Cette décennie est celle du choc de civilisations. Il hante la société, les discours politiques. La montée de l’islam politique, les attaques contre la laïcité, l’affaire des caricatures de Mahomet incarnent ce nouveau monde… dont nous ne sommes toujours pas sortis. C’est aussi le temps de la peopolisation du politique, qu’incarne à merveille le couple Sarkozy : l’interview fleuve de Carla Bruni, le lendemain de son mariage avec le président de la République, sera la meilleure vente en kiosque de toute l’histoire de L’Express. C’est la décennie, enfin, où l’Europe s’interroge sur son avenir avec le « non » retentissant de la France au traité de Constitution européenne en 2005. L’Express pressent les sujets qui montent, ose aller contre l’opinion dominante. Mais la valse des actionnaires pèsera sur le cours du magazine qui va aussi devenir orphelin de ses deux fondateurs.
Ni fleurs, ni couronnes. Ceux qui le souhaitent pourront adresser un don à l’organisation humanitaire Action contre la faim dont Françoise Giroud fut la présidente d’honneur. Ce mercredi 22 janvier 2003 au cimetière parisien du Père-Lachaise, ils sont tous là, journalistes, directeurs de rédaction, éditeurs, écrivains. Des plumes amies ou concurrentes, assises côte à côte, le temps d’un hommage à la grande dame. Quelques politiques aussi, Lionel Jospin, François Bayrou, le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon. Déjà très diminué, l’esprit un peu ailleurs, Jean-Jacques Servan-Schreiber s’est déplacé ; Françoise l’a tant aimé. Quelques jours plus tôt, la journaliste toucheà-tout, romancière, essayiste, ministre, chroniqueuse télé, est décédée à 86 ans, des suites d’un traumatisme crânien. Un soir de, un spectacle avec Arielle Dombasle, la femme de son ami Bernard-Henri Lévy. A la fin de la pièce, en haut des marches de l’Opéra comique, le destin a tranché : Françoise Giroud a dévalé l’escalier.