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Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt
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Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt
Livre électronique265 pages3 heures

Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt

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À propos de ce livre électronique

Le nom de Henri-Paul Rousseau restera à jamais associé à la débâcle du papier commercial adossé à des actifs et à la perte de quarante milliards de dollars subie par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 2008, dans le cadre d'une suite d'événements qu'il a lui-même qualifiée de «tempête parfaite», venue proche de renverser le système financier international. Économiste de formation, il appartient à la caste des « grands mandarins», ces dirigeants d'élite dont la carrière les amène à œuvrer aussi bien dans l'enseignement supérieur qu'à exercer de très hautes responsabilités, tantôt dans le secteur public, tantôt dans le privé. Lorsqu'il cède la barre de la Caisse en juin 2008, seuls les initiés savent qu'elle est en pleine tourmente. Officiellement, il part épauler la haute direction de Power Corporation, au Saint-des-Saints de l'Empire Desmarais. C'est à ses successeurs qu'incombera l'odieux d'avoir à annoncer les pertes énormes, dans l'un des tours de passe-passe politique les plus effrontés jamais orchestrés au Québec. S'il se tire certainement très bien de l'opération sur le plan financier, sa crédibilité personneIJe et son image de compétence sortent lourdement amochés de l'expérience. Que s'est-il donc passé pour que cet homme brillant, identifié aussi longtemps aux forces vives du Québec, se retrouve dans une telle situation? A-t-il vendu son âme pour un plat de lentilles? A-t-il été victime d'un excès de confiance dans ses propres capacités, ou alors de l'échec d'un plan conçu par ou avec d'autres qu'il avait charge d'exécuter? Y a-t-il une autre explication? À l'heure où les Québécois cherchent à comprendre comment ils ont été dépossédés de leurs richesses par des prédateurs de haut vol, ces questions, et les réponses qu'une analyse attentive des faits permet d'y apporter, revêtent une importance capitale.
LangueFrançais
Date de sortie20 mai 2014
ISBN9782894856314
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    Aperçu du livre

    Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt - Le Hir Richard

    5, rue Sainte-Ursule

    Québec, Québec, G1R 4C7

    Téléphone : 418 692-0377

    Télécopieur : 418 692-0605

    www.michelbrule.com

    Impression  : Imprimerie Lebonfon Inc.

    Mise en pages  : Paul Brunet

    Révision  : Jacques Lanctôt

    Photographie de la couverture : Photo d’archives / Agence QMI

    Distribution : Prologue

    1650, boul. Lionel-Bertrand

    Boisbriand (Québec) J7H 1N7

    Téléphone : 450 434-0306 / 1 800 363-2864

    Télécopieur : 450 434-2627 / 1 800 361-8088

    Les éditions Michel Brûlé bénéficient du soutien financier du gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC et sont inscrites au Programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Nous reconnaissons l’aide

    financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour des activités de développement de notre entreprise.

    © Richard Le Hir, Les éditions Michel Brûlé, 2014

    Dépôt légal — 2014

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    ISBN : 978-2-89485-630-7

    978-2-89485-631-4 (ePUB)

    REMERCIEMENTS

    Troisième livre en trois ans ! J’en suis le premier surpris. Ce n’est pas tout de savoir écrire, encore faut-il avoir de la matière. Mais fort heureusement — ou malheureusement, c’est une question de perspective —, elle ne manque pas.

    À la fois pour respecter la coutume et parce que je leur suis très reconnaissant pour leur contribution, il me faut remercier un certain nombre de personnes.

    Celui qui m’a incité à creuser le dossier des pertes de 40 milliards de la Caisse de dépôt, c’est Jean-Claude Pomerleau, un phénomène qui gagne énormément à être connu. C’est un hyperactif, ce qui l’a amené à connaître un parcours difficile dont il aurait pu sortir très amoché.

    Doué d’un ressort extraordinaire et d’une intelligence peu commune, il est parvenu à se donner tout seul une formation et une culture qui feraient l’envie de bien du monde. Il est ce qu’on appelle un autodidacte, qui peut aussi bien vous entretenir d’Aristote que d’histoire, et surtout de géopolitique dont il est un passionné.

    C’est aussi un franc Québécois et un patriote dévoué qui s’indigne avec cœur de l’état de dépendance dans lequel le Québec est depuis trop longtemps confiné et de la façon éhontée avec laquelle on tente de le déposséder de son patrimoine identitaire, culturel et économique.

    C’est lui qui, le premier, m’a mis sur la piste des nombreuses dissonances dans ce dossier et m’a convaincu qu’il y avait anguille sous roche. À la lecture du présent ouvrage, vous comprendrez qu’il avait raison.

    C’est enfin lui qui m’a fait découvrir l’excellent ouvrage de Mario Pelletier, La Caisse dans tous ses états, qui reconstitue avec minutie la trame des événements et dont je reprends de larges extraits avec la permission de son auteur.

    Communicateur de métier, sa passion pour la politique l’a amené à côtoyer de près les « grands » de notre époque qu’ont été Pierre-Elliott Trudeau et René Lévesque. L’intérêt qu’il avait développé pour la Caisse de dépôt au fil des années le destinait tout naturellement à en faire l’historique. Au moment où la crise éclate, en 2009, il est l’un des rares journalistes à avoir suffisamment de perspective pour mettre les événements en contexte.

    Il restait à découvrir ce qui s’était passé, ce pourquoi il était nécessaire d’avoir à la fois une bonne connaissance du milieu des affaires et de la politique, autant des joueurs que de leurs pratiques, et du recul. Lorsque Mario Pelletier a compris à la lecture de certains de mes textes sur Vigile que j’avais ce profil, il m’a tout de suite offert ses encouragements.

    Quand nous nous sommes enfin rencontrés, le contact fut si facile que nous nous comprenions à demi-mot. Nous étions sur la même longueur d’ondes.

    Le dernier, mais non le moindre, mon éditeur, Michel Brûlé. Amusant, comme expression, mon éditeur… Très possessif ! Ce qui ne correspond pas du tout à la réalité. L’homme est beaucoup trop indépendant pour être la possession de qui que ce soit.

    Toujours est-il que le cas Rousseau intéressait beaucoup Michel Brûlé. L’alignement des astres était parfait.

    Richard Le Hir

    Mars 2014

    PRÉFACE

    Ancien journaliste au Devoir, Mario Pelletier est l’auteur de La Caisse dans tous ses états, un livre dont il sera abondamment question dans ces pages. Il a publié divers ouvrages à caractère historique, dont deux livres sur l’histoire de la Caisse, La machine à milliards, en 1989, et Dix milliards par jour, en 2002, ainsi qu’un essai sur la génération des baby-boomers, La traversée des illusions, en 1994. Il a été aussi un pionnier du cyberjournalisme au Québec, en fondant dans les années 1990 les quotidiens web Multimédium et ÉconoMédia.

    On ne connaît pas encore — loin de là ! — tous les dessous de la perte catastrophique de 40 milliards de dollars par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), en 2008. Dans mon livre La Caisse dans tous ses états, publié en mai 2009 (et frappé aussitôt d’interdit par la Caisse), je montrais comment cette catastrophe était l’aboutissement logique de la gestion d’Henri-Paul Rousseau, qui était entré à la la CDPQ en démolisseur et y avait instauré une mentalité de casino.

    Mais l’ampleur des pertes, l’investissement effréné dans un papier commercial de pacotille, tout cela s’expliquait mal. Mon livre s’arrêtait donc sur plusieurs questions restées sans réponse, des questions qui appelaient manifestement une enquête publique. En 2009, une grande majorité de Québécois la réclamait, cette enquête — dans les sondages, dans les lignes ouvertes et tout ce qui reflétait la vox populi —, mais le gouvernement Charest a refusé mordicus.

    On pouvait se demander pourquoi la ministre des Finances de l’époque, Monique Jérôme-Forget, ne voulait pas d’enquête sur la perte avérée de 40 milliards de dollars par la Caisse, alors qu’en 2002, dans l’opposition, elle en réclamait une à cor et à cri sur une possible perte de 30 millions (dans la malheureuse affaire Montréal Mode).

    Il y avait anguille sous roche. Plus qu’anguille, requin ! C’est ce que Richard Le Hir soupçonnera et découvrira peu à peu. Fort de son expérience des affaires et de la politique, il a mené une recherche approfondie, une véritable filature dans les cercles —  apparents et souterrains — du pouvoir. Dans les traces laissées ici et là par les accointances entre politique, finance et administration publique.

    C’est ainsi qu’il a mis le doigt sur des faits troublants, des associations louches, des manœuvres habilement organisées pour aboutir à un gigantesque détroussement de tout le peuple québécois.

    Qui donc a profité de la « tempête parfaite », comme Henri-Paul Rousseau avait désigné la crise de 2008 ?

    Qui donc a (ont) eu intérêt à tout sceller dans le béton d’un prétendu « mystère de la vie », selon le terme mystificateur employé par le même Rousseau ?

    Quarante milliards de dollars, tout cet argent perdu, dans quelles poches s’est-il retrouvé ?

    En somme, qui a perdu et qui a gagné dans cette énorme dilapidation de nos fonds de retraite ?

    Le grand perdant, on le sait, c’est le peuple travailleur du Québec.

    Les gagnants… Eh bien d’abord, on a vite su que le patron démissionnaire de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, était sorti très avantageusement de la tempête. En plus de recevoir — au mépris des règles normales — une large indemnité de départ, il s’est retrouvé tout de suite couvert d’argent — par millions — chez Power. Sans doute avait-il bien servi : il méritait qu’on le récompense, mais, surtout, la récompense devait être suffisante pour qu’il parte à temps ! Qu’il parte avant que toute l’affaire éclate et éclabousse le gouvernement Charest et d’autres intérêts plus occultes. Avant qu’on remonte la filière de ce détroussement sans précédent, il fallait donc, à tout prix :

    1.  tenir l’affaire sous le boisseau le plus longtemps possible ;

    2.  faire réélire le gouvernement Charest au plus sacrant — avant la fin de 2008 ;

    3.  faire en sorte que la Caisse se retrouve sans numéro un, donc sans grand responsable, au moment où il faudrait révéler la perte des 40milliards.

    Et après, on saurait bien rouler le bon peuple dans la farine de la tempête parfaite et l’énigme du mystère de la vie. Comme Henri-Paul Rousseau l’a fait devant la Chambre de commerce de Montréal, en mars 2009, puis en commission parlementaire, deux mois plus tard. Spin et désinformation réussis… et applaudis.

    Richard Le Hir éclaire les dessous de ce bel enchaînement de circonstances et de manipulations. Les intérêts inavouables derrière l’achat massif du fameux papier commercial (PCAA, pour les initiés), les rapports incestueux entre Coventree, la Caisse, un grand cabinet d’avocats de Montréal et autres.

    Et par-dessous, plus loin encore par-dessous : des acteurs importants qui brassent des affaires dans les coulisses. Ils jouent les figures héroïques par devant et recueillent les dividendes par derrière. Des Tartuffes politiques qui simulent les plus hautes vertus civiques, tout en se gavant sous la table. Ils empruntent des masques de circonstances : bleu fleurdelisé par devant, rouge unifolié par derrière. Leur jeu habile leur permet de confondre le public pour mieux servir les puissants intérêts qui les enrichissent.

    Vous verrez, vous comprendrez de qui il s’agit en lisant ce livre. Vous comprendrez pourquoi le gouvernement Charest a tenu si fort à ce qu’il n’y ait pas d’enquête publique sur les pertes de la Caisse.

    Vous comprendrez aussi à quel point cette enquête s’impose toujours. Plus que jamais même, quand on considère ce que Richard Le Hir dévoile ici. Et qui n’est peut-être que la pointe de l’iceberg. Il faut absolument que les Québécois sachent ! La vérité, toute la vérité, sur les pertes scandaleuses de 2008. Tant que cet énorme abcès n’aura pas été vidé, il continuera de métastaser notre confiance nationale.

    Mario Pelletier

    INTRODUCTION

    Au risque de paraître répétitif, je reprends ces mots par lesquels je commençais mes deux ouvrages précédents, et que j’avais pris la peine de bien peser, autant par souci de juste mesure que de clarté quant à mes intentions :

    Je ne suis ni contestataire, ni révolutionnaire. Ce n’est ni dans mon caractère, ni dans mes valeurs. Je ne l’ai jamais été, même en mai 1968 lorsque j’étais étudiant en Europe. Pour que j’en vienne à écrire ce livre, il a fallu que je découvre des faits que j’ignorais, si déterminants que j’éprouve un urgent besoin de remettre en question non seulement ma vision du système dans lequel nous vivons, mais aussi de mettre en lumière des agissements qui illustrent à mes yeux la face la plus détestable du capitalisme¹. »

    Toujours animé du même esprit et des mêmes intentions, j’aborde aujourd’hui le cas des pertes de 40 milliards $ déclarées par la Caisse de dépôt et de placement du Québec en 2008 dans la foulée de la crise financière mondiale et de

    l’effondrement du marché du papier commercial adossé à des actifs.

    Lorsque j’ai commencé à m’intéresser de près à ce dossier en 2010², je n’avais pas la moindre idée qu’il allait me ramener sur la piste de l’Empire Desmarais que j’avais commencé à explorer avec le projet avorté d’acquisition d’Énergie Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec³. La découverte de nouvelles traces de son implication m’avait causé une grande surprise. Si j’étais bien au fait, par mon expérience et ma connaissance du monde des affaires et de la politique, de la puissance de cet empire fort justement nommé Power Corporation, j’en ignorais cependant toutes les ramifications tentaculaires, et surtout toute la portée.

    Avec une naïveté qui m’apparaît presque enfantine en rétrospective, j’écrivais alors :

    Plus on creuse ce dossier, plus on retrouve des signes de très graves dysfonctionnements à la Caisse, et plus celle-ci et le gouvernement s’obstinent à refuser de donner les explications qui s’imposent dans les circonstances, plus on acquière la conviction que des intérêts particuliers ont pris le dessus sur les intérêts collectifs des Québécois. »

    Ce texte suivait de quelques semaines la comparution d’Henri-Paul Rousseau devant la commission parlementaire spéciale qu’avait mise sur pied le gouvernement Charest pour tenter de canaliser et résorber la grogne très légitime de la société québécoise devant l’ampleur des pertes qu’elle venait de subir.

    À cette occasion, Rousseau était apparu très sûr de lui, un brin arrogant, et surtout très hautain et condescendant à l’endroit des députés. Très grand moi-même, je suis bien placé pour savoir qu’une partie de l’impression qu’il dégage est attribuable à sa très grande taille. Encore plus grand que moi, il a ce qu’on appelle   un physique imposant ».

    Devant une telle   pièce d’homme », la réaction naturelle de ceux qui se retrouvent en sa présence en est une de déférence, surtout si par surcroît ils n’ont pas l’impression d’être à sa hauteur sur les plans intellectuel et professionnel. Rousseau en est très conscient, et, à le regarder aller, il devient vite évident qu’il en use et en abuse. Il s’exprime avec autorité, sur un ton cassant qui n’invite guère à la réplique et encore moins la critique.

    Pourtant, son bilan à la présidence de la Caisse de dépôt est de loin le pire de tous ses prédécesseurs, et ni la crise financière mondiale ni la débâcle du papier commercial ne parviennent à tout expliquer, comme nous allons le découvrir au fil de ces pages.

    Pour suffisant qu’il soit, Rousseau n’en est pas moins un homme très intelligent. Lorsque le moment est venu pour lui de quitter la Caisse, il savait que, malgré l’excellence du travail qu’il venait de faire pour contenir la crise du papier commercial à l’échelle canadienne, la sous-performance de la Caisse en 2008 allait miner sa réputation dans le monde financier, réduire ses perspectives d’emploi lucratif à une peau de chagrin, et lui   coller aux fesses » jusqu’à la fin de ses jours.

    Telle est en effet la dure loi du milieu dans lequel il a choisi de faire carrière. On y est condamné à être un héros ou un zéro. Si vous êtes perçu comme un   loser », vous êtes fini. Mettez-vous à la place des actionnaires d’une entreprise de services financiers à qui le conseil d’administration annoncerait qu’il vient de recruter pour la diriger l’homme qui a perdu 40 milliards à la direction d’une autre !

    C’est donc dans ce contexte qu’il faut apprécier son passage chez Power Corporation à sa sortie de la Caisse de dépôt. Pour des raisons que cet ouvrage se propose d’éclaircir, Rousseau lui-même, le gouvernement Charest et Power Corporation avaient intérêt à ce que sa carrière ait l’air de connaître une évolution avantageuse.

    L’intérêt de Rousseau était à la fois professionnel et financier, ce qui est assez simple à comprendre. Celui du gouvernement Charest était politique. Il ne tenait absolument pas que l’on sache quelle était sa responsabilité dans cette affaire, et encore moins que cela fasse des vagues dans une campagne électorale. Quant à celui de l’Empire Desmarais et de Power Corporation, il était essentiellement stratégique. Ils avaient des fers au feu, et il leur fallait à tout prix protéger leur mise.

    Chapitre 1

    Le Québec, une république de bananes

    Le matin du 29 février 2009, la Caisse de dépôt annonçait en conférence de presse le montant des pertes qu’elle avait subies l’année précédente, dans la foulée de la crise financière mondiale et de la débâcle du papier commercial adossé à des actifs. Quarante milliards de dollars ! Quarante fois le coût de construction du stade olympique en 1976, une dépense jugée somptuaire et largement au-dessus des moyens du Québec en son temps.

    On imagine donc le trou qu’une telle somme pouvait représenter dans le bilan de la Caisse, surnommée familièrement, et avec ce brin d’affection qu’on a pour les vieilles choses auxquelles on tient, « le bas de laine des Québécois ». Un quart des actifs accumulés par la Caisse depuis ses débuts en 1965 ! Une perte colossale !

    Si le choc est rude et l’émotion grande sur le coup, la très habile campagne de communication — il faudrait plutôt parler de désinformation — mise en place pour camoufler des opérations douteuses et endormir les Québécois va rapidement y parvenir.

    Cette campagne, c’est celle de ceux qui ont intérêt à ce que l’affaire soit rapidement étouffée : la direction de la Caisse au moment des événements, le gouvernement de Jean Charest, ultimement responsable de la situation devant la population, et, tapis dans l’ombre mais tirant toutes les ficelles, ceux à qui avaient profité les manœuvres de la Caisse au cours des années précédentes et qui comptaient bien pouvoir continuer à le faire par la suite.

    Car il faut comprendre qu’au delà des pertes directement attribuables à la crise financière, il y en a une autre partie, à ce jour inexpliquée, qui représente près de 30 % du total. Toutes les institutions financières comparables ont subi des pertes en 2008, mais aucune n’en a subi autant que la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

    Président de la Caisse de 2002 à 2008, Henri-Paul Rousseau n’est plus à la barre au moment de l’annonce de ces pertes. Il a annoncé son intention de quitter ses fonctions au mois de juin précédent (2008), mais a accepté de demeurer conseiller auprès de la direction jusqu’au 31 août pour « permettre une transition ordonnée » (sic) à son successeur⁴. Au début de 2009, selon le communiqué émis au moment de son départ, il passera au service de Power Corporation et de sa filiale de services financiers à titre de vice-président du conseil d’administration de chacune des deux sociétés.

    Étonnamment, trois semaines avant que la nouvelle des pertes ne soit révélée, La Presse nous apprenait qu’Henri-Paul Rousseau avait « empoché une généreuse indemnité de départ » en quittant ses fonctions, en rajoutant : « Et contrairement à la pratique répandue, la somme lui a été versée même s’il a quitté son poste de plein gré. »

    En fait, la chose est si étrange qu’il vaut la peine de lire le reportage de Francis Vailles :

    « Plus précisément, l’ex-PDG a reçu 378 750 $ après avoir quitté l’institution, le 31 août 2008, selon les renseignements qu’a obtenus La Presse Affaires grâce à la Loi sur l’accès à l’information. L’indemnité était prévue dans son contrat d’embauche.

    Par définition, une indemnité « est attribuée à quelqu’un en réparation d’un dommage, d’un préjudice », est-il écrit dans Le Robert, qui donne comme synonyme compensation, dédommagement.

    Or, Henri-Paul Rousseau n’a pas été congédié, mais il est parti de son plein gré pour accepter un poste prestigieux chez Power Corporation, où il sera très bien payé.

    La Caisse est sous les feux de la rampe depuis quelque temps. Le 5 janvier, le PDG qui a remplacé Henri-Paul Rousseau, Richard Guay, a cédé son poste à la suite d’un surmenage. Ce départ survient alors qu’on s’attend à ce que les résultats de 2008 soient très mauvais, compte tenu de la dégringolade des marchés

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