’est bien… je savais que tu pouvais « Liberty »… allez, maintenant on va reprendre un peu d’altitude… gentiment…
2…
Il faisait vraiment très sombre dans cette petite pièce. Un peu de la lueur dansante d’une flamme passait par dessous la porte, laissant deviner un sol si sale qu’il semblait de terre. À y regarder de plus près, en fait de terre, il était fait de sable.
Depuis l’extérieur, on entendait le grondement de la mer déchaînée, les bruissements assourdissants des vagues qui se brisaient sur des obstacles, et les cris des hommes qui tentaient de se faire comprendre malgré le sifflement énorme du vent emballé par la tempête. Deux hommes parlaient juste derrière. Une voix tonnante dominait tous les autres sons, par moment, on aurait pu croire qu’elle faisait même plus trembler la porte que le vent.
– C’est l’heure Morel. C’est maintenant ou jamais. J’espère que vous avez tout.
– Écoutez Plovoke, on sait ce qu’on doit faire, n’oubliez pas votre part du marché.
– Ce soir si vous échouez, je rase votre cabane !
Une voix de femme s’éleva soudain, elle restait calme et douce, presque un chuchotement.
– Ne parlez pas si fort vous allez réveiller la petite !
– Quoi ? Quoi ? Mais pour qui tu te prends « poulette » ? Ici, je suis chez moi ! Si je veux réveiller toute la plage, je mmmfff…
– Vous aurez ce que Triak vous a demandé, Plovoke, mais s’il arrive quoi que ce soit à ma fille, même un simple cauchemar, c’est vous que je tue, c’est clair ? Vous ne serez pas le premier. Et vous savez que votre taille, vos hommes… la mort elle-même ne pourrait pas m’empêcher de revenir vous en coller une.
– …
– Maintenant n’oubliez pas votre part du marché, reprit l’autre voix d’homme. Vu la tempête qui s’annonce, je pense que vous avez mieux à faire. J’ai l’impression que celle-ci sera particulièrement forte, bien plus que nous l’a laissé entendre notre « ami ». Vous devriez faire évacuer les radeaux je pense.
– Ça c’est mon problème Morel, pour le moment, « capitaine », tu ne vaux pas mieux que nous tous ici.
Quelques instants plus tard, la porte s’ouvrit en douceur, révélant une jeune femme de grande taille, de longs cheveux roux noués derrière la tête, un sourire triste sur le visage. Elle était vêtue d’une sorte de pantalon de travail noir, bardé de poches plus où moins pleines et de renforts aux hanches et aux genoux. Les semelles renforcées de métal de ses brodequins luisaient dans la pénombre malgré la rouille qui les piquait. Un débardeur sombre tombait sur ses hanches et laissait ses épaules nues.
Quand elle se pencha sur le petit lit, un médaillon en forme de goutte et taillé dans une pierre cristalline bleue, pendu au bout d’une fine chaîne dorée, vînt osciller devant son visage.
Après une hésitation, elle l’ôta et la passa autour du cou de la petite en train de dormir.
Derrière elle, un homme à la barbe finement taillée apparut. Le corps noueux, il portait le même style de vêtements, plus une veste courte renforcée de plaques de protections qui laissait apparaître la boucle large de son ceinturon. Il posa sa main sur la nuque de la jeune femme tout en se penchant aussi au-dessus du lit pour voir ce quelle faisait.
Les yeux brillants, ils échangèrent un sourire complice et ressortirent en silence, soulevant de lourds gilets d’équipements qu’ils saisirent au niveau du col. La porte se referma derrière eux sans un bruit.
Presque hésitante, la femme reprit.
– Je vous confie la petite, Plovoke…
– Je sais, pas la peine d’en rajouter. Je veillerais sur elle en attendant. Ne tardez pas. Le vent est déjà fort. Je vous accompagne jusqu’à l’eau, laisse-moi porter ce truc Loreen, c’est lourd comme un homme mort.
Les voix s’éloignaient peu à peu.
– Vos références sont toujours terrifiantes, vous savez ? Vous n’avez pas d’expression qui ne tienne pas compte de vos « activités » ?
– Entendre ça de ta bouche, « poulette », c’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité.
– Ça, c’est mieux déjà.
1…
À bord du Liberty, Timothy Fergusson, en nage, luttait toujours contre les éléments et le sort qui semblait s’acharner.
L’appareil maintenait de manière approximative son altitude et se dirigeait en ondulant dans l’air comme un serpent vers une île du nom d’Yvernia.
Pendant ce temps, juste de l’autre côté de la cloison, Romuald se tenait debout, adossé à la porte et recouvert d’huile hydraulique. Ignorant délibérément tout ce qui pouvait se passer derrière la porte, il était occupé à essayer d’endiguer les fuites.
Après les avoir manchonnés, Il enroulait une sorte de ruban adhésif large pour empêcher les dernières fuites résiduelles de sa réparation de fortune. Pour se donner du cœur à l’ouvrage, il pestait contre son pilote d’ami en l’imitant de manière grotesque.
– « C’est trop tard… peut plus monter… gnagnagna… » … fait chier !
Dans le poste de pilotage, hormis le roulement sourd des gouttes sur les vitres, tout semblait revenir à la normale. Certes il restait de nombreux témoins clignotants ci et là, mais l’appareil en difficulté reprenait peu à peu de l’altitude.
Cependant la tempête dans laquelle il se trouvait continuait de secouer le Liberty.
De temps en temps, il retombait d’une bonne dizaine de mètres, sans compter l’incessant ballottage de gauche à droite.
Timothy tentait de prendre contact avec le contrôleur d’Yvernia, l’endroit où ils devaient atterrir, en espérant qu’il y aurait assez de place pour se poser en catastrophe en cas de besoin.
– Yvernia de Liberty 9845…
– Yvernia de Liberty 9845…
Une voix féminine aux intonations de secrétariat lui répondit.
– Ici Yvernia contrôle 9845…
– Ici 9845 en approche, je demande vecteur d’atterrissage en urgence
Derrière Timothy, la porte actionnée manuellement glissa dans un souffle. Les canalisations réparées, Romuald venait aux nouvelles. Il essuya son visage couvert de projection d’huile dans la manche de sa combinaison.
– Reçu 9845… Corrigez votre cap de + 37, vous êtes un peu bas et trop rapide. Réduisez votre vitesse de 105 en prenant un peu d’altitude.
– Reçu Yvernia contr…
Un claquement sec retentit contre le flanc droit du Liberty qui bascula aussitôt vers le sol dans une large spirale sur sa droite, suivit par un morceau de bouclier qui tourbillonnait derrière lui. Au passage, celui– ci rebondit contre le propulseur du même coté. Tournant à pleine vitesse, certains de ses composants en mouvement furent brisés et projetés par la force centrifuge dans tous les sens. Des fragments traversèrent les propulseurs les plus proches.
Une épaisse fumée noire s’étira dans le sillage de l’appareil alors qu’une nouvelle série d’alarmes sonores retentissait sur la passerelle.
Dans la soute, les crochets de fixation des filets de chargement sautèrent les uns après les autres. Vingt tonnes de chargement, que le générateur de gravité privé d’énergie ne pouvait plus contrôler, glissèrent vers la cloison de droite. Les caisses écrasèrent tout ce qui se trouvait sur leur passage et se brisèrent pour la plupart contre la cloison de droite. Cette nouvelle secousse accentua encore l’angle de l’appareil qui bascula complètement sur le côté.
Le sifflement du frottement de l’air devint assourdissant alors que l’appareil tournait de plus en plus sur lui-même. Timothy, concentré uniquement sur son pilotage ne savait plus ce qu’il disait à la radio.
– 9845 mayde mayde ! Yvernia ici 9845 mayde… 9845…
Il finit par se taire.
Romuald aperçut dans un éclair la surface déchaînée de la mer par-dessus les épaules du pilote. Les vagues d’un vert sombre, couronnées d’écume, étaient d’une taille colossale.
Obnubilé par une terreur totale, il actionna la lourde porte blindée du poste qui coulissa devant lui, le séparant de son ami. Il se recroquevilla dans le coin, la tête entre ses mains, gémissant sans en avoir conscience dans la clameur montante.
– 984 598 459 845 984 598…
Cramponné aux commandes, Timothy tira aussi fort qu’il pouvait pour remonter, tout en se préparant au choc. Il savait bien qu’il n’avait aucune chance… mais peut être… qui sait… Après tout, c’était un vaisseau de guerre… Et puis la vitre était en transpacier, ce n’était pas vraiment du verre…
Alors que le cercle des projecteurs s’élargissait rapidement à la surface d’une vague sombre, gigantesque, il posa ses pieds fermement écartés sur le fond de la coque et tourna la tête vers l’arrière en guise d’esquive tout en gardant les yeux sur ce qui l’attendait.
Non ! Il ne mourrait pas !
Son regard fut attiré par quelque chose de petite taille qui flottait en périphérie de la zone illuminée. Il se redressa imperceptiblement en haussant un sourcil.
– Que… ?
L’appareil s’écrasa dans les flots, leurs mugissements étouffant complètement le bruit de la catastrophe. L’épaisse vitre blindée du poste de pilotage explosa comme du cristal sous la poussée de l’eau, balayant et broyant tout sur son chemin comme s’il s’agissait de simples feuilles de papier.
Ballotté par les vagues monstrueuses, retourné dans l’écume comme un vulgaire jouet, le vaisseau flotta à peine plus d’une minute avant de disparaître dans l’eau sombre.
0 !
Sur la plage, la situation était dramatique. De très nombreux radeaux avaient déjà été brisés à force d’être jetés contre les autres.
Parmi les plus gros, certains avaient été propulsés sur les premiers abris de la plage comme des boules dans un jeu de quilles. Le ressac avait fait le reste, entraînant débris et habitants de sa force vers le large, dans son courant.
Pour les plus chanceux, la noyade était une libération. Les autres étaient condamnés à une longue errance sans espoir, accrochés à des débris, dont la conclusion ne pouvait qu’être la mort par le froid, la soif, la fatigue ou le désespoir.
Au milieu de la tourmente, Plovoke, le colosse, mettait sa force à la contribution de ses sujets.
Sa stature lui avait naturellement permit de prendre l’ascendant sur les autres. Sa force de caractère et son sens de l’organisation lui avaient valu d’être reconnu comme un vrai chef, entier, cruel souvent. Mais ce qui faisait que beaucoup l’aimait malgré tout était qu’il se sentait responsable, et qu’à ce titre il n’était pas avare de sa personne pour ceux de la plage.
Cette nuit-là, les bras en croix, il tentait de retenir un cordage au bout duquel un des derniers radeaux sur l’eau oscillait, ballotté par le courant et le vent qui le tiraient vers le large. Sur celui-ci, il ne restait plus qu’une jeune femme, se cramponnant comme elle pouvait à se qui restait de la superstructure. Les lambeaux de la toile qui, quelques heures avant, servait encore de toit claquaient au-dessus de sa tête.
Prostrés sur le sable, au milieu des ruines des abris détruits par les éléments, les autres habitants survivants se tenaient les uns contre les autres pour trouver un peu de chaleur et de sécurité.
Le cordage était enroulé autour de l’avant-bras droit du géant, mais cela ne l’empêchait pas de glisser irrésistiblement. De son autre main, Plovoke se cramponnait à une poutre profondément enfoncée. Ses doigts trempés sentaient peu à peu le bois lui échapper. Ses pieds s’enfonçaient plus profondément dans le sable fuyant à chaque fois que les vagues se retiraient autour de lui. Sa voix grave portait au-dessus du hurlement du vent et du mugissement de la mer.
– Remonte la corde petite ! … Lâche le radeau et remonte la corde !
Une voix étrangement calme malgré les circonstances retentit dans le vent.
– Ca alors, Plovoke, mais qu’est ce que tu fous là ? Tu vas prendre froid. Pourquoi n’es-tu pas resté au sec dans le bateau ?
Un homme, silhouette tout en nerf, caressant pensivement le bouc qu’il avait au menton, se tenait derrière lui. Le sourire confiant et le calme qu’il arborait tranchaient avec la tragédie ambiante. On pouvait deviner plusieurs individus qui se tenaient en retrait, immobiles.
Une veine palpitait sur le front du colosse qui tentait de raffermir sa prise sur la corde à chaque vague qui le soulageait un peu.
– Ulgard ! Ce n’est pas le moment de plaisanter ! … aide-moi ! Aidez-moi les gars ! lança le géant à l’adresse de ceux qui attendaient derrière.
Le sourire son second s’élargit devant la détresse évidente de son interlocuteur. Il passa la main dans ses cheveux mouillés et agita l’index devant lui en signe de refus.
– Nononon… ce n’est pas si simple…
– Ulgard !
– En fait, tes hommes et moi… pardon, les hommes et moi, on a pensé qu’il faudrait mieux avoir quelqu’un plus centré sur nos intérêts…
– Ulgaaaard !
La corde venait de lâcher d’un seul coup, laissant une marque de brûlure là où elle se trouvait autour de l’avant-bras de Plovoke. Heureusement, il avait eu le temps de refermer sa main sur l’extrémité rougie de son sang. La secousse fit hurler la femme toujours cramponnée à son radeau et qui tentait de saisir la corde.
– … et après avoir bien discuté entre nous, il s’avère que tu ne fais pas l’affaire… trop sentimental… tu comprends…
Les doigts du colosse glissèrent de la poutre, il fut projeté en avant sur les genoux et du lâcher la corde pour ne pas être entraîné dans la mer. Ses deux poings d’une taille impressionnante se serrèrent sur le sable. Il dressa son visage sous la pluie en poussant une sorte de rugissement bestial, couvrant le hurlement d’horreur de la femme qui disparut dans le noir.
Quelques secondes plus tard, la foudre elle-même sembla s’abattre sur la mer devant eux. Il y eut un long sifflement rauque, puis le radeau déjà loin réapparu brièvement dans un flash de lumière venu du ciel. Un énorme bruit semblable au fracas d’une vague retentit et la pluie redoubla un bref instant sur la plage.
Indifférent, Plovoke ébranlé malgré lui par un sanglot se retourna vers Ulgard. Il commença à se relever, le fixant d’un regard noir. Il bouillait d’une rage à peine contenue. Il allait l’attraper par les épaules et le déchirer en deux !
– Tu viens de commettre une terrible erreur…
Un coup violent derrière la tête le projeta en avant. Tout autre que lui aurait sans doute été tué sur le coup, mais après une seconde d’hésitation, il grogna, et commença à se relever.
– Bande de lâches !
Plusieurs hommes se jetèrent alors sur lui armés de lourdes barres de fer de formes diverses. Ulgard se détourna de ce qui se passait. Il passa à côté d’un homme à la peau sombre qui était resté derrière lui, ordonnant d’une voix sèche.
– Ne le tuez pas, il pourra peut-être nous servir un jour… Faites-lui comprendre qui commande désormais, c’est tout.
– Bien.
L’homme s’ébroua sous la pluie, rejetant les nombreuses tresses de sa longue chevelure vers l’arrière d’un mouvement de tête en levant le visage vers le ciel.
Contrastant avec la nuit et sa couleur de peau, un large sourire blanc carnassier illumina son visage. Ce qu’il allait faire lui plaisait. Un lourd morceau de bois à la main, il se joignit aux autres.
Il souffla fort en frappant la première fois.
Plovoke ne poussa aucun cri de douleur. Il tenta à de nombreuses reprises de se relever, de résister, avant de sombrer dans l’inconscience.
Son corps torturé fut laissé sur le dos, sous la pluie, au milieu des restes des abris fracassés par la tempête qui continuait à faire rage. Personne n’esquissa le moindre geste parmi les survivants entassés les uns contre les autres à peine dix mètres plus loin. Les hommes de mains regagnèrent sous la pluie battante leur abri en plaisantant entre eux.
Chapitre I
1
Une épave reposait sur le sable par dix mètres de fond. Entièrement métallique, elle avait pris cette teinte brune que donne la rouille et de nombreux trous étaient apparus ici où là. Ce que la mer avait laissé d’utile, les hommes l’avaient déjà emmené.
Au gré des tempêtes, le sable avalait l’immense vaisseau qui s’enfonçait peu à peu avec une forte gîte sur son flanc droit. L’eau qui avait tout envahi arrivait à cinquante centimètres du pont du côté le plus enfoncé. Au-dessus de la passerelle se dressait encore un mat qui portait, le plus haut possible, l’armature d’un poste de vigie et un hauban portant des accessoires de navigation complètement pourris.
Le soleil, levé depuis peu, posait ses rayons sur le dos d’une jeune fille au teint halé d’environ quatorze ans. Recouverte d’un débardeur gris et d’un pagne noir, elle restait immobile en équilibre au bout de la superstructure, environ vingt mètres au-dessus de l’eau. Ses longs cheveux roux flottaient dans le vent devant elle. Ils ne la gênaient pas, son regard fixait comme hypnotisé l’éclat de l’eau en dessous.
C’était son moment.
Personne ne pourrait lui enlever ce sentiment de liberté qu’elle ressentait à cet instant.
– Yahaaaaaa… !
Avec un grand cri, elle se lança dans le vide les bras en croix, les jambes serrées, le corps tendu vers l’horizon. Un bref instant elle eut la sensation d’être figée dans les airs puis, pliant son corps à l’équerre, elle piqua vers les flots limpides qui ondulaient à peine au pied de la gigantesque carcasse.
Après quelques longues secondes, elle réapparut le visage dressé vers le ciel.
Tournant alors le dos au bateau, elle revint doucement en longues brasses vers le rivage.
2
À l’abri de l’épave, quarante mètres plus loin, regroupés sur une largeur d’une dizaine de mètres, se tenaient de frêles esquifs faits de bric et de broc, jusqu’au bord de la plage.
La plage.
À l’origine, cette étendue de sable clair parsemée de roches volcaniques et de rares palmiers semblait paradisiaque. Au terme de la construction du mur, personne ne s’était donné la peine d’entretenir cet endroit naturel. Les plages privées artificielles offrant bien plus de prestations. Les déchets s’étaient accumulés. Les premiers habitants avaient utilisé la végétation pour s’abriter ou se chauffer.
La plage était désormais entièrement recouverte d’habitations faites de matériaux de récupération jusque dans l’eau.
Ce « village » s’étalait jusqu’au pied des gigantesques tours futuristes d’Yvernia, contre son haut mur d’enceinte qui la protégeait des colères de la mer, et permettait d’en contrôler l’accès.
La citée recouvrait tout le reste de la surface de l’île, fermement accrochée à la roche volcanique dont elle était constituée. Vu du ciel, elle avait la forme d’une coque de bateau, et quelque part, s’en était sans doute un.
Elle « naviguait » au milieu d’un puissant courant océanique, sans doute celui qui était à l’origine de sa forme et qui l’avait usé peu à peu tout au long de siècles d’érosion.
L’ « avant » se trouvait être le volcan à l’origine de la naissance de l’île. En première ligne face aux flots, ses roches noircies pourtant plus solides n’avaient pas été épargnées et de ses flancs il ne restait que des crocs acérés dressés vers le ciel. Il n’était pas endormi pour autant et continuait à cracher des colonnes de fumée depuis son cratère plus récent collé contre le mur d’enceinte de la ville.
À l’opposé, la plage était le seul endroit où on pouvait poser pied à terre autour de l’île sans se trouver dans la ville. Schématiquement, elle représentait l’ « arrière ».
Elle était à l’abri du courant brisé en deux par la terre. Celui-ci se refermait quelque deux cents mètres plus loin, comme brassé par les hélices gigantesques d’un bateau. Le remous était aussi puissant que le courant qui l’animait et les hautes vagues étaient de redoutables pièges pour tous les égarés qui se seraient laissés emporter.
À l’horizon, en « avant » d’Yvernia, on pouvait distinguer par temps très clair, la masse sombre du continent sauvage. Il semblait recouvert d’une jungle profonde. Des arbres si hauts et si denses que l’on racontait que la lumière du soleil ne parvenait jamais jusqu’au sol. Ce continent était fréquemment évoqué dans la plupart des légendes de la plage, et surtout dans les histoires pour effrayer les enfants. Ses côtes étaient longées par ce courant qui venait ensuite se briser sur l’île. De ce fait, de nombreuses choses étaient charriées. Parvenir à les saisir était risqué, et particulièrement difficile. On distinguait parfois des animaux étranges de tailles diverses, vivants ou non, qui longeaient les côtes et s’écartaient pour disparaître dans les vagues, puis vers le large.
De rares fois, ils parvenaient à prendre pied. Cela avait été le cas pour Swit, devenu depuis le compagnon de la jeune Elayn.
Difficile de savoir quel type de population avait commencé à vivre sur la plage. Au choix : les bannis ou les naufragés. Yvernia ne pratiquant pas la peine capitale, les dirigeants de la ville se contentaient de bannir de leur citée les indésirables, et les hors la loi. La peine incluait la famille au complet. Cruelle, cette loi avait deux avantages pour le conseil d’Yvernia : elle faisait réfléchir les parents (il était mal vu de ne pas avoir de progéniture), et évitait d’avoir des personnes à charge.
De rares fois, des naufragés venaient également s’y échouer, mais souvent très affaiblis ou blessés, peu d’entre eux parvenaient à survivre. Seuls les pauvres et les anonymes ne pouvaient pas bénéficier de secours de la ville.
Il existait bien une porte, de construction récente (autrefois les premiers bannis étaient descendus par un système de nacelles), mais celle– ci était indestructible et protégée par les gardes armés de la sécurité de la ville.
Rares étaient les habitants d’Yvernia qui en franchissaient le seuil de leur plein gré, surtout avec la possibilité d’en revenir. Dans l’autre sens, chaque matin, des volontaires étaient choisis pour accomplir les basses tâches de la citée contre de quoi nourrir leur famille ou faire du troc.
Ceux qui entraient étaient munis d’un encombrant collier muni d’explosif et d’un localisateur. Il était inutile d’espérer tromper la vigilance de la sécurité pour prolonger son séjour ou se rendre dans les secteurs interdits.
Les détritus d’Yvernia étaient à la fois la nourriture, la marchandise, et la monnaie. La citée se contentait de jeter à la mer via des canalisations sous-marines et des rampes en forme de toboggans l’ensemble de ses déchets. Et la mer se chargeait de les entraîner vers le large, à moins qu’ils ne soient récupérés.
Sur la plage, tous vivaient du troc et devaient supporter la loi du plus fort.
Et le plus fort du moment se nommait Ulgard.
Il vivait à bord d’un ancien navire de guerre échoué à l’extrême gauche de la rive, à une vingtaine de mètres du sable. Couvert de rouille, les trous de sa coque avaient été sommairement obstrués. Des pompes artisanales tournaient nuit et jour pour permettre à certains de ses ponts, sous le niveau de l’eau, de rester à sec.
Les rumeurs racontaient que c’était ceux qui s’étaient opposés à lui qui pompaient… jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il pointait ses redoutables tourelles rongées par la rouille vers le large, figées dans leur gangue brune jusqu’à ce qu’ils tombent en poussière.
3
– Elayn ? Nom d’une méduse ! Elayn ! … où est-ce qu’elle est encore celle-là ?
– Pas très loin « maître » Plovoke.
La jeune fille sortit de l’eau juste devant lui et se hissa souplement assise sur
