Les raisons de la colère: Marginales - 291
Par Collectif
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À propos de ce livre électronique
L’évidence est là, aveuglante. Le constat d’échec d’une civilisation, ou qui se prétend telle, qui avait cru mettre dans le mille, ou plutôt les milliards, en misant tout sur l’économie, très mal nommée au demeurant, puisqu’il s’agit plutôt de la prodigalité. Prodigalité des ressources, des valorisations, des exploitations, des aliénations. Tout ramené au niveau du produit, du niveau zéro du matérialisme. La lutte contre le matérialisme dialectique, l’illusion d’y avoir mis fin, a produit un enfoncement plus abyssal encore dans le matériel, même humain, une immersion absolue dans l’illusion de la rentabilité.
Et quelle illusion! Il faut revoir les condamnations des régimes qui, avant l’année 89 du XXe siècle, apparaissaient comme le comble de l’asservissement : le péril venait de l’Est, il menaçait nos sacrosaintes démocraties, considérées comme les meilleurs régimes pensables, autoproclamées sans concurrence sérieuse, susceptibles de nous mener triomphalement vers la fin de l’histoire, cet idéal appelé de tous les vœux, du moins de ceux qui en étaient les bénéficiaires. Et il est vrai que le cauchemar d’une époque inaugurée à Sarajevo et conclue dans un Berlin laissé à l’état de ruine trois décennies plus tard a ouvert des perspectives aussi féériques que les contes occidentaux hollywoodisés par Walt Disney qui allaient forger les imaginaires des enfants du baby-boom.
Des nouvelles inspirées par la thématique à des écrivains comme Jean-Baptiste Baronian, Evelyne Heuffel, Luc Dellisse, Bernard Dan, et pour la première fois, des extraits des « Calepins » de Jean-Pol Baras
À PROPOS DE LA REVUE
Marginales est une revue belge fondée en 1945 par Albert Ayguesparse, un grand de la littérature belge, poète du réalisme social, romancier (citons notamment Simon-la-Bonté paru en 1965 chez Calmann-Lévy), écrivain engagé entre les deux guerres (proche notamment de Charles Plisnier), fondateur du Front de littérature de gauche (1934-1935). Comment douter, avec un tel fondateur, que Marginales se soit dès l’origine affirmé comme la voix de la littérature belge dans le concert social, la parole d’un esprit collectif qui est le fondement de toute revue littéraire, et particulièrement celle-ci, ce qui l’a conduite à s’ouvrir à des courants très divers et à donner aux auteurs belges la tribune qui leur manquait.
Marginales, c’est d’abord 229 numéros jusqu’à son arrêt en 1991. C’est ensuite sept ans d’interruption et puis la renaissance en 1998 avec le n°230, sorti en pleine affaire Dutroux, dont l’évasion manquée avait bouleversé la Belgique et fourni son premier thème à la revue nouvelle formule. Marginales reprit ainsi son chemin par une publication régulière de 4 numéros par an.
En septembre 2015, deux nouveaux numéros de la revue littéraire sont disponibles… « Enfants non admis » et « Les raisons de la colère ».
LES AUTEURS
Thomas Deprijck, Bernard Dan, Daniel Simon, Jean-Baptiste Baronian, Kenan Görgün, Claude Javeau, Jack Keguenne, Huguette de Broqueville, Maria Dulce Kugler, Yves Wellens, Isabelle Wery, Franck Pierobon, Françoise Pirart, Paul Emond, Pascal Vrebos et Jean-Pol Baras.
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Avis sur Les raisons de la colère
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Aperçu du livre
Les raisons de la colère - Collectif
Editorial
Par Jacques De Decker, 10 juin 2015
Prodigalité des ressources, des valorisations, des exploitations, des aliénations. Tout ramené au niveau du produit, du niveau zéro du matérialisme. La lutte contre le matérialisme dialectique, l’illusion d’y avoir mis fin, a produit un enfoncement plus abyssal encore dans le matériel, même humain, une immersion absolue dans l’illusion de la rentabilité.
Et quelle illusion ! Il faut revoir les condamnations des régimes qui, avant l’année 89 du XXe siècle, apparaissaient comme le comble de l’asservissement : le péril venait de l’Est, il menaçait nos sacro-saintes démocraties, considérées comme les meilleurs régimes pensables, autoproclamées sans concurrence sérieuse, susceptibles de nous mener triomphalement vers la fin de l’histoire, cet idéal appelé de tous les vœux, du moins de ceux qui en étaient les bénéficiaires. Et il est vrai que le cauchemar d’une époque inaugurée à Sarajevo et conclue dans un Berlin laissé à l’état de ruine trois décennies plus tard a ouvert des perspectives aussi féeriques que les contes occidentaux hollywoodisés par Walt Disney qui allaient forger les imaginaires des enfants du baby-boom.
Les colères, en cette période de pacification, allaient se calmer. Il faut dire qu’elles avaient dominé la période antérieure, dès les premières insurrections populaires dont la plus symbolique illustration avait été fournée par la Commune de Paris, réprimée avec la violence que l’on sait, mais relayées par d’autres, qui elles-mêmes allaient déboucher sur octobre 1917, loin du théâtre des opérations de la Grande Guerre, dérivatif à des affrontements sociaux qu’il fallait à toute force canaliser.
Tant de désastres, couronnés par deux crimes contre l’humanité sans précédents, l’un par son cynisme industriel, la Shoah, l’autre par sa démesure technologique expérimentée « pour de vrai », Hiroshima, ne pouvaient que conduire les esprits les plus belliqueux à plus de modération. Et ce furent ces années glorieuses où tout se reconstruisait, les cités et les empires industriels, les grandes structures pacificatrices, plus conformes aux impératifs du marché, perçu à juste titre en ce temps-là comme une alternative rentable aux excès belliqueux.
Il semble que l’on soit arrivé au terme de ce cycle. Ce qui avait porté tant d’espoirs au moment de la chute du Mur (là aussi, Berlin avait été le théâtre principal de la grande bascule) débouche aujourd’hui sur l’hébétude d’une Europe à bout de force, gangrenée par un désenchantement dont on ne voit d’issue que dans la déstructuration. Si elle ne s’est pas encore manifestée politiquement (Grexit ou Brexit sont agités comme des menaces que les scrutins et les faits ne sont pas encore venus confirmer), elle est à l’œuvre dans les esprits, en ce sens que les entités sous-nationales (Écosse, Catalogne, Flandre) s’autoproclament remèdes à la dérive, lorsque ce ne sont pas des pays entiers qui prétendent qu’ils se porteraient mieux s’ils n’avaient pas de comptes à rendre à une superstructure qui demeure aux yeux des « simples » citoyens aussi impénétrable qu’inefficace. Aveuglés que nous sommes par les approximations d’une information à la solde des puissances politiques et financières, incapables dès lors de voir clair dans un capharnaüm opaque d’impuissance bureaucratique, d’incompétence parlementaire et d’anarchie médiatique, est-il si étonnant qu’une révolte couve, qui s’est d’abord appelée indignation avant de verser peut-être un jour dans l’insurrection ?
Lorsque des signes s’esquissent de clarification de ces frustrations et de leur traduction dans des procédures démocratiques, comme on le constate en Grèce et en Espagne, il faut voir comme l’appareil traditionnel se raidit, refuse d’entendre, s’arc-boute sur le maintien des privilèges acquis. Pour ce qui est du berceau de la démocratie, il n’est pas question de passer l’éponge sur les turpitudes du passé (ce qui se passa cependant vis-à-vis du pays le plus hostile à cette attitude aujourd’hui, à savoir l’Allemagne) ; quant à l’Espagne, qui a elle aussi un passé pas précisément édifiant, il faut voir comme elle se cabre vis-à-vis des réformes promues par Podemos ! Ce sont deux situations limites, mais illustratives d’un état de fait qui se décline à des intensités diverses du Sud au Nord de l’Europe.
Tout cela se passe dans une partie du monde qui n’est, quoi que l’on dise, toujours pas détrônée de son leadership. Aurait-elle, sans cela, délégué la majorité écrasante des représentants réunis dans les Alpes bavaroises en juin 2015 ? France, Allemagne, Italie, Grande Bretagne (toujours membre de l’Union), flanqués des présidents des conseils et commission européens, avec pour nuls autres partenaires que les présidents américain et nippon figuraient dans la distribution de ce G7 dont le convive non invité brillait, au sens propre de l’expression, par son absence. Il est vrai que ce dernier est membre d’un autre club, le Bric, qui ne s’est constitué qu’au passage du millénaire et en est déjà, par la population, la puissance industrielle et financière et surtout le dynamisme, le principal protagoniste de fait.
La photo emblématique de la rencontre, diffusée partout, montrait un Obama tranquillement assis sur un banc public conforme à ceux de Central Park, devant qui gesticulait une Merkel visiblement soucieuse de convaincre son interlocuteur. Mais de quoi ? Il n’est pas important que nous le sachions. Nous vivons dans une civilisation de l’image, n’est-ce pas ? On nous en gave, nous en sommes cernés, et elles ne nous disent par définition rien d’autre que ce qu’elles représentent, tautologies, figures plates, dérivatifs à la réflexion, à l’approfondissement, dissuadeurs de l’esprit critique.
Que fait dès lors l’être vivant pris au piège ? Il hurle, gronde, vitupère sans trop savoir le motif de son mal-être. Il est tangible cependant, et consiste dans la forme où on s’obstine à le couler, tel une pâte molle qui ne prend consistance que dûment quadrillée, et sucrée au surplus. C’est de ce conditionnement – au sens où les produits proposés dans les supermarchés sont « conditionnés » - que les populations ont assez, d’autant qu’ils n’y trouvent aucune échappée à leur détresse. Travailleurs, ils en sont quittes à devoir accepter des emplois très éloignés de leurs compétences, s’ils en décrochent un ; étudiants, ils sont confrontés à une hausse de leurs coûts d’apprentissage que les bourses ne suffisent pas à soulager ; jeunes parents, ils hésitent à mettre au monde des enfants appelés à un avenir des plus précaires. Et cela au moment où les grandes institutions bancaires, responsables de ce gâchis, affichent des résultats quelquefois inespérés.
Et l’on voudrait que les clameurs de colère se taisent…
Arachnomachie
Thomas Deprijk
Ainsi, ce sont bien nos ancêtres qui sont à l’origine de nos mauvaises passions ! Le diable sous l’apparence du babouin, est notre grand-père.
Charles Darwin
M. pivota sur lui-même. Il tournait maintenant le dos à la fenêtre. On ne distinguait plus de lui que sa silhouette massive et obstinée qui baignait dans un éclaboussement lumineux. La pièce était assez sombre. On ne pouvait pas clairement distinguer les traits furieux de son visage. On pouvait en revanche sentir, par-delà la peau, la colère qui lui circulait dans les veines comme une onde radioactive.
Il était laid, très laid, quand il était dans cet état d’ulcération pathétique qui lui tordait les boyaux dans tous les sens. Il était en rage. Complètement et déraisonnablement en rage. Une rage folle, stupide, disproportionnée, qui le rendait affreux, et affreusement risible.
Et savoir par surcroît qu’il était hideux, et qu’il avait l’air ridicule (il en avait, malheureusement, la conscience très nette – la « lucidité », la clairvoyance, se prête parfois à des jeux retors dont il ne vaut mieux pas chercher le sens) redoublait sa fureur. Le mal de ventre qui le tiraillait depuis deux jours n’arrangeait rien à l’affaire non plus. Et de manière générale, il n’y avait pas grand-chose dans sa vie actuellement qui parvenait à tempérer ne serait-ce qu’un peu, ses accès d’humeur.
Il s’avança vivement, frappa la table de son poing, en assénant un sonore et catégorique « non, je n’irai pas » à son assistante et à son conseiller.
Il répéta, en beuglant et en postillonnant : « Je n’irai pas, non, je n’irai pas ».
La pauvre assistante poussa un cri de truie qu’on égorge, et se mit à pleurer immédiatement. Une débile c’est une débile, se dit le conseiller, surpris et gêné une fois encore. Il ne parvenait pas à s’y habituer. Ça lui arrivait pourtant très souvent à cette cruche, et M. ne se privait pas de la torturer chaque fois qu’il en avait l’occasion. Dès qu’elle se mettait à geindre, il lui hurlait dessus de plus belle en lui demandant d’arrêter son cinéma sur le champ, ce qui avait pour effet de dédoubler ses larmes, et de démultiplier la quantité