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Colonie: Les natifs – tome 3
Colonie: Les natifs – tome 3
Colonie: Les natifs – tome 3
Livre électronique363 pages5 heures

Colonie: Les natifs – tome 3

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À propos de ce livre électronique

Voila deux révolutions - environ 4 ans - que l’équipage du New Hope s’est posé sur Lone pour y fonder la première colonie terrienne.
Depuis, le commandant Kearney a laissé la communauté prendre son envol en organisant des élections pour désigner un conseil d’administration au camp de base et s’est retiré au bord de l’océan avec un petit groupe.
En tout, ce sont désormais quatre villages qui se développent à leur rythme, au gré des difficultés rencontrées et des spécificités de leurs environnements, ignorant que d’autres civilisations et d’autres créatures sont déjà là depuis bien longtemps. Peu à peu, la technologie qui les soutenait jusque-là se fait rare et sa valeur augmente, créant les premières rivalités.
Alors que les premiers natifs humains de la planète fêtent leur troisième anniversaire, des frontières invisibles commencent à se chevaucher à l’insu de tous. L’enchaînement des évènements, les décisions prises, entraînent des conséquences ou les relations entre eux, mais aussi les différentes créatures, menacent un équilibre qui semble impossible à tenir.
LangueFrançais
Date de sortie19 mai 2021
ISBN9782312081120
Colonie: Les natifs – tome 3

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    Aperçu du livre

    Colonie - J.M. Varlet

    cover.jpg

    Colonie

    J.M. Varlet

    Colonie

    Les natifs – tome 3

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08112-0

    Avant-propos

    C’est toujours un plaisir de retrouver des compagnons de route.

    Parfois, certains me font remarquer qu’ils voudraient des descriptions plus détaillées, d’autres, en revanche, m’avouent sans vergogne que lorsqu’il y en à trop, ils tendent à lire en diagonale voire à tourner la page (je suis de ceux-là je vous l’avoue).

    Je suis bien conscient que les descriptions des personnages ou des lieux peuvent parfois sembler légères mais faites confiance à votre imaginaire comme je fais confiance au mien. Je suis persuadé que, lorsque vous fermez les yeux, vous avez une idée assez claire de ce que vous avez lu. J’ai néanmoins repris le récit depuis le début en rééditant une version intégrale, fort de vos retours et de mon expérience de jeune auteur, en ajoutant des détails et en corrigeant les « coquilles » survivantes. Ne comptez pas sur moi pour vous brider ou vous ennuyer en vous imposant trop de détails.

    Alors sans plus tarder, (vous connaissez mon amour pour les avants propos), en route !

    Précédemment

    Il y a maintenant deux cycles que les humains ont débarqués sur Lone. Nous aurions pu parler d’années mais les journées faisant plus de vingt-quatre heures, et les rotations autour du soleil plus de douze mois…

    Pour faire simple, à l’échelle terrienne, plus de quatre ans se sont écoulés.

    Après une course de trente-huit années à travers l’espace depuis la Terre, le premier vaisseau de colonisation est arrivé à destination.

    Piloté automatiquement par Noé, une intelligence artificielle, il a franchi tous les obstacles et termine son voyage de façon quelque peu mouvementée sur le sol de Lone. Ce n’est pas très important puisqu’il ne pourrait, de toute façon, pas repartir.

    Les huit cent membres de l’expédition, qui émergent à peine de leur long sommeil, ne comprennent pas tout de suite que l’ordinateur, supposé veiller sur leur intégration dans l’équilibre biologique de leur Nouveau Monde, œuvre sur un plan plus large que la seule échelle humaine.

    Le premier à réaliser la mesure du danger, l’amiral Brian, responsable de la mission, le paye de sa vie.

    Ignorant totalement ces éléments, Alex Kearney, le second du vaisseau devient par ordre de succession le nouveau commandant de la base en développement.

    Le village modulaire, construit à flanc d’une des collines qui borde le site d’atterrissage, prend naturellement le nom de New Hope, comme l’astronef qui les a amenés ici. Au fond de cette vallée un fleuve s’écoule paresseusement en serpentant vers l’océan.

    Ils sont pour la première fois confrontés à la faune locale qui se présente sous l’apparence de paisibles ruminants qui ne semblent pas s’intéresser aux nouveaux arrivants.

    Malheureusement, les chevaux et les bisons, deux des espèces massivement importées pour soutenir le développement de la nouvelle civilisation, disparaissent dans les plaines, à peine réveillés.

    Des cultures sont lancées sur un sol particulièrement fertile, recouvert initialement d’une herbe sauvage, haute, qui pousse à une vitesse impressionnante.

    Au cours d’une reconnaissance jusqu’à l’océan, les colons apprennent qu’ils ne sont pas l’unique forme de vie capable d’utiliser des armes. De gigantesques sortes de pieuvres peuplent le rivage et le sang est versé pour la première fois.

    La navigatrice, Scarlett Dryden, responsable également des systèmes informatiques, s’aperçoit du dysfonctionnement de Noé. Elle prend peur lorsqu’elle réalise que les efforts de l’IA visent à intégrer des espèces terriennes à sa guise, avec pour seule priorité l’équilibre naturel de la planète dans son ensemble. Pressentant une menace pour les humains, elle alerte l’encadrement de la mission, le nouveau commandant et son second, Erine Day.

    C’est sans compter les capacités de Noé. Celui-ci anticipe la réaction de l’équipage et déplace l’intégralité des unités qui le constitue au moyen de drones à bord d’une des deux navettes de l’astronef. Il prend la fuite sans laisser de traces et disparaît vers les montagnes. Pour garantir l’égalité des chances des espèces, il déconnecte les colons de la station géostationnaire d’observation, part avec l’ensemble des bases de connaissance, une vaste animalerie en stase, coupe les réseaux de surface et les prive des communications avec la Terre. Il emporte aussi avec lui l’intégralité des relevés faits pour la préparation de la mission.

    Les colons ignorent qu’il fait la rencontre d’une forme de vie ailée, de grande taille, les griffons, qui endommagent gravement son appareil et le contraignent à un atterrissage de fortune, à peine parvenu aux montagnes, au fond d’une gorge encaissée.

    Isolés, ils poursuivent leur installation en appliquant le plan prévu à court terme, seules directives et données encore entre leurs mains. Ils terminent les constructions, fortifient le village et organisent la collecte des ressources sous la surface avec les outils techniques apportés avec eux. Les foreuses quittent New Hope avec une cinquantaine de personnes pour rejoindre l’unique site de prospection connu sous les ordres d’Edward Jackson, l’ancien mécanicien navigant de l’astronef.

    De nombreux couples se forment naturellement et les choses suivent leur cours paisiblement.

    Dépourvu de moyen de transport, un talentueux jeune biologiste, passionné de technologie, Abel Maas, parvient à élaborer un modèle de véhicule parfaitement adapté à l’environnement : le ranger. Composé d’un châssis supportant une grande cabine vitrée devant un moteur puissant sous un capot amovible, il domine quatre énormes roues en alliage. Une petite chaîne de montage est créée pour suppléer au manque de fiabilité des trop rares voitures électriques, à la disparition des chevaux et l’incapacité de pouvoir utiliser les gros herbivores à des fins domestiques.

    L’officier en second, Erine Day, qui est la seule pilote aguerrie de la mission, tente le tout pour le tout pour tenter de reprendre le contrôle de leur technologie. Elle subtilise la dernière navette avec ce qui reste de carburant pour rejoindre la base géostationnaire avant que ce ne soit plus possible.

    Une nouvelle fois, Noé anticipe l’action humaine. Il tente, en vain, de dissuader Erine tant qu’elle peut encore faire demi-tour. En guise de réponse, Erine tire deux missiles vers la station afin de le neutraliser, mais le mal est déjà fait. Noé utilise les dernières secondes à sa disposition pour neutraliser définitivement l’ensemble des systèmes de communication terrien.

    Hélas, le carburant manque, et le vaisseau n’est plus en état d’entrer dans l’atmosphère sans dommage.

    Comme Erine le craignait, sa chute l’entraîne à des milliers de kilomètres de son point de départ, au-delà d’un immense plateau montagneux, infranchissable.

    L’autre bout du monde.

    Pour tous, elle est morte. Personne ne peut savoir où sont tombés les restes de l’appareil qui s’est désintégré sous leurs yeux en une pluie d’étoiles filantes.

    C’est sans compter les talents exceptionnels de pilote de la jeune femme qui parvient à ramener l’essentiel du vaisseau vers la surface. A son tour, elle est interceptée par des griffons lors de son approche et la navette est finalement détruite.

    Contre toute attente, elle découvre que ce ne sont pas de simples animaux, mais les membres d’une communauté dotée d’intelligence, avec un langage et une véritable structure politique. La princesse Léva prend sa défense et l’adopte au sein du clan.

    Au cours des longs mois d’hiver, Erine Day met au monde une petite fille qu’elle appelle Cathy. Son père n’est autre que le commandant Kearney.

    Ce dernier, en deuil pour la seconde fois depuis leur arrivée, estime qu’il a achevé sa mission concernant l’implantation de la colonie. Désabusé, il se retire et laisse la place à un conseil d’administration élu par les habitants du site principal. Scarlett Dryden, officier de navigation pleine d’ambition, devient ainsi la première administratrice générale de New Hope.

    Environ deux cycles plus tard, soit un peu plus de quatre années terrestres, la population humaine de Lone à presque doublée.

    De façon naturelle, ou artificielle, toutes les femmes, en moyenne, ont déjà conçu deux enfants. Alors que, dans les nouveaux sites, les méthodes artificielles n’ont cours que pour les célibataires le souhaitant, à New Hope elles sont imposées à un rythme régalien depuis l’élection du conseil d’administration.

    En effet, selon la planification initiale de la mission, afin d’éviter les risques de consanguinité futurs, les ovules fécondés doivent toutes provenir des larges stocks plongés dans le fluide réfrigérant qu’ils ont amenés avec eux.

    Scarlett Dryden sait très bien mettre en avant ces obligations, en provenance d’une « autorité supérieure », lorsqu’elle y trouve son compte. Ce qui est justement le cas lorsqu’il s’agit de développer l’importance de son emprise par le nombre de ses administrés, ou d’établir la démonstration de force d’une chaîne hiérarchique institutionnelle dans laquelle elle revendique une place élevée.

    Elle est d’ailleurs suffisamment habile pour mettre l’opinion de la population de son côté, et les pratiques des « extérieurs » sont vues d’un mauvais œil. Progressivement, son ingérence dans la vie de sa population est devenue de plus en plus importante, faussement encouragée par un sentiment de supériorité générale.

    Protectionniste à l’excès, elle veille à conserver la main sur la technologie de pointe dont New Hope peut se prévaloir le seul site de production.

    Les colons sont également établis sur trois autres sites, totalement indépendants les uns des autres. Ils pratiquent des échanges commerciaux sur la base du troc et de moins en moins dans l’idée de s’aider mutuellement. Seul le site de base est doté d’un conseil démocratique :

    – Camp Jackson, un site d’exploitation du sol. De nombreuses galeries souterraines filent dans toutes les directions et sur de grandes profondeurs jusqu’à des filons référencés par la reconnaissance initiale de la mission.

    – La Forêt, sorte de petit village fortifié autour d’une scierie qui exploite les ressources forestières, comme son nom l’indique.

    – Moana, qui signifie « mer » ou « océan ». Il est installé au bord de l’eau, très au sud de New Hope. Une poignée de colons s’y sont implantés, dont Alex Kearney, le commandant prématurément à la retraite, et vivent des ressources locales. Depuis sa création, ce dernier camp n’a fait qu’une seule liaison, à la fin de l’été qui suivit son implantation. Peu d’informations ont filtré à son sujet.

    Alors que, isolée dans une grotte de montagnes avec sa mère, la petite Cathy faisait ses premiers pas sous les regards bienveillants des griffons, elle ignorait qu’elle était la première humaine née sur Lone.

    La première des « natifs ».

    Chapitre 1

    – Sharona ! Laisse papa tranquille ! Il ne s’est pas encore lavé… et descend de ce banc ! Ce n’est pas fait pour être debout.

    Amusé, le bûcheron se tourna vers sa femme qui tenait contre elle la petite Kyra, âgée de quelques mois, les mains de Sharona toujours fermement agrippées à ses joues barbues. Les deux petites étaient les modèles réduits de leur mère. Question cheveux, en revanche, si Sharona avait la même longue tresse blonde qu’Elisa, Kyra était encore un poupon presque chauve avec juste un duvet doré. Tout ce petit monde avait le teint halé de ceux qui vivent au grand air tous les jours, faisant ressortir leurs yeux si clairs qu’on les aurait cru gris plus que bleus. De leur père, elles n’avaient que la taille et une force supérieure à la moyenne des enfants de leurs âges. Malgré un silhouette athlétique mise en valeur par un gilet sans manche en cuir et un pantalon de treillis comme ils en portaient tous, de petite taille, Elisa semblait chétive par rapport au corps de géant de son mari. Il donnait l’impression qu’il aurait pu la briser d’une main comme si elle avait été faite en verre. Ce n’était pas pour autant que l’on aurait pu s’inquiéter pour elle. Peu expressive, elle était de ses personnes avec un regard qui vous transperçait comme s’il s’agissait de lames d’acier. Peu de gens pouvaient soutenir son regard sans se sentir comme dénudé. En dépit de cette première impression abrupte qui lui faisait office de carapace de protection, Elisa Zelmann était une vraie mère poule avec ceux du camp. Tous fermaient bien sur les yeux sur cette « faiblesse » et jouaient le jeu de la terreur, pas tout à fait certains qu’il n’existait pas un fond qui le justifiait.

    – Laisse là donc Elisa, elle est contente de voir son père, elle, gronda la voix caverneuse

    – Ce n’est pas que tu sois sale qui m’ennui, je me suis fait une raison depuis le temps. C’est qu’elle va le devenir en restant sur toi. Tu es couvert de sciure. Regarde ! tu en mets partout.

    Hilare en voyant sa femme fâchée, il se tenait à cheval sur le banc, les deux mains sur les hanches. Son corps de géant secoué par le fou rire répandait sciure et copeaux de bois sur le sol autour de lui. Sa barbe hirsute brune et ses cheveux mi-longs en bataille en étaient recouverts. Il fronça d’épais sourcils au-dessus de son regard sombre dans une fausse expression de colère qui ne lui était pas naturelle.

    – Qu’est-ce que tu peux ressembler à ma mère !

    – Charles Zelmann…

    – OK OK, c’est bon. Viens puce, papa va aller se laver, tu ouvriras la vanne.

    – Ouaiiiiiiiis !

    Masquant son attendrissement pour sa fille en pinçant les lèvres, Elisa continua de le rabrouer.

    – Formidable ! De l’eau maintenant ! Je te préviens, si elle attrape un rhume, c’est toi qui la soigne !

    L’ignorant ostensiblement, Charles sortit de la maison de rondin à la remorque de Sharona. Il baissa machinalement la tête pour passer la porte, l’index énorme fermement tenu par la main de la petite fille de plus d’un cycle et demi (trois ans). Il était si grand qu’il devait se vouter pour qu’elle puisse le tenir. Elle posa sur lui un regard très sérieux.

    – Elle criait aussi ta maman ?

    – Ooooh oui, tout le temps, répondit-il en lui souriant.

    Un chiffon roulé en boule vint terminer sa course dans son dos alors qu’il franchissait le seuil.

    – Ça aussi, elle le faisait reprit-il

    – Pauvre type ! cria Elisa depuis l’intérieur.

    Toujours tiré par la petite aux longs cheveux blonds noués en tresse dans le dos, modèle réduit presque parfait de sa mère, il se laissa guider vers le réservoir de plus de six mètres de diamètre contre l’éolienne. Peu profond, ses bords, hauts comme une table, étaient larges et inclinés.

    Les animaux venaient s’y abreuver, et les habitants du camp, que les colons nommaient « La Forêt », pouvaient y laver leurs affaires.

    Au rythme régulier des pales de l’éolienne, l’eau était puisée par une vis sans fin et s’écoulait dans le bassin puis, par le biais de canalisations enterrées, parvenaient à différents points dans les bâtiments disposés tout autour, le long de la fortification constituée de troncs plantés dans le sol et liés entre eux. Le trop plein du bassin se déversait lentement par une canalisation souterraine jusqu’à un petit caniveau de glaise qui cheminait le long du potager et filait entre les troncs du mur.

    Dans le sens des aiguilles d’une montre, contre la maison en rondin sur deux niveaux se tenait l’étable. Le toit de chaume recouvrait les deux constructions en L Les murs de cette extension était juste constitués de poutres et de planches ajourées.

    Les animaux, uniquement deux brebis, leurs petits, et une famille de poules, occupaient le rez-de-chaussée, l’étage devait surtout servir au stockage du fourrage. Après une petite cour, une large grange permettait de stocker les deux rangers et le matériel à l’étage. Une poutre, après laquelle était suspendu un palan, s’avançait par une ouverture à double portes au-dessus de la cour.

    A cette saison, le potager du camp s’étirait tout le long du mur. De nombreux tuteurs se dressaient vers le ciel, émergeant avec peine d’une végétation débordante.

    Puis venait les six toilettes sèches sous la forme de petites cabanes de bois et, tout en longueur, cette fois avec une charpente apparente en poutres angulaires, construite en terre et herbe mélangée, puis recouvert de chaux à l’intérieur comme à l’extérieur, signe de la jeunesse de l’édifice, le bâtiment des résidents de La Forêt. Il était constitué de chambres sur deux niveaux mais ne dépassait pas le mur d’enceinte en hauteur.

    Enfin, perpendiculairement au mur, se dressait sur un seul niveau, mais à la hauteur sous toit plus élevée, une grande salle commune. De la même couleur ivoire que le bâtiment adjacent, elle avait en son centre un vaste foyer central d’une dizaine de mètres totalement ouvert, tout en longueur.

    Il y avait toujours du feu et ils y faisaient cuire sur des grilles, des plaques, ou directement dans la braise, tout ce qui devait l’être. L’approvisionnement en vivres frais ne manquait pas.

    En plus d’assurer la sécurité de leurs compagnes, toutes deux scientifiques, pendant leurs excursions dans les bois ou la capture de spécimens, Lok Harkohara et Deegan Spilnov, deux anciens des forces spéciales, étaient les chasseurs du camp. Ils vivaient à l’extérieur de l’enceinte dans une construction qui regroupait leurs deux familles. Ils approvisionnaient régulièrement en viande et tubercules divers les habitants de La Forêt.

    Parvenu au centre de la place, Sharona fit mine de bondir sur le rebord du réservoir. Charles, qui lui tenait la main, la hissa sans effort jusqu’à destination comme si elle était en apesanteur, la faisant rire aux éclats comme de coutume.

    D’une main sûre, elle se cramponna au volant de vanne qui se trouvait au niveau de sa tête, vestige de l’astronef qui les avait menés jusqu’à Lone, tout comme les tubes d’acier qui sortaient du sol.

    Toutes les choses manufacturées, qui semblaient aujourd’hui complexes, provenaient essentiellement de la récupération lors du démantèlement du vaisseau. Il n’était pas certain de ne pas avoir eu l’occasion de manœuvrer cette commande alors qu’elle servait encore à bord de l’astronef.

    Parfois, Charles se demandait comment ils feraient lorsqu’il faudrait les remplacer, n’ayant pas toujours les moyens de produire des objets comme sur terre. Mais ils avaient toujours su faire preuve d’astuce pour parvenir à leur fin. L’évolution de la scierie en était le plus bel exemple.

    Pour les enfants, comprendre qu’une chose aussi volumineuse que le New Hope puisse voler semblait aujourd’hui tout simplement magique. Il était difficile d’imaginer ce à quoi il pouvait ressembler. Dans la plaine de l’atterrissage, devant le camp de New Hope, il n’en restait que la partie centrale, complètement vide et désarticulée, utilisée comme hangar et atelier de construction par Abel Maas, le concepteur des rangers. Il était désormais plus haut que long et faisait penser à un immeuble un peu large et arrondi. La végétation avait peu à peu pris d’assaut le métal, le couvrant jusqu’à mi-hauteur d’une sorte de mousse épaisse aux tiges éparses. Ce que les colons appelaient communément la raffinerie se dressait contre cette carcasse, à l’endroit où, autrefois, se trouvait la salle des machines. Il s’agissait plus précisément d’une sorte d’énorme alambic.

    Il restait quelques images et vidéo de vaisseaux dans l’espace, mais les supports en bon état pour les visionner devenaient rares et précieux.

    Jamais les natifs ne verraient les astroports terriens débordants d’activité, d’immenses vaisseaux s’élevant ou se posant majestueusement dans le grondement sourd de leurs propulseurs soulevant de sombres nuées de poussières, les citées illuminées gigantesques, noyées dans la pollution, grouillantes de gens et de véhicules au sol comme entre les tours et dans les cieux. Les rares images, et vidéos, qui montraient encore à quoi ressemblait leur planète natale ne seraient bientôt plus visibles. Les supports technologiques pour les lires déclinaient sans espoir de réparation, encore moins de remplacement.

    Charles ôta la chemise qu’il portait et la jeta sur le rebord du bassin après l’avoir secouée dans le vent, soulevant un nuage de sciure et de copeaux. C’était une force de la nature.

    Il pesait plus de cent cinquante kilos pour presque deux mètres de haut. Ses deux bras énormes portaient des tatouages tribaux des épaules au poignet que la petite adorait suivre de ses doigts comme une piste quand il tentait de se reposer. Sur Terre, il s’était fait une petite réputation en participant à des concours de force. Nombreux étaient ceux qui le jugeaient stupide à cause de son apparence. En fait, loin du stéréotype de la brute épaisse, il était ingénieur mécanicien en chef de la salle des machines de l’astronef qui les avait menés jusqu’ici.

    – Ça y est ?

    – Une seconde lui répondit son père, songeur.

    Solidement cramponnée à la vanne, la petite se mordait la langue, concentrée sur l’effort qu’elle faisait pour rester en équilibre.

    De son côté, le colosse ne la perdait pas de vue. Il craignait qu’elle ne tombe au sol, ou pire, dans l’eau. Elle avait pied, mais sa mère n’allait pas le rater… Il valait mieux qu’elle tombe de l’autre côté, quitte à se casser un bras… il trouverait plus facilement une excuse.

    Elisa n’avait pas la langue dans sa poche lorsqu’il s’agissait de s’en prendre à lui, alors qu’il aurait pu lui briser la nuque d’une seule main. Leur relation avait toujours été orageuse, pleine de rebondissements et de coups d’éclats.

    Avec tous les autres, elle se montrait toujours agréable et conciliante. D’aussi loin qu’il se souvienne, il ne l’avait jamais vu en colère après quelqu’un d’autre que lui, et quelque part, cette relation particulière n’était qu’à eux, et ils s’en amusaient secrètement.

    A croire que le fait qu’elle le dispute publiquement, alors qu’il était une véritable force de la nature, inspirait une crainte naturelle chez tout le monde.

    Il était en train de réfléchir à ça lorsque Sharona, impatiente, se rappela à son souvenir.

    – Papa ! C’est bon ?

    Il pencha en avant la tête vers le bas, les jambes écartées, et se plaça devant le tube cintré en manche de parapluie à l’envers, tourné vers l’extérieur du réservoir. Il hocha la tête vers elle.

    – Je suis prêt, quand tu veux.

    Gloussant à l’idée de ce qui allait se passer, la petite blonde se pendit à la vanne et la fit tourner, non sans peine, ni grincements, libérant un filet d’eau grossissant.

    Une gerbe écumante jaillit et aspergea Charles qui grogna au contact de l’eau froide. Il frictionna vigoureusement son torse velu de la paume des mains, mouillant le moins possible son pantalon en faisant gicler malicieusement de l’eau vers Sharona qui poussait de petits cris à chaque goutte. Elle se tortillait, cramponnée à la vanne, cherchant à les éviter.

    – C’est bon, tu peux fermer.

    Elle lutta contre la résistance du volant et la main de son père vint recouvrir les siennes pour l’aider.

    – Merci ma grande. Allez ! Descend de là avant de tomber. File à l’intérieur, j’arrive, le temps de laver ma chemise. Tu es sèche au moins ? Sinon ta mère va me faire la peau…

    – Oui papa !

    Elle courut sans demander son reste en direction de la maison, agitant la main au passage pour saluer trois bûcherons qui approchaient du réservoir et agitèrent leurs mains en retour. Les gaillards souriants avaient beau paraître immenses, son père les dominait tous par la carrure et par la taille.

    Aux yeux de sa fille, il était une sorte de créature surnaturelle, toute dévouée à sa cause.

    Le travail dans la forêt était particulièrement physique et très sélectif. Abel Maas, le technicien de génie installé à New Hope, avait pu leur fournir des lames de scies mécaniques lors de la création du camp. Il y avait également, parmi les fournitures embarquées, plusieurs tronçonneuses électriques. Leur fiabilité, tout comme celle de l’ensemble de leur matériel, n’avait pas été des plus performante. La dernière en service avait à peine atteint le début du second cycle, non sans mal.

    Avec les restrictions imposées par New Hope, en matière de pièces mécaniques issues de technologie avancée, celles-ci avaient fait grimper en flèches la valeur de troc d’outils de remplacement. Entre la nourriture, les animaux, et des outils modernes, il avait fallu faire un choix.

    Désormais, ils ne travaillaient plus qu’avec des haches, dont les lames étaient fabriquées à Camp Jackson, et utilisaient des scies plutôt efficaces bien qu’assez grossières.

    Ainsi, les muscles de ceux qui étaient affectés à des travaux pénibles avaient dû évoluer au fur et à mesure que la technologie les lâchait. Choisis avec soin sur le plan physique lors de la sélection pour la mission de colonisation, certains avaient développé une musculature impressionnante. Le corps humain s’adaptait, comme il avait toujours su le faire.

    Les enfants des Zelmann n’étaient pas les seuls dans l’enceinte. La majorité de ceux qui venaient travailler à La Forêt laissaient leur famille à Camp Jackson mais parfois elles avaient quelques compagnons de jeux et Elisa n’hésitait pas à demander de l’aide à ceux qu’elle avait sous la main lorsqu’elle s’occupait des enfants. Il ne serait venu à l’idée de personne de refuser quoi que ce soit à la « patronne ».

    Les bûcherons tournaient régulièrement et pouvaient rentrer quand bon leur semblait, profitant des navettes en ranger ou à pied en accompagnant les convoyeurs qui menaient le bois par la rivière.

    De par leur rareté, les enfants étaient, pour leur plus grand bonheur, les mascottes locales. Cela s’appliquait surtout pour ceux de l’âge de Sharona étant donné que sa sœur n’avait guère plus d’un an et quittait rarement le périmètre maternel. Les grands avaient toute l’enceinte en guise de parc de jeu, des consignes strictes données par Elisa ou leurs mères, et chacun veillait sur eux.

    C’était l’heure où toute l’équipe de La Forêt, de retour du travail, venait faire une toilette sommaire. Les plaisanteries fusaient d’un bord à l’autre du réservoir, reflet d’une ambiance décontractée.

    Chacun avait eu l’occasion de commettre bien des maladresses depuis la création du camp. Les anecdotes les plus croustillantes les poursuivaient comme autant de cadavres dans un placard. Parfois, celles-ci donnaient naissance à des surnoms qui les suivraient jusqu’à la fin de leurs vies.

    Depuis la mise en service de la scierie, ils étaient passés de la construction

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