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Mathias
Mathias
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Livre électronique240 pages2 heures

Mathias

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À propos de ce livre électronique

Tu aimes les témoignages? Tu adoreras ce livre! C’est un roman basé sur une histoire vraie.

Je m’appelle Mathias. J’ai 16 ans.
Je suis gros
Le problème, quand tu es gros, c’est qu’il est impossible de le cacher. C’est apparent, c’est ce que les gens remarquent en premier.
Ta première impression, ce n’est pas toi qui la donnes. C’est ton gras. Les gens ne voient pas la personne qui se dissimule sous cette couche épaisse.
[…]
C’est la dernière journée d’école de mon quatrième secondaire et la date limite que je m’étais fixée pour changer de vie. J’en ai assez d’être gros.
D’avoir honte d’être gros. Honte d’être incapable de changer mon image chaque fois que j’essaie de perdre du poids. Honte de ne pas oser aborder les filles qui me plaisent parce que j’ai peur qu’elles me rejettent, honte de me regarder dans le miroir de la salle de bain.

Psst! L’auteur de ce livre s’appelle Mathieu. Il aime le chocolat, les superhéros ordinaires, le vent d’automne et courir même si ça lui fait mal aux jambes. Plus jeune, il n’était pas très bon au hockey et préférait rester à la maison pour écouter les dessins animés. Il déteste l'injustice. Il a été prof au secondaire en maths et en sciences, mais il a tout lâché pour avoir plus de temps pour écrire.
LangueFrançais
Date de sortie21 sept. 2016
ISBN9782897581954
Mathias
Auteur

Mathieu Fortin

Mathieu Fortin est un auteur québécois. Après une courte carrière dans l’enseignement, il consacre désormais son temps à l’écriture et à sa famille, en plus de faire de l’animation dans un musée. Son premier roman, Le loup du sanatorium, publié sous forme de Novella, s’est mérité une mention d’honneur au Prix Cécile-Gagnon en 2008. Il a reçu plusieurs distinctions pour ses ouvrages dans le domaine du fantastique et de la science-fiction. Mathieu a signé plusieurs romans fantastiques, notamment deux titres dans la collection Clowns Vengeurs. Il a presque une vingtaine de romans à son actif.

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    Aperçu du livre

    Mathias - Mathieu Fortin

    Remerciements

    PARTIE 1

    Chapitre 1

    22 juin

    Je m’appelle Mathias. J’ai seize ans.

    Je suis gros.

    Le problème, quand tu es gros, c’est qu’il est impossible de le cacher. C’est apparent, c’est ce que les gens remarquent en premier.

    Ta première impression, ce n’est pas toi qui la donnes. C’est ton gras. Les gens ne voient pas la personne qui se dissimule sous cette couche épaisse.

    Parce que c’est l’impression que j’ai: je me cache sous une enveloppe moelleuse qui m’entoure et qui m’empêche d’être qui je suis vraiment.

    J’enfile en vitesse mon pantalon ample et mon kangourou trop grand, mes vêtements de tous les jours, j’attrape mon sac et je me précipite vers mon arrêt d’autobus.

    C’est une manière de parler: je me dirige de mon pas lent et chaloupé, vers le coin de la rue.

    Pendant que j’attends, je regarde mon ombre se dessiner au sol. Les ombres du matin sont longues. La mienne est ronde. C’est la dernière journée d’école de ma quatrième secondaire; la date limite que je me suis fixée pour changer de vie. J’en ai assez d’être gros. D’avoir honte d’être gros. Honte d’être incapable de changer mon image chaque fois que j’essaie de perdre du poids. Honte de ne pas oser aborder les filles qui me plaisent parce que j’ai peur qu’elles me rejettent, honte de me regarder dans le miroir de la salle de bain. Et les exemples sont infinis: honte de m’empêcher d’entrer en relation avec les autres, honte de ne pas fréquenter les partys parce que je suis gêné, honte d’avoir honte…

    Je suis gros. Vraiment gros. Mon ventre énorme pend devant mon pubis; mes seins sont plus volumineux que ceux de la majorité des filles de mon âge; mes cuisses frottent l’une contre l’autre quand je marche; mon double menton danse quand je bouge, mes joues sont toujours rouges au moindre effort; mes chevilles ne se distinguent pas vraiment de mes mollets…

    Honte de savoir exactement comment changer ma situation sans pourtant avoir la volonté d’y arriver. Parce qu’on le sait tous, quoi faire, pour maigrir: manger moins, manger mieux, bouger plus. C’est la théorie la plus répandue. Je sais tout ça. Mais étant donné ma taille, les activités sportives, c’est loin d’être évident.

    Belle défaite pour ne pas bouger, pour ne pas essayer.

    Les autres élèves arrivent à l’arrêt en m’ignorant, comme d’habitude, et bientôt, le bus jaune se pointe le bout du nez. Je laisse entrer les autres, comme toujours, parce que je n’aime pas que quelqu’un me suive dans les marches de peur de trébucher ou, pire, de tomber à la renverse. Je me retrouve dans mon banc attitré: celui au-dessus de la roue arrière, à droite, très inconfortable, mais que je ne partage avec personne. Si l’autobus prend un virage serré, il n’y a aucun risque que je dérange mon voisin de siège: je suis seul. J’occupe trop de place sur cette banquette pour qu’on s’assoie avec moi.

    Les maisons défilent par la fenêtre et tout me fait penser à ce surpoids qui m’englobe: ici, un trampoline pour lequel je suis trop lourd, là un hamac qui ne me supporterait probablement pas…

    Ce n’est pas récent: je le sais depuis longtemps que je suis trop gros. Au primaire, ça pouvait aller, je bougeais peut-être plus. Sur les photos, je suis légèrement enrobé, mais quand j’ai eu dix ans, je me suis mis à enfler et enfler…

    Mais cette période se termine: le début des vacances verra l’arrivée d’un nouveau Mathias, même si on mettra quelque temps avant de voir le changement.

    C’est la seule pensée qui occupe mon esprit quand l’autobus arrive à l’école: une fin mène à un recommencement.

    Dehors, la foule d’élèves attend le dernier examen de l’année, sous le soleil splendide qui souligne l’arrivée prochaine des vacances, sur le terrain adjacent à la polyvalente.

    Mon téléphone vibre. C’est un texto de Pascal.

    Dsl, on a fait tout ce qu’on a pu.

    L’autobus se vide et, intrigué, légèrement inquiet, je sors le dernier, fidèle à mon habitude. Dès que je pose le pied sur le trottoir devant l’école, le bus jaune repart. D’habitude, Louis et Pascal viennent me rejoindre et on parle un peu avant le début des cours.

    Je les aperçois, ils gesticulent avec vigueur, tout près de Gignac et sa gang, vêtus des couleurs des Mamba, notre équipe de football.

    J’ai l’impression que certains membres de la ligne défensive les empêchent de passer. Je vois aussi la belle Estelle qui engueule Gignac, ce qui semble avoir peu d’effet sur le grand sportif.

    J’ajuste le bas de mon t-shirt, même si je sais que mes bourrelets ne débordent pas, car mes t-shirts sont tous trop longs. J’avance un peu vers mes amis et je me sens observé, plus qu’à l’habitude.

    Si mon secondaire 4 peut se terminer enfin… Je vois les autres qui me pointent, qui chuchotent pour rire de moi sans se cacher. Je sens le feu me monter aux joues et plus j’ai l’impression de rougir, plus je sais que je rougis. En arrivant près des grandes portes vitrées de l’école alors que je suis au milieu de la foule, je la vois.

    Elle est vaste, imprimée sur quatre feuilles, et elle couvre tout le haut de la porte centrale de l’entrée des élèves.

    Je m’arrête, parce que j’ai le souffle coupé. Je ne sais pas comment réagir, je suis figé par tant de méchanceté. Crier, tempêter, ce n’est pas trop mon genre.

    Je fixe l’éléphant le plus petit sur l’affiche, celui dont la figure est une photo de mon visage qui ne m’avantage pas: j’ai les joues rouges, je suis en sueur et mes cheveux en bataille sont collés sur mon front.

    Je sais que cette image a été prise pendant les Olympiades, trois semaines plus tôt, tout juste avant la session d’examens de fin d’année.

    Ce qui fait le plus mal, ce n’est pas de me voir ainsi représenté sur le mur de l’école devant tous les élèves.

    Ce qui me blesse le plus, c’est l’autre éléphant, plus gros, couché au sol, qui porte le visage de mon père. On jurerait qu’il est mort.

    C’est la photo de la notice nécrologique, agrandie, floue, mais je reconnais les yeux, la barbe et le double menton de mon père.

    J’aimerais refouler les larmes qui me montent aux yeux, mais c’est au-delà de mes forces. Je sens l’eau salée couler sur mes joues, j’ai de la difficulté à respirer, j’ai l’impression que la Terre autour de moi a arrêté de tourner. Je suis le centre de l’univers, tout le monde me regarde, tous se moquent de moi, de ma peine, de mon père. Je sais que les cellulaires captent chaque instant de mon humiliation.

    Il est mort parce qu’il était trop gros.

    Et moi… moi aussi je le suis. Moi aussi j’ai peur que ça m’arrive. En ce moment, je sens une colère profonde naître dans cette peine.

    C’est trop, je ne peux pas supporter ça plus longtemps. Je m’avance et je cherche une prise malgré le papier collant qui a été appliqué avec minutie sur toute la feuille, rendant l’arrachage impossible. Je tente d’égratigner la surface, de trouver une aspérité pour y glisser mes doigts, je tire, je tire de toutes mes forces, mais rien ne bouge. J’essaie de plus en plus frénétiquement, des petits coups, des grands coups, sans succès. Je ne réussis pas à enlever l’affiche.

    Alors que je m’acharne, les pentures râpent mes jointures, je sens ma peau s’ouvrir, mais cette douleur n’est rien, elle n’est que physique, elle s’incline devant le gouffre sans fond de la souffrance que je ressens en dedans.

    — T’as juste à tirer de tout ton poids! lance une voix.

    Cette voix, je la reconnaîtrais entre mille. Je me retourne vers sa provenance et je vois Gignac, dont la tête surplombe l’assemblée d’une dizaine de centimètres. Autour de lui, ses amis se fendent de rire eux aussi. Ils sont les seuls. Tout autour, je sens un malaise, les gens me regardent, mais ne rient pas.

    Derrière, toujours retenus par les fiers-à-bras de Gignac, Louis et Pascal essaient de me rejoindre, mais ils ne sont pas assez forts pour passer.

    Je serre les poings et je m’avance d’un pas décidé.

    — Les gars, on peut se sauver en marchant, le bébé éléphant ne nous rattrapera jamais, se moque Gignac.

    Je m’arrête. Cette blague casse le malaise et certains commencent à rire… Je pourrais protester, mais la réplique reste coincée, comme d’habitude.

    Gignac et ses amis s’en vont et je n’en peux plus. J’ouvre la porte à la volée et je me précipite dans les marches de l’escalier. Je traverse la salle des casiers et j’entre dans les toilettes.

    Je tombe à genoux, en plein milieu de la pièce, entre les lavabos et les cabines.

    Là, je braille pour vrai. De gros sanglots. J’ai seize ans, je n’aime pas pleurer, je me suis retenu aux funérailles de mon père… mais cette fois-ci, c’est trop.

    Je suis plié en deux, j’ai mal partout, comme si on m’avait battu à coups de barre à clous. Je ne sais pas combien de temps ça dure, sauf que ça me semble une éternité.

    La première cloche sonne.

    Je me lève pour éviter que tout le monde me voie paniquer, pour éviter de me sentir ridiculisé encore plus. Je m’enferme dans une des cabines, et je m’assois sur le siège.

    — Matt? T’es là?

    C’est Louis. Je ne réponds pas. Mes amis sont des vrais copains, mais je n’ai pas envie d’en parler, pas maintenant. Je ne me cache pas mieux: ils auront la décence de me laisser tranquille. Ils comprendront mon besoin de solitude.

    — Il se trouve probablement déjà au gymnase pour l’exam, dit Pascal. Il est fait fort, ce n’est pas la première fois que Gignac s’en prend à lui.

    — Mais c’était intense… vraiment à la limite du harcèlement criminel, si tu veux mon avis.

    — Je ne dis pas le contraire, sauf que là, il faut y aller avant d’être en retard.

    La deuxième cloche sonne peu de temps après leur départ.

    Je dois sortir d’ici, retourner devant les autres et affronter les regards. Je ne dois pas arriver en retard, je ne pourrai pas passer l’examen. Alors ils gagneraient, Gignac et sa gang. Je ne veux pas les laisser réussir à me vaincre.

    Je me relève. Mon reflet dans le miroir me fait peur, avec mes yeux bouffis. Je m’asperge le visage, comme le faisait mon père tous les matins pour se réveiller.

    Un surveillant entre dans la pièce.

    — Dépêche-toi. Il te reste juste deux minutes pour te rendre dans ta salle d’examen… Hey, t’es le jeune sur l’affiche? Je vais enlever ça, pis avec les caméras de sécurité, on trouvera les comiques qui ont fait ça.

    Je renifle un bon coup, je pousse un bref soupir et je murmure un «merci» enroué.

    Dans deux heures, mon calvaire sera fini pour l’été.

    Chapitre 2

    J’entre dans la maison en fin d’après-midi. Après mon examen, je suis allé à la librairie qu’on fréquente, ma mère et moi, pour vérifier si j’avais reçu des livres.

    — Pis, mon chou, ton examen de science?

    Ma mère m’attend, bien sûr. Elle a pris congé, comme à chaque fin d’année scolaire. L’odeur ne trompe pas: elle m’a cuisiné un gâteau. Elle s’imagine que c’est mieux pour moi qu’elle soit là pour souligner la fin de l’année, mais je n’aurais pas détesté passer un peu de temps tout seul. Comme elle est «tout ce qui me reste», comme elle le dit elle-même de moi, je lui pardonne mieux.

    — C’est enfin fini! J’avais hâte que ça aboutisse. Même si j’aime les sciences, cette année a été plutôt rushante.

    Je n’ai pas besoin de lui en dire plus: elle sait que les funérailles et les semaines suivant la relâche ont été difficiles, surtout en sciences où mon retard a été ardu à rattraper. Je n’ai pas envie de lui parler de l’incident de ce matin: ce n’était pas le premier du genre, mais c’est, je l’espère, le dernier avant un bon moment. C’était aussi le plus violent, mais je sais que Gignac et sa gang ne s’en tireront pas comme ça: on est venu les chercher au beau milieu de l’examen de science, devant tous les élèves de secondaire 4. Quand j’ai terminé mon évaluation, je les ai vus, dans le secrétariat, avec leurs parents. Je suppose que la direction a pris l’incident assez au sérieux pour intervenir avec panache.

    — T’es allé à la librairie comme prévu? me demandet-elle en me ramenant au présent.

    — Oui, mais Lyne n’avait pas reçu beaucoup de livres pour moi. Elle a quand même mis quelques titres de côté, mais je lui ai dit que je n’étais pas certain.

    Je n’avais pas trop la tête à lire…

    — J’attendrai avant de t’acheter ton cadeau de fin d’année.

    — C’est correct, t’es pas obligée. J’ai seize ans, tsé.

    — Chaque effort mérite sa récompense. D’ailleurs, j’ai déjà appelé pour ton repas de fin d’année. Ils devraient le livrer vers 5 h.

    J’ai donc presque une heure à tuer avant mon traditionnel souper pour célébrer le début des vacances. Avec une assiette en moins, pour la première fois. C’est fou à quel point l’année du décès de mon père est une année de «premières fois». Ce sera donc la première fois que je dégusterai ma pizza all dressed extra bacon sans champignons avec de la poutine extra sauce, double fromage, garnie de bœuf haché, saucisse hot-dog et oignon, sans mon père mangeant la même chose à côté de moi.

    Je sens le nœud dans mon ventre se former, comme toujours quand j’y pense.

    — Parfait. Merci, Mom.

    Elle me fixe avec une tristesse dans le regard qui me bouleverse. Je ne sais pas combien de temps elle restera aussi nostalgique, mais je trouve ça plus difficile de la voir dans cet état que de vivre mon deuil tout seul. Ça fait trois mois et demi, maintenant.

    En attendant le souper, je me réfugie dans ma chambre, pour relaxer un peu. Allongé sur mon lit à regarder le plafond, mon cellulaire sur ma station de haut-parleurs, j’écoute mon groupe préféré. Today’s apocalypse ne pourra pas me réconforter, mais ça aide à me plonger dans mes souvenirs.

    C’est arrivé fin février, au début de la semaine de relâche, en fait. C’est étrange un événement comme celui-là: quand on a quitté l’école le vendredi, j’avais un père bien en vie. J’avais hâte de passer du temps avec lui, parce qu’il était en congé de maladie depuis quelques semaines et je savais qu’il s’ennuyait. Il souffrait d’ulcères d’estomac très sévères, qui l’empêchaient de marcher, donc de

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