Pierre Karl Péladeau
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Aperçu du livre
Pierre Karl Péladeau - Tremblay Frédéric
Pierre Karl Péladeau
Biographie
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Télécopieur : 450 434-2627
Impression : Marquis
Photographie de la couverture : Jacques Nadeau
Photographie de l'auteur : Félix La Ferté
Conception graphique : Paul Brunet
Révision : Jacques Lanctôt
Correction : Nicolas Therrien
Les Éditions des Intouchables bénéficient du soutien financier du gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC et sont inscrites au Programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.
© Les Éditions des Intouchables, Frédéric Tremblay, 2014
Tous droits réservés pour tous pays
Dépôt légal : 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
ISBN : 978-2-89549-733-2
978-2-89549-734-9 (ePUB)
Du même auteur, aux éditions Joey Cornu :
Une ruse inversée (2008)
L'heure des redevances (2008)
En un mot (2009)
Textomachie (2012)
PRÉFACE
POURQUOI PKP ?
Mon premier contact avec le nom et l’image de Pierre Karl Péladeau remonte au mouvement étudiant de 2011 et de 2012. À l’époque, je ne connaissais que vaguement les activités de Québecor et ses liens avec des chaînes de télévision, des journaux et des éditeurs qui m’étaient pourtant familiers. Je savais
seulement qu’il faisait partie des riches qu’il fallait détester pour la simple raison qu’ils étaient riches. Il n’avait pas pris position sur la question des frais de scolarité aussi publiquement qu’un Jacques Villeneuve, mais le monde étudiant avait décidé que son existence elle-même était une prise de position pour l’héritage familial et contre l’invention de soi, pour le marché et contre le système public d’éducation. En résumé : PKP était un
symbole, et non pas une réalité. Et pendant longtemps, ce symbole m’a suffi. Je ne le jugeais pas aussi négativement que d’autres, mais je demeurais indifférent, je le gardais éloigné de mes réflexions et de mes écrits.
Puis, de sources diverses, j’ai commencé à le connaître et à comprendre que le personnage n’était pas aussi unidimensionnel que je l’aurais cru. D’abord cette légende urbaine que plusieurs rapportent, mais que Pierre Karl Péladeau infirme, à propos du fait qu’il se serait renommé de Carl à Karl en l’honneur de Karl Marx. Ensuite, les études en philosophie avant celles de droit, avant son implication dans les affaires. Enfin, son goût pour le sport, et le couple inspirant qu’il forme avec Julie Snyder, si différent de ses relations d’affaires. Autant de détails qui donnaient prise à une réévaluation de cette personnalité publique pourtant méconnue. Comme, de romancier, je devenais de plus en plus biographe, j’ai commencé à envisager d’écrire sur lui. Chaque fois que son nom ressortait dans les discussions de mon cercle d’amis, pourtant peu « péladophiles », je disais, moitié à la blague, que je me réservais sa biographie. À ce stade-ci, le projet n’était qu’une possibilité parmi d’autres. Je ne voyais pas de bonnes raisons de m’y attaquer tout de suite. Pierre Karl Péladeau avait déjà de nombreuses réalisations derrière lui, soit, mais de nombreuses devant aussi, et il valait le coup d’attendre encore un peu.
Sur ces entrefaites est arrivée la tempête médiatique que l’on connaît : celle qui a suivi sa présentation comme candidat du Parti québécois dans Saint-Jérôme. Véritable ouragan virtuel plutôt, car les commentaires fusaient de tous les côtés, dans les médias officiels comme dans les médias sociaux. Ce regain d’intérêt public pour un personnage controversé, qui avait jusque-là réussi à demeurer dans l’ombre, a rallumé mon projet de biographie. Je l’ai proposé à plusieurs éditeurs, mais la plupart, étant donné l’absence d’un manuscrit déjà avancé, ont décliné l’offre. Michel Brûlé a quant à lui répondu incroyablement rapidement. Les recherches documentaires se sont aussitôt enclenchées, l’écriture a suivi, et quelques mois plus tard à peine, l’ouvrage est maintenant prêt à être lancé.
Il s’agit d’une biographie non autorisée. L’autorisation est-elle nécessaire ? Après tout, le récit d’un homme est toujours du domaine public. Il peut souhaiter le contrôle de ses propriétés et de ses richesses, et personne ne devrait s’y opposer. Mais pour ce qui relève de ses actions, de ses déclarations, de ce qu’il vit avec d’autres, la possession est toujours partagée. S’il veut que les événements demeurent privés, il faudrait qu’il choisisse de les vivre uniquement dans sa tête, ou suffisamment à l’abri des regards d’autrui. Avec son saut en politique plus encore que son saut en affaires, Pierre Karl Péladeau a cédé au public le droit de le connaître, de l’estimer et de le critiquer. Toute idée de monopole de son image et de son histoire est désormais illusoire. Il peut, bien entendu, légitimement intervenir si on déforme les faits, pour rétablir la vérité, mais pas si on raconte correctement des faits qu’il veut garder secrets. Le ton de cette biographie, vous l’aurez compris, est élogieux. D’autres points de vue seront sans doute différents du mien, seront plus sévères, et, finalement, le public pourra se faire une meilleure idée de l’homme. On a toujours avantage à ce que se multiplient les
histoires à propos de soi, plutôt que de tenter de les limiter.
D’autres biographies suivront peut-être, autorisées ou non, basées sur une plus longue série d’entrevues, bâties sur le long terme, une fois la vie de PKP plus avancée et les orientations de sa carrière politique précisées. Celle-ci répond à un caprice d’auteur. Ou plutôt à deux caprices. Dans un premier temps, celui d’aller au-delà de l’image antiéconomique d’une certaine gauche québécoise qui condamne a priori ses principales figures emblématiques. Bref, délaisser le mythe pour aller droit aux faits. Dans un deuxième temps, celui de tenter d’élever ces faits pour créer un nouveau mythe. Le travail du biographe se trouve tout entier compris dans ces deux étapes. Il doit se faire journaliste, ou puiser dans l’œuvre des journalistes, pour comprendre son personnage. Puis il doit se faire écrivain pour romancer, poétiser, mythifier ce même personnage. Je considère, en effet, que Pierre Karl Péladeau mérite une autre histoire que celle qu’on raconte à son sujet. Cette biographie ne révèle aucun fait que les articles écrits à son sujet n’aient pas déjà présenté, mais elle les rassemble pour en faire un portrait complet.
Je suis persuadé que, pour longtemps encore, le mouvement étudiant et la gauche seront tentés d’écrire un roman tout à fait opposé. Mais je tenais tout de même à rendre le mien disponible aux esprits qui, comme moi, pourraient se reconnaître dans certains grands virages survenus dans la vie de Pierre Karl
Péladeau, et avoir envie d’en faire un modèle pour leurs propres accomplissements.
Frédéric Tremblay
Montréal, Québec
22 septembre 2014
PREMIÈRE PARTIE : PRINCE
1. LE PRINCE REBELLE
UNE NOBLESSE RÉTROACTIVE
Dans la longue liste des conditions qui décident d’une vie avant qu’elle soit en mesure de décider d’elle-même, il y a pire que naître prince. Car c’est bien ce qu’est Pierre Karl Péladeau lorsqu’il vient au monde, le 16 octobre 1961.
Le quotidien Le Journal de Montréal sera fondé trois ans plus tard, le 15 juin 1964, et la société Québecor verra le jour l’année suivante, en 1965. Mais même s’il n’a pas encore créé cette marque de commerce qui appartient désormais à l’imaginaire collectif, Pierre Péladeau accumule déjà les acquisitions tout en transformant de nombreux tabloïds de quartiers. La presse — la sienne et celle des autres, car désormais il faudra toujours distinguer entre les deux — ne s’est pas encore lancée dans la surenchère de titres qui forgeront sa légende au moins autant que ses actions ; elle ne le dit pas encore empereur, baron ou roi. Mais Pierre Péladeau le deviendra assez tôt, grâce à sa volonté, sa fougue et sa force de caractère, qui deviendront un symbole de la culture et de l’entrepreneuriat québécois.
Cette bonne étoile peut devenir un poids autant qu’elle est une aide, comme l’histoire le montrera plus tard. Si le fait de naître « le fils de » n’est la garantie de rien du tout, c’est assurément une première étape intéressante dans cette course au succès qu’on appelle la vie. Pierre Karl Péladeau ne se détournera pas de son héritage, et il ne cessera même jamais de se définir par rapport à lui. Mais de telles réflexions ne lui viendront qu’à l’adolescence. Pour l’instant, il est trop jeune, et donc trop occupé à apprendre à se connaître pour penser aux autres.
PÈRE MANQUANT, FILS ADMIRATIF
Pierre Karl est l’enfant du milieu, ou plutôt un des deux enfants du milieu, puisqu’ils sont quatre. Son frère Érik est né en 1955, sa sœur Isabelle en 1958, et Anne-Marie arrivera en dernier dans la famille, en 1965. Ce rang dans les naissances n’en fait pas un fils délaissé. Délaissé, il le sera bel et bien, mais pour d’autres raisons.
Car chez les Péladeau, il importe peu qu’on soit né en premier ou en dernier : dans un cas comme dans l’autre, le père est trop occupé pour passer tout le temps qu’il faudrait avec sa progéniture. Pierre Karl comprend fort bien qu’un homme de cette stature a des obligations qui le poussent à l’extérieur du foyer et il ne lui en tiendra jamais rigueur. « Mon père habitait à l’extérieur et a toujours mené une vie professionnelle trépidante. Je n’avais pas la possibilité de le fréquenter beaucoup¹. » Cet ailleurs dont il parle, c’est la ville de Sainte-Adèle, où Pierre Péladeau se retire lorsqu’il n’est pas en train de courir entre ses différents bureaux ou bien de procéder à la refonte d’un journal qu’il vient d’acheter. (Quand les moyens le lui permettront, le patron de presse fera même en hélicoptère ses trajets de la ville à la campagne.) On ne sent ni regret ni rancune dans cette description que fait un fils de la vie de son père. Une déception normale, peut-être, mais surtout de l’admiration pour l’énergie paternelle.
UNE CUILLÈRE D’ARGENT QUE PERSONNE NE TIENT
Quant à la mère de Pierre Karl, Raymonde Chopin, si elle veille sur ses enfants et les élève du mieux qu’elle peut, ses capacités iront toujours en déclinant. Être la femme d’un homme à femmes n’est pas de tout repos, et encore moins si ce mari est également homme d’affaires. Tabou autour de la maladie mentale oblige, on n’évoquera que dans les cercles fermés la profonde dépression de Raymonde, ses causes et ses conséquences. Pierre Karl se contentera de dire que sa mère était malade, laissant croire à un mal physique plutôt que psychique.
C’est donc entre un père plongé dans le monde des affaires et une mère perdue dans sa propre tête que les enfants Péladeau grandiront. C’est cette vie de famille lourde et triste qu’évoquera Julie Snyder, déclarant plus tard en entrevue, pour décrire l’enfance difficile de son partenaire : « Parce que Pierre Karl est peut-être né avec une cuillère d’argent dans la bouche, mais personne ne la tenait, la cuillère². » Une image forte qu’une femme forte utilise pour décrire un homme fort — ou plutôt un enfant, qui deviendra fort par la force des choses.
Raymonde se suicide en octobre 1976, le mois même des 15 ans de son fils Pierre Karl. Cette mort achève de lui faire comprendre qu’il devra devenir adulte plus rapidement que les autres. « Ma mère est décédée à la fin de mon adolescence et je vous dirai que cela m’a permis de devenir rapidement indépendant³. » Quel homme peut dire que son adolescence s’est terminée à 15 ans ? Pierre Karl se le permet, à juste titre.
ENFANCE CHEZ LES LAFRAMBOISE
Bien avant la mort de sa mère, qui manifestement n’est plus capable d’élever ses quatre enfants en même temps, Pierre Karl est envoyé dans une famille d’amis de son père, Marie et Raymond Laframboise. Il n’aura jamais que de bons mots à leur égard. Il se les remémore avec chaleur, les décrivant comme « une famille tissée serrée, où régnait une grande joie de vivre⁴ ». Les Laframboise lui retournent bien l’ascenseur et ne parleront jamais de lui qu’en termes élogieux. Marie Laframboise déclare en entrevue : « Pierre Karl, je l’aime comme un fils. C’était un enfant agréable, un beau caractère. Il aimait relever des défis⁵. »
C’est donc à la fois un enfant comme les autres, et un enfant qui assume qu’il veut être plus que les autres. Ce que confirme une anecdote que celle qui joua le rôle de mère adoptive raconte en riant. Pierre Karl fait du ski de compétition avec les enfants Laframboise. Pour lui, cependant, du ski de compétition, ce ne peut pas être autre chose que du ski de réussite : « Quand il n’arrive pas