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L'asile
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Livre électronique301 pages4 heures

L'asile

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À propos de ce livre électronique

Pour Dan Crawford, un ado de seize ans, un programme estival pour étudiants doués représente la chance d’une vie. Personne d’autre à son école ne comprend sa fascination étrange pour l’histoire et la science, mais au sein du programme préparatoire du Collège du New Hampshire, ces excentricités sont pratiquement des prérequis.

À son arrivée, Dan apprend que la résidence estivale habituelle a fermé ses portes, les étudiants à demeurer dans un édifice qui tombe en ruines, Brookline — un ancien hôpital psychiatrique. À mesure que Dan et ses deux nouveaux amis, Abby et Jordan, explorent les couloirs sinueux et le soussol dissimulé de Brookline, ils découvrent des secrets troublants sur les événements survenus entre ses murs… Des secrets qui lient Dan et ses amis au passé sombre de l’asile. Car Brookline n’était pas un
hôpital psychiatrique ordinaire. Et certains refusent de demeurer enfouis.
LangueFrançais
Date de sortie17 févr. 2017
ISBN9782897676582
L'asile
Auteur

Madeleine Roux

Madeleine Roux is the New York Times and USA Today bestselling author of the Asylum series, which has sold over a million copies worldwide. She is also the author of the House of Furies series and several titles for adults, including Salvaged and Reclaimed. She has made contributions to Star Wars, World of Warcraft, and Dungeons & Dragons. Madeleine lives in Seattle, Washington, with her partner and beloved pups.

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    Aperçu du livre

    L'asile - Madeleine Roux

    C1.jpg1.jpg

    Copyright © 2013 HarperCollins Publishers

    Titre original anglais : Asylum

    Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec HarperCollins Publishers.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Roxanne Berthold

    Révision linguistique : Nicolas Whiting

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Féminin pluriel

    Images de la couverture : La fille : © 2013 Carmen Gonzalez / Trevillion Images, Texture : © 2013 Naoki Okamoto / Getty Images, Photo des bordures : © 2013 iStock Photo, Les clés : © 2013 Dougal Waters / Getty Images, Les docteurs : Library of Congress, G. Eric et Edith Matson Photograph Collection, La chambre intérieure : Library of Congress, Prints & Photographs Division, HABS PA, 51-PHILA, 354-106, Forceps : © 2013 Vadim Kozlowsky / Shutterstock.com

    Conception de la couverture : Cara E. Petrus et Sammy Yeun

    Montage de la couverture : Mathieu C. Dandurand

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89767-656-8

    ISBN PDF numérique 978-2-89767-657-5

    ISBN ePub 978-2-89767-658-2

    Première impression : 2017

    Dépôt légal : 2017

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone : 450 929-0296

    Télécopieur : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Roux, Madeleine, 1985-

    [Asylum. Français]

    L’Asile

    Traduction de : Asylum.

    Suite : Le sanctuaire.

    « Tome 1 ».

    Pour les jeunes de 12 ans et plus.

    ISBN 978-2-89767-656-8

    I. Berthold, Roxanne. II. Titre. III. Titre : Asylum. Français.

    PZ23.R698As 2016 j813’.6 C2016-942272-0

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps

    plein d’étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves

    qu’aucun mortel n’a jamais osé rêver.

    — Edgar Allan Poe

    Prologue

    Ils la bâtirent dans la pierre, une pierre gris foncé, soutirée des montagnes inhospitalières. C’était une maison pour accueillir les gens incapables de prendre soin d’eux-mêmes, ceux qui entendaient des voix, qui avaient des pensées étranges et des agissements bizarres. La maison devait les contenir. Et une fois entrés, ils n’en sortiraient jamais.

    Chapitre no 1

    Dan crut qu’il allait être malade.

    L’étroite route graveleuse malmenait son taxi depuis au moins huit kilomètres, à présent, et cela s’ajoutait à l’agitation qu’il ressentait à l’idée de sa première journée à l’école. Le chauffeur ne cessait de pousser des jurons au sujet des bosses et des crevaisons. Dan espéra seulement qu’il n’aurait pas à payer pour les dommages — le trajet depuis l’aéroport était déjà assez dispendieux.

    Même si c’était le début de l’après-midi, la lumière extérieure était tamisée en raison de la forêt dense de part et d’autre de la route. « Il serait facile de se perdre dans ces bois », songea Dan.

    — Toujours vivant derrière ?

    — Quoi ? Ouais, ça va, fit Dan, qui s’aperçut du coup qu’il n’avait pas parlé depuis qu’il était monté à bord. Je suis impatient d’arriver sur une surface égale, voilà tout.

    Enfin, le taxi approcha d’une clairière, et le décor se transforma en une toile tachetée d’un vert argenté sous le soleil estival.

    Le bâtiment se dressait devant lui : le Collège du New Hampshire. Ce serait le lieu de résidence de Dan pour les cinq prochaines semaines.

    L’école d’été — sa bouée de sauvetage — avait fait figure de lumière proverbiale au bout du tunnel pour Dan pendant toute l’année scolaire. Il allait passer du temps avec d’autres jeunes qui souhaitaient apprendre et qui prenaient le temps de faire leurs devoirs à l’avance — au lieu de les faire dans une ruée folle avant le son de la cloche alors qu’ils étaient accotés à leur case. Il avait déjà très hâte de se trouver entre ses murs.

    Depuis la fenêtre de la voiture, Dan aperçut des immeubles qu’il reconnut pour les avoir vus dans le site Web du collège. Des édifices en briques de style colonial étaient disposés autour d’une place publique au gazon vert émeraude, parfaitement tondu et taillé. Il s’agissait des bâtiments académiques où Dan savait qu’il suivrait ses cours. Déjà, quelques lève-tôt se lançaient un disque volant sur la pelouse. Comment ces garçons avaient-ils réussi à se faire des amis si vite ? Peut-être que ça serait réellement aussi facile que ça ici.

    Le chauffeur hésita à un carrefour à quatre voies. En diagonale et à droite se dressait une jolie église au charme rétro munie d’un haut clocher blanc, suivie d’une rangée de maisons. Dan tendit le cou vers l’avant et vit le chauffeur actionner le clignotant pour tourner à droite.

    — C’est à gauche, en fait, lâcha Dan en se calant de nouveau dans son siège.

    Le chauffeur haussa les épaules.

    — Si tu le dis. Cette foutue machine semble incapable de se décider.

    Comme pour illustrer son propos, le chauffeur frappa du poing l’écran de l’unité GPS fixée au milieu du tableau de bord. Le chemin tracé par l’appareil semblait s’arrêter là.

    — C’est à gauche, répéta Dan, mais avec moins d’assurance cette fois.

    Il n’aurait pu dire comment il savait quel chemin à emprunter — après tout, il n’avait pas consulté les indications routières avant de venir —, mais quelque chose dans la petite église en parfait état évoqua chez lui un souvenir, voire une intuition.

    Les doigts de Dan pianotèrent contre le siège ; il était impatient de voir où il allait résider. Comme la résidence qui hébergeait les étudiants d’ordinaire était en rénovation pour la période estivale, tous les étudiants du programme préparatoire au collège habiteraient dans un ancien immeuble du nom de Brookline que sa trousse d’admission avait décrit comme « un ancien établissement de santé mentale et un site historique ». En d’autres mots, c’était un asile.

    À l’époque, Dan avait été étonné de ne trouver aucune photographie de Brookline sur le site Web, mais il comprit pourquoi quand le taxi tourna un coin et que l’immeuble devint visible.

    Peu importait que l’administration du collège ait repeint ses murs extérieurs ou qu’un jardinier plein d’initiative se soit un peu emballé en plantant des hortensias égayants le long du sentier ; Brookline s’élevait d’un air menaçant au bout de la route comme un signal. Dan n’aurait jamais cru qu’un édifice puisse avoir l’air menaçant, mais Brookline y parvenait et en rajoutait encore. On aurait même dit que l’immeuble l’observait.

    « Rebrousse chemin maintenant », chuchota la voix dans son esprit.

    Dan frissonna, incapable de faire autrement que d’imaginer comment les patients d’une autre époque s’étaient sentis au moment de leur admission dans cet asile. En avaient-ils eu conscience ? Est-ce que certains d’entre eux avaient éprouvé cette même panique étrange, ou avaient-ils été trop déments pour comprendre ?

    Puis, Dan secoua la tête. C’étaient là des pensées ridicules… Il venait ici à titre d’étudiant, et non de patient. Et comme il l’avait assuré à Paul et Sandy, Brookline n’était plus un asile ; l’hôpital psychiatrique avait fermé ses portes en 1972, année où le collège en avait fait l’acquisition pour transformer l’édifice en résidence étudiante avec étages mixtes et salles de bains communes.

    — Nous y voilà, affirma le chauffeur de taxi, mais Dan remarqua qu’il avait immobilisé la voiture à 10 mètres du bord de trottoir.

    Peut-être que Dan n’était pas le seul à ressentir l’énergie bizarre qui se dégageait des lieux. Malgré tout, il sortit son portefeuille et en cueillit 3 des 4 billets de 20 $ que ses parents lui avaient donnés.

    — Gardez la monnaie, dit-il en sortant de la voiture.

    Le fait de retrousser ses manches et de ramasser ses affaires dans le coffre prêta enfin une impression de réalité à la journée de Dan. Un garçon coiffé d’une casquette de baseball bleue passa près de lui d’un pas flânant, une pile de bandes dessinées usées dans ses bras. Cette vision fit sourire Dan. « Je suis parmi mes pairs », songea-t-il. Et sur cette pensée, il se dirigea vers la résidence qui serait sa maison pour les cinq prochaines semaines.

    Chapitre no 2

    Si garer une BMW flambant neuve dans le stationnement vous donnait un certain prestige au lycée de Dan, les produits Apple et une quantité volumineuse de livres semblaient indiquer que vous étiez branchés au CPNH.

    Voilà le nom sous lequel ils devaient tous désigner le programme, comme Dan l’apprit rapidement. Les collégiens bénévoles, qui étaient là pour distribuer les clés de chambre et aider les jeunes à emménager, entonnaient continuellement les mots « Bienvenue au CPNH », et la seule fois où Dan s’était aventuré à utiliser le terme « Collège préparatoire du New Hampshire », ils l’avaient dardé d’un regard lui apposant l’étiquette de « mignon, mais naïf ».

    Dan gravit les marches de l’entrée et aboutit dans un grand hall d’entrée. Le lustre énorme ne parvenait pas à compenser les ténèbres occasionnées par la multitude de boiseries et les meubles rembourrés. Par un passage vouté grandiose à l’autre bout du hall, Dan aperçut un large escalier bordé d’un couloir de chaque côté. Même le va-et-vient grouillant d’étudiants ne parvenait pas à chasser tout à fait la sensation de lourdeur.

    Dan entreprit de monter l’escalier avec ses valises. Trois longues volées de marches plus tard, il parvint à sa chambre, le numéro 3808. Il posa ses sacs et ouvrit la porte pour découvrir que le compagnon de chambre qui lui avait été attribué avait déjà emménagé, ou peut-être que « rempli les lieux » serait une façon plus appropriée de dire les choses. Des livres, des magazines de manga et des almanachs de tous types et tailles (la plupart s’intéressant à la biologie) étaient placés soigneusement en ordre selon la couleur dans les bibliothèques fournies. Les affaires de son compagnon occupaient exactement la moitié de la chambre, et ses valises étaient bien refermées et glissées sous le lit le plus près de la porte. La moitié de la penderie était déjà remplie de chemises, de pantalons et de manteaux suspendus : il y avait des cintres blancs pour les chemises et les blousons, de même que des cintres bleus pour les pantalons.

    On aurait cru que ce type habitait là depuis des semaines.

    Dan hissa ses valises sur le lit inoccupé, puis il inspecta le mobilier qui lui appartiendrait pour l’été. Le lit, la table de chevet et le bureau semblaient tous en bon état. Il ouvrit le premier tiroir du bureau par simple curiosité en se demandant s’il y trouverait un exemplaire de la Bible des Gédéons ou peut-être une lettre de bienvenue. Il découvrit plutôt un petit bout de ce qui semblait être du papier photo. Le morceau de papier était vieux, décoloré au point d’être complètement blanchi. Il distingua vaguement l’image d’un homme le fixant des yeux, un gentilhomme à lunettes d’un certain âge vêtu d’une blouse de médecin et d’une chemise sombre. Il n’y avait rien de remarquable sur la photo à l’exception des yeux — enfin, de l’endroit où les yeux s’étaient trouvés. Quelqu’un les avait rayés de manière peu soignée — peut-être même dans un geste de colère.

    Chapitre no 3

    Daniel Crawford ?

    Dan pivota sur lui-même, tenant toujours la photo. Un adolescent dégingandé se tenait juste à l’extérieur de l’embrasure de la porte, vêtu comme un missionnaire faisant du porte-à-porte : chemise blanche empesée, cravate noire et pantalon plissé.

    — Salut, le salua Dan en agitant un peu la main. Tu es mon compagnon de chambre ?

    — On dirait bien, oui.

    La phrase fut prononcée d’un ton plus fervent que sarcastique.

    — Mon nom est Félix Sheridan, ajouta le garçon. Je t’ai fait sursauter ?

    — Non, non. C’est seulement que… j’ai trouvé cette photo. Du moins, je crois que c’est une photo ; ça pourrait aussi être une carte postale ou autre chose, je suppose. De toute façon, quelqu’un s’est vraiment défoulé dessus. C’est plutôt bizarre.

    Dan brandit la photo et haussa les épaules. Ça ne semblait pas être le moyen idéal de briser la glace, mais il n’avait jamais été très doué pour les premières impressions.

    — As-tu reçu quelque chose comme ça ? Peut-être que c’est une sorte de chasse au trésor.

    — Rien de semblable, non, fit Félix en clignant de ses yeux d’un bleu laiteux. J’ai reçu la brochure du nouvel étudiant, de l’information sur la sécurité dans la résidence et le catalogue des cours. Mais c’est arrivé par la poste il y a quelques semaines.

    — Ouais, j’ai reçu tout ça, moi aussi, répondit Dan avec un haussement d’épaules nerveux. Je me demandais, voilà tout. Ce n’est pas grave.

    Dan replaça la photographie dans le tiroir, qu’il referma. Il pourrait certainement passer l’été sans l’ouvrir de nouveau.

    — Je pourrais numériser la photo et faire une recherche pour toi. C’est assez simple : il suffit de lancer une recherche d’image inversée. En fait, maintenant que j’y pense, ça me rappelle un peu…

    — Merci, mais laisse tomber, l’interrompit Dan, qui souhaita n’en avoir jamais parlé. Hé, n’y a-t-il pas une fête de bienvenue ou un truc du genre auquel nous sommes tous censés assister ?

    — Si tu m’avais laissé terminer… commença Félix d’un ton calme avant de patienter l’espace d’un moment ultra-pénible. J’allais dire que ça me rappelle les photos que j’ai trouvées en bas.

    — Attends, tu parles sérieusement ? Que veux-tu dire ?

    Dan ne pouvait faire autrement ; cette histoire piquait sa curiosité.

    — Il y a un bureau abandonné au premier étage, expliqua Félix. Je crois qu’il appartenait au directeur du vieil asile ou à quelqu’un du genre. Il y a des papiers, des images et d’autres objets à la vue de tous. Il y a un panneau qui indique que l’endroit est censé être interdit d’accès, mais la serrure de la porte a été forcée.

    — Tu es entré dans le bureau ?

    Dan n’était pas du genre à briser les règles, et même s’il ne savait que peu de choses sur son compagnon de chambre jusqu’à présent, il lui semblait que Félix se classait dans la même catégorie.

    Félix opina.

    — J’arrive de là-bas, en fait. Et sans avoir regardé la pièce de très près, je suis presque certain qu’il y avait des photographies comme la tienne.

    « Elle n’est pas à moi, songea Dan en frémissant. Je ne suis que le malchanceux qui l’a trouvée. »

    — Peut-être que tu devrais visiter le bureau. Mais il faut que je t’avertisse, c’est un endroit plutôt perturbant, et c’est peu dire.

    Félix ne paraissait pas perturbé, toutefois. En fait, alors qu’il était debout dans l’embrasure de la porte, il semblait lancer un défi à Dan. Cependant, Dan avait autre chose en tête.

    — Bon, es-tu prêt pour la fête ? dit-il.

    Félix entra dans la chambre et se dirigea vers le placard en tendant tout de suite la main vers un blouson marine.

    — C’est vrai, fit-il avant de rejoindre Dan près de la porte. As-tu croisé des filles jusqu’à présent ? Il ne semble y en avoir qu’une poignée sur notre étage. Mais je parie qu’il y en aura d’autres à la fête. Hein, Daniel ?

    Dan dévisagea son compagnon de chambre en essayant d’additionner tout ce qu’il savait sur lui pour tenter d’aboutir sur la somme d’une personne cohérente. Il se demanda si tous les participants de ce programme seraient aussi pleins de contradictions. En théorie, ça ferait changement par rapport au rythme du lycée, où tous ceux que Dan connaissait étaient si prévisibles. En théorie...

    — Je suis certain qu’il y aura des filles, mais…

    Félix le regarda avec intérêt.

    — Écoute, je suis tout sauf un bon ailier pour la drague. Tu auras peut-être plus de chance si tu pourchasses les filles en solo.

    Il se sentait un peu mal de balayer Félix du revers de la main comme ça quand ce dernier essayait simplement de se montrer amical, mais Dan se surprit à vouloir tenir son compagnon de chambre à distance, surtout en ce qui concernait les filles.

    — Très bien. De toute façon, ce serait probablement mieux pour nous de ne pas entrer en conflit à propos des mêmes filles. N’est-ce pas ?

    Dan poussa un petit soupir et opina de la tête.

    Les couloirs étaient bondés de jeunes qui emménageaient. Plusieurs d’entre eux avaient formés des petits groupes et discutaient. Pourquoi Dan n’avait-il pas pu tomber sur l’un d’entre eux comme compagnon de chambre ?

    — Regarde, Daniel Crawford, ordonna Félix en immobilisant Dan à l’approche du hall de l’entrée principale.

    Il pointa dehors, là où des étudiants traversaient la pelouse.

    Des filles. Assez de filles pour nous deux.

    En dégageant doucement son bras de la poigne moite de Félix, Dan passa la porte. Sa journée irait en s’améliorant. Il le fallait bien.

    x x x x x x

    — Eh bien, je me sens comme un adulte. Et toi ?

    Dan prit une autre bouchée de sa glace à la menthe et aux brisures de chocolat.

    Félix regarda dans le vide.

    — Je ne suis pas certain de comprendre ce que tu veux dire.

    — Je parle de ceci, fit Dan en soulevant le petit bol de glace en papier, qu’il fit danser de droite à gauche. Toute cette réunion sociale avec glaces. C’est un peu comme… Je ne sais pas. C’est comme si nous étions redevenus des bambins à une fête d’anniversaire.

    Il scruta la petite cuillère de bois accompagnant le bol. Elle ne réussit qu’à le faire se sentir plus ridicule.

    Ils se trouvaient à la Place Wilfurd, une grande cafétéria et salle de bal située dans l’un des immeubles donnant sur la place publique. Au-dessus d’eux, une lucarne en coupole laissait filtrer les dernières traces du soleil. Le crépuscule descendant donnait à la pièce une teinte violette tandis que dehors, un brouillard s’installait sur le terrain.

    — Je n’associe pas la glace à mon enfance, dit Félix.

    « C’est probablement parce que tu n’as jamais été invité à une fête d’anniversaire. » Dan se réprimanda tout de suite. Il devait s’efforcer d’être plus aimable, mais jusqu’à maintenant, toute conversation avec Félix s’était avérée impossible.

    — Personnellement, j’espérais avoir l’occasion d’obtenir des conseils sur les cours de biologie à prendre, mais je n’aperçois aucun des professeurs associés à… Attends ! Je pense que c’est peut-être le professeur Soams qui arrive. J’ai lu sa dissertation à propos de l’évolution des pathogènes microbiens…

    Dan ne saisit pas le reste des paroles de Félix, beaucoup trop heureux de le voir se faufiler dans la foule en direction d’un homme âgé se tenant dans le coin opposé. Cependant, même s’il était soulagé par cette pause de Félix, il prenait douloureusement conscience du fait qu’il était seul parmi une foule.

    Espérant qu’il n’aurait pas l’air aussi mal à l’aise qu’il l’était en réalité, Dan enfonça une autre pleine cuillerée de glace fondante dans sa bouche. Elle avait un goût de craie, comme un médicament. L’odeur désagréable d’une cigarette allumée flotta depuis les portes ouvertes sur l’extérieur, et Dan eut l’impression de se refermer comme une huître.

    « Calme-toi, Dan. Tu vas bien, tu vas bien. »

    De la sueur froide et fourmillante s’amassa au bas de sa nuque. Il se sentit étourdi, et la lucarne se mit à tournoyer — en fait, toute la salle se mit à tournoyer. Il tenta d’agripper la table derrière lui, mais rata sa cible et tomba à la renverse. Dans une seconde, il percuterait le sol.

    Une main solide lui empoigna le bras pour le ramener à la verticale.

    — Holà ! Prends garde, mon vieux, ou tu porteras cette glace sur ta tête.

    Dan battit des paupières, et peu à peu, sa vision redevint claire. Devant lui se trouvait une fille de petite taille aux grands yeux bruns et à la peau olive et crémeuse. Elle lui tenait toujours le bras. Elle portait un chemisier ample et déboutonné, éclaboussé de peinture par-dessus un débardeur. Son jean était déchiré et accompagné de lourdes bottes noires.

    — Merci, dit Dan qui inspecta sa propre chemise pour s’assurer de n’avoir rien renversé. Je pense qu’il fait trop chaud ici.

    Elle sourit, et il lança :

    — Je m’appelle Dan Crawford, en passant.

    — Abby. Abby Valdez, dit la fille.

    Ils se serrèrent la main. La poigne d’Abby était forte et chaude.

    — En tout cas, tu as raison pour ce qui est de la chaleur, fit Abby, qui repoussa sa chevelure ondulée en grognant.

    Ses cheveux retombèrent sur une épaule comme un rideau noir. Des plumes pourpres et vertes étaient enchevêtrées dans les boucles.

    — Ils pourraient bien actionner un ventilateur, à tout le moins.

    — N’est-ce pas ? Dis, euh… que penses-tu du collège jusqu’à maintenant ? demanda Dan.

    Cela lui semblait être une bonne question, une question normale à poser, surtout après un quasi-évanouissement qui n’avait résolument rien de normal. La docteure Oberst lui disait continuellement que s’il se sentait angoissé durant une conversation, il lui suffisait de poser des questions à son interlocuteur et de le laisser prendre le contrôle de la conversation pour une minute.

    — Je préfèrerais ne pas séjourner dans un vieil asile, mais sinon, c’est chouette. Pourquoi es-tu ici ? Je veux dire : quels cours suivras-tu ?

    — Je vais étudier l’histoire surtout et peut-être

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