Ce que les chevaux m'ont appris
Par Pitre Isabelle
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Ce que les chevaux m'ont appris - Pitre Isabelle
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Introduction
La beauté de l ’existence
La beauté représente le plus grand besoin
de notre corps émotionnel, et nous avons
tendance à vouloir être beaux physiquement.
Par contre, ce besoin n’est véritablement
comblé que lorsque nous pouvons voir
notre propre beauté intérieure.
– Lise Bourbeau
C’est une vérité d’affirmer que la beauté existe, et c’en est une autre de développer le regard dont nous avons besoin pour lui permettre d’être. Voir ce qui est beau en nous, notre propre beauté intérieure, représente le travail de toute une vie. Cela peut demander un effort considérable parfois, et certains d’entre nous préféreront mettre leurs énergies ailleurs de peur d’être déçus de ce qu’ils pourraient découvrir. Car, pour voir ce qui est beau en nous, il faut développer un regard d’humilité, un regard dénué de toute signification particulière.
C’est ce regard qui permettra éventuellement le dévoilement complet de tous les petits aspects qui nous constituent en tant qu’êtres, ce qu’on appelle nos parts lumineuses et nos parts d’ombres. Sans elles, il faut comprendre que nous ne sommes jamais totalement dans l’amour vis-à-vis de soi, jamais complets.
Nous dévoiler, c’est aussi apprendre à nous connaître petit à petit, à reconnaître notre vraie nature à travers nos expériences de vie. Ces expériences qui nous poussent au dépassement de soi, au-delà de notre personnalité, de ce que nous nommons l’ego : notre nature profonde. En fait, lorsque nous prenons conscience de qui nous sommes, lorsque nous habillons vraiment notre vie, nul doute que ne pourrons jamais plus retourner en arrière.
Chapitre 1
Suivons le fil
Dans la pensée du Maître taoïste Lao Tseu, chacun de nous évolue dans une direction précise : notre destinée d’incarnation. Nous sommes donc dans cette présente vie pour une raison précise qu’il nous importe de mettre à jour. Notre mission se réalise à travers l’évolution. Elle se manifeste, elle transcende, elle est nous. Nos réalisations s’installent ainsi à l’intérieur d’un cadre qui comporte des moments figés dans notre conscience. C’est le propre de la nature humaine que de vouloir évoluer, et c’est aussi notre façon d’avancer… aller de l’avant.
Notre chemin de vie est donc ce fil conducteur que nous suivons parfois de façon très volontaire et consciente, mais plus souvent qu’autrement de façon intuitive et inconsciente.
Tout au long de notre existence, nous sommes guidés. De temps à autre, nous recevons des signes qui nous interpellent. Parfois apparaissent quelques repères ; d’autres fois, rien du tout. Nous avançons donc sur ce chemin qui nous est destiné à bord d’un véhicule très particulier : notre corps physique.
Pour bien expliquer le concept, les Orientaux comparent notre corps à une calèche. Une voiture hippomobile qui avance sur un chemin de terre, qui, lui, symbolise le fil conducteur de la vie, notre avancement.
Comme sur tous les chemins de terre, on y rencontre parfois des aspérités, des creux et des bosses, des cailloux, des ornières, et des fossés de chaque côté. Les creux et les bosses peuvent représenter, selon la pensée taoïste, les difficultés auxquelles nous nous heurtons, les périodes creuses. Les cailloux, gros ou petits, ne doivent pas nécessairement être pris comme des obstacles. Ils sont plutôt une façon de nous ramener dans la rectitude de notre chemin. Les ornières, elles, s’apparentent aux schémas de la pensée conditionnée que nous adoptons des autres et que nous reproduisons d’emblée par nos automatismes. Elles nous empêchent de voir au-delà de ce que nous croyons possible. Quant aux fossés, ils représentent les règles de conduite que nous nous imposons nous-mêmes. Il s’agit des limites que nous présupposons irréelles.
Tous les chemins ne sont pas les mêmes, mais tous les chemins ont un départ, notre commencement à nous, et ils nous invitent à une direction.
En fait, nous marchons toujours vers l’avant, d’où cette notion d’évolution et d’avancement propre aux mammifères. Notre route personnelle comporte toutefois différentes nuances. Certaines zones étant très grises, elles sont vécues parfois plutôt mal, comme lorsque l’on entame un virage à une trop grande vitesse.
Au début, vous l’avez certainement déjà vécu vous aussi, on ne sent pas un trop grand changement lorsqu’on entame un virage à grande vitesse. Lorsqu’on arrive au milieu du virage, alors là, ça commence. Le cœur nous chavire. Plus nous tournons, plus nous nous sentons décoller de terre. Plus nous sommes comprimés par une force centrifuge à l’opposé de l’endroit où nous devrions aller. C’est inconfortable, car ce genre de virage, on le sait, nous demande de rester groundés, les deux pieds sur terre. Nous faisons un transfert de poids, et nous essayons de maintenir le cap tant bien que mal jusqu’à la fin.
C’est un vrai tour de force. La remise à niveau demande toujours un temps d’adaptation. Certains demeurent sous le choc quelques secondes après, d’autres se sentent frustrés. Dans tous les cas, on ne s’attend jamais à l’ampleur que peut prendre un déséquilibre dans le corps.
♦ Une bonne visibilité
Normalement, pour avancer, nous avons besoin d’une bonne visibilité. Du moins, pour savoir où nous allons sur ce chemin. La vision a pour rôle de nous rassurer. Elle nous permet de garder, en soi comme au sol, une bonne stabilité. Du reste, si nous savons trop à l’avance ce que notre chemin de vie nous réserve, aurons-nous l’impression de pouvoir mieux nous y préparer ? Peut-être, mais cela reste une impression. La vraie vie se réalise plutôt dans la découverte, dans l’exploration, dans la création et la transformation. C’est, je pense, plus de temps à consacrer à apprivoiser la vie comme on apprivoise une amie.
Dans les grandes lignes, nos projets doivent se limiter à quelques années. Nous savons tous que la vie peut changer du tout au tout en un clin d’œil, même si nous préférons croire que cela n’arrive qu’aux autres. Notre chemin se présente parfois très droit, et nous le souhaitons ainsi, très prévisible. Il peut parfois être très accidenté, et alors les virages à 180 degrés deviennent des moments de grandes décisions, de grands changements.
Si nous voulons bien vivre ces moments, il nous faut savoir les planifier, eux aussi.
Quand le voyage se veut paisible, dans ces moments d’accalmie, par exemple, nous pouvons prévoir que des secousses peuvent être des éventualités. Les coups durs arrivent généralement parce que nous ne sommes pas préparés.
Malgré nos expériences passées, dans ces moments de pause, nous laissons aller la gouverne. Nous avons cette impression de contrôler enfin les éléments alors qu’au loin, il peut y avoir des zones de noirceur qui se préparent. Les nuages annoncent l’orage, et toutes ces choses correspondent à toutes ces phases de notre vie où nous sommes pareillement dans un brouillard mental. Ne plus savoir où aller, ne plus vouloir faire les choses, nous demander qui conduit cette foutue calèche devient notre seule préoccupation. Et cela devient pire encore lorsqu’on se demande pourquoi on a fait tout ce chemin… Oui, pourquoi ?
Nous avons alors beaucoup de difficulté à voir clair en nous dans ces périodes de noirceur. Comment peut-on anticiper notre lendemain lorsque notre seul point d’ancrage devient ce que nous avons derrière ; ce chemin que nous avons connu et parcouru. Ce chemin dont nous ne voulons plus et qui semble nous poursuivre.
♦ Le cheval blanc et le cheval noir
Toujours selon la tradition du tao, la calèche (notre corps) est tirée par deux chevaux, un blanc (le yang) qui est à gauche, et un noir (le yin) qui est à droite. Les chevaux portent fièrement en eux le flambeau de l’énergie masculine et de l’énergie féminine, toutes deux conséquentes du principe hermétique des genres qui existe en chaque chose. Les deux chevaux, blanc et noir, symbolisent non seulement l’énergie du yin et du yang, mais aussi nos émotions.
Ce qui nous démontre en quelque sorte comment l’intelligence émotionnelle nous retient parfois. Comment elle nous tire dans un sens ou dans l’autre, comme le font des chevaux qui ont pris le mors aux dents. Alors, imaginons l’ampleur que peuvent prendre les conflits internes lorsque la discorde se manifeste entre ces énergies yin et yang dont nous sommes tous porteurs. Il nous importe subséquemment d’apprendre comment communiquent ces énergies afin de pouvoir les harmoniser davantage. En d’autres mots, apprendre à parler comme elles.
Notre corps est donc conduit par
un cocher qui représente notre mental ;
notre esprit conscient, si on veut.
Cette part de notre entendement, où transite un tout petit nombre d’informations à la fois, fait le tri, comme sur une chaîne de montage, pour ne garder que les choses que nous priorisons. L’espace de notre esprit conscient se limite à plus ou moins sept informations en simultané. Ce qui s’avère être très peu comparativement à l’ampleur des potentialités qui demandent à émerger de notre esprit inconscient. On parle d’un ratio équivalent à 90/10.
Les facultés, dont notre esprit conscient dispose, demeurent fort importantes, on le sait. Il s’agit de l’objectivité, le sens de l’analyse, le discernement, la perspective, d’autant plus que, si elles restent ouvertes, ces facultés se raffinent à l’infini.
Symboliquement parlant, la calèche possède quatre roues, deux devant correspondant à nos deux bras, et deux derrière qui, elles, dessinent les jambes. Nos jambes nous propulsent vers l’avant. Elles nous portent. Elles nous supportent et transportent toutes sortes de charges, dont les nôtres (notre karma, comme le disent les Orientaux). Les charges des autres aussi que nous devrons rendre à qui de droit pour ne pas surcharger notre corps. Voilà la raison pour laquelle ces roues sont proportionnellement toujours plus grosses que celles à l’avant. Leur rôle pèse parfois lourd dans la balance.
Et à l’intérieur de la calèche, normalement il y a un passager. Qui est-il ? Est-ce nous ?
Eh bien, oui et non, car tout ce que je vous ai décrit jusqu’ici reste essentiellement des parties d’un tout. Le passager représente, dans la pensée taoïste, notre Guide Intérieur, présent en chacun de nous, témoin de notre vie passée : notre inconscient. Il évoque, pour les Orientaux, notre Conscience holographique.
Une calèche avance sur le chemin,
en apparence guidée par le cocher
qui tient les rênes.
Lorsqu’on est dans la position de l’observateur et qu’on regarde passer une calèche, nous avons pour le moins la certitude que c’est le cocher qui la conduit. Mais entre vous et moi, qui a induit les instructions initiales à la base ? En fait, c’est le passager qui en a donné l’ordre. Du moins, on le présuppose, car c’est lui qui normalement choisit la destination.
Et comment fait-il ce choix, me direz-vous, si, dans notre exemple, il s’agit de notre esprit inconscient ? Comment l’inconscient fait-il pour savoir où nous désirons aller vraiment ?
En vérité, et au risque de vous décevoir, il ne le sait pas. Notre inconscient ne sait pas du tout ce qui est bon ou mauvais pour nous. Ce n’est pas de son ressort.
Notre inconscient est réactif. Il répond à des stimuli. Il obéit à des automatismes qu’il a lui-même forgés au gré du temps. Notre inconscient reproduit des patterns qui ressemblent étrangement aux programmes que l’on installe dans un ordinateur. Il est programmé depuis le jour où l’on nous a sortis de l’emballage. Il n’est que notre banque de données personnelle, le pilote automatique, si on veut. Il nous présente ce chemin-là plutôt qu’un autre, car c’est celui que nous anticipons ; ce creux ou cette bosse, car ils font partie de nos scénarios passés. Quelquefois, on a l’impression, à cause de lui, de tourner en rond. Notre vie devient cyclique.
Par la qualité de sa vigilance, de son observation, par sa lucidité d’esprit, sa présence, sa capacité d’analyse, le cocher prend conscience de la route.
Par lui vont dépendre la qualité de l’expérience vécue et tout le confort du voyage.
♦ Que faisons-nous des mauvaises surprises ?
Ah oui, il y a des mauvaises surprises parfois, on s’en doute ! Par exemple, si le cocher commande les chevaux avec trop de sévérité, s’il les brutalise sans raison, s’il utilise contre eux des manigances ou de la tromperie, s’il préfère l’un à l’autre et agit injustement.
S’il agit de la sorte, les chevaux risquent de se cabrer ou de s’emballer, de tirer la calèche dans un sens comme dans l’autre jusqu’à ce qu’elle se brise. Ils peuvent vivre dans la discorde, refuser d’avancer, laisser porter la charge sur un seul cheval et, dans tous les cas, mener la calèche et son passager à l’accident. De la même manière, nos émotions, lorsqu’elles sont conflictuelles, peuvent nous conduire à des actions que nous regrettons, qui vont à l’encontre de notre nature profonde. Ce sont nos points faibles, les excès dont nous devons nous éloigner pour demeurer en équilibre.
Si, au contraire, le conducteur est trop bonasse, s’il est mou, s’il manque de vigilance ou s’endort au volant, s’il n’est pas totalement présent à la charge, l’attelage va passer en mode automatique. Ces absences peuvent s’inspirer de la reproduction de schémas parentaux, par exemple. Nous suivrons la route déjà tracée par d’autres, en courant évidemment le risque d’aller comme eux, soit directement dans le fossé si c’est ce qu’ils ont fait.
De la même façon, si le cocher n’affine pas son observation, s’il n’est pas objectif dans son