Le Journal du dimanche

Admirables

À une certaine époque, il était presque tabou de dire que l’on allait chez un psy. On demandait pudiquement, formule qui était comprise tout de suite. Aujourd’hui, alors que même un contact professionnel est capable de vous répondre qu’à cette heure-ci il n’est pas disponible pour cause de thérapeute, on demande sans plus sourciller. Faire quelque chose à son visage – une piqûre de botox, un lifting, l’introduction de fils d’or sous la peau, un remplissage ou – est devenu un acte généralisé. Et ce n’est même plus une question d’âge. Depuis 2019, les 18-34 ans consomment plus d’actes esthétiques que les 50-60 ans, comme le souligne un récent ouvrage (1). Pourtant, l’écrivaine et journaliste de mode Sophie Fontanel le sait, on peut traverser le temps sans chercher à modifier ses traits. Comme lorsqu’elle s’est penchée sur le sujet de l’injonction sexuelle dans – vendu à plus de 160 000 exemplaires en France –, elle a voulu parler à ce. Celui qui , justement. Celui qui ne peut s’empêcher de se demander en croisant une femme dont tous les signes extérieurs de vieillesse sont brouillés. Elle s’est souvenue des images de son enfance, des amies de sa À 60 ans, alors qu’elle vient de commander sa carte Senior sur le site de la SNCF, l’écrivaine se demande : Parmi les célébrités, elle ne trouve pas. Et autour d’elle , presque personne. Il faut la façonner. Voici donc Admira, exilée depuis vingt ans sur une île grecque. Là où elle est, elle ne sait rien de ce médicament révolutionnaire – inventé par une femme sous le doux nom de Mondoror. Il repulpe la peau et lui donne même un ton abricoté. Dans le monde entier, qu’Admira ignore, grâce à un simple cachet, les visages des hommes, des femmes, des riches, des pauvres redeviennent aussi lisses et lustrés qu’une peau de dauphin. C’est une révolution irréversible. Et elle, sans le savoir, est alors devenue la dernière femme ridée sur terre. Si Sophie Fontanel voit la littérature comme le lieu de l’absence de jugement, elle y voit aussi et surtout une façon de, de montrer qu’une autre voie existe entre l’apparence validée en permanence par l’extérieur et les faiblesses d’une société : des actrices qu’on ne voit pas vieillir, des mannequins toujours plus jeunes, une absence de modèles vrais, en réalité., oppose-t-elle. C’est ainsi que nous sommes allées chercher ensemble, au bord de la mer, dans la lumière de Marseille, des visages au naturel. Bienvenue dans sa bande et celle d’Admira. Celles des femmes qui ont leur vrai visage et ne souhaitent pas en changer. Ou presque.

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