Au Canard enchaîné, on se marre jusqu’à la dernière seconde. Dans les locaux en sous-sol d’une coopérative proche du syndicat CGT des ouvriers du livre, que le journal utilise les mardis de bouclage, rue Niepce, dans le XIVe arrondissement de Paris, des feuilles sont accrochées à un grand tableau. Chacun peut y ajouter son bon mot, et c’est ainsi que naissent in extremis les titres-calembours du « journal satirique paraissant le mercredi ». Ce 7 mars, la victime du remueméninges s’appelait Olivier Dussopt, assez audacieux pour avoir qualifié la loi sur les retraites de texte « de gauche ». « Je voulais dire que c’est une réforme très gauche », rectifiait la Une du Canard.
Et puis, vers 14 heures, quelques minutes avant le bouclage, les sourires en coin se sont subitement transformés en accents circonflexes. Un objet maudit, récupéré auprès d’un ami libraire, a fait irruption. , le livre de Christophe Nobili, journaliste… au , un des trois « scoopeurs » de l’affaire Fillon, à paraître (JC Lattès) le lendemain. Feuilleter les pages avait quelque chose de vertigineux. Michel Gaillard, le président, Nicolas Brimo, le directeur général, Erik Emptaz, un des deux rédacteurs en chef… Ils étaient tous cités! Des conversations privées étaient relatées. L’auteur décrivait un système d’emploi fictif au profit d’Edith Vandendaele, la compagne d’un dessinateur historique du journal, André Escaro, pour près de 3 millions d’euros charges comprises pendant vingtquatre ans. Voilà les tombeurs de « Penelope » brusquement « pénélopisés ». Le genre de retournement dont raffole généralement l’hebdomadaire palmé. Sauf que cette fois, la lumière était jetée