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La grande petite évasion: Marginales - 230
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Livre électronique124 pages1 heure

La grande petite évasion: Marginales - 230

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À propos de ce livre électronique

Découvrez un nouveau numéro en version numérique de la revue littéraire belge Marginales

Dans le tohu-bohu médiatique qui accompagne cette grande mutation, les écrivains se sont peu fait entendre. C’est qu’ils n’émettent pas sur les mêmes longueurs d’onde que les discours dominants.
Il est cependant précieux que, par les moyens qui sont les leurs, et qui relèvent de la fiction, de la poésie, de la méditation non utilitariste, ils puissent apporter leur point de vue. Un événement marquant, mi-feuilletonesque, mi-tragique, l’évasion du principal prévenu actuellement détenu en Belgique, a accéléré notre mise à feu du projet. Prévu pour l’automne 98, le nouveau Marginales devait sortir le plus vite possible après cet événement, à propos duquel, comme on le verra, des écrivains se sont vraiment sentis tenus de réagir, dans la foulée en quelque sorte.

Des écrivains comme Gérard Adam ou Pascale Fontaneau revisitent à leur manière les sujets brûlants qui ont marqué l’actualité du siècle dernier.

À PROPOS DE LA REVUE

Marginales est une revue belge fondée en 1945 par Albert Ayguesparse, un grand de la littérature belge, poète du réalisme social, romancier (citons notamment Simon-la-Bonté paru en 1965 chez Calmann-Lévy), écrivain engagé entre les deux guerres (proche notamment de Charles Plisnier), fondateur du Front de littérature de gauche (1934-1935). Comment douter, avec un tel fondateur, que Marginales se soit dès l’origine affirmé comme la voix de la littérature belge dans le concert social, la parole d’un esprit collectif qui est le fondement de toute revue littéraire, et particulièrement celle-ci, ce qui l’a conduite à s’ouvrir à des courants très divers et à donner aux auteurs belges la tribune qui leur manquait.
Marginales, c’est d’abord 229 numéros jusqu’à son arrêt en 1991. C’est ensuite sept ans d’interruption et puis la renaissance en 1998 avec le n°230, sorti en pleine affaire Dutroux, dont l’évasion manquée avait bouleversé la Belgique et fourni son premier thème à la revue nouvelle formule. Marginales reprit ainsi son chemin par une publication régulière de 4 numéros par an.

LES AUTEURS

Gérard Adam, Alain Berenboom, Carino Bucciarelli, Gaston Compère, Jacques Crickillon, Vincent Engel, Pascale Fonteneau, Xavier Hanotte, Michel Lambert, Jean-Louis Lippert, Jean-Luc Outers, Daniel Simon, Pascal Vrebos et Yves Wellens.
LangueFrançais
ÉditeurKer
Date de sortie5 févr. 2018
ISBN9770025293787
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    Aperçu du livre

    La grande petite évasion - Collectif

    Éditorial

    Jacques De Decker

    Lorsqu’il y a sept ans la revue Marginales a cessé de paraître, cette disparition a été unanimement regrettée. C’est qu’elle avait joué un rôle primordial dans les lettres françaises de Belgique, en donnant leur chance à d’innombrables jeunes écrivains, en reflétant les courants les plus divers de notre littérature, dans un esprit d’ouverture qui lui avait été insufflé par son fondateur, Albert Ayguesparse, qui continua à l’animer jusqu’à l’épuisement de ses forces. Lorsqu’il déclara forfait, il avait atteint un âge où d’autres auraient déjà renoncé depuis longtemps.

    Je fus l’un de ces jeunes épris de littérature auxquels Ayguesparse ouvrit généreusement les pages de sa revue, j’y ai œuvré sous son amicale férule durant quelques années, j’y ai appris beaucoup, depuis la technique de la correction des épreuves jusqu’à l’éthique qui doit présider à la gestion de cette aventure de l’esprit qu’est la conduite d’une publication littéraire.

    Lorsque les hasards de la vie ont fait qu’après la mort d’Ayguesparse, les académiciens belges m’ont appelé à lui succéder, il m’est rapidement apparu que je me devais de prolonger au moins le volet de son activité dont il était possible de prendre le relais : l’animation de Marginales. C’est la raison intime, personnelle, de ce nouveau départ.

    Il en est une autre, plus importante sans doute : il devenait urgent qu’une revue dote les auteurs belges d’une tribune. Pas seulement pour y donner la primeur de leurs travaux en cours, mais pour y faire entendre leur voix dans le concert social. Notre pays est, depuis deux ans, ébranlé par des débats fondamentaux, qui l’obligent à s’adapter aux nécessités d’une société moderne, appelée à répondre aux défis d’un avenir hypothétique. Dans le tohu-bohu médiatique qui accompagne cette grande mutation, les écrivains se sont peu fait entendre. C’est qu’ils n’émettent pas sur les mêmes longueurs d’onde que les discours dominants.

    Il est cependant précieux que, par les moyens qui sont les leurs, et qui relèvent de la fiction, de la poésie, de la méditation non utilitariste, ils puissent apporter leur point de vue. Un événement marquant, mi-feuilletonesque, mi-tragique, l’évasion du principal prévenu actuellement détenu en Belgique, a accéléré notre mise à feu du projet. Prévu pour l’automne 98, le nouveau Marginales devait sortir le plus vite possible après cet événement, à propos duquel, comme on le verra, des écrivains se sont vraiment sentis tenus de réagir, dans la foulée en quelque sorte.

    Dans chacune de ses livraisons à venir, Marginales mettra ainsi des auteurs au pied du mur de l’actualité, pour qu’ils l’éclairent sous un autre angle. On n’y lira pas de comptes rendus critiques, la priorité étant délibérément donnée à la création. Mais on aura l’occasion d’y découvrir des inédits d’écrivains confirmés ou de débutants complets. Et la porte y sera aussi toujours ouverte aux étrangers de passage, auxquels nos traducteurs auront prêté leur talent.

    Marginales entame sa seconde vie. Ceci n’est qu’une amorce : les auteurs qui rallieront la revue, les lecteurs qu’elle fidélisera vont écrire à présent la suite de son histoire.

    Alain Berenboom

    Le jour de l’évasion de Dutroux, je traînais à la maison. C’était un jour de congé. Pendant cinq jours, nous avions fait la « longue » à l’usine, emballage et expédition des porcelaines vers la Tchéquie, comme chaque mois. Après la faillite, notre usine a été reprise par un groupe d’Europe centrale ou d’Allemagne, je ne sais pas au juste. Nos porcelaines sont désormais estampillées made in Czechia même si elles sont fabriquées entre Marche et Neufchâteau. Qui s’en plaindra ? À côté, dans les installations des anciens établissements Plissotier, on fabrique des T-shirts made in Korea. Grâce aux subventions européennes, la main-d’œuvre coûte moins dans notre zoning industriel qu’en Corée, mais les acheteurs n’ont confiance que dans l’Asie. Made in Wallonia sur un T-shirt ? Paraît que c’est invendable. La radio a annoncé vers 16 heures que Marc Dutroux s’est fait la malle et qu’il erre dans la région. Je suis allée dans le jardin jeter un coup d’œil, il n’y avait personne. Comme il faisait doux, je me suis installée dans la chaise longue. Mon mari m’a apporté une boîte d’ice-tea. Et il s’est assis dans l’herbe, à côté de moi. « Qu’est-ce qu’on fait avec Dutroux au cas où… ? » il a demandé en regardant à la ronde avec un air inquiet.

    — Ce que je sais, c’est qu’en tout cas, on n’appelle pas les gendarmes ! Tu les connais, on est sûr de se faire abattre !

    Mon mari a pris un air soucieux. J’ai essayé de le rassurer. Depuis qu’on l’a obligé à prendre sa prépension – il avait trente-huit ans seulement – il est devenu vieux. « T’en fais pas, Jean, tu penses bien qu’il est pas aussi bête que nous. Il va se tirer ailleurs, en Corée ou en Tchéquie. Le patron dit toujours, c’est là que ça se passe pour les winners.

    — C’est pas ça qui m’embête, c’est ton histoire de gendarmes. Quand le ministre va présenter ses excuses à la famille, j’aurais bien aimé être là !

    — T’as déjà serré la pince d’un minis’, je lui ai rappelé. Le jour où ils t’ont foutu à la porte, il était venu accueillir les nouveaux investisseurs comme il disait.

    Jean a enfin souri. Le souvenir de cette histoire met toujours un peu de baume sur son cœur de chômeur.

    — C’est vrai. On s’est croisé sur le parking. Moi, je venais d’être licencié et lui, il arrivait. En me voyant dans mon beau costume, il a couru vers moi la main tendue. Il m’a pris pour un des Allemands à qui il offrait les installations ! Je lui ai demandé s’il avait une place dans son administration. Il a ri, croyant que je plaisantais…

    La radio, restée ouverte, annonçait que Marc Dutroux venait d’être repris. « Je l’ai même remercié. Avec son argent, les Allemands allaient me payer une indemnité complète alors qu’avec une faillite, j’aurais été bon pour le Fonds d’indemnisation. » La radio démentit la nouvelle de l’arrestation. Dutroux errait toujours dans la nature.

    — Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? a demandé mon mari.

    — Des côtes de porc, si tu veux.

    — On devrait pas arrêter la viande ? Vaches folles, poulets grippés, peste porcine, veaux aux hormones… ça ne te fait pas peur toutes ces informations ?

    J’ai réfléchi. Il avait raison.

    — C’est pas la viande, je lui ai dit. C’est la radio. Ferme-la, elle n’annonce jamais que des mauvaises nouvelles ; ça allait tellement mieux en Belgique avant.

    Puis, j’ai été cherché dans le frigo une autre boîte d’ice-tea. La publicité a raison, je ne peux plus m’en passer.

    Vincent Engel

    Elle étendit les jambes sous la table et entreprit de narrer son histoire d’un ton sans doute trop enjoué, qu’elle infléchit progressivement jusqu’à le rendre plus adapté, non pas tant à l’histoire elle-même qu’à l’événement tragique qui en était la source lointaine.

    — Ce criminel, donc, profitant des possibilités que concède le droit à chacun, même aux pires d’entre nous, se rendait chaque semaine au palais de justice pour y consulter son dossier, afin de parfaire sa défense. On sait dans quelles conditions rocambolesques il parvint à tromper – je ne dirai pas la « vigilance » de ses gardiens, puisque ces derniers firent preuve d’une invraisemblable négligence. Cela fit grand bruit à l’époque et, même si le fuyard fut repris trois heures plus tard, les ministres de la justice et de l’intérieur, qui n’étaient pas tombés un an plus tôt pour les faits autrement plus dramatiques qui avaient justifié l’arrestation du cavaleur, trébuchèrent, si j’ose dire, sur cette goutte de trop. On parla même d’une démission du gouvernement.

    — Je pense me souvenir, interrompit Asmodée Edern, que le Premier ministre qui dirigeait cette équipe était un homme d’une habileté d’autant plus redoutable qu’on l’aurait pris pour un abruti complet.

    — De fait, reprit Nancy Levine. Il fut, comme toujours, d’une adresse remarquable. Non seulement il offrit en sacrifice deux ministres dont tout le monde réclamait la tête depuis des mois, mais il renforça la cohésion des partenaires gouvernementaux. Mais le plus étonnant n’est pas là ; ce pays n’en était pas à sa première cornegidouillerie. Ce qu’on sait moins, et pour cause, c’est qu’un événement similaire se produisit durant la même semaine, information que seuls quelques journaux osèrent publier et

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