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Scanner: Tome 1
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Livre électronique371 pages5 heures

Scanner: Tome 1

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À propos de ce livre électronique

Tate et son paternel ne s’entendent pas vraiment. Du point de vue de Tate, son père a des attentes extraordinaires excessivement élevées pour qu’il soit le meilleur — dans tout. Tate apprend fnalement ce pour quoi on le préparait lorsqu’il vole une des inventions bizarres de son père et que des mercenaires tendent une embuscade à son école. Ils tuent son père et Tate doit s’enfuir d’extra-terrestres à l’apparence humaine. Toutes les connaissances de Tate — comme la façon de fabriquer des armes avec des oranges et de l’essence à briquet — pourraient ne pas suffre à le sauver alors qu’il est plongé dans un confit secret entre-espèces qui se poursuit depuis des siècles.
LangueFrançais
Date de sortie5 août 2016
ISBN9782897673345
Scanner: Tome 1

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    Aperçu du livre

    Scanner - Walter Jury

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    Commentaires élogieux pour Scanner

    « Un livre à sensations fortes explosif… une approche cinématographique et de l’action ininterrompue ! Ce roman captivant vous comblera. »

    Publishers Weekly

    « Explosions massives, fusillades mortelles et évasions éprouvantes font de ce livre une lecture passionnante pour les garçons. »

    — VOYA

    « Les lecteurs n’en savent pas plus que Tate, et ils s’amuseront bien en essayant de résoudre l’énigme. Un roman divertissant pour un moment d’évasion. »

    — SLJ

    « Avec le moment de suspense de la fin, les lecteurs réclameront à grands cris le prochain épisode de cette fascinante série. »

    — Booklist

    « Scanner nous offre des sensations fortes ininterrompues et remplies d’action. Je n’ai pu le mettre de côté. »

    Copyright © 2014 Walter Jury

    Titre original anglais : Scan

    Copyright © 2016 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec Penguin Group LLC, New York, NY

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Renée Thivierge

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Illustration et design de la couverture : © 2015 Tony Sahara

    Photo de la couverture : © Shutterstock.com

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89767-332-1

    ISBN PDF numérique 978-2-89767-333-8

    ISBN ePub 978-2-89767-334-5

    Première impression : 2016

    Dépôt légal : 2016

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone : 450 929-0296

    Télécopieur : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Jury, Walter

    [Scan. Français]

    Scanner

    (Scanner ; tome 1)

    Traduction de : Scan.

    ISBN 978-2-89767-332-1

    I. Fine, Sarah. II. Thivierge, Renée, 1942- . III. Titre. IV. Titre : Scan. Français.

    PS3610.U79S3214 2016 813’.6 C2016-940776-4

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    — Morgan Rhodes Auteure à succès du New York Times pour la série Falling Kingdoms

    À Mel

    UN

    D ans mon monde, les choses sont simples. Du moins, elles le sont en ce moment. Tout ce que contient ma tête, c’est le rythme dur et palpitant de ma musique. Mes muscles sont lâches. Mes pieds nus sont posés à plat sur le bois dur. Mes fesses sont sur ce banc de métal, mais pas pour longtemps. D’ici quelques secondes, ils vont m’appeler.

    Je suis prêt.

    Quand Chicão me tape sur l’épaule, je lève la tête. Il me fait signe d’enlever mes écouteurs boutons. J’obéis, et les bruits du tournoi remplissent mes oreilles, des cris et des acclamations résonnent sur les très hauts murs de l’immense gymnase.

    — Les poids légers viennent de terminer, Tate, dit-il, son accent portugais plus fort qu’à l’ordinaire. Les demi-finales des poids moyens commencent. Tu es le prochain.

    Ses cheveux bouclés sont gonflés autour de sa tête, comme s’il avait passé plusieurs fois ses mains à travers. Mon entraîneur est plus nerveux que moi, mais je ne sais pas pourquoi.

    Toute la journée, j’ai botté le cul de mes adversaires, et je suis sur le point de le refaire.

    — Bon, dis-je. Il est temps.

    Je laisse tomber mon iPod dans mon sac, je me lève et je m’étire. Je redresse mon gi blanc impeccable et je tire sur ma ceinture noire pour la serrer. Perfeito.

    Un autre match à gagner, et je serai en finale. Dix minutes avant la victoire. Mais je doute que j’aie besoin d’autant de temps. Mon objectif ? Cinq minutes. Même pas. Je verrai à ce que ce gamin tape sa main sur le tapis en un rien de temps.

    Il le faut. Je ne veux pas voir l’expression sur le visage de mon père si je ne réussis pas.

    Avec ce trophée, il me laissera peut-être tranquille. Il me laissera peut-être dormir passé quatre heures pendant quelques jours. Ou bien il me permettra de manquer à ma diète en mangeant du poulet frit sans qu’il se mette à paniquer. Ça pourrait l’amener à me prêter sa voiture ; comme ça, je pourrai conduire quand je sortirai avec Christina. Peut-être va-t-il sourire et me dire que je suis assez bon pour porter le nom des Archer. Pour porter la « responsabilité familiale » des Archer, comme il le dit toujours.

    Mais j’en demande peut-être trop.

    De l’autre côté du tapis, en train de regarder le premier match de demi-finale des poids moyens, il y a mon adversaire. Ses bras longilignes se balancent d’avant en arrière. Il tape des mains devant. Il tape des mains derrière. Il sautille sur la pointe de ses longs pieds. Il roule sa tête sur son cou. Son gi bleu est froissé, et il y a des cernes sombres autour de ses aisselles. Il est évident qu’il a porté ce truc toute la journée — il n’aurait pas pensé à apporter quelques pièces de rechange ? Je plisse le nez. Il vaudrait mieux que notre match se termine rapidement, sinon la puanteur pourrait me faire mourir.

    Il lève les yeux vers les miens. Ils sont grands et bruns, avec de longs cils. Comme ceux d’une vache. Il passe doucement sa main sur ses cheveux noirs presque rasés. Son expression est tellement grave. Pommettes aux angles austères. Lèvres minces et serrées.

    Il a peur.

    Mes lèvres se courbent en un sourire prédateur pendant que le match devant nous est gagné par points. L’arbitre lève la main du vainqueur, et le gamin ne peut retenir son sourire. Il ira en finale. J’applaudis à quelques reprises tout en le jaugeant. Il a un méchant balayage en ciseaux, et je vais devoir me préparer.

    Chicão s’avance plus près et hoche la tête vers le type aux grands yeux.

    — Ce gamin. Celui contre qui tu te bats maintenant. Il gagne par soumission. Aujourd’hui, c’est arrivé à tous les coups.

    Remarquable. Mais là encore, nous sommes en demi-finale du championnat Tri-State de jiu-jitsu brésilien, alors s’il n’était pas impressionnant, il se serait trompé de putain d’événement. Je me suis entraîné des années pour en arriver ici. J’ai travaillé chaque jour pendant des heures. J’ai été formé par les meilleurs.

    — Pas cette fois, dis-je.

    Chicão croise les bras sur sa poitrine en forme de tonneau.

    — Pas cette fois, convient-il, puis il me tape dans le dos.

    Des cris d’encouragement et des sifflets fusent droit sur moi pendant que je traverse la ligne de démarcation. J’entre dans l’aire de combat et je me concentre sur le gars devant moi. Derrière la clôture blanche qui sépare les spectateurs des concurrents, la foule n’est qu’une masse chaotique et anonyme. De toute façon, des quelques visages que j’aimerais voir, aucun n’est ici.

    L’arbitre de la rencontre récite toutes les règles que j’ai déjà entendues un million de fois, puis il recule, me laissant avec mon adversaire aux grands yeux. Il fait trois ou cinq centimètres de plus que moi, et tout est dans les jambes. Mais j’ai les épaules plus larges, et je sais exactement comment m’en servir à mon avantage. Nous nous penchons vers l’avant pour une rapide poignée de main, et c’est parti.

    Nous exécutons notre petite danse en cercle pendant un certain temps, aucun de nous ne faisant vraiment rien d’autre que d’attendre que l’autre fasse quelque chose de stupide. Je feinte deux fois, et il se laisse avoir deux fois avant de se rattraper. Puis je suis fatigué d’attendre. Mon univers a la taille de ce tapis, et il est temps de construire un empire. Je lui frappe le poignet et le cou, et j’attrape à pleines mains sa manche et son col trempé de sueur tandis que je lui coince mon pied dans la hanche. Je l’immobilise en le saisissant par le torse, et je me laisse tomber sur le dos en l’entraînant avec moi. Il est complètement penché au-dessus de moi et déséquilibré. Ses doigts cherchent ma jambe à tâtons alors qu’il essaie de s’éloigner, mais j’ai une trop bonne emprise sur lui.

    Je fais basculer son corps sur le côté, et pendant qu’il tombe par-derrière, j’épingle une de ses jambes entre les miennes et j’accroche son autre pied, le pliant comme un bretzel contre son corps. Le souffle qui explose de ses poumons alors que je l’immobilise fermement est le truc le plus satisfaisant que j’ai entendu de toute la journée.

    Chicão hurle des instructions de la ligne de touche, mais je ne l’écoute pas. Je suis tout seul avec Grands-Yeux, et il est tout à moi. Je lève brusquement ses jambes vers le haut et je l’étends à plat sur le dos. Ce mec est à un blocage d’épaule de brailler pour sa maman. Je suis à trente secondes des finales. Je le contourne pour prendre le contrôle de…

    Et je perds le contrôle. Grands-Yeux saisit les extrémités de mes manches et me tord les mains vers l’intérieur jusqu’à ce que je perde ma poigne sur lui. Je saute sur mes pieds pour reprendre l’avantage, mais avant même que je n’aie le temps de retrouver mon souffle, son pied s’élance entre mes jambes et il me botte littéralement le cul. Je trébuche vers l’avant et je viens près de tomber sur lui tandis que Chicão crie : « Caramba ! Luta direito porra ! »

    Je m’accroupis pour essayer de garder mon équilibre, mais Grands-Yeux ne m’en donne pas la chance. De la façon dont il se tortille, que muscles et force, il est comme un maudit alligator. Étendu sur le dos à mes pieds, il faufile un bras autour de l’une de mes chevilles et il coince son pied contre l’autre. Je ne peux pas empêcher le son de sortir de ma bouche alors qu’il est pratiquement en train de me faire faire le grand écart. N’ayant aucun effet de levier pour le combattre, je peux facilement me faire rouler au sol. C’en est pathétique.

    Je finis sur le côté, et je veux attraper sa jambe de pantalon, sa manche, bordel, n’importe quoi, mais il se déplace trop rapidement. Lorsque ses longues jambes s’enroulent autour de ma taille comme un anaconda, je sais que je suis dans le pétrin. Parce qu’il a une prise ferme d’une de mes jambes qu’il tient contre sa poitrine.

    Une explosion d’éclairs de douleur atroce éclate le long de ma jambe droite alors qu’il cale ses chevilles derrière mes hanches et qu’il se penche vers l’arrière, faisant crier mes articulations qui se plient dans des directions qu’elles n’étaient jamais censées prendre. Maintenant, Chicão est en train de hurler, et c’est comme si sa voix était dans ma tête. Vai tomar no cú porra meu caralho tu n’es pas assez bon, Tate Archer, tu n’as même pas la moitié de ce qu’il faut.

    Je me débats, mais ça ne sert à rien. Je serre les dents pendant que la douleur s’éternise, et que les hurlements de Chicão s’éternisent, et que les cris de la foule s’éternisent, et tout le monde sait ce que je dois faire, mais je ne le ferai pas. Je ne peux pas. Je ne le ferai pas.

    Je le fais.

    Comme si elle n’en faisait qu’à sa tête, ma main libère sa vaine emprise sur la manche de mon adversaire. Ma paume plane sur le tapis pendant ce qui semble être un million d’années, mais il ne se passe en fait qu’une demi-seconde. L’espace entre ici et là. La distance entre l’espoir et le désespoir, entre la victoire et la défaite.

    Et puis elle descend. Donne une claque sur le tapis. Grands-Yeux me libère. La douleur dans ma jambe disparaît. Partout ailleurs, la douleur ne fait que commencer.

    C’est terminé.

    Grands-Yeux se penche sur moi. Il me tend la main. Je cligne des yeux vers lui et vois le visage de mon père. Je le laisse m’aider à me lever, et par la torsion de ses lèvres, je vois le peu d’estime qu’il a pour moi. Je ne peux vraiment lui en vouloir en ce moment.

    Je comprends que j’ai perdu, et ça résonne dans ma tête. Ça tourbillonne en couronnes d’or autour des lumières fluorescentes au-dessus de moi. Ça s’élève du tapis et ronge les plantes de mes pieds. L’arbitre a maintenant pris mon poignet, et il le tient en bas pendant qu’il lève très haut celui de Grands-Yeux ; je le laisse me traîner comme un zombie, saluant dans chaque direction pour que nous puissions prononcer ma nullité aux quatre coins de la salle. Vers tous ces gens anonymes. Et vers une personne qui n’est pas ici.

    Surtout vers lui.

    Lorsque l’arbitre a enfin terminé avec toute cette parade de honte, je marche vers le banc, mon gi tout retroussé et entrouvert, ma ceinture très serrée contre ma peau nue. Je ressemble à ce que je suis. Un perdant. Je me jette sur mon iPod pendant que Chicão me dit :

    Puta que pariu, Tate, tu as perdu ta concentration. Tu ne t’es pas protégé.

    J’ouvre la bouche pour protester, mais tout ce qui en sort, c’est :

    Me perdoe. Pardon, je suis désolé.

    Il secoue la tête et sort ses clés de sa poche.

    — Prends ton sac. Je vais chercher la voiture.

    — Non, dis-je. Je n’ai pas encore terminé.

    Grands-Yeux est dans le coin ; il parle à son entraîneur avec un sourire de satisfaction.

    — Il faut que je voie les finales. Il faut que je comprenne ce qui s’est passé.

    Cacete, marmonne-t-il. Tu ne sais pas ce qui est arrivé ? Garde araignée avec renversement. Clé de jambe. Fin du match.

    — Je t’ai déjà dit que tu étais un coach génial ?

    Je ris sans sourire.

    — Je ne plaisante pas. Je reste pour regarder. Rentre chez toi. Je vais appeler Christina, et elle va venir me chercher.

    Juste à penser à elle, mon cœur est ému. Il faut que je voie son visage. Que je regarde son sourire. Que je l’entende me dire que tout va bien. Et elle le fera. Elle le fait toujours. Pas sûr que ce sera utile cette fois-ci, mais ça vaut la peine d’essayer.

    Il me regarde fixement pendant quelques secondes, et je me demande s’il pense que je vais m’enfuir et perdre la tête. Pour lui comme pour moi, mon père avait été clair sur l’importance de ce tournoi, alors qui sait ? Peut-être que le pauvre Chicão me croit suicidaire. Et diable, peut-être que je le suis. En ce moment, je le sais à peine, parce que j’ai une sacrée ecchymose géante à l’intérieur, et je ne peux pas faire face à mon père dans cet état.

    — Je vais bien, dis-je. Je… je ne peux pas permettre que ça se reproduise. C’était ma faute. J’ai été stupide.

    Il hausse les épaules, parce qu’on ne peut pas discuter avec ce genre de vérité.

    Après son départ, je remets ma musique pour ne pas avoir à écouter les grognements et le grattage des pieds sur le tapis, les cris et les applaudissements résonnants de la foule, le pouls lancinant de ma défaite. Je mets la musique tellement fort que je suis sûr de tuer quelques cellules du cerveau, ce qui est exactement mon intention. Je veux liquéfier le souvenir de ce qui est arrivé et le laisser suinter par mes oreilles.

    Je regarde les demi-finales pour les trois suivantes catégories de poids. Je regarde les matchs de ceinture noire des hommes. Je regarde Grands-Yeux gagner son dernier match exactement de la même manière qu’il l’a fait avec moi. Il se déplace rapidement et de façon décisive dans cette garde araignée, bloque les bras de son adversaire et le frappe de son pied pour lui faire perdre l’équilibre de trois façons différentes pour finalement le faire rouler à plat ventre.

    Alors que se poursuivent les finales, j’envoie un texto à Christina et je lui demande de venir me chercher. C’est à au moins une heure de New York ; il faut donc que je lui donne du temps. Dans moins d’une minute, j’ai sa réponse.

    J’arrive, bébé.

    Après m’être permis de fixer ces mots pendant une longue minute, je laisse tomber le téléphone dans mon sac. Plus question de regarder. J’ai besoin de bouger. Il faut que je répare ça. Un goût amer remplit ma bouche. Réparer ça. Ha. Si seulement c’était si facile. Mais je dois faire quelque chose, sinon je risque vraiment de devenir fou.

    Je me dirige vers un tapis de côté situé loin de la compétition, où quelques-uns des autres perdants soignent leurs blessures. Un des mi-lourds semble partant. Nous nous engageons donc dans un combat d’entraînement. Et quand il est fatigué, je me bats avec un gars qui, je le jure, fait deux fois mon poids. Et quand il est fatigué, je m’entraîne avec un poids léger que je passe près de lancer de l’autre côté du tapis avant de m’adapter à son petit corps. Maintes et maintes fois, je m’exerce où c’est mal allé pour moi. Je travaille la garde araignée, me rappelant exactement où Grands-Yeux avait posé ses mains, comment il m’avait tordu. Je m’exerce aussi à réussir à m’en échapper.

    Ça n’arrivera plus.

    Au départ, ça n’aurait jamais dû arriver.

    Lorsque les derniers cris s’élèvent de la foule, je me rends compte qu’il ne me reste probablement qu’environ cinq minutes avant l’arrivée de Christina. Je file au vestiaire et je me lave ; j’aurais voulu pouvoir essuyer aussi facilement la défaite. Mais non. Elle se cramponne à moi comme le pied d’athlète.

    Je me sèche avec une serviette, j’enfile un survêtement et un T-shirt, et je sors à l’avant de l’édifice, à sa recherche. Sa petite voiture rouge est mon radeau de sauvetage, et quand je la vois dans la longue file de circulation, je n’attends pas. Je me dirige en trottinant vers elle.

    Elle me voit venir et ouvre automatiquement son coffre à bagages, puis elle pousse la porte du passager. Je peux entendre sa musique pop de fille à l’intérieur, et ça me fait sourire, même si ce n’est pas du tout mon truc. Si cette musique avait une saveur, ce serait sucette aux cerises, et seulement pour ça, je l’adore. Parce que je me souviens que, quand elle se penche sur moi, m’embrasse et me souhaite la bienvenue, c’est le goût qu’elle a.

    — Ça a été comment ? demande-t-elle en baissant sa musique.

    Elle balaie ses cheveux blond foncé ondulés par-dessus son épaule.

    Je soupire et je m’affaisse dans le siège baquet. Elle l’a mis en position la plus reculée pour moi ; de cette façon, il y a suffisamment d’espace pour mes jambes. Je lui prends la main et je passe mon doigt sur sa peau douce.

    — Pouvons-nous juste rentrer à la maison ? La journée a été longue.

    Elle me regarde un instant, et je la laisse faire. Ça m’est égal. Je veux qu’elle colle ses yeux sur moi en permanence. Elle tend le bras et glisse ses doigts dans mes cheveux, et je ferme les yeux et respire, et j’expire le poids de la journée.

    — Des trucs stupides ? demande-t-elle.

    — Ouais, dis-je, et je me penche pour faciliter sa caresse. On va en rester à ça, des trucs stupides.

    Sa main se retire, et la voiture se déplace vers l’avant.

    — Lisa a décidé de faire des dreadlocks à son chien, dit-elle. Je l’ai aidée, même si je suis pas mal certaine que c’est de la cruauté envers les animaux.

    — Ben voyons ? Elle n’a pas un caniche ?

    — Ah oui. Mais son père lui a dit qu’il en avait assez de payer pour le toilettage.

    J’ouvre les yeux, et mon regard glisse de ses ongles de pied vernis jusqu’à ses jambes galbées et lisses, jusqu’à oh, mec, j’aimerais tellement qu’on ne soit pas en ce moment dans un véhicule en mouvement.

    — Hum.

    Pendant quelques instants, elle raconte comment l’expérience des dreadlocks a mal tourné et que, de toute façon, elles ont fini par se rendre toutes les deux chez le toiletteur en le suppliant pour qu’on leur donne une paire de ciseaux et du Xanax pour petit chien. Je laisse sa voix m’envahir, patauger entre mes oreilles, apaisant les endroits à vif. Mais aussi puissant que ça puisse être, ça ne peut pas tout à fait chasser la crainte qui rampe à l’intérieur de mon crâne et qui déploie ses ailes déchiquetées dans mon esprit.

    Elle me regarde du coin de l’œil alors qu’elle s’engage sur l’autoroute.

    — Tu n’écoutes certainement pas mes trucs stupides, Tate Archer.

    — Sors-moi de Jersey, et je vais écouter tes trucs stupides toute la journée, bébé.

    Je lui fais mon meilleur sourire, mais elle ne s’y trompe pas.

    Ses doigts effilés flottent jusqu’à ma cuisse, et elle la serre doucement, juste à l’endroit qui était, il y a quelques heures, enflammé de douleur et de défaite imminente.

    — C’était juste un tournoi, Tate, dit-elle tranquillement. Un tas de crochets et d’arbitres et de tableaux d’affichage. Ça n’a rien à voir avec la vraie vie. Tu le sais, non ?

    Je croise les bras sur ma poitrine, reconnaissant pour l’ancre de sa petite main sur ma jambe, car c’est la seule chose qui m’empêche de sauter immédiatement de la voiture en mouvement.

    — Ouais. C’est vrai. Juste un tournoi. Essaie d’expliquer ça à mon père.

    DEUX

    C inq pâtés de maisons… Trois pâtés de maisons… Un pâté de maisons… J’ai des crampes dans le ventre pendant que Christina fait rapidement entrer sa voiture dans un espace de stationnement de la taille d’une boîte de conserve. Juste en face de mon immeuble.

    Elle ne me presse pas, même si je sais qu’elle doit rentrer à la maison. Son téléphone a sonné plusieurs fois. Ses parents sortent ce soir, et, apparemment, la baby-sitter s’est décommandée ; Christina doit donc garder sa petite sœur, Livia. Mais Christina tourne sa clé du contact et s’appuie contre le dossier. Sa main glisse et remonte le long de mon bras. Elle effleure mon cou avec le bout de ses doigts, ce qui me donne des frissons. Un bon genre de frissons. Et en ce moment, j’ai besoin de sentir quelque chose de bon. J’en ai tellement besoin.

    Dans quelques minutes, je devrai lui faire face. Il est là ; il m’attend. Il a dû travailler ce matin, mais il m’a dit qu’il reviendrait à la maison en fin d’après-midi pour que nous puissions célébrer quand je rapporterais mon trophée à la maison. Il a désigné un espace dans son présentoir, à l’endroit où on le déposerait. À l’endroit qu’il avait libéré entre un lourd truc cristallin en forme de pyramide surmontée d’une boule — qu’il a obtenu à la compétition de ceinture noire pour hommes au Tri-State il y a quelques années — et un autre en forme d’obélisque qu’il a gagné lors d’une compétition avec l’équipe nationale. Bien sûr, il y avait déjà placé quelques-uns de mes petits trophées et petites médailles, mais celui d’aujourd’hui aurait été le premier important, le premier qui avait sa place à cet endroit, au centre de tout le fichu présentoir. Ça aurait signifié que j’étais prêt à concourir au niveau national, que j’étais à la hauteur. J’avais fixé cet endroit vide avec mon cœur qui battait fort, et je le remplissais déjà avec mes plans de domination.

    En ce moment, ce sont mes mains vides que je regarde fixement.

    Christina les remplit avec les siennes.

    — Je pourrais t’accompagner si tu veux. Tu sais, couper un peu la tension.

    Elle sourit, ses yeux bleus brillants de plaisir et de plus qu’un petit espoir. Je ne l’ai jamais présentée à mon père, et je sais qu’elle se demande pourquoi.

    Mes doigts se referment autour des siens, et je les presse doucement. L’expression sur son visage me donne des douleurs à la poitrine.

    — Non, ça va. Je sais que tu dois y aller.

    Je n’ai pas le cœur de lui dire que, même s’il ne pourrait même pas la remarquer dans une foule, mon père méprise l’idée même de son existence. Il déteste tout ce qui me distrait, et selon lui, voilà tout ce qu’est Christina. Ce jugement n’est qu’une connerie de premier ordre. Je le lui ai dit. Encore et encore. Maintenant, j’évite le sujet. Ce qui signifie de la garder loin de lui, parce que je ne peux pas supporter l’idée qu’il la rabaisse avec l’air de dire « je-suis-l’homme-le-plus-intelligent-sur-terre ». Il est loin d’être aussi subtil qu’il le croit, et Christina est perspicace et s’en rendrait compte.

    Tout comme elle s’en rend compte maintenant. Son visage s’allonge un instant, assez pour aviver cette douleur dans ma poitrine. Mais elle s’efforce de recourber les commissures de ses lèvres. Elle me laissera m’en tirer à bon compte sur ce sujet, même si elle mérite mieux de ma part et que nous le savons tous les deux. Je suis à la fois rempli de gratitude et dégoulinant de culpabilité. Elle se penche et m’embrasse sur la joue, laissant une petite tache de rouge à lèvres cerise brillant sur ma peau, un petit trésor que je porterai à travers tout ce qui viendra ensuite.

    — Téléphone, si tu as envie de parler, d’accord ? dit-elle. Je vais jouer aux poupées Barbie pendant les trois prochaines heures et je pourrai sans doute profiter d’une pause.

    — Je serais heureux de changer de place avec toi.

    Je retiens sa main, incapable de la laisser partir, et j’aurais aimé passer toute la soirée avec elle dans cet espace clos. Son baiser est doux. Ses mains sur mon cou sont si chaudes. Elle sourit contre mes lèvres et pose la main sur ma poitrine. Je suis certain qu’elle peut entendre mon cœur qui bat.

    — Maintenant, tout ce que tu fais, c’est d’éviter de rentrer, dit-elle, mais son accusation n’a rien de mordant.

    Je ferme les yeux et je respire son parfum, les cerises et les amandes.

    — Je n’en suis pas si sûr.

    Elle a tout à fait raison.

    Elle touche mon nez avec le sien.

    — À demain ?

    — Absolument.

    Ensuite, j’ouvre la porte et je me redresse sur le trottoir. Cloué sur place, mon polochon accroché à mon poing, je la regarde s’éloigner de la bordure du trottoir et se glisser dans la circulation. Je ne détache pas les yeux de sa voiture jusqu’à ce que les feux arrière disparaissent dans un virage. Alors, je sais que mon temps est écoulé.

    Je traverse le hall d’entrée et je monte l’escalier, car il est inutile de prendre l’ascenseur. Nous habitons les trois niveaux inférieurs, et la porte d’entrée est juste un étage au-dessus. Je me tiens à l’extérieur pendant quelques instants, sachant que je suis une parfaite mauviette.

    Et bien sûr, il n’attend pas que je sois prêt à lui faire face. Il n’aime pas attendre. Il ouvre la porte.

    Grand et mince, une expression indéfinissable sur son visage impeccablement rasé, mon père m’examine des orteils aux épaules avec son regard gris ardoise. Il lui faut moins d’une seconde pour recueillir, peser, décrypter et analyser mon échec.

    — J’ai attendu pour réchauffer le souper. Je t’attendais il y a une heure, dit-il en évitant mon regard.

    Je le suis dans le salon et je laisse tomber mon sac sur le canapé. Johnny Knoxville, notre chat irritable, la seule chose que ma mère a laissée derrière quand elle nous a abandonnés il y a quatre ans, me lance un miaulement hargneux et saute sur son coussin préféré. Il rôde vers mon père et se frotte contre ses jambes, laissant de la fourrure noire sur le pantalon kaki impeccable de papa.

    — Je n’étais pas certain de te trouver à la maison, mens-je. Je sais que tu vas à Chicago pour cette réunion du conseil d’administration.

    Le coin de la bouche de papa tressaute.

    — Pour laquelle je pars demain, comme tu le sais.

    Je détourne

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