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Nubiru: Saga de science-fiction
Nubiru: Saga de science-fiction
Nubiru: Saga de science-fiction
Livre électronique752 pages10 heures

Nubiru: Saga de science-fiction

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À propos de ce livre électronique

Entre complots, intrigues et manipulations, voyagez entre le 21e siècle et le Jurassique

Quel rapport y a-t-il entre une station pétrolière en plein Atlantique Nord qui se heurte à un obstacle résistant à toute tentative de forage, une créature bipède au cœur de la jungle préhistorique qui tente d'échapper à un monstre carnassier, le Centre Spatial de Nubiru qui détecte un risque de collision maximal avec une autre planète et deux astrophysiciens dans le Sud de la France ?

Paul Renard livre ici le premier tome de la saga La 10ème planète, qui vous tiendra en haleine jusqu'à la dernière ligne !

EXTRAIT

Bill Mac Cormick venait à peine de s’endormir quand l’alarme retentit.
Putain ! Pas moyen de dormir dans cette foutue station !
Mais son salaire de 25 000 $ lui rappela qu’il devait s’attendre à ne pas dormir comme tout le monde.
C’est vrai qu’il était payé pour ça, et que sur Endeavour tout pouvait arriver à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Machinalement, dans l’obscurité, sa main cherchait cette saloperie de contact pour couper le signal d’alarme. Bzz ! Bzz ! Bzz !
Au passage, il renversa la bouteille de bourbon qu’il avait entamée trois heures auparavant… et que, bien sûr, il n’avait pas rebouchée.
Putain de saloperie de merde !
Bill Mac Cormick n’était pas un individu particulièrement raffiné ni patient à l’égard de son environnement. Mais c’était le genre de spécialiste casse-cou qu’affectionnait sa compagnie, la Sea Oil Research Company.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

- « [Paul Renard] livre ici un premier roman qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière ligne » – La voix du Nord

À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Renard vit dans le Nord de la France. Issu d'un milieu littéraire et spécialiste de la production audiovisuelle, il est passionné de science-fiction et de récits fantastiques, mais aussi d'histoire et de sciences. Etudiant né, il est à l'affût de toutes les découvertes scientifiques à travers le monde, y compris les plus farfelues, ce qui lui a toujours donné une flamboyante imagination. Nubiru constitue le premier tome de la série La 10ème planète, dont le tome 2, Am'Xo, est également disponible.
LangueFrançais
ÉditeurPaul Renard
Date de sortie24 févr. 2016
ISBN9782511040737
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    Aperçu du livre

    Nubiru - Paul Renard

    Vangeenberghe

    1

    Bill Mac Cormick venait à peine de s’endormir quand l’alarme retentit.

    Putain ! Pas moyen de dormir dans cette foutue station !

    Mais son salaire de 25 000 $ lui rappela qu’il devait s’attendre à ne pas dormir comme tout le monde.

    C’est vrai qu’il était payé pour ça, et que sur Endeavour tout pouvait arriver à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

    Machinalement, dans l’obscurité, sa main cherchait cette saloperie de contact pour couper le signal d’alarme. Bzz ! Bzz ! Bzz !

    Au passage, il renversa la bouteille de bourbon qu’il avait entamée trois heures auparavant… et que, bien sur, il n’avait pas rebouchée.

    Putain de saloperie de merde !

    Bill Mac Cormick n’était pas un individu particulièrement raffiné ni patient à l’égard de son environnement. Mais c’était le genre de spécialiste casse-cou qu’affectionnait sa compagnie, la Sea Oil Research Company.

    Un mélange d’aventurier sans scrupule aucun, qui possédait un avantage unique sur des milliers de candidats : une incroyable intuition pour découvrir de nouveaux gisements. Et c’est bien ce qui intéressait son employeur.

    Certes, il y avait des scientifiques, des géologues, des chercheurs, des physiciens, tous plus diplômés les uns que les autres, mais sur le terrain, Bill Mac Cormick était LE meilleur. Lui seul pouvait diriger une équipe de cinglés, embarqués pour des mois sur un tas de ferraille flottant en plein océan, lui seul pouvait résoudre au jour le jour les multiples conflits entre ces hommes privés de tout contact avec leurs familles, leurs amis, et qui, après tout, n’étaient là que pour l’appât du gain. Et pour cela, la Sea Oil Research Company ne lésinait pas sur la dépense, pourvu qu’il y ait du résultat et du profit à la clé.

    Bill Mac Cormick était un cow-boy du 21° siècle, un de ceux dont on se souviendrait dans quelques centaines d’années. Il faisait partie de l’histoire. Comme ses ancêtres, bannis d’Angleterre, qui avaient su construire la nation la plus puissante du monde, en utilisant leurs faiblesses comme des armes, en écrasant tout sur leur passage, en faisant de la liberté un art de vivre, s’enfermant ainsi dans un système qui ne laissait justement plus aucune place à la liberté.

    Mais le monde est ainsi, et chacun le sait.

    C’est donc de très mauvaise humeur et passablement épuisé – il n’avait dormi que quelques heures depuis le début de la semaine et absorbé beaucoup plus d’alcool que son organisme ne pouvait en accepter – que Bill Mac Cormick se redressa bruyamment sur la couchette en pestant.

    Qu’est-ce qui se passe encore ? Si c’est cet imbécile de Weston qui a pété le foret, je le balance à la flotte !

    Dans le semi-coma de son état éthylique, Bill Mac Cormick parvint enfin à se lever, saisir son pantalon, mettre ses chaussures de sécurité et saisir son casque.

    Il sentait le léger balancement de la plate-forme. Mhhh ! La tempête doit être plus forte que prévue.

    Pourvu qu’ils aient remonté la foreuse.

    C’est vrai que depuis le début de la mission, les forces de la nature semblaient s’être donné rendez-vous pour empêcher la réussite du forage. Trois forets avaient été détruits, suite à des mouvements imprévisibles du sous-sol, un moteur avait complètement été endommagé à cause de couches géologiques non détectées à moins 2000 mètres, et deux ouvriers étaient morts des suites d’intoxication alimentaire – Merde ! On pourrait au moins leur donner à bouffer des trucs mangeables. -.

    Mais, il le savait, ce genre de recherche comportait toujours d’énormes risques, et l’important, c’était le bénéfice que tout le monde en retirait. Et pour l’instant, il n’y avait pas eu d’incendie à bord.

    Il faut dire que la mission en question était quand même une première : il s’agissait de creuser en pleine mer à une profondeur de 9000 mètres pour atteindre une poche d’hydrocarbure vieille de centaines de millions d’années, d’après les géologues. Et ça, c’était pas du gâteau. Forcément, il y aurait des pannes, des accidents, …et peut-être rien au bout du compte.

    Mais pour trouver du pétrole, rien ne semblait impossible ni trop cher pour les compagnies. Si la mission réussissait, il y avait à la clé une prime de près d’un million de dollars pour lui, des revenus confortables pour l’ensemble de l’équipe et des profits immenses pour la SOR qui revendrait la concession au plus offrant.

    Bill ouvrit prudemment la porte de sa cabine, qui donnait directement sur la passerelle de commande. Il aimait rester en contact permanent avec le poste de pilotage de la plate-forme.

    Un vent violent s’engouffra immédiatement dans l’espace clos. Une tempête violente secouait toute la station d’exploration.

    Il réussit à s’accrocher au garde-fou de la passerelle, inondée par des vagues titanesques.

    Pourquoi faut-il qu’on aille chercher ce putain de pétrole dans des zones aussi dangereuses ?

    Mais en lui-même, il aimait bien ce métier. Héritier de la « grande » aventure de l’Ouest, il ressentait au fond de lui l’âme des pionniers qui avaient fait l’Amérique d’aujourd’hui. Des hommes forts, sans foi ni loi, réduits à eux-mêmes et à leur instinct de survie. Le pétrole était l’essence même de sa civilisation. Sans lui, tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. L’avenir de la planète ? Ce genre de question était bon pour les intellos, les pédés : la science trouverait bien une solution ! Et puis, on pourrait toujours aller ailleurs, sur Mars par exemple, et tant pis pour ceux qui devraient rester ici !

    Nous, au moins, on trouve des solutions ! On ne baissera jamais les bras. Et en plus, on vit bien mieux que tous ces redresseurs de torts. Nous, au moins, on ose !

    Le vent soufflait à au moins 180 kilomètres/heure, mais Bill ne s’en inquiétait guère : la plate-forme était conçue pour résister à une tempête tropicale. Sa structure flottante et non ancrée, comme dans le passé, s’adaptait docilement aux conditions les plus extrêmes. Elle avait coûté quelques centaines de millions de dollars, et à ce prix-là, elle avait intérêt à tenir, sinon des têtes tomberaient.

    Agrippé à la barrière métallique qui le séparait du vide mortel, Bill progressait lentement jusqu’au poste de contrôle central. Il était déjà en train de penser aux sanctions qu’il ne manquerait pas d’infliger à ceux qui avaient fait une erreur d’appréciation.

    Merde ! Ils vont nous bousiller notre prime, ces cons-là ! Si c’est cet imbécile de Weston, il va m’entendre !

    Des paquets d’eau gigantesques lui fouettaient le visage et le corps, malgré la hauteur où il se trouvait.

    Endeavour était la plus grande plateforme de forage jamais conçue et le poste de commande s’élevait à près de soixante mètres au dessus du niveau zéro. La ferraille craquait et rechignait péniblement sous les assauts répétés de la tempête marine.

    Quels connards ces mecs de la météo ! « Perturbations sur l’Atlantique Nord Ouest, cette nuit. » Perturbation mon cul ! On se demande pourquoi on les paye ces crétins !

    Encore 30 mètres à franchir. Le froid, le vent, les paquets d’eau eurent vite fait de dessaouler Bill, qui de toutes façons en avait vu bien d’autres. Une bonne dizaine de minutes lui suffirent pour arriver, trempé mais sauf, au poste de commandement, ouvrir péniblement la porte blindée et entrer enfin au sec dans la salle à peine éclairée par les écrans des ordinateurs de pilotage.

    – C’est quoi, ce bordel ? gueula-t-il, fidèle à son habitude.

    – Salut, Bill, c’est le foret qui coince.

    – Putain ! Vous ne l’avez pas remonté ?

    – Il est coincé.

    – Bande de connards ! Ça fait le quatrième !

    – Ça sert à rien de gueuler, Bill ! On a tenté de le remonter dès le début de la tempête. Seulement, ça coince.

    – Et là, on est bloqué avec une plate-forme qui dérive et un foret qui nous retient. Le moteur principal est naze et… merde ! il se passe quelque chose de pas normal du tout ! Alors si t’as une solution !

    – Bon, OK, est-ce qu’on a essayé l’auxiliaire ?

    – Évidemment ! Ça a coincé immédiatement.

    – Alors ?

    – Alors, il ne reste qu’une solution…

    – L’abandonner ?… mais ça veut dire « Adieu la prime ».

    – Voilà.

    – Putain ! Rien à faire !

    – On peut attendre la fin de la tempête. Après tout la station est conçue pour ça.

    – Ouais, mais c’est plutôt risqué : si ça casse, ça va faire mal. C’est des centaines de millions de dollars qui partent à la flotte.

    – Sans compter les pertes humaines.

    – Ouais, ça, les mecs qui sont ici savent bien les risques qu’ils prennent.

    – Alors, on fait quoi ?

    – On attend.

    Tous ceux qui travaillaient avec Bill Mac Cormick savaient que c’était dans ces moments-là que ses décisions pouvaient être les plus contestables. Mais c’était lui le boss après Dieu et surtout après les financiers qui assuraient ce genre de projet. Contester cette décision, c’était contester tout le système et ce système les faisait vivre depuis des dizaines d’années, eux et leurs familles. C’est pour ce genre de décision que Bill était le meilleur, et il ne restait qu’à lui faire confiance… et croire en ses intuitions !

    La tempête dura toute la nuit. La station craquait, gémissait de partout, écartelée entre le courant qui lui dictait de se déplacer (elle était conçue pour cela en cas de grosse tempête) et le foret qui la retenait de force, comme l’ancre d’un navire.

    De tous les ponts, des signaux d’alarme résonnaient. Des fuites étaient apparues aux niveaux 2, 5 et 6.

    Chaque minute apportait son lot d’informations alarmistes. Six ouvriers étaient déjà portés disparus, sans compter les quatre que le foret avait broyés lors de la panne.

    Mais Bill tint bon. Il le savait, s’il abandonnait ici cette mission, plus jamais aucune compagnie ne lui ferait confiance, pas plus qu’à l’équipe qu’il dirigeait.

    Il faut que ça tienne ! Il faut que ça tienne ! Non : ça va tenir.

    Vers 5 h 30, la nuit noire fit place à un ciel grisâtre chargé de menace. Pourtant la tempête semblait se calmer un peu. On commençait à y voir un peu mieux… et ce n’était pas très réjouissant.

    Des vagues gigantesques frappaient encore la plateforme, mais le vent avait considérablement faibli et la station ne gémissait plus autant. Au poste de contrôle, tous les voyants restaient au rouge mais visiblement l’accalmie était proche.

    Weston scrutait l’extérieur au travers des vitres embuées.

    – Bill ! Viens voir ça.

    – Nom de Dieu !

    – Va falloir des semaines pour réparer tout ça.

    – Mouais ! Mais cette bonne vieille plate-forme a tenu le coup. Et le foret aussi.

    – Et les hommes ?

    – Fait pas chier avec ça ! Tous ceux qui sont ici savent à quoi s’attendre un jour ou l’autre.

    – Essaye d’appeler la compagnie et envoie un rapport. Dis bien que nous avons sauvé le foret !

    – Et ta putain de prime.

    – Fais gaffe, Weston ! On va chercher pourquoi ça s’est coincé, et je suis pas sûr que tu t’en sortes indemne !

    – Un de ces jours, Bill,…

    – On verra ça plus tard. Fais ce que je te dis, c’est tout.

    – Si on me cherche, je suis au mess. Va me falloir quelques litres de café pour tenir le coup…

    Bill venait d’avaler son quatrième café quand Weston accourut au mess.

    – Bill, on est dans la merde !

    – Merci ! Pour dire des conneries pareilles, tu peux rester là-haut…

    – Non, on est vraiment dans la merde : la compagnie nous envoie quelqu’un.

    – Ne me dis pas que c’est…

    – Si : Joanne Priestley.

    – Passe-moi cette bouteille de bourbon, là !…

    Dans la compagnie, Joanne Priestley était considérée par les hommes comme une espèce de catastrophe naturelle. Beaucoup lui préféraient les tempêtes, les ouragans, les longs mois passés en solitaire dans la moiteur pestilentielle des cabines sur les stations. Son arrivée sur une plate-forme n’annonçait jamais rien de bon : elle avait fait virer des centaines de personnes suite à ses rapports, fait démanteler des dizaines de stations de forage, et pourtant personne dans l’équipe de Bill n’avait eu encore affaire à elle.

    Mais surtout, Joanne Priestley était l’ancienne compagne de Bill Mac Cormick et Bill n’avait jamais accepté cette rupture, lorsqu’elle avait épousé Jason Priestley, le plus gros actionnaire de la Compagnie. Quoi qu’il arrive, ça allait chauffer et ça risquait d’être bien pire que la tempête de la nuit dernière.

    2

    Gwwhh ne fit plus un mouvement. Il savait que le moindre geste pouvait signifier sa perte.

    Il sentait les abominables effluves du monstre près de lui, à seulement quelques pas.

    Le souffle puissant de la bête empestait l’air de son odeur fétide, chargée des relents de milliers de cadavres pourrissant dans ses entrailles gigantesques.

    Dans la forêt régnait soudain un silence mortel, comme si tous les organismes vivants avaient interrompu toute activité, dans l’attente de l’inévitable dénouement du drame qui se déroulait sous leurs yeux.

    Pas un souffle de vent ne venait agiter les branches des arbres gigantesques de la forêt, pas un insecte ne volait, pas un oiseau vampire ne chantait.

    Et Gwwhh se tenait là, immobile, ayant pris l’apparence d’un rocher. Dans son esprit, il était un rocher, un caillou, le plus petit possible, afin que le monstre ne le voie pas.

    Si la bête faisait un pas, Gwwhh le savait, il serait écrasé sous le poids des énormes pattes de l’animal, et s’il tentait de fuir, celui-ci le détecterait immédiatement, et Gwwhh finirait dans la gueule géante de l’animal. Troublé, celui-ci agitait nerveusement ses petites pattes antérieures en tous sens, comme s’il voulait attraper une proie invisible dans ses griffes acérées.

    Le monstre attendait son heure. Il avait perçu la présence d’une proie, une minuscule proie. Mais après tout, cela valait mieux que rien. Il n’avait rien avalé depuis plusieurs jours et la faim le tenaillait cruellement. Où pouvait bien être ce petit animal qu’il avait vu courir sur deux pattes ?

    Pourquoi avait-il disparu soudain ? Son instinct de prédateur lui dictait d’attendre, mais le monstre avait faim et l’agitation de ses membres supérieurs trahissait son énervement et sa colère. Ces petits animaux sans poils étaient décidément des proies difficiles. Pourquoi ne fuyaient-ils pas comme tous les autres ?

    Gwwhh pensait à sa compagne et aux petits qu’elle venait de lui donner. Il ne pouvait pas les laisser seuls. Sans lui, leur mort était inévitable, il le savait. Il devait survivre. Ne pas finir dans la gueule de ce monstre, trouver un gibier, le chasser et le ramener pour nourrir les siens. Attendre, ne pas bouger, ne pas respirer, ne pas avoir peur. Attendre que le monstre se décourage ou trouve une autre proie à proximité et la chasse… en espérant qu’il ne l’écrase pas au passage.

    Le géant se penchait, balançait la tête de droite à gauche, cherchant, fouillant, attendant le moindre mouvement du petit animal qu’il chassait. Puis il se redressait brusquement, agitait encore ses pattes avant, et se penchait de nouveau, son énorme tête fouillant l’obscurité de la forêt.

    Soudain sa gueule terrifiante s’arrêta juste devant le Rocher. Le cœur de Gwwhh cessa de battre. Son instinct lui hurla de fuir, de tenter l’impossible, mais sa raison lui dicta de ne pas bouger et elle eut le dessus. Le monstre se redressa, poussa un effroyable cri et Gwwhh, à moitié asphyxié par l’épouvantable puanteur, eut envie de voir une dernière fois le ciel.

    Il ouvrit les yeux et leva lentement la tête. Là, au dessus de lui, à travers l’épaisse couverture végétale, il apercevait le bleu du ciel de son monde. En cet instant tragique, il percevait le destin de son espèce. Il comprenait la différence entre lui et les autres créatures qui peuplaient son univers. Il comprenait l’étonnement du monstre devant son attitude immobile et il sut qu’il survivrait.

    Comme si le géant avait compris, il poussa un long grognement et souleva l’une de ses pattes arrière.

    Ne pas bouger !… La patte passa juste au dessus de la tête de Gwwhh et se posa à quelques pas devant lui, puis le monstre souleva l’autre patte et se mit à avancer. Ne pas bouger maintenant !…

    Attendre encore … Avec lenteur le géant carnivore avançait, faisant trembler le sol à chaque pas, écrasant tout ce qui se trouvait sur son passage. Son énorme queue était encore à portée de Gwwhh et le moindre mouvement de celle-ci pouvait le balayer et l’envoyer s’écraser sur un arbre ou sur un rocher, mais il fallait attendre : les sens aiguisés du monstre réagiraient au moindre mouvement de sa part.

    Gwwhh surmontait sa terreur. Des idées auxquelles il n’avait jamais pensé envahissaient tout à coup son esprit. Il savait que le monstre ne balancerait pas sa terrifiante queue en marchant, car cela risquait de le déséquilibrer.

    Le plus gros risque maintenant serait l’apparition d’une nouvelle proie, car elle signifierait l’arrêt de cette montagne en mouvement. Et, à l’arrêt, la queue du monstre se remettrait à balancer !

    Attendre !… Ne pas bouger !… Encore deux ou trois pas et Gwwhh serait sauf.

    Soudain, le monstre se figea. Juste derrière Gwwhh un bruissement se fit entendre : une proie !

    Nooon ! Pas maintenant !…

    Lentement, la tête du géant se retourna, la gueule béante, semblant sourire cruellement.

    Les muscles ankylosés de Gwwhh étaient douloureux, mais, plus encore que la raison, la terreur le clouait littéralement sur place, l’empêchant de faire le moindre mouvement.

    Inconscience du danger, la petite créature derrière Gwwhh continuait à avancer !

    Avec une agilité époustouflante, impensable, le monstre pivota brusquement. Sa queue balaya tout sur son passage. En un éclair, le rocher Gwwhh fut propulsé dans les airs et alla s’écraser lourdement dans les buissons. Il entendit un cri abominable, suivi d’un gémissement mortel, de craquements d’os broyés, les derniers sursauts d’une proie agonisante dans la gueule du monstre qui, finalement, avait trouvé ce qu’il cherchait.

    Soudain, la nuit tomba devant les yeux de Gwwhh, les douleurs de son corps meurtri disparurent et il resta là, quasiment disloqué sur son lit de ronces…

    3

    À cette heure tardive, la salle du contrôle spatial était déserte. Seul Zee était encore présent.

    Ces permanences étaient fastidieuses mais il les assurait avec zèle, car elles lui fournissaient un complément non négligeable de revenus pour lui et sa famille. La naissance de Zakht, son deuxième enfant, grevait considérablement le budget familial. Aussi, afin de continuer à profiter d’un niveau de vie confortable, il se portait volontaire dès que possible pour assurer les permanences de nuit.

    D’autant que le travail n’était pas particulièrement épuisant ! Il s’agissait d’être présent, au cas où un improbable événement dans l’espace serait détecté par les télescopes du centre de contrôle spatial.

    Et bien sûr, il ne se passait quasiment rien depuis des siècles.

    Le centre de contrôle avait été conçu pour prévenir le gouvernement d’une éventuelle incursion d’un objet pouvant mettre en péril la planète, suite aux découvertes des savants mettant en lumière la probabilité infime de catastrophe si un astéroïde venait à croiser l’orbite de Nubiru.

    Beaucoup considéraient que le coût du centre était exorbitant comparé à cette faible probabilité de collision… Et pourtant cela s’était déjà produit tant sur Nubiru que sur les autres planètes du système !…

    Au fil des années, le centre s’était progressivement reconverti en organisme de contrôle de la circulation spatiale, surtout depuis que les nubiriens avaient conçu le projet d’explorer plus avant leur univers.

    Au milieu des innombrables écrans de contrôle, seul dans cette immense salle, Zee somnolait sur son bureau, avachi dans un fauteuil à suspenseur. Il visionnait en rêvassant un documentaire ramené d’une expédition sur Am X’o, la planète bleue. La sonde-image avait enregistré des milliers d’informations sur ce monde à l’état sauvage. Sa flore primitive, sa faune étrange et cruelle. Nubiru avait peut-être ressemblé à ça au cours des millions d’années de son évolution, et c’est justement ce qui intéressait le monde scientifique. Car, sur terre ou dans les eaux… que d’eau sur cette planète !… la vie était partout. Il semblait que la création s’amusait perpétuellement à créer les formes de vie les plus invraisemblables.

    On y trouvait de tout : des monstres abominables et gigantesques, passant leur temps à s’entre-dévorer, quand ils ne dévoraient pas les autres, ou des formes de vie si petites que seule la sensibilité incroyable des instruments nubiriens pouvait les détecter, ou bien encore des formes amphibies, qui soudain sortaient de leur milieu naturel pour prendre l’air, des végétaux qui vivaient de photosynthèse, d’autres qui se nourrissaient de la chair de petits animaux,… mais ce qui intéressait le plus les savants nubiriens, c’étaient ces petits êtres qui ressemblaient étrangement à eux : des êtres bipèdes primitifs, sauvages, cruels, carnivores, vivant de la chasse mais apparemment dotés d’un esprit pensant.

    Car ces êtres montraient une indéniable capacité de réflexion, et surtout ils étaient capables de se souvenir et d’apprendre : on les observait rarement commettre deux fois la même erreur.

    Tous les experts s’accordaient à penser qu’ils pourraient ressembler aux ancêtres des nubiriens, malgré des différences significatives : sur Nubiru, l’évolution de leur espèce avait été incroyablement plus rapide car leur évolution n’avait pas été ralentie par le moindre prédateur.

    C’est vrai que la vie sur Nubiru était nettement moins diversifiée : il semblait que la vie était apparue un jour et avait depuis continuellement suivi une trace unique. Les seuls véritables prédateurs que les nubiriens avaient connus dans le passé étaient… les nubiriens eux-mêmes !

    Ce documentaire était interminable. Zee somnolait de plus en plus dans son confortable fauteuil, bercé par la voix lénifiante du commentateur. Cette nuit de permanence n’en finissait pas.

    Finalement, il sombra dans un profond sommeil, peuplé de rêves délirants…

    Il se trouvait sur un monde étrange. Un bruit assourdissant. Une puanteur écœurante. Partout, autour de lui, des créatures grouillaient, rampaient, serpentaient, marchaient, en quête de nourriture. Des cris. Des hurlements. L’incessant mouvement de l’air bruissant dans les branches d’immenses arbres. Et encore des cris. Des os broyés dans d’immenses mâchoires. Zee était terrorisé. Il était perdu dans un monde hostile, agressif. Il se sentait épié par des millions d’yeux, guettant le moment propice pour l’attaquer.

    Il se frayait un chemin avec difficulté dans cette vision délirante. Il y a trop de couleurs ici !…

    Le sol tremblait sous les pas d’une improbable créature de cauchemar. Il aperçut soudain un énorme cou semblant atteindre la cime des arbres et qui se terminait par une tête ridiculement petite. Comment une telle créature peut-elle exister ? Curieux, Zee essaya de s’approcher du mastodonte, occupé à dévorer le feuillage d’un arbre. La curiosité l’emportait maintenant sur la peur panique qu’il éprouvait. Ses pieds s’enfonçaient mollement dans le sol couvert de déchets végétaux en décomposition et d’excréments pestilentiels. Zee était au pied du monstre, juste derrière lui. Brusquement, la bête énorme eut un mouvement de recul et propulsa un jet immonde d’excréments. Pris de panique, Zee se mit à courir, courir, courir, essayant de fuir ce monde de cauchemar. Il ne vit pas le piège que lui tendait cette chose rougeâtre qui était sur sa route. À peine avait-il posé un pied dessus qu’il se retrouva englué, incapable de faire un pas de plus. Et voilà que la chose se refermait sur lui ! Fuir ! Fuir ! Il était prisonnier d’une plante carnivore qui allait le dévorer ! Déjà elle suintait un puissant liquide acide qui le brûlait malgré sa combinaison nubirienne, en émettant un bruit bizarre et pourtant familier… Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! La plante resserrait de plus en plus son étreinte mortelle… Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Sentant ses forces décliner, il puisa dans ses dernières ressources l’énergie du désespoir… Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! De toutes ses forces, il essayait de repousser la « mâchoire » puissante de cette plante infernale.

    Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Plus il tentait de se libérer, plus la plante l’enserrait. Et ce bruit ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Il se mit à hurler, conscient de sa fin prochaine.

    C’est alors qu’il reprit brusquement conscience. Il était dans la salle du contrôle spatial, en sécurité, sur Nubiru, son monde accueillant… Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Noon ! Pas ce bruit ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz !

    Je dois encore être en train de rêver !… Je vais me réveiller, c’est fini ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz !

    Le bruit, loin de s’arrêter continuait de plus belle. Lentement, son esprit émergea du sommeil.

    L’alarme ! Il ne l’avait entendu qu’une seule fois auparavant, lors de sa formation. Il se passait quelque chose d’anormal. Les senseurs avaient détecté quelque chose. Il se leva et tenta de marcher jusqu’à l’écran de contrôle, mais ses jambes n’obéissaient plus : il était encore sous le choc de son cauchemar, virtuellement épuisé par sa course folle dans cette forêt d’apocalypse. Il s’accrocha tant bien que mal au rebord de la console de commandes et tituba jusqu’à ce maudit écran. Bzz ! Bzz ! Bzz ! Bzz ! Mais pourquoi cet écran est-il si loin ? Au bout d’un laps de temps qui lui parut interminable, il parvint enfin devant le contrôle du secteur H3-Z. Son premier réflexe fut de couper ce bruit lancinant.

    Au moins ça m’a réveillé ! Sur l’écran, un défilé de données défilait à toute vitesse, indiquant des positions, des probabilités, des masses, des calculs complexes que le système était en train d’analyser. Il fallait encore attendre quelques secondes, mais c’était certain : quelque chose avait été détecté.

    Il décida d’appeler du renfort. Après tout, le système complet était en permanence à la recherche d’objets dérivant dans l’espace et si l’alarme s’était déclenchée, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : la probabilité d’un impact était forte, même s’il fallait encore attendre les analyses pour déterminer la taille de l’objet en question. Et ça, ce n’est plus de mon ressort.

    4

    Jacques-Yves Fernette –le Professeur Jacques-Yves Fernette bailla longuement en traînant les pieds jusqu’à la porte fenêtre qui le conduisait à la terrasse.

    Comme la retraite m’a changé… dix heures et je suis encore en pyjama…

    Malgré son âge, il émanait de lui une force quasi mystique. Au fil des ans, il avait su conserver une forme physique exceptionnelle, malgré le manque de sport et d’exercice physique.

    Son visage conservait encore l’aspect d’une jeunesse pourtant lointaine, et malgré les cheveux grisonnants, il émanait de sa personne une vitalité et une intelligence hors du commun… même si maintenant la retraite le conduisait à un certain relâchement.

    La journée s’annonçait ensoleillée et il décida de prendre son petit-déjeuner sur la terrasse. Il aurait tout le temps ensuite de mettre à jour son site Internet.

    Dire que plus de deux millions de personnes se sont déjà connectés… Si seulement mes collègues avaient été aussi ouverts…

    Mais cela faisait bien sur partie du passé. Un passé consacré entièrement à la recherche scientifique.

    Un passé qui l’avait conduit sur des voies étranges. Son amour de la connaissance était immodéré !

    Et cette soif de découverte lui avait valu les honneurs de ses pairs… et puis leur opprobre. Aujourd’hui, à part quelques amis, et bien sûr les millions d’internautes anonymes qui chaque jour consultaient son site, il était seul. Seul avec ses certitudes, seul avec ses découvertes, seul avec son savoir.

    Sa modeste retraite, amputée de la pension alimentaire qu’il versait chaque mois à son ex-épouse, lui permettait de vivre confortablement, complétée par les droits d’auteur sur les ventes de ses livres.

    Mes livres ?… Ils ont tous fini dans la catégorie « ésotérisme »… Quelle dérision !

    Il contemplait rêveusement le magnifique paysage qui s’offrait à lui : ces volcans éteints depuis des millénaires, depuis l’aube de l’humanité, depuis que…Mais à quoi bon ? Ses pensées le ramenaient toujours vers la conviction profonde qu’il avait acquise au fil des ans.

    Il faut que je me ressaisisse… Après tout, c’est le sort de toutes les grandes découvertes. Je dois continuer.

    Son esprit incisif avait déjà repris le dessus et il alluma l’ordinateur portable posé sur la table en grès de la terrasse, tout en sirotant sa première tasse de café et se mit à écrire.

    Quelques kilomètres plus loin, un senseur pointé sur sa maison suivait chacun de ses mouvements.

    Au cœur d’une grotte, un projecteur holographique reconstituait son image, son corps, la terrasse, l’ordinateur. Chaque donnée entrée était immédiatement analysée puis enregistrée. La mission était simple : pas d’intervention directe, laisser faire, tout enregistrer, agir dans le plus grand secret. Il ne s’agissait pas de provoquer une nouvelle catastrophe. Il manquait encore trop de données et de toutes façons, l’infiltration fonctionnait parfaitement : personne ne le croirait.

    Ils sont encore si aptes à se laisser manipuler…

    Jacques-Yves Fernette compilait toute une série de données disparates qui venaient étayer son hypothèse. Il travaillait depuis quelque temps à démontrer que l’homo sapiens était bien plus ancien que ne voulaient le faire croire les théories officielles, et que son origine remontait probablement au jurassique. Hérésie suprême, il soutenait qu’à cette époque l’être humain était certainement doué de capacités impensables, même aujourd’hui.

    Sa vaste érudition, son réseau d’informations, et surtout son intuition, confortaient chaque jour un peu plus sa certitude. Il lui apparaissait invraisemblable que pendant des millions d’années l’être humain se cantonne dans une vie animale, sans jamais évoluer, sans jamais progresser. D’ailleurs, chaque nouvelle découverte faisait reculer la date fatidique de l’apparition de l’humanité. Pourquoi la Nature, censée ne rien créer sans nécessité aurait-elle conçu pour l’Homme un cerveau qui n’aurait servi à rien, en dehors de la survie ? Oui, il y avait sans l’ombre d’un doute possible, eu plusieurs grandes civilisations sur Terre. Des civilisations extrêmement évoluées, qui avaient forcément laissé des traces tangibles de leur présence. Il suffisait simplement de les chercher ! Mais il lui manquait l’élément le plus important : quel phénomène avait fait de l’homme l’espèce dominante, dans un monde où il avait très peu de chances de subsister ? Quel déclic avait rendu cet animal bipède pensant ?

    Cela, cher professeur, tu le découvriras en temps voulu…

    5

    La nuit était déjà tombée depuis longtemps quand Gwwhh émergea douloureusement de son évanouissement. Son corps meurtri le faisait souffrir atrocement. Son bras gauche surtout, qui semblait complètement désarticulé et dont un bout d’os dépassait. Sa peau était rouge du sang des égratignures dues au buisson urticant où il était tombé. Mais le monstre avait disparu.

    Je l’ai vaincu !… Cette pensée le réconforta un peu. Malgré sa blessure, il parvint à se relever. Il avait horriblement faim, mais comment chasser désormais ? Comment allait-il nourrir sa famille ?

    D’abord, rejoindre les miens qui doivent être affamés eux aussi…

    Bien sûr, ils pourraient manger des feuilles ou des fruits, mais rien ne valait le goût unique et régénérateur de la viande. J’ai survécu au monstre, je dois pouvoir survivre au reste…

    Lentement, avec difficulté, il retrouva son chemin malgré l’obscurité totale. Son instinct infaillible le guidait. Il reconnaissait les odeurs, sentait les mouvements de l’air, se guidait au moindre bruit enregistré dans sa mémoire…

    L’aube pointait déjà quand il atteignit le campement où il avait laissé les siens depuis… depuis… Soudain la notion de durée lui apparut. Depuis quand suis-je parti ?

    C’était la première fois qu’il avait cette pensée et cela lui faisait mal à l’intérieur de son crâne endolori.

    Autour de lui, la jungle s’éveillait doucement, des cris retentissaient, des piaillements d’êtres affamés, des rugissements, des grognements, des pas, des branchages qui craquaient. La vie se réveillait dans le vacarme assourdissant du petit matin. Au loin, on percevait le bruit sourd d’un volcan crachant son feu dévorant. Il savait qu’il était temps de se mettre à l’abri, qu’un monstre allait sûrement survenir en quête de nourriture. Il claudiqua le plus rapidement qu’il pouvait vers la grotte où les siens étaient en sécurité relative. Curieusement, aucun cri familier. Aucun grognement, aucun pleur reconnaissable…

    Peut-être dorment-ils encore ?

    Prudemment, il s’approcha de l’entrée. Il reconnaissait les odeurs pestilentielles qui régnaient à l’intérieur. Les relents de dizaines d’os, de morceaux de viande pourris, d’excréments. L’odeur rance de la sueur et de la peur. Et… une autre odeur en plus ! L’odeur écoeurante de ce liquide rouge qui coulait des proies lorsqu’on les blessait … ou lorsqu’une proie avait le dessus !

    Aucun bruit dans la petite grotte. Seules les odeurs témoignaient de son occupation par Gwwhh et les siens.

    Il entra prudemment et découvrit le spectacle désolant de la catastrophe. Sur le sol, sa compagne gisait, la gorge ouverte d’un coup de griffe mortel. Son corps était lacéré et en partie dévoré. Ses deux petits aussi étaient morts, dévorés !

    Gwwhh poussa un cri de désespoir, au mépris de toute prudence. Un de ces monstres poilus au dents immenses avait du profiter de son absence pour attaquer les siens sans défense. Et maintenant, il était seul, plus seul que jamais, sans compagne, sans avenir. Sa blessure le faisait terriblement souffrir. Il allait mourir lui aussi, il le savait. Plus rien ne pourrait le sauver désormais. Et il n’avait même pas la force de chercher de la nourriture pour survivre. Et d’ailleurs, à quoi bon ?

    La bête sanguinaire avait détruit en quelques instants tout ce qui pouvait l’inciter à continuer le chemin de son existence. Elle allait sans doute revenir pour terminer son repas, à moins que des oiseaux attirés par l’odeur du sang ne viennent finir le travail. Il savait que s’il restait ici, il serait sans aucun doute au menu du prochain repas. Mais où pouvait-il aller ? Il était à bout de forces après sa terrible épreuve et il n’avait rien mangé depuis deux jours.

    Il décida de rester là. À attendre la fin.

    Mais d’abord, il lui restait une tâche à accomplir : ensevelir les restes des siens afin de protéger ce qui restait d’eux.

    À l’aide de sa seule main valide, il emporta les restes de sa compagne et de ses petits dans un coin obscur de la grotte et les recouvrit tant bien que mal de terre, d’ossements, et de tout ce qu’il put trouver d’à peu près solide. Au moins, ils seraient à l’abri. Il transpirait abondamment et chaque mouvement lui arrachait des cris de douleur. Son bras s’était remis à saigner abondamment.

    Au bout d’une éternité, enfin, il put se reposer.

    Alors seulement, il se mit à pleurer, assis au milieu des excréments et du sang séché.

    Et puis, il sombra dans le coma.

    6

    Jacques-Yves Fernette s’attela à la tâche dès qu’il eut fini son quatrième café. Le soleil était déjà haut dans le ciel, mais il n’en avait cure : comme tous les jours, il allait travailler toute la journée et sans aucun doute très tard dans la soirée.

    Il lui arrivait fréquemment de passer des nuits blanches devant l’écran de son ordinateur, ou à la recherche de documentation dans son immense bibliothèque.

    Ah certes, les visiteurs impromptus auraient pu trouver curieux cet amalgame de titres allant de la science pure et dure à l’ésotérisme le plus délirant, sans oublier bien sûr la science fiction dont Jacques-Yves Fernette avait toujours été très friand ! Sur ses étagères se côtoyaient des œuvres aussi disparates que celles d’Erwin Schrödinger et d’Isaac Asimov, d’Ernest Rutherford à Zechariah Sitchin, sans oublier les sagas de Frank Herbert ou Roger Zelazny, ou même Papus et Hermès Trismégiste. La plus grande partie de sa fortune personnelle était là, dans ces pièces réservées à la lecture et à la méditation. Mais, à y regarder de plus près, toutes ces œuvres, de fiction ou purement scientifiques avaient un point commun : une soif inextinguible de connaissances que Jacques-Yves Fernette tentait d’assouvir depuis l’enfance.

    Ah ! Il se souvenait de ces livres d’enfance traitant de la dérive des continents ou de l’Île de Pâques, ou encore des lunes successives de la Terre, et que l’on ne trouvait qu’en édition de poche tant leur contenu était sujet à caution pour les savants des années 1970. Comme tout avait évolué depuis ! Plus personne ne mettait désormais en doute la plupart de ces théories hérétiques de l’époque. En août 2005, un congrès avait même réuni des physiciens éminents à l’Université de Constance et ceux-ci s’interrogeaient sur la réalité du monde physique. Un comble !

    Mais la tache de Jacques-Yves Fernette était tout autre : s’appuyant sur son immense érudition et aussi sur son intuition, il entendait prouver au monde que l’histoire de la Terre et du système solaire était tout autre que ce qu’on en avait dit jusqu’alors. Il entendait montrer que l’humanité pouvait remonter à au moins 250 millions d’années, et que l’homme avait probablement fait son apparition avant le singe.

    Et ça c’est pas gagné…

    Il en était là dans ses réflexions quand le signal d’arrivée d’un message fut émis par son ordinateur.

    C’était enfin son ami et ex-collègue Simon Duteil qui lui répondait. Simon Duteil était Maître de Recherche à l’Institut National de Biologie de Paris, et son autorité s’étendait dans le monde entier. Même si dans le microcosme scientifique régnait une perpétuelle guerre dont les perdants finissaient irrémédiablement dans l’opprobre et l’oubli, quand ce n’était pas le ridicule pur et simple, les découvertes et les publications de Simon Duteil n’avaient jamais fait l’objet de la moindre contestation, tant son raisonnement était toujours étayé par des preuves concrètes et irréfutables. Il faisait donc partie de ces rares savants dont tous reconnaissaient la compétence et l’impartialité, bien qu’il n’ait jamais fait de grandes découvertes bouleversantes.

    Jacques-Yves,

    J’ai repensé ces derniers jours à ton mail concernant le « synchronisme orbital » que tu as découvert. Bien évidemment, aucune preuve scientifique concrète ne permettra d’étayer cette hypothèse dans l’état actuel de nos technologies. Il faudrait pour cela inventer une sorte de machine à remonter le temps.

    Cependant, rien ne la contredit. En effet, il semble bien que la vie sur cette planète soit bien conditionnée par les cycles naturels, tels que la succession des jours et des nuits, des saisons, et finalement la durée du cycle orbital de la Terre autour du Soleil. Notre décompte du temps est en effet entièrement lié à ces paramètres naturels. La durée de la veille, celle du sommeil et même les différentes phases de celui-ci concordent indubitablement – ce serait de nos jours de l’obscurantisme pur et simple de le nier – avec la rotation de la terre sur elle-même et avec sa rotation orbitale. Toute notre existence est conditionnée par ces phénomènes naturels. Pour aller plus loin et m’aventurer peut-être dans des domaines extra – scientifiques, il est clair également que l’influence de la Lune sur nos comportements est parfaitement attestée dans de nombreux domaines.

    Il suffit de demander le témoignage des sages-femmes et des infirmiers en psychiatrie pour le prouver des millions de fois. La matière est donc totalement soumise à l’influence de la planète et de son mouvement.

    Ton idée qu’une planète ayant une orbite différente de la nôtre, une rotation plus longue par exemple, sur elle-même ou autour de son étoile, entraînerait donc une évolution de la vie synchronisée avec elle.

    Ce qui semble indiquer, si tu as raison, que si notre planète avait par exemple une orbite solaire double, c’est-à-dire si elle était deux fois plus éloignée du Soleil qu’elle ne l’est actuellement, l’année durant alors 730 jours terrestres environ (on admet que sa rotation sur elle-même reste identique), c’est cette mesure du temps qui déterminerait l’évolution de la vie. Ainsi, pour nous, les habitants de cette planète auraient une durée de vie équivalent à deux fois la nôtre. Cela se tient en théorie et je crois sincèrement que tu as raison dans ce domaine, même si, et je le répète, ceci est parfaitement indémontrable dans l’état actuel de nos technologies (aucune expérience ne peut être tentée sur Terre, à moins de courber le temps). Peut-être qu’une expérience dans l’espace sur une station orbitale dont on pourrait contrôler la course et donc la rotation autour du Soleil pourrait permettre de vérifier indubitablement sa véracité, mais il faudrait bien évidemment construire une station spatiale non dépendante de l’orbite de la Terre, la peupler de bactéries diverses et laisser tourner le tout suffisamment longtemps pour pouvoir en tirer des conclusions.

    Par contre, en admettant ta théorie, que comptes-tu prouver ? On sait que pour permettre l’organisation de la vie, il faut un certain nombre de paramètres tels que l’atmosphère, une chaleur suffisante, des conditions climatiques idéales, etc., etc. Or, à ce jour aucune preuve concrète n’a été produite sur ce point, même si Mars semble avoir réussi à réunir quelques unes de ces conditions. Plus on s’éloigne du Soleil, plus l’indispensable chaleur nécessaire à l’évolution de la vie fait défaut. Or toi, tu m’as parlé d’une planète dont l’orbite elliptique atteindrait les 3600 ans terrestres !! Presque sans lumière, donc sans photons, quelle source calorifique permettrait de maintenir la vie ? Et je ne te parle pas de la flore, pour laquelle la photosynthèse est une nécessité vitale (du moins en ce qui concerne la flore terrienne) !

    Certes, on peut imaginer une planète où l’activité volcanique intense générerait un effet de serre produisant suffisamment de chaleur, mais où est la lumière dans ce cas ?

    Si tu veux continuer dans cette voie – et je sais pertinemment que, têtu comme tu es, tu le feras – il va te falloir trouver des réponses concrètes à cette question cruciale.

    N’hésite pas à me demander conseil lorsque tu en as besoin. J’espère aussi que nous aurons l’occasion de nous rencontrer prochainement si mes activités m’en laissent le temps : tu sais que nos gouvernements sont sur le pied de guerre depuis plusieurs années avec la menace grandissante d’attentats biologiques et mon équipe travaille d’arrache-pied sur ces problèmes. C’est le prix que nous devons, hélas, payer si l’on veut que la recherche fondamentale avance…

    Bien à toi,

    Simon.

    Cette réponse laissa perplexe Jacques-Yves Fernette. D’un côté, sa théorie recevait un écho favorable, de l’autre restaient des questions quasi insolubles. Mais il n’était pas homme à se décourager.

    Tout d’abord, il y avait toutes les preuves que les archéologues et surtout les paléontologues dénichaient chaque jour aux quatre coins de la Terre : des clous vieux de plusieurs millions d’années, des tessons de poteries datant d’un âge où l’être humain n’était censé n’être qu’un « singe debout », des piles électriques découvertes à Bagdad, vieilles de plus de 5000 ans, des empreintes de pieds humains à côté de celles de dinosaures datant d’une époque commune, la liste était impressionnante et ne faisait que croître chaque jour. Et encore n’avait-on fouillé que quelques zones, dans des strates où l’on s’attendait à trouver quelque chose. Et plus loin de nous, que dire de la ceinture d’astéroïdes dont personne jusqu’à ce jour n’avait trouvé la moindre justification. Non, Jacques-Yves Fernette en avait l’intime conviction : nous étions en possession des pièces éparses d’un immense puzzle dont pour le moment il était impossible de reconstituer l’entièreté sans faire abstraction des dogmes de la science officielle.

    Que l’on me traite donc d’illuminé, je m’en fous. La science a toujours progressé grâce aux fous qui ont su faire abstraction du dogme et laisser leur intuition vagabonder.

    7

    Malgré sa stature fine et élancée, Gwwhh était une créature robuste et pleine de ressources. À cette époque, mais bien sûr il eut été incapable de le savoir lui-même, il devait avoir entre 25 et 30 ans et son corps portait sur lui les innombrables traces et cicatrices des combats qu’il avait dû mener pour survivre dans le monde hostile et dangereux dans lequel il tentait d’exister au jour le jour.

    Au fond des ténèbres dans lesquelles il était plongé depuis plusieurs heures, une faible lueur fit son apparition. Une lueur qui grandissait peu à peu pour devenir lumière, puis aveuglement. Il ouvrit les yeux, les referma, toujours la même lumière éblouissante ! Alors, se produisit en lui un phénomène qu’il n’avait jamais connu auparavant : du fond de son esprit encore embrumé se formait un message, un message qu’il était capable de comprendre, comme une pensée qui venait d’ailleurs :

    Je suis Enlil. Je sais qui tu es Gwwhh et je connais ton courage. Tu as vaincu le monstre et tu es toujours en vie. N’aie pas peur. Nous allons te récompenser de ta bravoure et te guérir de tes blessures. Ne crains rien. Nous allons maintenant t’emmener chez nous, là-haut dans le ciel où tu resteras avec nous.

    Et puis, quand tes blessures seront soignées, nous te ramènerons ici, où tu pourras continuer à vivre et te trouver une autre compagne, te reproduire et oublier ton malheur présent.

    Le cœur de Gwwhh battait à tout rompre. Qu’était donc cette chose qui parlait en lui, qui pensait à sa place ? Qu’était donc cette lumière ? Où était-il ?

    Il ne sentait plus le sol sous lui, il ne sentait plus rien, pas même la douleur atroce qui le faisait tant souffrir depuis des heures. Il flottait dans un vide lumineux, baigné dans une douce chaleur bienfaisante.

    S’habituant peu à peu à cette lumière, il lui semblait distinguer des formes. Des formes comme lui, mais beaucoup plus grandes. Des formes qui bougeaient, se déplaçaient, tournaient autour de lui, dans le vide lumineux. Des formes qui le touchaient, qui lui enfonçaient de curieuses épines dans le corps, manipulaient des objets dont il était bien incapable de comprendre la moindre signification. Et toujours cette voix dans son esprit qui le calmait, le rassurait, le réconfortait. Cette voix qui s’appelait Enlil.

    Progressivement, il se laissa bercer par la lumière, par la voix, se laissa glisser dans cette chaleur si confortable et s’endormit.

    Dans le vaisseau, l’ambiance était nettement moins sereine.

    – Nous n’avons pas le droit de faire ça, Enlil.

    – Et pourquoi pas ? Nous détenons une de ces créatures, nous allons la soigner, et surtout l’étudier.

    – Justement : il se souviendra d’être venu ici, il saura qu’il n’est pas seul.

    – Crois-tu vraiment qu’il sera capable d’en déduire quoi que ce soit ? Ces êtres n’ont pas encore atteint le stade d’une évolution suffisante pour tirer la moindre conclusion de cette expérience : nous allons le soigner et le renvoyer dans son monde, et grâce à un suiveur nous pourrons connaître en permanence le moindre de ses faits et gestes, étudier son comportement, ses habitudes. C’est une chance extraordinaire que nous avons là de mieux connaître cet univers !

    – Mais ce n’est pas notre mission ! Nous sommes ici, sur cette planète, pour l’étudier scientifiquement.

    Pas pour modifier son évolution. Dois-je te rappeler que nous ne disposons que de peu de temps ?

    Tu sais pertinemment que notre métabolisme ne résisterait pas aux conditions de ce monde si nous devions rester ici plus que prévu ?

    – Mais cela ne prendra que quelques instants : ce n’est qu’une fracture ouverte, rien de bien grave.

    Et cela nous permettra de comparer son code génétique avec le nôtre.

    – Tu ne comptes tout de même pas…

    – En voilà assez ! Je suis le chef de cette mission, ceci est un ordre.

    L’autorité d’Enlil ne laissait aucune place à la discussion. Il était le descendant direct de Sargon, et personne n’aurait osé remettre en doute un ordre direct du roi en exercice de la planète mère.

    Mais tout de même, dans les rangs, la grogne était quasiment tangible et la mission risquait, depuis le début de se terminer prématurément en mutinerie.

    D’abord, quel intérêt avait-elle cette mission ? Beaucoup se le demandaient. Déjà que leur galaxie connaissait sans aucun doute la crise la plus grave de son existence, fallait-il en plus envoyer des missions de découverte sans intérêt immédiat pour la survie des Annunakins ?

    Évidemment, le rapprochement avec ce système stellaire était une chance extraordinaire de découvrir si d’autres formes de vie avaient pu voir le jour dans d’autres systèmes. Ce pouvait être aussi l’occasion unique de ramasser des richesses minières et énergétiques immenses sur ces mondes qu’aucun vaisseau nubirien n’aurait pu atteindre dans des circonstances ordinaires, quelle que soit l’évolution de la technologie annunakin. Mais en quoi de longs voyages de plusieurs années étaient-ils nécessaires ? La plupart avaient laissé sur Nubiru des familles, des amis, des proches qu’ils n’étaient même pas certains de revoir un jour.

    Et puis cette planète puait. Elle puait comme un monde en création, toute couverte qu’elle était des déchets de ces innombrables créatures qui en recouvraient la surface, partout. L’odeur était si forte par endroits que plusieurs Annunakins avaient déjà péri, asphyxiés par les gaz délétères de toutes ces matières en décomposition, des restes de toutes ces horreurs vivantes qui jonchaient la surface.

    Quel intérêt avait donc cette planète ? La vie y était incroyablement courte, à peine quelques années nubiréennes, et le cycle des reproductions était, pour tout Annunakin normalement constitué, complètement démentiel. Ces petites créatures bipèdes ne vivaient à l’échelle nubiréenne que peu de temps : pourquoi donc tenter de sauver celle-ci puisque de toute façon sa fin prochaine était inéluctable ?

    Mais les Annunakins apprenaient dès leur plus jeune âge les règles fondamentales qui régissaient leur système social. Chacun le savait : la désobéissance à un ordre direct signifiait le plus souvent une fin imminente et douloureuse. Gwwhh allait donc bénéficier d’une technologie et d’une science que nul être vivant sur Am’Xo n’aurait pu concevoir.

    Malgré leur répugnance, les « volontaires » chargés de soigner la créature se mirent au travail, après avoir bien entendu fait nettoyer le corps jusque dans le moindre pore de sa peau. Depuis des millénaires, la science des Annunakins leur avait donné accès au clonage des cellules, et la réduction d’une fracture osseuse, la cicatrisation et la guérison complète était l’affaire de quelques instants. Il n’existait quasiment plus de lésion ni de maladie pouvant échapper au contrôle total des scientifiques de Nubiru.

    Après avoir prélevé des fragments de tissu, leur laboratoire reconstitua immédiatement le code génétique de chaque cellule, et entama le processus de re-création des tissus manquants ou abîmés : la totale maîtrise de cette technique était acquise depuis des siècles, et de surcroît, la structure des gènes de la créature était somme toute assez proche de la leur, même si la composition moléculaire présentait quelques différences.

    Ils en profitèrent bien sûr pour effacer les innombrables cicatrices qui couvraient le corps de Gwwhh, analysèrent ses fonctions vitales, et se prenant au jeu, son comportement psychologique.

    – Crois-tu que cette créature puisse avoir un esprit ?

    – Tu veux dire… qu’il pourrait penser ? Rêver ?

    – Oui, pourquoi pas : regarde la taille du cerveau. Elle est quasiment le double de toutes les créatures que l’on a rencontré depuis qu’on est sur cette fichue planète.

    – C’est vrai qu’il s’agit bien de la première chose intéressante que nous voyons ici…

    – Le reste n’est qu’horreur totale. Des choses immenses avec un minuscule cerveau. On dirait que cette foutue planète n’est capable de produire que des machines à ingurgiter de la nourriture.

    C’est écœurant.

    – Mais celui-ci nous ressemble, non ?

    – Il a deux bras, deux jambes, il se déplace visiblement debout, et il se pourrait bien qu’il pense.

    – Enlil veut analyser son cerveau…

    – Pourquoi pas ? Au moins, ça, ça peut être intéressant !

    – Mais c’est interdit ! Si Sargon venait à apprendre ça….

    – Il n’en saura rien : on ouvre, on branche, et on regarde. On remet tout en place, on referme et ni vu ni connu !

    – Moi je persiste à penser que nous ne devons pas faire ça. Il faut prévenir Nubiru.

    – Autant signer notre arrêt de mort.

    Depuis quelques heures, Gwwhh s’était habitué à la lumière aveuglante qui le baignait et qui le réchauffait en même temps. Les êtres qui évoluaient autour de lui ne lui faisaient plus peur. Sa crainte avait quasiment disparu – il était bien incapable évidemment de supposer qu’on lui avait injecté une dose massive de liquide inhibiteur – et il flottait tranquillement dans un univers où plus rien ne pouvait arriver, un monde étrange où rien, hormis lui et ces étranges formes, ne pouvait exister. S’il avait été conscient de son humanité, il aurait peut-être pu penser : ça doit ressembler à ça la mort. Mais son esprit primitif n’avait pas franchi le pas, même s’il savait qu’il existait un état où l’on bouge et un état où le corps demeurait totalement inanimé… comme sa compagne et ses deux petits…

    Les deux Annunakins ouvrirent avec d’infinies précautions la boîte crânienne de Gwwhh afin de brancher les centaines de connexions qui allaient permettre à la machine d’analyser et de décoder les signaux émis par le cerveau, puis, toujours allongé sur son lit à suspenseur, le corps de Gwwhh fut lentement introduit dans la machine par une sorte de tunnel : à partir de maintenant, c’est elle qui allait assurer la suite des opérations et conserver vivant l’organe vital. Des centaines de milliers de circuits commencèrent leur travail… Gwwhh ne ressentait rien, ne sentait rien non plus : la technologie annunakin était déjà à cette époque à des millions

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