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De haut en bas: L'ultime message de Guillaume de Plaigne
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Livre électronique419 pages6 heures

De haut en bas: L'ultime message de Guillaume de Plaigne

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À propos de ce livre électronique

Un vétérinaire, une médium, un historien, une châtelaine et un mystérieux trésor dans un château médiéval, que demander de plus pour vivre une intrigue palpitante ?

Un vétérinaire Toulousain épris d'une femme sans passé se laisse entrainer pour un long week-end dans un huis clos amoureux au cœur d'un château médiéval de l'Aude contemporaine. C'était sans compter sur la présence inattendue d'une infirmière devenue médium, d'un historien à l'étrange accent et d'une improbable châtelaine. Le tableau serait incomplet sans un retour dans le passé et les étranges révélations d'un certain Guillaume de Plaigne. Chevalier pro-cathare et seigneur du Languedoc, il fut dépossédé de son château par les Français sept siècles auparavant et s'apprête aujourd'hui à révéler un ultime message qui va bousculer la vie des uns et le destin des autres. Sur les chemins cathares du Moyen-Âge inquisiteur et les routes de l'actuelle Occitanie, Philippe Jauréguiber ravit les lecteurs épris de récits historiques et ésotériques. Au-delà d'un véritable thriller extrêmement précis et documenté, l'auteur nous invite à réfléchir sur notre humanité et nous rappelle que certains pans troubles de notre Histoire peuvent resurgir à tous moments. Quant aux esprits les plus ouverts et les plus curieux, convoiteront-ils ce trésor dont tout le monde parle ?

Plongez-vous dans les mystères des châteaux médiévaux et découvrez au côté de Gauthier le passé de Guillaume de Plaigne, un chevalier pro-cathare qui détient un secret qui pourrait en intéresser plus d'un.

LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie28 janv. 2021
ISBN9791023616828
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    Aperçu du livre

    De haut en bas - Philippe Jaureguiber

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    Philippe Jaureguiber

    De haut en bas

    Depuis leur départ de Toulouse un peu après quinze heures, Gauthier n’avait cessé d’afficher un sourire béat au volant de son break Audi. Il conduisait avec concentration dans un trafic dense et rapide qui lui interdisait de regarder sa passagère autant qu’il l’aurait voulu. Kelly n’allait certainement pas sauter en marche avant leur arrivée, mais il avait en permanence ce besoin irrépressible de l’observer pour s’assurer qu’il n’était pas en plein rêve, qu’elle était bien là, assise à ses côtés pour leur premier week-end en amoureux, loin de Toulouse.

    Après une petite cinquantaine de kilomètres, Kelly surprit Gauthier en lui demandant de quitter l’autoroute de l’Entre-deux-Mers à la prochaine bifurcation. Il avait supposé que Kelly lui ferait la surprise d’aller vers la Méditerranée, mais il ne broncha pas et amena son Audi sur la voie de droite, prêt à s’engager sur l’autoroute A66, plus joliment appelée l’Ariégeoise. Il réduisit sa vitesse dans le long virage de transition, puis accéléra puissamment dans la côte de Vieillevigne en direction du sud. Dès qu’il eut passé son dernier rapport et enclenché son régulateur de vitesse, sa main droite alla se poser délicatement sur la jambe de sa passagère. Presque aussitôt la main douce et légère de Kelly recouvrit et caressa la sienne. Ils se sourirent en silence. Gauthier en fut ému au plus profond de son être, convaincu d’être le plus chanceux et le plus heureux des hommes à cet instant.

    Il se divertissait beaucoup que ce soit Kelly qui organise secrètement leur excursion. Dès leur départ, elle lui avait demandé d’éteindre le GPS du tableau de bord et distillait au fur et à mesure les directives nécessaires à leur voyage. Elle était la seule à connaître leur destination et Gauthier prenait très à cœur son rôle de chauffeur docile et silencieux. Il trouvait plaisant de conduire sans se préoccuper de l’itinéraire à prendre ni de l’heure d’arrivée.

    Une vingtaine de kilomètres plus loin, l’Audi franchit une belle crête face aux Pyrénées ariégeoises. Dans la longue descente qui suivit, ils purent admirer le magnifique panorama que leur offrait la montagne. Gauthier était tout à sa contemplation quand Kelly lui intima de quitter l’autoroute à la prochaine sortie. Il continua à se plier aux instructions de sa navigatrice et prit la sortie numéro deux avant de s’arrêter au petit péage. À peine avait-il récupéré sa carte de crédit et son reçu, que Kelly lui demanda de prendre la direction de Mazères. Il se garda encore de faire le moindre commentaire, et prit le premier rond-point en suivant scrupuleusement la direction des panneaux indicateurs. Pendant les manœuvres qui suivirent, Gauthier s’étonna de voir la main de Kelly lui indiquer les changements de direction qu’il devait opérer. Elle le guidait avec assurance, au point qu’il crut un instant qu’elle connaissait déjà leur itinéraire. Il chassa immédiatement cette pensée qu’il jugea idiote, et revint tout à sa conduite.

    Ils se retrouvèrent très rapidement sur une route secondaire plutôt large et peu fréquentée. Elle semblait avoir été tracée au cordeau dans un paysage sans habitation ni relief. Le jaune des vastes champs de colza en fin de floraison dominait le vert encore pâle des rares parcelles de blé dur. Plus rien autour d’eux ne permettait à Gauthier de deviner où Kelly les emmenait. Sa curiosité grandissait à chaque croisement, mais il tint bon et resta silencieux, bien décidé à continuer à se laisser guider et surprendre.

    Leur rencontre avait littéralement bouleversé la vie de Gauthier qui avait très rapidement acquis la certitude que Kelly allait lui offrir cette relation d’amour et de partage qu’il n’attendait plus. Il avait pu mettre un terme à ses recherches chronophages sur des sites de rencontres, et ses amis avaient enfin renoncé à lui présenter des femmes célibataires qu’un divorce ou une séparation avaient esquintées bien plus que lui ne l’avait été.

    Kelly était entrée dans la vie de Gauthier par un matin d’hiver particulièrement froid. La chaudière de son cabinet vétérinaire était tombée en panne et Gauthier s’était directement rendu dans la buanderie pour tenter de remettre le chauffage. Après de nombreuses tentatives de réglage et une pleine boîte d’allumettes, il réussit à maintenir en vie la petite flamme bleue de la veilleuse. Dès qu’il lança la pompe, les brûleurs s’enflammèrent et lui procurèrent une chaleur immédiate dont il profita pendant quelques secondes. C’est au moment de remettre le capot de l’appareil de chauffage que le carillon de la porte d’entrée retentit. Son premier rendez-vous ne devait pas arriver avant neuf heures et il pensa à une de ces intrusions dont les représentants de laboratoire sont coutumiers ; il aurait vite fait d’expédier celui-là.

    Le vétérinaire retourna dans sa salle de consultation, enleva à regret sa parka et enfila sa blouse blanche que le week-end avait glacée derrière la porte. Il alla vers l’entrée du cabinet en se frottant énergiquement les mains pour les réchauffer et comprit que son visiteur s’était déjà glissé dans la salle d’attente.

    Elle lui tournait le dos et regardait les photos des animaux à vendre et à donner qu’il épinglait régulièrement sur un grand tableau en liège. Gauthier ne se manifesta pas immédiatement et prit quelques secondes pour observer sa visiteuse. Elle portait un jean foncé rentré dans de hautes bottes en cuir noir à talon carré, et ses cheveux dorés, mi-longs et lisses dessinaient une auréole presque parfaite sur le cuir noir de son perfecto.

    –Bonjour, lança Gauthier pour signaler sa présence.

    La femme sursauta et se retourna. Quand Gauthier vit son visage, il pensa tout d’abord à un ange, un ange avec de magnifiques yeux verts en amande mis en valeur par un discret maquillage. Ses lèvres étaient singulièrement charnues, à peine colorées et son sourire lumineux fit oublier au vétérinaire à quel point il avait froid dans sa blouse. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il remarqua une petite boule de poils gris blottie dans la fourrure écrue du blouson.

    –Comment s’appelle-t-il ? demanda Gauthier pour briser le silence et sa gêne, plus que par réel intérêt.

    –C’est quelle lettre cette année ?

    –Euh, la lettre… « J ». C’est la lettre « J ».

    –Alors… Je vais l’appeler… Jerry !? C’est bien Jerry, non ?

    –C’est un mâle ?

    –Je ne sais pas.

    Gauthier avait fini par lui répondre qu’un nom de souris pour un chat n’était pas banal, mais que pour sa part, en tant que professionnel de la santé animale, il n’y voyait aucun inconvénient. Ce fut leur tout premier échange et leur tout premier fou rire.

    Brun aux yeux verts, Gauthier n’avait pas vraiment conscience de son pouvoir de séduction et n’en jouait donc pas. Il se contentait le plus souvent d’être tout simplement lui-même, un homme à l’esprit fin et à la bonne humeur quasi constante. Ni trop musclé, ni trop mince, il entretenait sans excès un physique agréable et son visage dégageait une énergie qu’il devait à un menton plutôt carré et un nez légèrement proéminent. Il était coiffé court et avait opté depuis longtemps pour des pattes longues et soignées qui commençaient à grisonner.

    Cela faisait plusieurs années que le vétérinaire était en quête d’une nouvelle passion amoureuse pour en finir avec un célibat forcé et douloureux. Il avait fait de multiples rencontres et vécu quelques romances, mais le plus souvent avec des femmes plus jeunes que lui. Il en était flatté, là n’était pas la question, mais il était arrivé à la conclusion que c’était le plus souvent la différence d’âge qui avait presque toujours eu raison de chacune de ses relations. Une fois passée la passion des débuts, des divergences de centres d’intérêt et de modes de vie apparaissaient et interdisaient toute construction sérieuse. Gauthier avait donc choisi de ne plus s’intéresser aux femmes de moins de quarante ans pour mettre toutes les chances de son côté et dans le but de construire une relation qu’il désirait avant tout pérenne.

    De onze années plus jeune que lui, Kelly aurait dû être disqualifiée dès leur rencontre. Mais c’était compter sans l’adresse de Cupidon et la précision de ses flèches qui atteignirent le séduisant docteur vétérinaire en plein cœur, lui faisant oublier du même coup ses belles résolutions.

    ***

    La tête appuyée en arrière, Kelly se laissait doucement bercer par les légers soubresauts de la voiture. Elle tenait sa ceinture de sécurité des deux mains et regardait cette montagne à la fois si proche et si lointaine. Gauthier n’était pas en reste, et à la faveur d’une circulation raréfiée, il jetait parfois de longs coups d’œil aux sommets encore enneigés.

    Il éprouva soudain l’envie de passer une main dans les cheveux de Kelly mais préféra la laisser toute à sa rêverie. Il se contenta d’observer la créole dorée accrochée au lobe de son oreille. Il les lui avait offertes deux semaines auparavant, pour fêter les cent jours de leur rencontre. Gauthier était déterminé à tout faire pour séduire Kelly, y compris accéder à ses moindres désirs et caprices. D’ailleurs ce week-end de trois jours avait été une des toutes premières foucades de son amante. Cela faisait à peine deux semaines qu’ils sortaient ensemble qu’elle lui avait demandé instamment de lui promettre qu’ils iraient passer le week-end de Pentecôte loin de Toulouse. Elle avait insisté pour s’occuper de tout et avait payé elle-même l’acompte de la réservation pour garder secret le lieu de leurs « petites vacances ». Elle avait simplement dit à Gauthier qu’il n’aurait qu’à s’occuper des valises, à se mettre derrière le volant et à se laisser guider jusqu’à leur arrivée. Il s’était amusé de cet ultimatum et avait dû jurer plusieurs fois qu’il s’arrangerait pour permuter sa garde du week-end avec un confrère accommodant. Cela lui coûterait une bonne bouteille de whisky, mais c’était peu cher payé pour la perspective de passer trois jours et trois nuits consécutifs avec Kelly.

    À plusieurs reprises Gauthier avait tenté d’en savoir davantage sur leur week-end, mais il ne recueillit que de très maigres informations. Il apprit seulement qu’ils allaient mener la vie de château, que ça serait « super chouette », « trop top », un peu cher, mais « carrément génial ». Tout cela amusait follement Kelly, et Gauthier se délectait de la voir si joueuse et si enthousiaste. Il se moquait bien de l’endroit où ils allaient passer ces quelques jours ensemble. Que ce fût dans un château médiéval perdu dans la campagne ou dans un Bed and breakfast au bord d’une autoroute, il s’en fichait autant que du montant de la facture qu’il aurait à régler.

    Kelly se rapprocha de Gauthier et se blottit contre son épaule comme une chatte. Une bouffée de bonheur mit immédiatement Gauthier dans un état quasi extatique. Il prit un long virage à droite sans vraiment penser qu’il était en train de conduire, quand un flot de lumière chaude et printanière inonda tout l’habitacle de l’Audi. Kelly ferma les yeux sans changer sa position et Gauthier baissa aussitôt son pare-soleil.

    –On ne doit plus être très loin, murmura-t-il. Tu m’avais dit, pas plus d’une heure de route.

    Kelly se redressa et jeta un rapide coup d’œil par-dessus le tableau de bord. Elle s’étira et posa un baiser léger sur la joue de son chauffeur.

    –Merci chéri, murmura-t-elle.

    Cela faisait peu de temps qu’elle l’appelait « chéri ». La première fois, il en avait été bouleversé. La dernière femme à l’avoir appelé ainsi c’était… c’était sans importance, se mentait-il à chaque fois. Il se répéta encore qu’il devait laisser le passé derrière lui et conjuguer sa vie au présent, peut-être même au futur, à condition qu’il fût... simple.

    –Tu sais, reprit-elle en se blottissant davantage. Quand j’ai vu les photos du château sur internet, j’ai complètement craqué. Tu verras, le parc est magnifique, la déco est trop classe. C’est un vrai château de conte de fées. Il y a même une immense cheminée dans laquelle on pourrait faire rôtir un énorme mouton ! Et puis tu vois, c’est vraiment pas loin de Toulouse.

    Gauthier acquiesça d’un sourire et posa une main tendre sur la jambe de Kelly. Il dut vite la retirer pour passer une, puis deux vitesses à la sortie de Belpech. C’était le dernier village avant d’arriver à Plaigne, ils n’étaient plus très loin.

    –J’ai même choisi la chambre, ajouta-t-elle malicieuse. C’est la chambre du Commandeur ! Tu verras, elle est...

    –La chambre du Commandeur ? coupa Gauthier, feignant d’être impressionné. Et toi ma chérie, où vas-tu dormir ?

    –Avec le Commandeur bien sûr ! Il a insisté pour que je sois sa maîtresse pendant ces trois jours. J’allais pas refuser, personne ne discute les ordres du Commandeur.

    Gauthier fut soudain envahi d’un désir charnel intense et nouveau. Il l’avait senti s’immiscer en lui depuis quelques kilomètres et les mots de Kelly à l’approche de leur destination avaient réveillé en lui une sorte de pulsion sexuelle brutale, presque sadique. Ses mains se crispèrent sur le volant et son pied enfonça la pédale de l’accélérateur. Au changement d’allure de l’Audi, Kelly se redressa et regarda son amant qu’elle ne reconnut pas l’espace d’une fraction de seconde. Elle dissipa son trouble en regardant la route et bondit aussitôt de son siège.

    –C’est là, c’est là ! Ralentis ! s’exclama-t-elle en désignant un petit panneau sur le côté gauche de la route.

    Gauthier avisa immédiatement la petite pancarte qui pendait à une potence en fer forgé et indiquait « La Commanderie ». Il jeta un rapide coup d’œil dans son rétroviseur et freina fermement avant de couper la route et de s’engager tranquillement dans une allée en pente, bordée de pins parasols.

    –C’était moins cinq… Ça va ? Tu es contente ma chérie ?

    –Oui, je suis trop contente ! Trois jours à glander, à manger, à boire et à baiser ! J’en rêvais !

    Gauthier ne sut trop quoi répondre à l’enthousiasme nature de son amante et se réfugia comme souvent dans ce cas derrière un sourire contrit. Il adorait la fraicheur et la spontanéité de Kelly, mais il aurait souhaité par moment qu’elle fasse preuve d’un peu de retenue.

    C’est au bout de l’allée ombragée, sur leur gauche, qu’apparut l’imposant portail d’entrée de la propriété. Il était ouvert sur un magnifique parc engazonné entouré d’arbres immenses dont les hautes cimes semblaient rivaliser avec les tours rondes d’un étonnant château.

    Gauthier engagea son break sur un solide petit pont en pierres au-dessus d’un large fossé au fond duquel s’écoulait un paisible ruisseau. L’Audi dépassa lentement les hauts piliers en pierres du portail en fer forgé et entra dans la cour du château.

    –Eh bien nous y voilà, annonça Gauthier. C’est magnifique…, magnifique, vraiment, c’est la grande classe.

    Kelly répondit par un sourire plein de satisfaction et de reconnaissance. À peine Gauthier venait-il d’immobiliser son véhicule devant le château que Kelly détacha sa ceinture et se colla contre lui pour l’embrasser. Leur baiser fut long et passionné et marquait officiellement le début de leur week-end à « La Commanderie ».

    ***

    L’accès au château se faisait par un perron à double escalier en pierres, décoré des deux côtés par des pots à feu et de petites sculptures. Des vasques de plantes vertes rehaussaient la balustrade et embellissaient merveilleusement la double montée vers l’entrée principale.

    Le château ne possédait ni meurtrières ni archères mais de nombreuses fenêtres avec des croisillons blancs qui rompaient avantageusement le gris lisse et austère des hauts murs crépis à la chaux. Il n’y avait pas davantage de créneaux ou de mâchicoulis en haut des murs, mais une magnifique corniche en génoise qui se déroulait sur quatre rangs. Elle parcourait avec élégance les bords de toiture et reliait avec finesse et régularité les trois tours de l’imposante demeure.

    –Nous voilà rendus au château, ma chère, plaisanta Gauthier d’un ton précieux. J’espère que les chemins ne vous auront point trop fatiguée. Je vais sur le champ demander à mes gens de monter vos bagages dans vos appartements.

    –Tu es bête… Monsieur le Commandeur, répondit Kelly, amusée par le jeu de Gauthier.

    –Allez, viens, chuchota-t-il. Nous serons bien mieux à l’intérieur. Je m’occupe des bagages.

    Gauthier sortit le premier de la voiture et se dirigea vers le coffre. Il avait opté pour une tenue décontractée, un jean et blazer bleu sur un tee-shirt gris chiné.

    De son côté Kelly alla ouvrir la porte arrière de la voiture et récupéra son sac à main et son vanity-case posés sur la banquette. Gauthier avait récupéré leurs valises et arriva le premier en bas de l’escalier. Il laissa passer Kelly et ne put s’empêcher de contempler encore une fois sa féminité que ses leggings beiges mettaient outrageusement en valeur. Sans parler du balancement de ses hanches que rythmait l’impact des talons de ses sandales sur la pierre.

    Le soleil était haut et chauffait déjà la façade du château exposée plein sud. Les deux amants posèrent leurs bagages en haut du perron et contemplèrent le parc impeccablement entretenu. Il dégageait une belle sérénité qu’amplifiaient les chants et piaillements des nombreux oiseaux qui voletaient en tous sens. Gauthier chercha d’où pouvait provenir ce parfum de miel presque entêtant qui lui chatouillait les narines depuis leur arrivée.

    –Ça sent super bon hein ? s’exclama Kelly en prenant une grande inspiration les yeux fermés.

    –Regarde derrière toi, lui dit Gauthier en se retournant vers la façade. Les murs sont couverts de glycines. Il n’y a plus de doute ma chérie, c’est le printemps, ajouta-t-il en pressant Kelly contre lui.

    Le regard de Gauthier s’attarda sur une curieuse sculpture de pierre posée sur le gazon au fond du parc. Il interrogea Kelly.

    –Tu arrives à voir ce que représente cette sculpture là-bas à gauche du grand sapin ? Tu la vois, sur l’herbe, on dirait un chien, non ?

    –En fait c’est une louve qui protège ses deux petits. Il y a des bébés loups sous la maman, répondit Kelly.

    –Je ne sais vraiment pas comment tu fais pour voir tout ça d’ici, s’étonna Gauthier. Je vois à peu près une louve, oui, mais pour les petits je ne distingue que deux pierres. Ta vue est excellente.

    –Ou alors toi tu as peut-être besoin de porter des lunettes, répondit Kelly avec effronterie.

    –Tu vas voir, si je…

    La porte d’entrée du château s’ouvrit soudain derrière les deux amants qui interrompirent aussitôt leur gentille chamaillerie. Ils se retrouvèrent devant une femme entre deux âges. Elle portait des lunettes écaille ovales qui donnait un peu de sévérité à son visage et ses yeux d’un vert clair suggéra à Gauthier qu’elle avait dû avoir beaucoup de succès auprès des hommes. Elle avait ramené ses cheveux blond blanc dans un chignon décoiffé qui lui donnait beaucoup de charme et une certaine distinction. C’était une châtelaine d’aujourd’hui, dans un style chic-décontracté, en pantalon et cardigan manches longues sur un tee-shirt blanc. Elle portait comme unique bijou un fin collier goutte d’eau en cristal.

    –Bonjour, soyez les bienvenus au château. Je suppose que vous êtes Monsieur et Madame Ferrals ?

    –Euh… oui, c’est… ça, Ferrals, confirma Gauthier, surpris d’apprendre qu’il était en lune de miel pour la deuxième fois de sa vie.

    –On ne s’en lasse pas n’est-ce pas ? commenta la châtelaine en balayant le parc du regard. Si cela vous fait plaisir et si, bien sûr, le beau temps se maintient, je dresserai la table de vos petits déjeuners ici même. Qu’en pensez-vous ?

    –Ça serait trop cool, piaffa Kelly en se serrant contre Gauthier.

    –Alors c’est réglé, confirma la châtelaine… Mais où ai-je la tête, je ne me suis pas présentée, je suis Rose de Brassac la propriétaire du château et votre hôtesse. Avez-vous fait bonne route ? Mais il est vrai que vous ne venez pas de très loin… Je vous en prie, entrez, vous devez avoir hâte de découvrir votre chambre et de vous installer.

    Gauthier et Kelly reprirent leurs bagages et entrèrent dans le château à la suite de la châtelaine. Ils contournèrent un imposant canapé rond en velours rouge d’époque Napoléon III. Il était placé au centre du vestibule, sous une imposante lanterne chinoise fin XIXème suspendue à une longue chaîne. Sans se retourner Rose de Brassac commenta en quelques mots les lieux.

    –Nous sommes ici dans le donjon principal, précisa-t-elle. Il a été construit au XIIIème siècle par Guillaume de Plaigne, un seigneur qui fut ami des Cathares quand l’inquisition battait son plein et que le roi de France voulait s’emparer des riches terres du Languedoc.

    Gauthier et Kelly suivaient leur hôtesse en silence avec cette docilité qu’ont les touristes derrière leur guide. Le vétérinaire était à la traîne et prenait son temps pour admirer la richesse de la décoration autour de lui. Chaque pan de mur, chaque recoin recelait un objet ou un accessoire ancien. Certains d’entre eux paraissaient n’avoir jamais bougé depuis le Moyen-Âge tant on les sentait véritablement à leur place. Gauthier s’extasia devant d’imposantes torchères en fer forgé accrochées aux larges murs en pierre et s’arrêta quelques pas plus loin, fasciné devant une carte ancienne du Royaume de France au XVIIIème.

    –Ne vous inquiétez pas monsieur Ferrals, interrompit la châtelaine. Vous aurez tout loisir de vous promener dans chaque pièce du château et d’y découvrir ses trésors. Mais il y a peu de chance que vous tombiez sur celui des Cathares, des Templiers ou même des Wisigoths ! Nous ne sommes pas à Rennes-le-Château ici.

    –J’ignorais que les Cathares aient eu un trésor ! s’étonna Gauthier.

    Madame de Brassac s’arrêta net au milieu du couloir dont les soubassements blancs contrastaient élégamment avec le rouge des murs. Elle se retourna vers ses visiteurs avec théâtralité.

    –Bien sûr qu’il y a un trésor cathare, Monsieur Ferrals. On dit même que le Saint-Graal pourrait en faire partie. Nous sommes ici à moins de cinquante kilomètres du pog de Montségur, l’endroit même où ont été brûlés les derniers hérétiques cathares ; ils étaient deux cents bonshommes et bonnes femmes, comme on les appelait autrefois. Et puis, comme vous semblez vous intéresser à l’Histoire, sachez que Guillaume de Plaigne a aussi vécu au château de Montségur. On a cru un temps qu’il aurait pu cacher ici tout ou partie du trésor, mais nous n’avons jamais rien trouvé, pas même une petite pièce d’or, rien. Mais croyez-moi Monsieur Ferrals, le trésor des Cathares existe bel et bien.

    Madame de Brassac alla se placer face à un mur et saisit une petite poignée aussi invisible que la porte en trompe-l’œil qu’elle ouvrait.

    –Alors voilà, reprit-elle. Il y a plusieurs accès pour se rendre à l’étage. L’escalier que nous allons emprunter n’est certes pas très large, mais il conduit directement aux chambres, dont la vôtre. Elle est située juste au-dessus de l’entrée que nous venons d’emprunter. En d’autres termes, vous dormirez ce soir dans le donjon de Guillaume de Plaigne, en plein Moyen Âge, conclut-elle, non sans emphase.

    Sans autres commentaires, Madame de Brassac actionna la petite poignée, puis tira la porte vers elle avant d’allumer l’étroite cage d’escalier construite en colombages. Elle pénétra la première, suivie de Kelly que Gauthier laissa élégamment passer en reprenant muettement le style maniéré de la châtelaine. Son impertinence fut aussitôt calmée par le regard réprobateur de Kelly qui lui tourna vivement le dos avant de prendre à son tour l’escalier.

    –Vos valises ne sont pas trop grandes Monsieur Ferrals, vous devriez pouvoir passer sans encombre, assura Madame de Brassac déjà rendue à mi-parcours.

    Gauthier ne répondit pas. L’exiguïté de la cage d’escalier ajoutée à la hauteur des marches, l’obligeaient à monter péniblement de côté pour éviter de frotter la tapisserie avec les bagages.

    Madame de Brassac était déjà rendue à l’étage et poursuivait ses commentaires, à peine essoufflée.

    –Quand vous serez arrivés en haut de l’escalier, vous remarquerez que son noyau a été fait dans un seul tronc d’arbre évidé. C’est assez remarquable, vous verrez.

    Gauthier stoppa sa laborieuse ascension sur une marche plus large pour repositionner les valises et éviter de se retrouver coincé. Il trouvait en effet l’escalier remarquable mais plus pour sa raideur que par sa construction. Avec des hauteurs de plafond d’au moins cinq mètres, il montait l’équivalent de deux étages en une seule volée.

    Quand Gauthier monta enfin la dernière marche, Madame de Brassac et Kelly avaient déjà disparu dans la chambre. La pièce était grande et sobrement meublée avec, pour le côté charmant, un lit avec rideaux et ciel-de-lit aux mêmes motifs baroques que la tapisserie des hauts murs.

    La châtelaine éclaira la chambre en écartant d’un coup sec les lourds rideaux occultants de l’unique fenêtre à meneaux. Gauthier apparut à la porte encore essoufflé par l’effort qu’il venait de produire.

    –T’as vu ? s’écria Kelly. C’est notre chambre mon chéri ! Elle est sympa hein ? La chambre du Commandeur, piaffa-t-elle. Elle te plaît ?

    Le vétérinaire acquiesça d’un sourire pour économiser sa respiration qu’il commençait à peine à retrouver.

    Kelly commença à faire le tour de la chambre en sautant comme une gamine. Elle se dirigea vers la fenêtre, jeta un œil dans le parc, revint sur ses pas pour s’asseoir en sautillant sur le lit, puis repartit près de la fenêtre pour ouvrir et refermer l’abattant d’un petit secrétaire Napoléon III.

    –Et la salle de bain, elle est où ? interrogea Kelly.

    –Elle est juste derrière vous, près du lit, c’est la petite porte qui est là-bas, indiqua Rose de Brassac.

    Kelly se mit à trottiner gaiement en direction de la salle de bain devant le regard amusé de Gauthier.

    –Faites attention à votre tête Madame Ferrals, il y a des poutres un peu basses !

    Kelly s’était précipitée dans la salle de bain. Dès qu’elle l’eut éclairée, ce fut un chapelet d’exclamations et de superlatifs colorés dont seule la jeune femme avait le secret. Gauthier observait du coin de l’œil la châtelaine qui aurait sans aucun doute préféré qu’on parlât de la décoration de sa salle de bain en termes plus choisis.

    Il y eut soudain un choc sourd suivi d’un petit cri et d’un inquiétant silence.

    –Kelly !? s’inquiéta Gauthier.

    La jeune femme apparut dans l’embrasure de la porte de la salle de bain, la mine renfrognée, une main sur le front.

    –On t’avait dit de faire attention, ma chérie, se désola Gauthier. Montre-moi ça ?

    –Ça va, j’déconne, s’esclaffa Kelly en ôtant la main de sur son front.

    Elle alla s’asseoir sur le lit et testa le matelas avec de petits sauts désordonnés.

    –Je crois que je vais dormir de ce côté. En plus c’est le côté salle de bain, comme ça je pourrai me cogner la tête autant de fois que je voudrai, plaisanta-t-elle tout sourire en regardant tour à tour son amant et la châtelaine.

    Gauthier n’avait pas relevé la farce et ne releva pas davantage la plaisanterie. L’attitude puérile de Kelly l’avait cependant amusée et il était comblé de la voir si heureuse et si pleine de vie. Madame de Brassac avait profité du petit spectacle offert par Kelly pour ôter ses lunettes. Les plaquettes de ses montures l’avaient blessée et elle se massait discrètement le haut du nez avec les doigts. Quand Gauthier croisa son regard et ses magnifiques yeux de biche, elle s’empressa de remettre ses lunettes et poursuivit l’installation de ses hôtes.

    –Vous avez donc ici une grande armoire, reprit la châtelaine. Mais vous pouvez tout aussi bien utiliser le placard près de la fenêtre. Il est aussi profond que la largeur des murs qui est ici d’un mètre.

    –C’est parfait, lui répondit Gauthier. Il y a bien assez de rangement pour deux et puis nous ne sommes là que pour trois jours.

    Kelly se dirigea vers une porte laissée entrebâillée entre le petit secrétaire et le lit et s’empressa de poser une main sur la poignée.

    –Ah, je suis désolée, interrompit la châtelaine. C’est la porte de communication avec la chambre rose. La femme de chambre aura oublié de la fermer à clé. Mais ne vous inquiétez pas, elle n’est pas louée. D’ailleurs à ce sujet, j’ai un autre hôte en même temps que vous, je lui ai donné la chambre bleue, c’est la plus éloignée de la vôtre, comme ça vous serez tranquilles.

    –Eh bien je crois qu’il ne nous reste plus qu’à nous installer, conclut Gauthier en traversant la chambre, sa petite valise à la main.

    Il posa son bagage sur une bergère de style Louis XV placée près de la fenêtre et l’ouvrit. Comme la châtelaine restait toujours plantée dans la chambre à les regarder, Gauthier commença à déballer ses affaires de toilette et annonça qu’il allait prendre une douche.

    –Et bien je vais vous laisser, annonça Rose de Brassac en se dirigeant vers la porte de la chambre. Zut, s’étonna-t-elle, je m’aperçois que la femme de ménage a aussi oublié de laisser la clé de votre chambre sur la porte. Elle l’aura descendue dans mon bureau croyant bien faire. Monsieur Ferrals, cela vous ennuierait-il de venir la chercher en bas un peu plus tard ? J’attends un appel important de l’étranger pour l’organisation d’un mariage.

    –Je viendrai chercher la clé dès que nous serons installés, assura Gauthier. Ah ! J’allais oublier, Madame de Brassac, avez-vous une connexion Wi-Fi dans le château ?

    –Hélas non mon cher Monsieur, avec des murs de plus d’un mètre par endroit, j’ai renoncé depuis longtemps à la faire installer. Par contre, et si c’est important, j’ai internet dans mon bureau.

    –Non, non, ça ira, je vous remercie.

    –Et je ne sais pas si Madame vous l’a dit, renchérit la châtelaine, mais nous sommes ici dans une zone blanche très étendue et on ne capte aucun opérateur téléphonique.

    –Ah bon ? s’étonna Gauthier en regardant Kelly occupée à ouvrir sa valise.

    –Mais je dois dire, poursuivit la châtelaine, que nos clients s’en accommodent fort bien. Je soupçonne d’ailleurs quelques habitués de venir à « La Commanderie » pour vivre l’expérience d’une déconnexion totale, s’amusa-t-elle.

    Gauthier cacha difficilement sa déconvenue d’autant plus qu’il avait promis à son collègue vétérinaire d’être joignable pendant le week-end. Il préféra ne plus parler ni poser de question pour que leur hôtesse quitte enfin la chambre.

    –Vous verrez Monsieur Ferrals, vous allez être bien ici et vous pourrez passer du temps avec Madame, ajouta-t-elle non sans malice. Je vous laisse vous installer, à tout de suite… Ah ! Une dernière chose pour Madame Ferrals. J’ai prévu de me faire un peu de thé, en voudriez-vous une tasse ?

    –C’est une excellente idée, s’exclama Kelly.

    –Monsieur Ferrals peut-être ?

    –Euh, moi ? Non merci. Par contre je le monterai avec la clé si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

    –Au contraire, moins je monte de marches et plus mes genoux me remercient ; c’est très gentil à vous. Je serai alors au salon d’été.

    –Euh… Et où se trouve-t-il… le salon d’été ? interrogea Gauthier.

    –Vous ne pouvez pas vous tromper. Vous descendez par l’escalier que nous venons d’emprunter. Une fois arrivé en bas, le salon est sur votre gauche, juste en face de l’entrée par laquelle vous êtes arrivés. À tout à l’heure…

    À la seconde

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