Derrière mon sourire
Par Maika Desnoyers
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À propos de ce livre électronique
Si je garde le sourire, c’est que j’ai le sentiment d’avoir trouvé en moi le courage de surmonter ces obstacles. En vous livrant cette histoire qui est la mienne, je souhaite lever le voile sur les périodes troubles de ma vie qui ont fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. Mais par-dessus tout, je souhaite partager les leçons de vie que j’en ai tirées au fil du temps, dans l’espoir de venir en aide à ceux qui cherchent un éclat de lumière, des pistes de solutions pour retrouver le chemin du bonheur.
S’il y a bien une chose que ces épreuves m’ont apprise, c’est qu’il ne sert à rien de faire semblant.
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Aperçu du livre
Derrière mon sourire - Maika Desnoyers
Chapitre 1
Le syndrome de l’enfant sauveur
« Toi là-haut, toi qui guéris tous les maux. Aide-moi à accepter qui tu as créé. »
Ces mots, je les ai écrits dans un calepin, quelque temps avant de tenter de m’enlever la vie. J’avais 15 ans, et je ne voulais plus vivre. Je n’en pouvais déjà plus de toute cette souffrance.
J’ai beau les avoir formulées il y a plus de vingt ans, ces phrases me procurent encore le même grand vertige. Depuis que je suis mère – je le suis devenue six ans plus tard –, je suis d’autant plus convaincue qu’il n’est jamais normal de voir un enfant souffrir.
J’ai eu la chance de grandir avec une jeune maman monoparentale qui savait bien se débrouiller, et je n’ai jamais manqué de rien. Ma mère savait aider tout comme elle savait demander de l’aide. C’est assurément elle qui m’a inculqué cette précieuse valeur-là. On n’avait pas d’argent, mais on aidait tout le monde. Elle m’a appris très jeune à me montrer disponible pour les autres, pour tous ceux qui en ont besoin. Je me souviens parfaitement quand j’étais toute petite et qu’on allait au resto de ma grand-maman, à Marieville, où ma mère travaillait très tôt le matin. Il y avait souvent le même itinérant qui se promenait dehors. Moi, c’est systématique, j’allais toujours lui donner à manger. Bon, ce n’était que de toutes petites boîtes de raisins secs que j’avais pigées dans un sac que ma mère avait acheté, mais je crois que ça lui faisait plaisir, venant d’une fillette d’à peine quatre ou cinq ans ! J’avais compris qu’il fallait l’aider et je me portais volontaire. Je le faisais de bon cœur, par pur instinct.
Très jeune, j’ai développé le syndrome du sauveur. Je voulais tout sauver. L’été, j’allais pêcher des têtards dans les ruisseaux près des champs de blé d’Inde à côté de la maison, et je les déposais dans un pot sur le pas de la porte, au grand désespoir de ma mère. Avec le recul, j’ai compris qu’au fond, c’est moi qui avais besoin d’être sauvée, aidée. En quelque sorte, le fait que j’arrive à aider les autres me convainquait que je n’avais pas besoin d’aide. Bref, j’ai toujours eu besoin de me sentir utile. Mais souvent, je me mettais dans des situations compliquées.
Quand j’étais jeune, ma mère me disait souvent : « Ben voyons ! Ça peut être facile, la vie. Mais toi, s’il y a un tas de marde, tu sautes toujours dedans ! » Et elle avait tellement raison ! Par exemple, j’allais chez la coiffeuse la veille de chaque rentrée scolaire pour me faire faire… la pire coupe de cheveux au monde ! Tout était toujours compliqué. Une vraie drama queen.
En même temps, ma sensibilité et mon empathie pour les autres faisaient en sorte que ma mère avait peur que je me fasse manger tout cru dans la vie. Selon elle, je manquais de caractère pour me forger une carapace et ne pas être blessée par les gens autour de moi. À mon âge, ma mère était plutôt du genre à plaquer les élèves dans les casiers et à se faire mettre dehors de l’école. Pas moi, pas du tout… J’étais la petite fille douce et fine.
Tellement, qu’à l’école primaire, ils m’ont envoyée dans la classe des élèves avec des troubles de comportement et d’apprentissage. La direction de l’école s’était dit que j’étais tellement en contrôle, tellement gentille, que j’étais apte à les aider. Sauf que cette expérience n’a pas du tout été facile pour moi. Plusieurs élèves faisaient des crises, me tiraient les cheveux. Il y a des jours où je rentrais à la maison et il me manquait des mottons de cheveux sur la tête ! Pourtant, je souriais… « Ça va, c’est pas grave ! » Bien sûr, je comprenais qu’ils ne voulaient en aucun cas me faire du mal, et qu’ils ne savaient tout simplement pas comment contrôler leurs émotions. Et puis, j’ai fini par me faire des amis dans ma nouvelle classe. Mais reste que cette période a été difficile à gérer pour moi, parce que je n’avais pas de troubles de comportement. Devoir être dans une classe dans laquelle la prof devait constamment faire de la discipline et dans laquelle les élèves hurlaient pour se faire comprendre, ça me mettait souvent à l’envers. J’ai passé une demi-année scolaire dans cette classe et, malgré toute ma bonne volonté, je ne pense pas que j’aurais pu tenir plus longtemps.
L’année suivante, j’avais plus hâte à la rentrée qu’à l’habitude. J’étais contente de retourner dans une classe « ordinaire ». À mon grand désarroi, la professeure m’a pris en grippe dès le début des classes. J’étais son bouc émissaire, son souffre-douleur. Quoi que je fasse, elle était toujours sur mon dos. Après quelques semaines, j’ai fini par en parler à ma mère.
Ma mère – mon bulldog ! – est débarquée à l’école avec une seule idée en tête : comprendre pourquoi les choses ne se passaient pas bien entre sa fille et sa professeure. Heureusement qu’elle a mené son enquête, puisqu’elle a découvert que c’était un énorme malentendu. « Écoutez, madame, elle sort d’une classe pour les enfants avec des troubles de comportement, il faut quand même qu’elle soit encadrée ! » Dans mon dossier, il était simplement indiqué que j’avais passé une partie de l’année scolaire dans cette classe, mais pas pourquoi j’y avais été invitée. Une fois que ma mère a mis les choses au clair, mon année scolaire a pu se dérouler sans trop d’accrocs. Mais le mal était déjà fait, parce qu’à force de toujours me faire réprimander devant les autres élèves, ma confiance en moi avait été ébranlée.
Ce n’est pas un hasard si je me suis retrouvée à aider ces élèves en difficulté. J’ai toujours eu de l’empathie, voulu aider les gens, faire une différence positive dans leur vie. Ces qualités m’ont beaucoup aidée dans la vie, mais elles m’ont parfois nui. Je peux avoir tendance à devenir une éponge, à absorber toute la souffrance des autres. J’ai mis du temps à comprendre que je n’étais pas assez forte pour vivre la peine des autres en plus de la mienne.
Aujourd’hui, je le sais, la première personne à sauver si on veut pouvoir sauver les autres, c’est soi-même.
Chapitre 2
L’ado qui voulait disparaître
« Ma mère, la pauvre ! » Voilà ce qui me vient en tête quand je repense à mon adolescence. Même si cette époque a surtout été difficile pour moi, je ne peux pas m’empêcher de penser aux répercussions qu’elle a eues sur ma mère. En tant que maman, je serais chamboulée d’apprendre que mes enfants vivent de telles souffrances.
J’avais fait un deal avec ma mère pour mon secondaire : je devais faire trois années à l’école privée comme elle le souhaitait et après, je pourrais faire deux ans à l’école publique. À mon école privée, j’ai été victime d’intimidation pendant trois longues années. Je n’ai eu aucun répit. De mon secondaire un à trois, j’ai supplié ma mère de me retirer de ce milieu toxique qui me dévorait de l’intérieur, qui me tuait à petit feu. Mais pour elle, ce n’était que des caprices d’enfant. Je sais que ce n’est pas parce qu’elle ne m’aimait pas. Au contraire ! Je comprends qu’il peut être difficile de détecter les appels à l’aide d’une enfant tourmentée qui a, à la base, un certain besoin d’être au centre de l’attention. À son avis, je n’étais pas suffisamment faite forte, et elle voulait m’apprendre à m’endurcir. Elle savait que la vie était parsemée d’embûches et elle voulait que je sois en mesure de les surmonter. Il n’était pas question que sa fille se fasse manger tout rond. Il y a quelque chose d’ironique là-dedans, quand on y pense, parce que c’est au secondaire, à l’école où j’ai été forcée de rester, que j’ai été mangée tout rond. Mieux vaut en rire !
Mes problèmes ont commencé tôt après mon arrivée au secondaire, alors que je suis tombée en amour avec le mauvais gars. À l’adolesence, ça n’en prend pas beaucoup pour que l’intimidation et le rejet commencent.
J’étais en secondaire un, j’avais 13 ans. Moi, je venais de la campagne. Je ne connaissais personne dans ce collège alors que la plupart des élèves se connaissaient depuis le primaire.
Quand je suis arrivée dans le décor, il existait déjà une clique de gens populaires dans laquelle tout le monde voulait être, et j’ai vite compris qu’ils étaient tissés trop serrés pour me faire une place. En fait, dans cette clique, il y a bien quelqu’un qui m’a accueillie. Un gars de secondaire trois avec qui j’ai commencé à sortir. Vous savez, la fille de secondaire un qui n’a pas d’amis qui tombe amoureuse du gars cool de secondaire trois ? Un scénario de film à faire rêver !
Au tout début, c’était justement comme dans les films. Il était tellement beau, tellement fin ! Les amours de jeunesse, c’est intense, parce qu’on est encore face à l’inconnu. Avant lui, je n’avais encore jamais eu de relation, ni même embrassé de garçon. J’avais certainement eu des crush, mais pas de chum. Il avait absolument tout pour que je l’aime, mais j’étais manifestement trop jeune. Le fait de me sentir liée à quelqu’un me faisait angoisser. Je n’étais pas prête à avoir un chum, tout simplement. C’est quand j’ai pris conscience que je ne l’aimais pas vraiment et que je restais en couple avec lui pour les mauvaises raisons – la peur de me faire juger, de déplaire – que j’ai mis un terme à notre relation.
Malheureusement, ce que j’appréhendais est arrivé. Je l’ai laissé, et mon calvaire a commencé. En mettant fin à ma relation avec lui, je suis devenue le bouc émissaire des autres adolescents. Je ne pense même pas que c’était de la jalousie de leur part. J’avais laissé un des leurs, j’étais sûrement le sujet de l’heure et ils ont flairé que j’étais une proie facile. Ils allaient donc s’acharner sur moi. Dans les corridors, tout le monde criait mon nom. Un petit groupe de secondaire trois, en particulier, était toujours sur mon dos et me faisait peur.
Que les plus vieux me niaisent, ce n’était pas la fin du monde, au fond. Mais rapidement, les élèves de secondaire un et deux qui étaient témoins de ces scènes ont senti le droit de m’intimider à leur tour. Je vivais l’intimidation de beaucoup plus près avec mes camarades de classe. Je me sentais attaquée de l’intérieur. Les secondaire trois avaient ouvert une petite porte, et les autres – des ados à la recherche de leur identité – en avaient profité pour l’ouvrir au grand complet.
Plus le temps allait, plus ils repoussaient les limites de la méchanceté. Ils étaient sur mon cas et ne savaient probablement même plus pourquoi. C’était devenu un jeu pour eux.
On criait mon nom dans les corridors et on jappait sur mon passage – j’avais eu la brillante idée de me faire faire une permanente et ils me comparaient à un chien.
Lentement, les autres ont fini par me délaisser, de peur de subir le même sort que moi.
Mes camarades étaient gênés d’être en ma présence, alors personne ne me parlait. Certains élèves que je ne connaissais pas se sont mis à parler dans mon dos juste pour s’assurer d’être du bon côté du « conflit ». Pendant ce temps, je ne pouvais aller nulle part sans soulever des moqueries, alors que je n’avais absolument rien fait. Vous pouvez imaginer ce que ça fait à un jeune en quête d’identité d’être rejeté comme ça…
Pendant ces trois années, je vomissais tous les matins avant d’aller à l’école parce que j’étais trop stressée de m’y rendre. Dès que je descendais de l’autobus, j’allais tout de suite me cacher dans un endroit où je savais que je ne me ferais pas achaler. Sur l’heure du dîner, je faisais tout pour éviter de devoir aller à la cafétéria m’acheter un lunch. Ma mère me donnait toujours de l’argent, mais c’était tout simplement impensable pour moi de manger avec les autres élèves. J’avais toujours le même programme : m’acheter des bonbons et des chips dans les machines distributrices, engloutir toutes ces cochonneries le plus vite possible, debout devant ma case, puis aller me cacher à la bibliothèque. Je voulais aller me cacher quelque part. Disparaître pour n’entendre personne crier « Maïka ! », « Hakuna Maïka ! », ou « Mailloche ! » en me