Rome sauvée: ou Catilina
Par Ligaran, Louis Moland et Voltaire
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Aperçu du livre
Rome sauvée - Ligaran
EAN : 9782335097566
©Ligaran 2015
Avertissement pour la présente édition
Voltaire avait, en 1749, composé concurremment son Oreste et sa Rome sauvée, ou Catilina. Cette dernière tragédie eut d’abord le pas sur l’autre. Il en envoyait les premières scènes à d’Argental, à la date du 12 août 1749, avec ces lignes enthousiastes : « Lisez, lisez seulement ce que je vous envoie : vous allez être étonnés et je le suis moi-même. Le 3 du présent mois, ne vous en déplaise, le diable s’empara de moi et me dit : Venge Cicéron et la France, lave la honte de ton pays.
Il m’éclaira, il me fit imaginer l’épouse de Catilina, etc. Ce diable est un bon diable ; mes anges, vous ne feriez pas mieux. Il me fit travailler jour et nuit. J’en ai pensé mourir, mais qu’importe ? En huit jours, oui, en huit jours et non en neuf, Catilina a été fait, et tel à peu près que les premières scènes que je vous envoie. Il est tout griffonné, et moi tout épuisé… Ô mes chers anges, Mérope est à peine une tragédie en comparaison. »
Deux jours après, il écrit au président Hainault : « J’achèverai, s’il vous plaît, mon Catilina, que j’ai ébauché entièrement en huit jours. Ce tour de force me surprend et m’épouvante encore. Cela est plus incroyable que de l’avoir fait en trente ans. On dira que Crébillon a trop tardé, et que je me suis trop pressé ; on dira tout ce qu’on voudra. Les plus grands ouvrages ne sont, chez les Français, que l’occasion d’un bon mot. Cinq actes en huit jours, cela est très ridicule, je le sais bien ; mais si l’on savait ce que peut l’enthousiasme, et avec quelle facilité une tête malheureusement poétique, échauffée par les Catilinaires de Cicéron, et plus encore par l’envie de montrer ce grand homme tel qu’il est pour la liberté, le bien-être de son pays et de sa chère patrie ; avec quelle facilité, dis-je, ou plutôt avec quelle fureur une tête ainsi préparée et toute pleine de Rome, idolâtre de son sujet et dévorée par son génie, peut faire en quelques jours ce que, dans d’autres circonstances, elle ne ferait pas en une année ; enfin, si scirent donum Dei, on serait moins étonné. Le grand point, c’est que la chose soit bonne ; et il ne suffit pas qu’elle soit bonne, il faut encore qu’elle soit frappée au coin de la vérité, et qu’elle plaise. Vous aimez Brutus ; ceci est cent fois plus fort, plus grand, plus rempli d’action, plus terrible et plus pathétique. Je voudrais que vous eussiez la bonté de vous en faire lire les premières scènes, dont j’ai envoyé la première ébauche à M. d’Argental. »
Le même jour, autre lettre non moins enthousiaste à la duchesse du Maine : « Madame, Votre Altesse Sérénissime est obéie, non pas aussi bien, mais aussi promptement qu’elle mérite de l’être. Vous m’avez ordonné Catilina, et c’est fait. La petite-fille du grand Condé, la conservatrice du bon goût et du bon sens, avait raison d’être indignée de voir la farce monstrueuse du Catilina de Crébillon trouver des approbateurs. Jamais Rome n’avait été plus avilie, et jamais Paris plus ridicule. Votre belle âme voulait venger l’honneur de la France ; mais j’ai bien peur qu’elle n’ait remis sa vengeance à d’indignes mains. Je ne réponds, madame, que de mon zèle ; il a peut-être été trop prompt. Je me suis tellement rempli l’esprit de la lecture de Cicéron, de Salluste et de Plutarque, et mon cœur est si fort échauffé par le désir de vous plaire, que j’ai fait la pièce en huit jours. Vous aurez la bonté, madame, d’y compter aussi huit nuits. Enfin l’ouvrage est achevé ; je suis épouvanté de cet effort : il n’est pas croyable ; mais il a été fait pour madame la duchesse du Maine. Mme du Châtelet, à qui j’apportais un acte tous les deux jours, était aussi étonnée que moi… J’ai combattu pour vous sur la frontière contre les barbares ; c’est votre étendard que je porte. »
Comme nous l’avons dit dans l’Avertissement qui est en tête de la tragédie précédente, c’est Oreste qui fut présenté d’abord aux comédiens. Peu après la représentation d’Oreste, Voltaire fit jouer Rome sauvée dans son logis de la rue Traversière-Saint-Honoré. Voltaire lui-même remplissait le rôle de Cicéron, le marquis de Thibouville celui de Catilina, et M. d’Adhémar s’était chargé du personnage de César. Les costumes qui avaient servi au Catilina de Crébillon furent prêtés aux interprètes du nouveau Catilina par la faveur du duc de Richelieu. L’auditoire était composé de d’Alembert, Diderot, Marmontel, le président Henault, l’abbé de Voisenon, l’abbé Raynal, l’abbé d’Olivet, les ducs de Richelieu et de Lavallière, le P. de Latour, etc. La pièce fut applaudie avec enthousiasme par ces spectateurs d’élite. Voltaire fut enchanté, et fit le plus grand bruit qu’il put de cette représentation privée. Il écrit à la duchesse du Maine : « Nous avons répété aujourd’hui la pièce avec ces changements, et devant qui, madame ?