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Voler l'Everest: Maurice Wilson et l'Himalaya - Récit de voyage
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Voler l'Everest: Maurice Wilson et l'Himalaya - Récit de voyage
Livre électronique221 pages3 heures

Voler l'Everest: Maurice Wilson et l'Himalaya - Récit de voyage

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À propos de ce livre électronique

Maurice Wilson, à l’aube de ses 35 ans, entreprend de se rendre en monoplan monomoteur à cockpit ouvert sur les flancs de l’Everest pour planter le premier drapeau à son sommet

Ce projet semble fou à bien des égards : l’Anglais n’est ni aviateur, ni alpiniste. Il ne connaît de la marche que les quelques cent kilomètres qu’il aura parcouru dans le Yorkshire en guise d’entraînement. De plus, en 1935, l’aviation en est encore à ses balbutiements et peu auront, avant lui, parcouru de si longues distances sans dommages.

En s’appuyant sur le journal qu’il a tenu tout au long de son voyage, Ruth Hanson relate la formidable épopée de Maurice Wilson. Plus que l’entreprise, c’est l’homme qui fascine : sa foi, son ambition, son obstination… tout chez lui n’est que démesure. Si bien que la finalité du projet (malheureusement trop prévisible), n’est en rien la finalité du récit. Mieux vaut s’attacher à l’homme et aux raisons qui le poussèrent au-delà du raisonnable. Son rêve n’était-il que pure folie ?

Quoi qu’il en soit, son exploit aura marqué l’histoire de l’Everest, quant à sa réussite, certains aiment à y croire encore…

Un récit de voyage captivant !

EXTRAIT

Gravir l’Everest en solitaire ! On dirait un projet fou, rêvé dans un bar, à la f in d’une longue soirée… Mais Maurice Wilson était abstinent, ne fréquentait aucun pub et voulait vraiment voler jusqu’au Tibet, atterrir sur les pentes inférieures de la montagne, continuer à pied et devenir le premier homme à atteindre le sommet ! Il n’avait aucune expérience de l’alpinisme et ne savait pas piloter, mais il pensait que là était son destin et que Dieu guiderait ses pas sur les rochers et les glaciers himalayens.
J’ai entendu parler de Maurice Wilson pour la première fois un jour de l’an, alors que j’étais en vacances avec des amis en Écosse. Recroquevillée sur un divan, avec du thé et des crêpes, après une marche glaciale, je parcourais un livre sur l’Everest, donné à Noël par un ami. Soudain, une photographie jaunie éveille mon attention. Elle montre Maurice Wilson, debout devant un petit biplan. Il a les mains sur les hanches, un casque en cuir sur la tête, il porte des lunettes d’aviateur et f ixe la caméra avec un léger sourire narquois. Je lis le passage qui le concerne et quelque chose chez cet homme me frappe. Son projet insensé peut-être, ou alors d’avoir été si loin sachant que la plupart des gens – dont moi – l’aurait pris pour un fou ou encore nos racines communes du Yorkshire.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Comme Maurice Wilson, Ruth Hanson est née et a grandi à Bradford. Depuis 1991, elle a voyagé de nombreuses fois au Népal, mais aussi au Tibet, au Sikkim et au Bhoutan. Elle travaille dans un cabinet juridique et vit avec son compagnon dans le Yorkshire du Nord. Ruth Hanson entendit parler pour la première fois de Maurice Wilson pendant des vacances en Écosse, un jour de l’an. Plus elle en apprenait sur cet homme, plus elle était intriguée.

« Il était bien connu dans le milieu des alpinistes et son histoire avait déjà été racontée, mais malgré cela, je fus captivée et pensais qu’il y avait plus à dire. »
C’est ainsi que l’idée de ce livre prit forme, un livre qui non seulement raconterait l’histoire de Wilson, mais décrirait la couleur et la beauté d’une région – l’Himalaya – à laquelle Ruth est familière.
LangueFrançais
ÉditeurMontblanc
Date de sortie27 juin 2014
ISBN9782511023884
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    Aperçu du livre

    Voler l'Everest - Ruth Hanson

    amour.

    ILS L’APPELAIENT « LE FOU DU YORKSHIRE »

    Si tu peux obliger ton cœur, tes nerfs, ta moelle À te servir encore quand ils ont cessé d’être, Si tu restes debout quand tout s’effondre en toi Sauf une volonté qui sait survivre à tout…

    Rudyard Kipling

    Gravir l’Everest en solitaire ! On dirait un projet fou, rêvé dans un bar, à la fin d’une longue soirée… Mais Maurice Wilson était abstinent, ne fréquentait aucun pub et voulait vraiment voler jusqu’au Tibet, atterrir sur les pentes inférieures de la montagne, continuer à pied et devenir le premier homme à atteindre le sommet ! Il n’avait aucune expérience de l’alpinisme et ne savait pas piloter, mais il pensait que là était son destin et que Dieu guide-rait ses pas sur les rochers et les glaciers himalayens.

    J’ai entendu parler de Maurice Wilson pour la première fois un jour de l’an, alors que j’étais en vacances avec des amis en Écosse. Recroquevillée sur un divan, avec du thé et des crêpes, après une marche glaciale, je parcourais un livre sur l’Everest, donné à Noël par un ami. Soudain, une photographie jaunie éveille mon attention. Elle montre Maurice Wilson, debout devant un petit biplan. Il a les mains sur les hanches, un casque en cuir sur la tête, il porte des lunettes d’aviateur et fixe la caméra avec un léger sourire narquois. Je lis le passage qui le concerne et quelque chose chez cet homme me frappe. Son projet insensé peut-être, ou alors d’avoir été si loin sachant que la plupart des gens – dont moi – l’aurait pris pour un fou ou encore nos racines communes du Yorkshire.

    Plus j’en apprenais à son sujet, plus il me fascinait. Oui, c’était un homme audacieux, vaniteux, excentrique et je comprends très bien que la presse des années 1930 l’ait surnommé « le Fou du Yorkshire ». Naïveté ou insouciance… il sous-estimait la difficulté de l’ascension et se reposait entièrement sur sa foi absolue, ne faisant ainsi aucun effort pour apprendre les techniques qui auraient pu l’aider. Je pense qu’il était inflexible, d’un entêtement démesuré et qu’il n’acceptait aucun compromis. Mais il y avait aussi beaucoup de courage, d’altruisme et une grande sincérité dans son ambition. Je sais qu’il n’avait pas plus d’expérience en alpinisme que moi, et je trouve donc son histoire fascinante, même s’il est loin d’être le seul à avoir essayé de gravir le plus haut sommet de notre terre et à avoir échoué dans cette entreprise. Ce qu’il réussit à faire témoigne de sa foi et de sa confiance en lui. Pour moi, chez les hommes qui tentent envers et contre tout de faire de leur rêve une réalité il y a quelque chose qui nous interpelle, nous tous, quelle que soit notre situation. Maurice Wilson est l’un de ces hommes. Il est allé sur l’Everest en 1934, soit dix ans après la célèbre tentative de Mallory et Irvine, et au milieu d’une succession d’expéditions officielles dont faisaient partie quelques-uns des alpinistes les plus expérimentés de l’époque. Or, il faudra encore attendre dix-neuf ans avant qu’Hillary et Tenzing n’atteignent le Toit du Monde et n’en redescendent pour raconter leur aventure.

    Maurice Wilson est né à Bradford le 21 avril 1898 ; il avait trois frères. Ses parents, Mark et Sarah Wilson, étaient connus pour leurs actions charitables en faveur des pauvres qui vivaient difficilement dans les rues encombrées et enfumées du quartier qui s’élevait sur la colline jusqu’à Great Horton. À la naissance de Maurice, Mark Wilson était contremaître dans une fabrique de tissu en laine peignée, puis il réussit à devenir fabricant de laine, principal associé de la Mark Wilson Limited de Holme Top Mills. Il pensait, bien sûr, que ses fils travailleraient avec lui dans le textile, Maurice Wilson commença donc son apprentissage en 1914.

    Comme bien des projets personnels de tant de familles, la Première Guerre mondiale va balayer les ambitions de Mark pour son fils. En avril 1916, à l’âge de 18 ans, Maurice s’engage comme soldat dans le 5e bataillon du régiment du West Yorkshire (régiment du Prince de Galles). Après une formation en disciplines physiques, en techniques de combat, en maniement des armes et en commandement, il est nommé sous-lieutenant, puis envoyé en France en 1917.

    Son régiment fait partie de la 146e brigade d’infanterie (49e division) qui participe, cette année-là, aux longues batailles d’Ypres. Maurice Wilson est membre d’un groupe connu dans l’Armée sous le nom de PBI, « Poor Bloody Infantry ». On leur confie les missions les plus dangereuses sur le front et on leur assigne, en plus, des tâches physiques très pénibles comme le transport de lourdes charges, le nettoyage des tranchées, la réparation des murs de bois et des sacs de sable ou la pose de barbelés. Le régime habituel est quatre jours au front, puis quatre jours en réserve dans les tranchées, derrière les premières lignes, et enfin quatre jours de repos. Les hommes sont entassés, formant comme un bourbier de corps, de maladie et de vermine, et passent de longues heures d’attente et d’ennui rompues seulement par les ordres de passage à l’action avec tout ce que le combat peut impliquer.

    Maurice Wilson reçut la Croix de Guerre pour sa participation à ces combats sans espoir. Toutes les remises de médailles pour bravoure pendant la Première Guerre mondiale étaient publiées dans les gazettes officielles, aujourd’hui disponibles sur internet. Je me bagarrai avec le logiciel de recherche… et triomphai en trouvant finalement la mention de sa médaille, citée l’année suivante, dans l’un des suppléments de la London Gazette du 13 septembre 1918. Il n’y a qu’un seul paragraphe, parmi des centaines, concernant tant d’autres hommes, et chaque paragraphe est un bref compte-rendu imprimé en petits caractères. Même sur l’écran d’un ordinateur, le sobre contenu de ces vieilles pages donnaient l’image poignante de cette sombre époque, tout comme ces photos de croix alignées dans les cimetières militaires. Chaque compte-rendu rappelle de manière sèche et concise l’histoire de chacun. Voici celui concernant Maurice Wilson :

    Sous-lieutenant Maurice Wilson, W York R

    Pour sa remarquable bravoure et son dévouement au devoir. A tenu un poste en avant de la ligne sous un très fort bombardement et sous le feu de mitrailleuses venant de chaque flanc, après le retrait des mitrailleuses couvrant ses flancs. L’attaque de l’ennemi échoua en grande partie grâce à son courage et à sa détermination à tenir son poste.¹

    Après cet événement, mais toujours pendant sa période à Ypres, Maurice Wilson fut gravement blessé par le feu d’une mitrailleuse. Il passa alors plusieurs mois à l’hôpital, en convalescence, d’abord en France puis en Angleterre. Il se remit suffisamment pour rejoindre son régiment et servir comme capitaine jusqu’à l’armistice, mais son bras gauche affaibli ne guérit jamais tout à fait et le fit souffrir le restant de sa vie.

    En songeant à la boue, à l’horreur et à la mort dans les tranchées, il me semble aisé de comprendre pourquoi Maurice Wilson eut du mal à s’adapter à la routine et à la monotonie de l’activité textile à Bradford. Il savait désormais que le monde avait de plus vastes horizons, il se rendait également compte que ses pensées, émotions et souvenirs l’avaient suivi à son retour de France. Après la mort de son père, il épousa alors Béatrice Hardy Slater, peut-être pour tenter de se construire une vie normale et ordinaire, peut-être aussi pour retrouver un peu de stabilité ou même pour apaiser les craintes de sa mère à son sujet. La cérémonie eut lieu le 20 juillet 1922 en l’église Saint-Jean, Great Horton. Il avait 24 ans, le registre du mariage indique qu’il était commerçant et que son épouse avait 22 ans. Mais les cloches du mariage ne garantissent pas le bonheur et même l’amour partagé du jeune couple ne réussit pas à attacher Maurice Wilson au Yorkshire.

    Il partit donc à Londres, y resta quelque temps, avant d’émigrer, d’abord aux États-Unis puis en Nouvelle Zélande où, après s’être occupé d’élevage, il dirigea avec succès une boutique de vêtements à Wellington. C’est là que son mariage avec Béatrice se termina par un divorce en février 1926. Quatre jours plus tard, il épousait Ruby Russell qui venait de Tasmanie, mais vivait comme lui à Wellington.

    Mais cette fois encore ce n’est pas suffisant ! Quelques années plus tard, il décide soudain de quitter son pays d’adoption et s’embarque sur un cargo en partance pour l’Angleterre. Sa mère et ses frères, pensant son errance enfin terminée, l’accueillent à son retour, mais il choisit d’habiter et de travailler à Londres. Il veut prendre un nouveau départ mais, hésitant et déprimé, il s’interroge sur ce qu’il a accompli jusqu’ici, sur le but de son existence et sur le sens de toute chose.

    Londres lui est familière et il y connaît du monde, mais c’est avec Leonard et Enid Evans qu’il nouera les liens d’amitié les plus forts. Il rencontre Léonard Evans en achetant une voiture et leur relation prend rapidement une tournure affectueuse. Leurs liens se resserrent et ils passent beaucoup de temps ensemble.

    Plusieurs mois après son arrivée à Londres, il tombe gravement malade. Il souffre d’une toux douloureuse, probablement signe de tuberculose, et semble également atteint de dépression. Il perd du poids, ses yeux mornes et tristes s’enfoncent dans ses joues creuses et chaque jour est, pour lui, une bataille plus grise et plus sinistre que le jour précédent.

    Désespéré, il consulte un guérisseur qui lui conseille de jeûner pendant 35 jours, de ne boire qu’un peu d’eau et de prier Dieu pour qu’il lui accorde de « renaître ». Wilson arrête alors toutes ses activités courantes, suit ces instructions à la lettre, se plonge dans le silence, la prière et la méditation pour trouver la foi et une réponse à sa quête. Enfin, il se sent prêt… Prêt à affronter à nouveau le monde ! Certes, il est physiquement affaibli, mais la tristesse profonde qui l’écrasait a disparu et mentalement il se sent plus fort qu’il ne l’a jamais été depuis des années. Il n’ose encore croire qu’il est sorti de sa dépression, s’octroie deux mois de repos et part pour la Forêt Noire afin de récupérer.

    Là, chaque jour il se sent mieux, plus serein et plus en paix. Son traitement a réussi, il est heureux, oui, la vie lui semble même agréable. Et peu à peu, il se persuade que si la foi l’a tant aidé, elle peut aussi aider les autres. Peut-être se souvient-il également de la force tranquille et de la simplicité des yogis indiens qu’il avait rencontrés pendant son voyage maritime en rentrant de Nouvelle-Zélande…

    Quoi qu’il en soit, Maurice Wilson est alors convaincu que, dans notre monde où règnent la misère et la souffrance, tout peut changer si les hommes ont suffisamment de foi. Reste la difficulté de convaincre des millions de sceptiques que c’est là, la bonne réponse.

    Pendant son voyage de convalescence en Allemagne, il aura brusquement l’intuition de ce qu’allait désormais être le sens de sa vie. Dans un café à Fribourg, il lit par hasard un article en lambeaux et taché de confiture sur l’expédition à l’Everest de 1924 et la disparition de Mallory et d’Irvine. À titre personnel, il ne ressent pas l’appel des sommets, mais cet article est comme un déclencheur. La foi peut bouger des montagnes, elle peut donc aider les hommes à les gravir – plus particulièrement, elle peut aider un homme à gravir une montagne. Et si un homme peut réussir là où toute une expédition a si notoirement échoué, alors, quelle meilleure preuve du pouvoir absolu de la foi pourrait-on donner au monde ?

    Et c’est ainsi que Maurice Wilson allait finalement donner sa vie pour montrer au monde comment vivre. Mais comme beaucoup de personnes résolues, sa détermination et sa concentration étaient si complètes qu’il refusait de voir la démesure de l’entreprise ; il ne pouvait supporter d’être vaincu, ni par les forces de la nature, ni par sa méconnaissance de l’alpinisme. Il se laissa ainsi dévorer entièrement par ce qui n’était au départ que sa manière de démontrer sa foi, qu’un moyen donc pour arriver à son but. S’il avait été différent, il est vrai qu’il n’aurait sans doute jamais atteint le Tibet. Mais qu’il ait été fou, courageux, naïvement stupide ou les trois à la fois, sa motivation initiale était généreuse. Bien sûr, son caractère complexe s’expliquait aussi par le désir de gloire, l’ambition et l’ego : être le premier à « apporter la lumière au monde » ! Élément intéressant pour comprendre cet homme : son ambition suprême, son projet après l’Everest, était de construire un engin volant qui le conduirait dans l’espace, au-delà de l’atmosphère terrestre…

    Lorsque Maurice Wilson quitta Londres pour le Tibet, il confia tous ses papiers à Léonard et Enid Evans, dont il fit également ses exécuteurs testamentaires. Le journal que l’on trouva sur lui est un petit carnet relié qu’il avait acheté à Darjeeling, et dont environ la moitié des pages était griffonée au crayon d’une écriture penchée. Après la page de garde, on trouve ces mots notés de sa main : « Pensées fugitives », et aussi le chiffre 3, suivi de quelques mots illisibles. Avait-il déjà rempli deux autres carnets depuis le début de son voyage ? Peut-être l’un sur son périple en avion et le deuxième sur ses aventures en Inde ? Les avait-il envoyés à Léonard et Enid à Londres, avec peut-être aussi son livret de vol ? Des parties de son journal laissent penser qu’il écrivait à ses amis, surtout à Enid qui lui était particulièrement chère.

    Ce carnet fut racheté par L. E. Frank et donné à l’Alpine Club en 1965. Il fait partie des archives du club à Londres. C’est un document fascinant, mais frustrant. Il contient un certain nombre de descriptions détaillées. Par exemple, Maurice Wilson enregistre presque obsessionnellement ce qu’il mange (certes, de nombreux trekkeurs ou grimpeurs en Himalaya ont fait de même). Mais il y a très peu de remarques sur le pays qu’il traverse ou sur ce qu’il voit et encore moins sur ce qu’il pense. Tout, même son texte, est focalisé sur l’atteinte du sommet. Ceux d’entre nous qui veulent avoir une idée plus large et plus pittoresque de ce qu’ont pu être sa marche au Tibet et ses tentatives sur la montagne, devront consulter les récits des membres des premières expéditions sur l’Everest. Fort heureusement, ces derniers ont décrit avec force détails et couleurs leurs aventures personnelles et leurs livres sont précieux.

    J’ai trouvé la lecture du texte de Maurice Wilson émouvante et passionnante. Au début je fus surprise de voir qu’il l’avait écrit au crayon – mais je découvris alors que les stylos-billes n’avaient été commercialisés qu’en 1945, et l’encre d’un stylo aurait pu faire des tâches à basse altitude et geler plus haut sur la montagne. Une partie du carnet est illisible, pas surprenant tant d’années plus tard et sachant surtout qu’il a été exposé aux éléments pendant plus d’un an, avant la découverte du corps de Wilson par les membres de l’expédition de 1935. Avec une loupe je pus, avec peine, décrypter son écriture fine et serrée – et il me semblait alors que sa voix traversait les années, me racontait son histoire, me faisait parfois partager ses pensées et parfois non. Par moment, il me semblait que mon attention diminuait, car ses mots… il ne les avait pas écrits pour moi ! Sachant ce qui l’attendait, je frissonnais en lisant le texte de ses derniers jours, une voix en moi-même lui disait d’arrêter et de redescendre – mais c’était trop tard, tout ce que je pouvais faire était de continuer à lire jusqu’à voir son histoire arriver à sa fin.

    Mais j’anticipe. Pour l’instant nous sommes en 1932, et c’est le début de l’aventure de Maurice Wilson sur l’Everest qui nous occupe.


    1. 3e supplément à la London Gazette du vendredi 13 septembre 1918 (date de l’article : lundi 16 septembre 1918).

    MONTAGNE, MYTHES ET MYSTÈRE

    Vers les lieux à l’état sauvage, vers les parois du glacier de Chomolungma, j’allais, dans l’ardent désir de solitude.

    Milarepa¹

    Il y a quelque chose de spécial avec l’Everest – Chomolungma pour les Tibétains, la déesse mère – le Toit du Monde. L’Everest représente quelque chose, même pour ceux qui n’aiment pas les montagnes. Et pour ceux d’entre nous qui, pour de nombreuses raisons, les aiment, l’Everest exerce comme une attirance et une fascination, même si d’autres sommets peuvent être plus près de nos cœurs.

    De nos jours, ce sommet nous est très familier, grâce aux journaux, aux livres, aux films et pour quelques privilégiés, grâce à leur propre expérience. Cela va de soi bien sûr, pendant des milliers d’années il est resté inconnu, passant juste pour l’un des sommets d’un groupe de hautes montagnes.

    La chaîne de l’Himalaya est vaste, sa longueur égale à peu près la moitié de la largeur de l’Atlantique, elle comporte plus de cent sommets de plus de 7 300 m et vingt au-dessus de 8 000 m. Elle traverse toute l’Asie, séparant pays, populations, climats et modes de vie. Au sud des montagnes, le paysage est luxuriant, il y a des forêts, des fermes et des champs cultivés, enrichis par les pluies de la mousson et la chaleur constante. Au nord, le climat est sec, aride, avec des températures extrêmes allant de la chaleur étouffante au froid paralysant ; il n’y a pratiquement aucun arbre, la végétation est rare et peu de champs

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