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Les mystères de l'Everest: Un récit d'une première ascension réussie
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Les mystères de l'Everest: Un récit d'une première ascension réussie
Livre électronique536 pages6 heures

Les mystères de l'Everest: Un récit d'une première ascension réussie

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À propos de ce livre électronique

Retour sur l’expédition réussie de 1953 sur l’Everest

Dans cet ouvrage historique, Michael Ward apporte non seulement un éclairage nouveau sur l’expédition de 1953 qui réussit l’ascension du toit du monde, mais fournit une monographie complète des événements qui ont menés à sa conquête.   À travers le récit d’un siècle d’exploration et d’études scientifiques sur les problèmes physiologiques liés à l’altitude, l’auteur nous éclaire sur les véritables raisons qui ont menées l’équipe britannique, pourtant loin d’avoir le niveau technique des équipes concurrentes des pays alpins comme la Suisse, l’Allemagne, l’Italie et la France, à réussir là où tant d’autres avaient échoué.

Contrairement à ce qu’a fait croire le récit officiel du chef d’expédition britannique John Hunt, l’héroïsme et les qualités spécifiques des vainqueurs ne seraient plus les seuls facteurs de réussite. Dans cet ouvrage historique et polémique en son temps, justice est rendue aux progrès de la science et à l’exploration topographique, qui ont d’autres héros que ceux de l’histoire officielle.

Un roman historique mais aussi un merveilleux récit d’aventures de l’extrême

EXTRAIT

L’Everest enjambe les frontières du Tibet et du Népal juste au sud du tropique du Cancer. Il est entouré de plusieurs des plus hauts sommets du monde, en une masse spectaculairement belle faite de cols, gorges, sommets et glaciers. Alors qu’au nord, l’Everest est clairement visible des plaines tibétaines, du Népal, au sud, il est caché jusqu’à ce que l’on s’en approche de très près et que sa hauteur domine tous les autres sommets. Sa position entre deux des pays les moins politiquement accessibles explique aussi, contrairement à d’autres sommets élevés et facilement visibles, tel que le Kangchenjunga, près de Darjeeling, qu’il resta inconnu du monde occidental jusqu’au milieu du XIXe siècle et que la première carte complète de la région de l’Everest ne fut disponible qu’en 1961.

L’autre aspect unique de l’Everest réside dans le fait qu’étant 300 mètres plus haut que tout autre sommet, son ascension a toujours été principalement un problème médical plutôt qu’un problème alpin ; sa position près du tropique du Cancer, à 28°N, fait qu’à une altitude équivalente, on y trouve une pression barométrique supérieure à celle des régions polaires ainsi qu’une pression supérieure de l’oxygène ; il est possible, mais tout juste, de le gravir sans l’aide d’appareils à oxygène. Toutefois, en faisant cela, l’alpiniste est comme sur le fil d’un rasoir, entre le succès d’un côté, et l’échec et une mort probable de l’autre. Ce sont ces deux facteurs de défi médical et d’inaccessibilité qui ont donné à ce sommet un statut quasiment mythique.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Michael Phelps Ward, 1925-2005. Alpiniste et chirurgien londonien émérite, il fut, en 1953, le médecin de l’expédition victorieuse qui offrit aux britanniques la gloire de la conquête du plus haut sommet du monde. Dès 1951, il escalada, explora et cartographia sa région et fit des recherches médicales dans les grandes chaînes montagneuses de l’Himalaya, au Tibet, au Népal, au Bhoutan et au Pamir.
LangueFrançais
ÉditeurMontblanc
Date de sortie27 juin 2014
ISBN9782511023914
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    Aperçu du livre

    Les mystères de l'Everest - Michael Ward

    AVANT-PROPOS

    Michael Ward, alpiniste et chirurgien londonien émérite, décédé en 2005 fut l’un des acteurs principaux des événements cruciaux qui conduisirent à la conquête de l’Everest. Vers la fin de 1950, médecin dans la brigade des Gardes de Sa Majesté, il découvrit la « voie par le sud » à partir de recherches dans les archives négligées et non cataloguées de la Royal Geographical Society où il trouva la carte oubliée de Milne et Hinks ainsi qu’une série de photographies prises à la fin des années 1940 lors de survols gardés secrets de l’Everest. Cette découverte fut confirmée en 1951 par l’expédition d’exploration qu’il initia. En 1953 il fut le médecin de l’expédition victorieuse.

    A partir de 1951 il escalada, explora, cartographia et fit des recherches médicales dans les grandes chaînes montagneuses de l’Himalaya, au Tibet, Népal, Bhoutan et Pamir. Il fit en 1961 la première ascension de l’Ama Dablam, en hiver, le « Cervin de l’Everest », qui ne fut répétée que 18 ans plus tard et fut le chef de l’expédition victorieuse au Mont Kongur avec Chris Bonington. Titulaire de la médaille du «Founder Gold Medal de la Royal Geographical Society», il put avoir accès à des informations peu connues pour compléter la « biographie » de la plus haute montagne du monde. La reconnaissance de ses talents de chirurgien et de ses travaux sur la médecine de l’altitude lui valut d’être nommé «Master of the Worshipful Society of Apothecaries», une des plus anciennes guildes britanniques (origine : 1180), celle des médecins, chirurgiens et pharmaciens.

    A partir de 1951, Griffith Pugh, un scientifique qui pendant la Deuxième Guerre mondiale, avait fait des études sur les problèmes physiologiques en altitude et entraîné au Liban des soldats au combat en montagne, se joignit à lui ainsi qu’à des scientifiques de la « Royal Society » et du « Medical Reseach Council ». Il définit et conduisit les recherches essentielles sur les problèmes dus à l’altitude extrême, clé du succès de la première ascension.

    La conquête par les britanniques du plus haut sommet du monde, le dernier des grands problèmes d’exploration sur notre terre résolus par l’homme, après les pôles nord et sud, se produisit deux jours avant le couronnement de l’actuelle reine d’Angleterre pour sa plus grande gloire. Dans l’imaginaire des britanniques, cet événement, au retentissement quasi magique alors, représente toujours aujourd’hui la dernière des plus grandes aventures du siècle dont chacun d’eux se souvient avec émotion et fierté. 60 ans après cet événement exceptionnel, il paraissait impensable que l’on puisse encore découvrir des éléments nouveaux. Et pourtant il s’agit ici, non seulement de la première monographie globale de l’histoire de l’Everest au cours des siècles mais aussi d’un éclairage nouveau sur la première ascension de 1953 : on comprend d’une manière lumineuse les raisons de la réussite de l’équipe britannique de 1953, qui était pourtant loin d’avoir le niveau technique des équipes concurrentes que pouvaient aligner des pays alpins comme la Suisse, l’Allemagne, l’Italie et la France.

    Toutefois, le problème posé par l’ascension des 300 derniers mètres de l’Everest n’était pas un problème de technique d’escalade. Il fallait résoudre une équation physiologique redoutable : comment dans cette « zone de la mort » conserver suffisamment de force et de volonté pour aller au sommet et en revenir vivant. Quand au reste, il fallait une organisation, une audace et un courage sans faille, ce dont ne manquaient pas les alpinistes britanniques. C’est la solution de cette équation qui prit plus de trente ans et nécessita 10 expéditions avec de nombreux drames que nous raconte Michael Ward.

    Michael Ward nous fait découvrir des personnages comme Griffith Pugh, le scientifique largement ignoré jusqu’à ce jour, sans lequel aucun succès n’aurait été possible, Tom Bourdillon et Charles Evans qui atteignirent le sommet sud de l’Everest à 100 mètres sous le sommet principal et qui durent redescendre ! Alors qu’il l’avait fait pour l’équipe victorieuse dont le grand public aura retenu les noms, Hillary et Tenzing, le chef de l’expédition, John Hunt, décida de ne pas leur établir de camp supérieur, décision fortement contestée par Michael Ward¹. «Tous les anciens des tentatives précédentes nous avaient répété maintes et maintes fois d’établir un camp supérieur suffisamment élevé et le sens commun nous dictait de prévoir deux cordées d’assaut » (Michael Ward, In This Short Span, 1972). Pour lui, ses camarades Tom Bourdillon et Charles Evans n’avaient aucune chance. De fait, partant du col sud, atteignant le sommet sud, ils n’eurent plus assez d’oxygène pour aller au sommet et en revenir vivants, un choix véritablement cornélien.

    Au cours de mes recherches dans le milieu de l’alpinisme britannique pour traduire et faire publier son livre en France, j’ai découvert beaucoup plus que ce que Michael Ward a décidé d’écrire. Tout d’abord, je me suis rendu compte que le livre de Michael Ward faisait polémique. John Hunt, le leader, des membres de l’Alpine club et des « gentlemen » de l’establishment ont été irrités par cette mise en avant de la science comme clé du succès alors que pour eux, l’organisation et le leadership de John Hunt, l’ambition et la volonté d’Hillary et de Tenzing ainsi que le travail d’équipe étaient plus importants. De même ils n’admettaient pas la contestation de la décision du plan d’assaut par Michael Ward. En réalité, John Hunt même s’il n’avait aucune confiance, comme Griffith Pugh en la fiabilité des appareils à circuit fermé, avait été persuadé par les Bourdillon père et fils qui les avaient mis conçus que comme il serait très aléatoire d’effectuer deux portages à un camp supérieur, il fallait qu’une des deux tentatives prévues se fasse directement du col sud et pour cela seuls les appareils à circuit fermé le permettait grâce à leur plus grande autonomie. C’est ce que tend à démontre une lettre non publiée de Hunt à l’éditeur de l’Alpine Club citée par Harriet Tuckey. Quoi qu’il en soit, cette tentative pour Hunt était comme une reconnaissance que l’on effectue avant un assaut en terrain incertain et donc avait toute son utilité. Par ailleurs, John Hunt, comme l’eut fait typiquement tout officier supérieur, refusa de donner la moindre explication sur sa décision à ses « troupes », lorsqu’elle fut contestée ; puis une fois l’histoire officielle écrite par lui-même dès 1953, il garda cette position toute sa vie.

    Le regard « clinique » du « chirurgien » Michael Ward, l’un de ceux qui vécurent l’événement, est donc dérangeant, encore aujourd’hui, pour une partie du petit monde de la gent montagnarde britannique qui, comme ses homologues dans le reste du monde, a une tendance naturelle à mettre en avant, parfois de manière exagérée, les exploits individuels ou collectifs. Cette remise en cause de l’histoire officielle fut ressentie comme un crime de quasi lèse-majesté, en tout premier lieu par John Hunt lui-même qui tenta jusqu’au bout de convaincre Michael de changer de position.

    Les deux vainqueurs de l’Everest n’étant pas anglais, il fallait en choisir un qui le fut et en faire un héros : John Hunt, le chef d’expédition était parfait pour ce rôle. Déjà récompensé pour ses faits militaires pendant la Deuxième Guerre mondiale, sur le front italien et en Grèce (DSO et CBE²), c’est à lui que revinrent les plus grands honneurs : Knight bachelor³ pour commencer. 3 ans après l’Everest, il devint le premier directeur général du programme d’activités sportives pour les jeunes créé par le Duc d’Edinburgh, poste qu’il occupa pendant dix ans. En récompense, il fut fait Baron de Llanvair Waterdine en 1966, siégea dans plusieurs commissions à la chambre des Lords, et enfin, honneur suprême, il devint Chevalier de l’ordre de la Jarretière en 1979, le plus ancien et le plus prestigieux des ordres chevaleresques britanniques, limité à 24 chevaliers, à la devise illustre « Honi soit qui mal y pense ».

    En réalité, toutes les expéditions britanniques précédentes avaient une excellente logistique et d’excellents leaders. Des militaires des l’armée des Indes du rang de colonel et même de général (C.G. Bruce), à défaut, un administrateur civil des Indes à la parfaite connaissance du pays comme Hugh Ruttledge, ainsi que des officiers et de sous-officiers de l’armée des Indes, maîtrisant les dialectes locaux et spécifiquement en charge de la logistique, comme Charles Wylie. Sa contribution fut particulièrement efficace lorsqu’il fallut rattraper le retard dû au mauvais temps et effectuer les portages critiques au col sud qu’il conduisit avec Wilfrid Noyce (brillant alpiniste qui lui aussi avait servi dans l’armée des Indes et parlait les dialectes locaux) ainsi qu’avec Tenzing lui-même dans sa fonction de sirdar (chef des sherpas) le plus expérimenté de l’époque. C’est ce qui permit les deux assauts planifiés vers le sommet. Pour bien comprendre l’importance qu’eurent les portages effectués par les sherpas lors de l’expédition victorieuse, il suffit de faire la comparaison avec celle de Raymond Lambert au printemps 1952. Pour la tentative de Tenzing et Lambert, 4 sherpas seulement dont Tenzing atteignirent le col sud ainsi que 3 alpinistes suisses. En 1953, treize sherpas atteignirent le col sud, six d’entre eux à deux reprises portant plus de 300 kilos pour permettre aux deux tentatives d’avoir lieu. Les alpinistes eux, étaient les meilleurs britanniques de leur époque. La « supériorité » que s’attribuait John Hunt pour son organisation était une condition nécessaire, sans plus. Ce n’est certainement pas cette capacité parfaitement maîtrisée par les expéditions précédentes qui toutes échouèrent qui fut la clé de la victoire de 1953. C’était une condition nécessaire, sans plus.

    La grande nouveauté était que les scientifiques avaient établi les programmes d’acclimatation, les mesures d’hygiène, les règles pour l’alimentation, l’utilisation des équipements et particulièrement des appareils à oxygène, et imposé au chef d’expédition avec la présence de Griffith Pugh, son principal architecte. Quant à l’équipe constituée, à part deux alpinistes recrutés par John Hunt et sans expérience himalayenne, c’était celle formée par Eric Shipton, écarté comme leader au profit de John Hunt. De plus, l’année précédente, les suisses avaient finalement trouvé la meilleure voie pour atteindre le sommet en passant par la face sud du Lhotse ; par ailleurs des vivres et bouteilles d’oxygène laissés sur place par les suisses bénéficièrent à l’expédition britannique. C’est dire à quel point la tâche de John Hunt fut facilitée. Comme la plupart des membres de l’expédition le dirent plus tard, la maîtrise qu’ils possédaient des éléments leur permettant de réussir était telle qu’avec John Hunt ou un autre, ils seraient allés au sommet.

    Ignorant l’avis médical négatif de Michael Ward⁴, John Hunt décida de conduire l’équipe d’appui devant installer le camp supérieur pour la cordée victorieuse. Avec Da Namgyal, il atteignit l’altitude de 8350 m où, épuisés, ils abandonnèrent leurs charges, Hunt montrant des signes évidents d’une dégradation physique sévère due à l’altitude. Hunt aurait pu y laisser la vie sans l’aide d’Hillary et de Tenzing qui montèrent à sa rencontre pour l’aider à descendre jusqu’au col, mais Hunt s’effondra et Hillary dut aller chercher son appareil à oxygène au col et grâce à un débit de 10 L/m Hunt parvint jusqu’aux tentes. Leur objectif était d’établir le camp supérieur vers 8500 m. Heureusement, grâce aux règles établies par Griffith Pugh et Michael watd, il y avait suffisamment d’alpinistes en très grande forme. Aussi, l’équipe de soutien suivante, composée de Alf Gregory et d’Ang Nyima, renforcée par George Lowe qui, ne tenant pas en place, était monté au col sud de son propre gré, put récupérer les charges abandonnées par John Hunt et son sherpa. Hillary, dans une forme superbe, prit lui-même la tente Meade nécessaire pour passer la nuit finalement à 8425 m, en sécurité, portant ainsi le poids étonnant à cette altitude de 29 kilos.

    Tout cela ne diminue en rien les qualités réelles de John Hunt, qualités à la fois humaines et de chef d’expédition que tous attestent, y compris le « rebelle » Michael Ward. Hunt, comme pendant la guerre où il gagna ses médailles à la tête de ses hommes ne supportait pas d’être « à l’arrière » et alla jusqu’au bout de ses forces, ce qui est tout à son honneur. Il n’était vraiment pas nécessaire d’en rajouter, sinon pour réfuter les vraies raisons du succès avancées par Michael Ward qui sont pourtant beaucoup plus crédibles. Il n’était pas non plus nécessaire de vouloir continuer à faire croire au mythe de l’excellence du chef, forgé au cours des soixante dernières années. Il faut noter que l’esprit d’équipe de l’expédition fut excellent, mais cela n’empêcha pas les ambitions personnelles d’exister et de se manifester. Toutefois, l’histoire officielle n’en dit rien. Par exemple : Tenzing qui avait accepté de participer à l’expédition à la condition expresse qu’il soit considéré un membre à part entière des équipes d’assaut, fut très contrarié en apprenant qu’il ne faisait pas partie de la première équipe et s’en plaignit à John Hunt. De même, il manifesta sa déception lorsqu’ il crut que Tom Bourdillon et Evans avaient atteint le sommet. Autres exemples : l’ambition forcenée de l’herculéen Tom Bourdillon voulant être le premier au sommet et sa croyance exagérée en la fiabilité de son appareil d’oxygène à circuit fermé, heureusement tempérées par le calme et pondéré Charles Evans qui le persuada de renoncer au point de non-retour. Ou bien John Hunt lui-même qui aurait voulu faire partie de la cordée victorieuse et qui même à bout de forces eut du mal à se décider enfin à quitter le col sud. Toutes ambitions parfaitement légitimes, mais qui furent passées à la trappe dans le récit « officiel », tout comme le réel crédit qui aurait dû être attribué à Griffith Pugh pour sa contribution pourtant essentielle. Après avoir échoué à conquérir les deux pôles, il n’était pas question pour les responsables du comité de l’Himalaya d’échouer dans la conquête du plus haut sommet du monde. En 1951, ils eurent la frayeur de leur vie lorsque le Népal donna l’autorisation de gravir l’Everest aux Suisses pour 1952. Redoutant que le Népal ne donne en plus l’autorisation aux français l’année suivante, ils envoyèrent un émissaire auprès de Lucien Devies, le tout puissant président du comité de l’Himalaya français et ce dernier leur laissa la priorité avec le plus grand « fair play »⁵. Les travaux scientifiques entrepris à partir de 1951 furent décidés par le comité Himalayen dans le but spécifique de vaincre l’Everest. C’était la dernière chance des britanniques. S’ils échouaient en 1953, les Français réussiraient en 1954 et sinon les Suisses l’année suivante. Aussi cette expédition fut conçue comme « une opération de guerre » et John Hunt, choisi pour ses qualités militaires en premier chef, la conduisit comme telle⁶. Hillary écrivit que lors de sa première rencontre avec John Hunt, ce dernier lui avait déclaré : « j’ai l’intention de diriger l’expédition de la ligne de front ». Et c’est ce qu’il fit.

    La polémique débuta lorsque Michael Ward publia un livre de souvenirs « In This Short Span » en 1972. Il y exposait son désaccord avec le plan d’assaut de John Hunt et les travaux scientifiques, pour lui la clé du succès. Auparavant, Michael Ward avait été trop occupé par ses activités de chirurgien, ses travaux de recherche et ses expéditions en Himalaya. Il n’était plus le jeune médecin de 27 ans de 1953, mais un chirurgien émérite de 46 ans, le fondateur de la médecine de l’altitude, grâce en particulier à l’expédition scientifique de la « hutte d’argent » (1961) où il accompagna Griffith Pugh qui la dirigeait. Mais pour John Hunt il était resté le jeune capitaine de 1953, son subordonné. La polémique prit une véritable ampleur lors d’une prise de parole de Michael Ward en 1973 au 20e anniversaire de l’ascension en présence du duc d’Edinburgh. Il développa sa thèse, attribuant l’essentiel du mérite à Griffith Pugh. Après son exposé, John Hunt l’interpella, furieux, lui disant que « personne ne veut entendre parler de toute cette science », rajoutant devant le silence ironique de Michael : « je déteste les scientifiques », puis se tournant vers un autre membre de l’expédition : «quelqu’un devrait faire taire Ward ! » Michael s’était définitivement rendu très impopulaire auprès de John Hunt et de ses admirateurs. En préparation du 40e anniversaire, apprenant que Michael allait publier un article dans le Journal de l’Alpine club sur l’ascension de 1953, John Hunt tenta de l’influencer par l’intermédiaire de l’éditeur pour qu’il ne mentionne pas leur divergence sur le plan d’assaut et ne mette pas en avant la science comme le point clé de leur succès. Michael refusa : intellectuellement et moralement incorruptible il n’avait que dédain envers ces affirmations contraires à la vérité. Cette attitude ne fit qu’exaspérer ses adversaires et John Hunt finit par dire que Michael Ward ne l’aimait pas pour refuser d’admettre ainsi sa suprématie, qui pour lui, allait de soi. En 2003, d’autres personnes tentèrent d’obtenir le manuscrit avant publication disant que Michael n’avait ni droit ni autorité suffisante pour écrire un livre sur l’Everest ! Cette requête avait pour but de corriger le texte de Michael de manière à rester fidèle au texte officiel écrit par Hunt 50 ans auparavant. Encore une fois, Michael Ward refusa.

    En Grande Bretagne, les clubs de «gentlemen» de l’époque Victorienne existaient toujours et ceux qui dérogaient aux règles de bienséance, en particulier en se montrant ennuyeux ou pédants dans la démonstration de leur « science » étaient mal vus par les membres les plus traditionalistes. C.J. Morris un membre de l’expédition de 1922 (encore un officier des Gurkhas en charge de la logistique) cita une anecdote au sujet du lieutenant-colonel Strutt. Membre très influent de l’Alpine club, second du Général Bruce, et par ailleurs, excellent alpiniste, Strutt vit une photo de Georges Finch en train de réparer lui-même ses chaussures (Finch brillant alpiniste et scientifique émérite ne faisait pas partie de « l’establishment » car il n’avait étudié ni à Cambridge ni à Oxford, mais à Paris et à Zurich). Cela renforça son opinion qu’un scientifique était une sorte d’ouvrier, indigne d’être un gentleman et il s’exclama : « je le savais, ce garçon est une merde ! », ce qui ne les empêcha pas de devenir amis par la suite lors de l’expédition ! Néanmoins, La candidature de Finch à l’expédition de 1924, où périrent Mallory et Irvine, fut rejetée sous un prétexte fallacieux. Pourtant il était le meilleur spécialiste des appareils à oxygène. Les « anti-science » avaient encore gagné ! Pour nous français, qui plus est, cartésiens de part notre éducation, il faut dire que les voies des « gentlemen » sont impénétrables ; ce qui nous paraîtra ridicule ou extravagant, ne le sera pas forcément pour eux. Pour mieux comprendre ces « singularités » britanniques, il faut comprendre qu’un britannique sans club n’est pas tout à fait britannique ! Les anglais adorent leurs clubs. Dans les années soixante, grimpant en Angleterre, une de ces règles « orales » était que si une première avait été faite avec deux pitons, en placer un de plus vous valait l’exclusion à vie de votre club ! Et cela signifiait que vous pouviez désormais choisir la natation ou un autre sport car plus personne n’accepterait de grimper avec vous ! L’éthique était primordiale et l’est toujours. Contrairement aux clubs alpins en France, Italie, Allemagne, Suisse et la quasi-totalité des pays européens, qui ont une couverture nationale et qui sont pour la majorité d’entre eux « républicains », le système britannique des clubs de grimpeurs est formé de plus de 300 clubs dont le plus ancien au monde (créé en 1857) est l’Alpine club qui n’a que 1500 membres soit moins de 2,5% du total des grimpeurs britanniques et du Club alpin français. Il en avait cinq fois moins en 1953. C’est un des clubs de « gentlemen » qui a su le mieux évoluer vers la fin des années soixante, en particulier en intégrant en 1967 l’« Alpine Climbing Group » (Michael Ward et Tom Bourdillon, son premier président, en avaient été membres fondateurs) où l’on trouvait la crème des grimpeurs britanniques de l’époque dont Joe Brown et Don Whillans venant de la classe ouvrière. En 1974 Sally Westmacott, la femme d’un des membres de l’expédition de 1953 fut la première femme à y être admise avant l’incorporation l’année suivante du « Ladies Alpine Club » en entier et enfin en 1984, Denise Evans, la femme de Charles Evans, le premier à atteindre le sommet sud de l’Everest avec Tom Bourdillon, fut la première femme élue présidente du club. Par contre, d’autres clubs sont restés nettement plus conservateurs tel le très fameux « Traveller’s club » qui lui aussi admet les femmes depuis que la loi l’y oblige, mais ces dernières doivent y venir en robe longue et ne sont admises que dans un petit salon, la bibliothèque, les fumoirs, les bars et la salle à manger leur sont toujours interdits. Toutes les traditions victoriennes des clubs de « gentlemen » n’ont donc pas disparues. En 1953 et avant, si vous n’étiez pas passé par les collèges de Marlborough, Harrow ou Eton, les universités d’Oxford ou de Cambridge, vos chances de faire partie de l’Alpine club étaient quasi nulles ! Voici une lettre adressée par Charles Wylie, une dizaine de jours avant l’assaut final qui montre à quel point l’appartenance à leur « club » était en toutes circonstances de première importance pour ces « gentlemen » :

    MOUNT EVEREST EXPEDITION

    c/o British Embassy

    KATMANDU

    NEPAL

    Le 11 mai 1953

    Cher CORNWALL,

    Je vous écris pour vous faire savoir qu’un «diner» des A.M (Anciens de Marlborough) a eu lieu au Camp IV le 2 mai 53. Les A.M. présents étaient le Col. H. J. C. Hunt, CBE, DSO, le Docteur M. P. Ward et le Major C. G. Wylie ; nos invités, le Dr R. C. Evans et T. D. Bourdillon. Dû au blizzard le diner fut pris dans nos tentes respectives.

    Le menu était le suivant :

    Une soupe de pemmican à la Bovril

    Viande froide à la W.D., avec des carottes

    Café

    Dû aux circonstances, aucun discours ne fut prononcé, mais les A.M. présents envoient leurs meilleurs souhaits à tous les membres du collège de Marlborough.

    Bien à vous

    C.G.Wylie

    (Les AM de l’expédition suggèrent qu’un demi-jour de congé soit organisé le 29 mai. La prochaine fois que cette date tombe un « fag-day » est en 1957 !)

    Outre son ego, la religion de John Hunt a joué sans doute un rôle important dans toute cette polémique : « … des décisions terriblement difficiles devaient être prises, mais finalement toutes se révélèrent positives. Je m’étais senti, tout le temps, très sûr de la justesse de chacune d’entre elles ainsi que de la réussite de l’objectif final, comme guidé sur un chemin prédestiné, une sensation curieuse de confiance tenant de la foi. » (Lettre de John Hunt à sa femme du camp de base 1er mai 1953). John Hunt, très croyant disait que les montagnes lui donnaient envie de prier⁸ et le jour de l’assaut victorieux, il donna à Hillary un crucifix à placer au sommet en lui disant que s’il échouait, il l’y porterait lui-même (on peut très justement se demander pourquoi il ne fit pas de même avec son second, Charles Evans, qui partait le premier, sinon parce qu’il était convaincu qu’il n’atteindrait pas le sommet). John Hunt avait sans doute besoin de se sentir guidé par une force divine et pensait qu’après le succès, personne n’avait le droit de mettre en question la manière dont il avait présenté les faits au public, créant ainsi le mythe qui correspondait à son idée du chef suprême aux partisans inconditionnels.

    Pour le cinquantenaire de l’ascension de l’Everest, le plus jeune des membres de l’expédition, Georges Band publia un livre 50 ans sur le sommet du monde. Deux ans après l’expédition de 1953, George Band avait fait, la première ascension du Kangchenjunga encordé avec Joe Brown (chef d’expédition, Charles Evans qui avait été si près de réussir à l’Everest). Il mentionne dans son livre que l’une des raisons de leur succès était due aux recherches de Griffith Pugh et des scientifiques qui avaient développés leurs appareils à oxygène, une méthode efficace d’acclimatation et des vêtements et équipements en qualité très supérieure à ceux utilisés auparavant. Le leader de l’expédition était décédé depuis quatre ans et Griffith Pugh depuis neuf ans, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire !

    Je ne peux m’empêcher de penser à l’expédition conduite par Jean Franco au Makalu (8463 m, 5e sommet le plus haut du monde) en 1955 et qui reste le modèle de l’expédition himalayenne parfaite. Deux ans après la conquête de l’Everest, l’expédition bénéficiait des connaissances scientifiques des anglais, en particulier sur l’utilisation efficace de l’oxygène. Le docteur de l’expédition, Jean Rivolier, avait rencontré Griffith Pugh qui lui avait fourni les résultats de ses recherches éprouvées sur l’Everest et Jean Couzy, l’ingénieur de l’équipe, prit en charge la fabrication d’appareils à circuit ouvert sur le modèle des anglais, les allégeant et améliorant les masques respiratoires. Jean Franco mena la totalité de son équipe au sommet, Lionel Terray et Jean Couzy en premier, suivis le lendemain par Jean Franco, Guido Magnone et le chef des sherpas Gyalzen Norbhu, enfin, le surlendemain par Jean Bouvier, Serge Coupé, Pierre Leroux et André Vialatte. Un cent pour cent rarement égalé depuis ! Le comité de l’Himalaya avait eu la main heureuse en choisissant Jean Franco. Son style de direction était à l’opposé de celui de Hunt : « un plan d’ensemble discuté, élaboré et accepté par tous… », « …Déjà Couzy, Lionel, Guido et moi avons longuement discuté de la façon de conduire l’assaut final, dans ses moindres détails. ». Et Jean Franco conclut son livre Makalu (1955) avec ces mots : «… J’ai toujours considéré l’alpinisme comme un jeu merveilleux, l’accident comme une faute, la mort comme l’échec suprême. A l’écart des conceptions désespérées, de la tentation des records, des chiffres qui ne seront plus vrais demain et de la dangereuse séduction des héroïsmes, j’ai toujours estimé, comme beaucoup d’entre nous, qu’il vaut mieux attendre que risquer, souffler que s’essouffler, chanter que crier. » Bien sûr l’Everest a 400 mètres de plus, mais avec un Jean Franco, un Lionel Terray ou un Jean Couzy, l’on pourrait penser qu’au moins Tom Bourdillon et Charles Evans auraient atteint le sommet en plus d’Hillary et de Tenzing et pourquoi pas Wilfrid Noyce, George Lowe et Alf Gregory, tous très en forme ! Toutefois, à la décharge de Hunt, après tant d’échecs, sa mission était claire : atteindre le sommet et il sut la faire partager par toute l’équipe : « Ceci ne sera pas une ascension ordinaire…. Chacun a accepté l’importance de n’avoir qu’un seul but : le sommet » (John Hunt, Life is Meeting, 1978, p. 114). En cela sa réussite fut totale.

    La conquête de l’Everest marque la fin d’une ère. Pour le grand public, le plus dur avait été fait et son intérêt pour ce type de conquête diminua fortement, alors que pour les alpinistes plus rien ne paraîtrait impossible ! En quelques années, avec l’application des mêmes principes scientifiques tous les sommets de plus de 8000 m furent gravis. C’est dire ce que l’himalayisme doit à des scientifiques comme Griffith Pugh et Michael Ward bien au-delà de la seule Grande-Bretagne. L’armée des Indes avait cessé d’exister et avec elle prit fin le style de leadership militaire de John Hunt, les expéditions « nationalistes » conduites militairement. Le véritable alpinisme, celui de « la conquête de l’inutile » pour le seul plaisir des alpinistes selon l’expression de Lionel Terray pouvait reprendre ses droits ainsi que les expéditions légères chères à Eric Shipton, puis les exploits individuels en autonomie complète comme dans les Alpes. Charles Evans excellent leader de l’expédition au Kangchenjunga en 1955, fit en sorte qu’outre la première cordée composée de Joe Brown et de George Band, une deuxième le lendemain composée de Norman Hardie et de Tony Streather atteignent le sommet (3 jours après les équipes de Jean Franco au Makalu⁹), soit 4 des 9 membres de l’expédition, mieux qu’à l’Everest.

    Lionel Terray, à qui Jean Franco avait passé le flambeau, allait répéter l’exploit quelques années plus tard au Jannu : 11 membres et sherpas de l’expédition atteignirent le sommet, pourtant techniquement beaucoup plus difficile que l’Everest ! Jean Franco comme Lionel Terray et ses compagnons ne pensaient pas comme John Hunt et certains de ces « gentlemen » anglais responsables de la cabale antiscience et anti-Ward. Ils étaient tous d’accord sur l’utilisation efficace des principes développés par Griffith Pugh et Michael Ward. Aucun d’entre eux ne se prenait pour autre chose qu’un alpiniste passionné. Par contre, John Hunt qui organisa pratiquement chaque année une commémoration de « sa » victoire sur l’Everest avait parfaitement intégré cet autre aphorisme de mon illustre maître ès escalade, Georges Livanos dit « le Grec »: « Il n’est pas nécessaire de faire beaucoup de courses, mais il est indispensable de parler beaucoup de celles que l’on fait ». Ceci étant, « le Grec » avait beaucoup d’admiration pour ces pionniers et aimait citer cette phrase de sir Francis Younghusband, le premier à avoir imaginé pouvoir gravir l’Everest :

    « Ces hommes-là, il faudrait rien moins qu’une tonne de briques pour les abattre, neuf cent cinquante kilos seraient insuffisant » (Georges Livanos, Cassin. Il était une fois le sixième degré, 1982 à propos des grands anglais d’autrefois, lors des tentatives à l’Everest)¹⁰.

    James Morris, le journaliste de l’expédition (du journal « The Times »), qui organisa si bien l’envoi codé de l’annonce de la victoire, écrivit à Michael en 2003 pour lui dire à quel point il l’avait enthousiasmé : « J’ai lu et relu votre livre sur l’Everest. Je suis plus convaincu que jamais que c’est la chose la plus intéressante jamais écrite sur cette montagne ». Wilfrid Noyce résuma la base de cette controverse, un clash entre la science et l’homme, lorsqu’il décrivait ainsi le rôle de Griffith Pugh dans son livre Col Sud : « Sans cette connaissance [Connaissance acquise par Griffith Pugh en 1952 lors de l’expédition au Cho Oyu] l’Everest aurait pu n’avoir jamais été gravi. Mais les alpinistes sont notoirement paresseux. Ils acceptent les outils de leur sport des fabricants, maugréent contre les inconvénients imposés par les gadgets scientifiques, et pensent qu’ils grimpent entièrement grâce à leur seule énergie ».

    Quoi qu’il en soit, ce livre est celui d’une histoire racontée par l’un des membres clé de l’expédition victorieuse de 1953, celui qui découvrit la voie par le sud, l’âme de l’expédition d’après C. J. Morris. Il nous fait comprendre comment l’Everest a pu rester la « chasse gardée » des Britanniques pendant quelques trente ans, illustrant avec le plus grand bonheur l’esprit « britannique » des élites de l’époque qui participèrent à l’exploration de terres encore inconnues et tentèrent l’ascension des sommets himalayens, les plus hauts du monde. Ce livre sera une découverte pour ceux qui veulent comprendre à quel point les « clubs » britanniques de cette élite, sélectifs et fermés comme la puissante Royal Geographical Society (moteur de la conquête coloniale britannique) et son émanation pour la montagne, l’Alpine Club ont comptés dans l’histoire de la conquête himalayenne et celle de l’Everest. Les amateurs de montagne seront comblés par les récits épiques des expéditions qui se sont succédé à l’Everest, avec leurs espérances et leurs drames, petites et grandes histoires d’hommes intrépides et courageux.

    D’une manière rare pour un livre sur l’Everest, Michael raconte les explorations des pionniers qu’étaient les « Pundits », ces lettrés employés par la grande mission cartographique de l’Inde qui effectuèrent les premiers relevés cartographiques de l’Himalaya en secret, risquant à tout moment d’être emprisonnés comme espions. Celles des membres des expéditions britanniques dont beaucoup restèrent plusieurs mois après l’échec de leurs tentatives. Pour ces hommes, l’exploration en elle-même était aussi importante que l’ascension des sommets. Comme l’écrivit Michael dans sa biographie sur son exploration de 1951 : « …Plus que tout, c’était l’intense curiosité de voir à quoi ressemblait le prochain morceau inconnu de ces montagnes. Comment est-ce qu’il se plaçait dans ce que nous connaissions déjà ? Les sommets que nous espérions découvrir seraient-ils comme nous l’avions espérés ou totalement différents ? L’excitation à continuer encore et encore, continuellement découvrant ce qui se trouvait au prochain tournant, lié au plaisir de voir comment tout cela se mettait en place comme un puzzle géant, devint pour moi l’un des aspects les plus fascinants de l’alpinisme ». Dans le livre publié en 2009 par Richard Sale sur la cartographie de l’Himalaya et l’histoire des Pundits sur la base des travaux de Michael cinq ans après sa mort, Lord David Wilson dans sa préface écrit : « [Michael] était vraiment le "dernier Pundit" et une personne totalement digne d’en porter le nom ».

    Enfin, ce livre nous révèle les travaux scientifiques du grand savant que fut Griffith Pugh. L’application rigoureuse de ses recommandations fournit la clé qui manquait pour conquérir l’Everest en 1953 et aida puissamment à la conquête de tous les sommets de plus de 8000 m ; leur retombée fut bénéfique à des centaines de millions d’êtres humains. Et pourtant Griffith Pugh ne reçut ni récompense ni reconnaissance de son vivant, malgré l’insistance constante de Michael Ward à vouloir faire reconnaître sa contribution capitale. En 1975, Michael Ward publia le premier ouvrage mondial sur la médecine d’altitude, réédité depuis à de nombreuses reprises. Son livre, High Altitude Medecine & Physiology, est la référence mondiale sur le sujet. C’est dire le crédit qu’il faut accorder à Michael Ward quant à son analyse médicale et scientifique de la conquête de l’Everest. Une ode à l’initiative individuelle, à la force du collectif et à la croyance dans le progrès scientifique et dans ses effets bénéfiques pour l’homme. Outre qu’il fut un grand himalayiste, Michael Ward, était un vrai « gentleman » avec une approche romantique de l’alpinisme, un homme de cœur, un altruiste, un scientifique et un médecin dévoué au bonheur de son prochain. Son livre qui séduit par sa rigueur d’une part et son humanité d’autre part, fait honneur à ses compatriotes.

    Éric Vola


    1. Cette opinion est corroborée par Jan Morris qui écrivit dans son livre « Coronation Everest 1958» : «Tout le monde n’était pas d’accord avec le plan de Hunt … l’intègre Gregory, par exemple, insista que la première équipe n’avait aucune chance de réussite et ne servait à rien d’utile ».

    2. DSO : Distinguished Service Order, décoration militaire attribuée aux officiers en temps de guerre. CBE : Commander of the British Empire, 3ème rang de l’ordre de chevalerie britannique le plus recent.

    3. Knight bachelor : 1er rang d’anoblissement par le souverain britannique qui donne droit au titre de « Sir ».

    4. « Quelqu’un a-t-il une question ou une observation à faire ? », demanda Hunt, parcourant la tente d’un regard bienveillant et avec un air militaire comme s’il allait demander à ses commandants de compagnie de synchroniser leurs montres. « Oui » dit Michael Ward avec une véhémence qui faillit me faire tomber de la caisse qui me servait de siège. « J’en ai une. Je pense que c’est une grave erreur que vous alliez aussi

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