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Jusqu'au bout de mon âme - tome 2
Jusqu'au bout de mon âme - tome 2
Jusqu'au bout de mon âme - tome 2
Livre électronique311 pages4 heures

Jusqu'au bout de mon âme - tome 2

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À propos de ce livre électronique

« Tout ce qui a été l'est pour une raison précise, un sens précis, et c'est la même chose pour tout ce qui est et ce qui sera. »
Istanbul, 2027. L'agent temporel Léon doit poursuivre sa quête à la suite de l'attentat dévastateur, et de la propagation d'un virus menaçant l'humanité. Pourquoi doit-il surmonter tant d'épreuves ? Sera-t-il de taille à affronter tous les périls ? Et saura-t-il lever le voile sur la mystérieuse Séléné, devant qui il éprouve une sensation de déjà-vu ?
Dans ce second tome de « Jusqu'au bout de mon âme », Léon et Séléné feront tout pour accomplir leur mission, en voyageant à travers le temps et à travers l'espace !
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie28 juin 2024
ISBN9788727028347
Jusqu'au bout de mon âme - tome 2

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    Aperçu du livre

    Jusqu'au bout de mon âme - tome 2 - David Louyot

    David Louyot

    Jusqu'au bout de mon âme - tome 2

    Saga

    Jusqu'au bout de mon âme - tome 2

    David Louyot

    © 2023 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788727028347

    1e édition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l’accord écrit préalable de l’éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu’une condition similaire ne soit imposée à l’acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d’Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d’euros aux enfants en difficulté.

    Nous sommes.

    Livre 2

    Union sacrée

    1 MOIS PLUS TÔT (année 2027)

    1.

    Istanbul – 20 h 36 – 18 janvier 2027

    Léon marchait dans la longue rue piétonne d’Istiklal à Istanbul. L’expression de son visage était impassible et ténébreuse, comme s’il était vide de toutes formes d’émotions. Par instant, il laissait cependant une légère grimace s’échapper. Il éprouvait en effet les plus grandes peines à mettre un pied devant l’autre sans qu’une douleur aiguë lui vrille la cuisse.

    Elle provenait de l’entaille faite par une personne qu’il avait combattue à mort deux jours auparavant. Un homme qu’il avait traqué pendant de longs mois et retrouvé dans une chambre sordide d’un vieil hôtel à Berlin. L’agent temporel avait en tout cas obtenu l’essentiel, une information capitale qu’il recherchait depuis les attentats du 14 septembre 2026. Une révélation qui lui avait arraché un effroyable rictus, affamé de vengeance comme il l’était à cause de l’état où se trouvait Andréa. La vengeance, le seul sentiment qui lui avait permis de tenir tout ce temps !

    Plus de quatre mois s'étaient écoulés depuis le 14 septembre ! Plus de quatre et interminables mois depuis que ces extrémistes catholiques, qui se faisaient appeler « l’ordre du Risorgimento », avaient posé ces étranges plantes en forme d’œuf dans les plus grandes villes du globe. Ces putains de fleurs, tout droit sorties d’un autre monde et surnommées « les Fleurs du mal » par les journalistes, dont la fumée virale avait tué toute personne sur son passage.

    Plus de quatre mois de cauchemar !

    Après l’affolement général, on s’interrogea sur les raisons de l’immunité de certains ayant survécu. C’était le cas notamment de la totalité des agents temporels.

    Et Léon était de ceux-là.

    Ou plutôt, il le fut, car cela faisait une éternité qu’il n’avait pas mis les pieds au Château de Commarque en Dordogne, le lieu où se trouvait la machine à voyager dans le temps. La « porte des étoiles », telle qu'on la surnommait.

    Oh oui ! les incursions dans le passé étaient maintenant de l'histoire ancienne pour Léon. Tout comme les personnes qu’il côtoyait à la Temporis Corporation, l’entreprise qui avait fait le pari en 2023 de miser sur les voyages temporels. Süskind Bliss, son fondateur, Sayid, le directeur du Pôle temporel, puis Ralph, son ami, et tous les autres, cela faisait bien longtemps que Léon n’avait plus de nouvelles d’eux.

    Ce génie de Sayid fut d’ailleurs l’un des premiers à rattacher les micro-organismes infectieux des Fleurs du mal à une souche virulente de la variole, les symptômes étant beaucoup plus graves et la mort presque immédiate.

    Mais ce n’était plus un scoop pour Léon…

    Suite à cette découverte, les Lords, l’oligarchie financière qui gouvernait les pays du Nord (appelés Golden Territories depuis la Grande Crise de 2022), se précipitèrent en premier pour se faire vacciner contre la variole. Le reste de la population survivante les suivit rapidement. Le tout avec une réussite totale : aucun d’entre eux ne mourut. Du moins, dans un premier temps…

    L’euphorie de ce succès retomba vite : le virus des Fleurs du mal muta et frappa à nouveau avec force !

    Les meilleurs scientifiques et médecins se retrouvèrent sur la brèche pour trouver un remède. Ils se lancèrent dans une course contre la montre qu’ils ne purent gagner. Le virus était trop complexe. Certains chercheurs allèrent même jusqu’à avancer l’idée qu’il était extra-terrestre. Sans surprise, tout le monde les prit pour des fous.

    Il ne resta plus qu’une solution pour le gouvernement des Lords : pourchasser tous les membres et surtout les têtes pensantes de l’ordre du Risorgimento. Eux seuls devaient posséder l’antivirus, croyait-on.

    Tous les journalistes s’emparèrent de cette traque, en retransmettant des courses-poursuites et invitant tous les jours des pseudo-experts des renseignements et des services secrets. Les autorités laissèrent faire, car il fallait bien occuper les esprits de cette société agonisante. De toute façon, qu’auraient-elles pu faire d’autre ? Les trois quarts d’entre eux étaient propriétaires ou actionnaires majoritaires de la plupart des groupes de médias.

    En tout cas, les Diviseurs, les forces spéciales des Lords, retrouvèrent la quasi-totalité du bras armé de l’ordre du Risorgimento.

    Ceci les mena jusqu’au numéro trois de l’organisation, Jarod Vivaldi. Mais même après d’affreuses tortures, celui-ci ne dévoila aucune information essentielle, puisqu’il ne savait tout simplement rien.

    Le seul à être au courant de l’origine des Fleurs du mal était le cerveau de tout ce chaos. Cependant, il courait toujours… et personne ne connaissait son identité ! Il se faisait appeler « Éden » par l’ordre du Risorgimento. Il se montrait peu et il donnait ses instructions à ses proches lieutenants qui les transmettaient ensuite aux autres membres de l’organisation.

    Sous la torture, Jarod Vivaldi révéla néanmoins que c’était un homme de taille moyenne et à l’allure à la fois élégante et intimidante. Son visage était inconnu de tous, puisqu’il le recouvrait d’un masque avec la croix de Jérusalem, symbole de la religion chrétienne.

    En tout cas, plus de deux mois s'étaient écoulés depuis que Léon était parti de Bordeaux et de la France.

    Pour se venger… Faire payer à tous ces tarés de l’ordre du Risorgimento d’avoir mis Andréa dans cet état avec leurs ignobles Fleurs du mal. Son Andréa qui était encore aujourd’hui sur un lit d’hôpital, plongée dans un coma que les médecins n’expliquaient pas. Une sorte de mort cérébrale dont elle ne sortirait sans doute jamais.

    Juste après les attentats, pendant une dizaine de jours, il était resté au chevet de sa bien-aimée. Mais plus le temps passait, plus cette situation devenait insupportable. C’était trop dur de voir sa douce, sa Princesse, l’amour de sa vie… là, devant lui, inerte, sans espoir qu'un jour, elle se réveille.

    Comme dans les contes de fées, il aurait souhaité la libérer de ce cauchemar d’un seul baiser. Il aurait voulu être l’Aragorn sauvant son Arwen… pour qu’il puisse un jour reprendre la magie de leur romance. Il l’aurait voulu, oui… Mais le destin semblait en décider autrement.

    Plein de fois, il éprouva le besoin de vomir ce magma de détresse et de rage coincé en travers de sa gorge. Cracher cet abîme de désespoir qui s’était installé dans sa tête, son esprit, son corps... tout son être !

    Avec Andréa, ils s’étaient dit un jour que dans la vie, les choses étaient bien faites et que les épreuves de l’existence étaient des apprentissages qu’il fallait accueillir pour avancer.

    Pourquoi cette épreuve alors ? À quoi cela servait-il de vivre de telles tragédies ? Oui, pourquoi tout cela ?

    Qu’était-il censé accueillir avec son âme sœur dans cet état ? Avec elle, il n’y avait que lumière. Sans elle, il n’était plus qu’obscurité.

    Toute cette tristesse, toutes ces pensées funestes finirent naturellement par lui dévorer l’esprit. Jusque-là tapie au tréfonds de son être, la cruelle et implacable vengeance se glissa alors dans son cerveau.

    Au bout deux mois à se sentir inutile, impuissant et immobile auprès du corps d’Andréa, il ne supporta plus cette situation.

    La tourmente devenant trop grande, il partit un jour de l’hôpital, de Bordeaux et de la France pour se faire justice lui-même. À cet instant, le Prince charmant, l’homme plein de confiance et de sagesse, tout ce qu’Andréa voyait en lui, tout cela n’existait plus. Son côté sombre avait pris le dessus ! Il n’était plus qu’amertume, haine et ressentiment.

    Ainsi, il y a deux mois, il sauta dans le premier avion, ne laissant aucune trace et sans donner de nouvelles à personne, pas même à Ulysse, son ami d’enfance qui avait également survécu au virus. Son pote de toujours, propriétaire du bar dans lequel il avait embrassé Andréa pour la première fois.

    À lui aussi, il n’avait donné aucun signe de vie tout ce temps, sans doute inconsciemment honteux de ce qu’il était devenu.

    Aujourd’hui, Léon arrivait au terme de sa terrible quête de vengeance.

    L’homme qu’il avait combattu à mort deux jours auparavant à Berlin n’était autre que le numéro deux de l’ordre du Risorgimento, Gunther Hess. Même si celui-ci avait réussi à le blesser à la cuisse, Léon lui avait fait cracher, dans un dernier souffle, proche de l’agonie, l’endroit où se trouvait Éden, ce psychopathe à l’ego surdimensionné.

    Et c’était pour cette raison qu’il arpentait maintenant les rues d’Istanbul !

    Pour assouvir la vengeance qui le consumait.

    Comment avait-il eu cette longueur d’avance sur les Diviseurs ? Comment avait-il retrouvé ce Gunther Hess ?

    Grâce à Andréa, l’amour de sa vie…

    Car juste avant ces funestes attentats du 14 septembre, la voiture de son âme sœur faillit emboutir une Gran Torino. Celle-ci appartenait à l’homme à la mèche rouge, le même qui avait déposé cette plante infernale sur la place du Parlement à Bordeaux. Lors de cet accident évité, la vidéo-constat filma la plaque d’immatriculation du véhicule. Celle-ci permit ainsi à Léon de remonter la piste de ce proche d’Éden. Il le pourchassa de Bordeaux à Berlin, en passant par Bagdad et Rome.

    Et là, en cette soirée de janvier 2027, il se trouvait à Istanbul pour en découdre…

    Oui, il fallait en finir maintenant. Il était temps qu’il revienne à Bordeaux.

    Dans cinq mois ou moins, allait naître son enfant. Ce bébé qui maintenait Andréa dans le coma depuis le début. Lui, le fruit de leur amour, avait empêché sa bien-aimée de mourir.

    Du moins, les médecins n’ayant pas d’autre explication, c’était ce que Léon sentait : l’embryon qui s’était formé le jour de sa demande en mariage avait sauvé la vie de son âme sœur, ou plutôt l’avait prolongée. Car, que se passerait-il au moment de la naissance de cet enfant ? Lorsqu’il quitterait le corps d’Andréa, décéderait-elle ?

    Léon ne voulait pas y penser.

    Là, à cet instant, alors qu’il avançait dans la rue piétonne d’Istiklal, sa petite voix intérieure le fit douter.

    Tu aurais dû rester auprès d’Andréa, lui dit-elle. Peut-être que le seul fait de ta présence aurait pu la soutenir, comme tu aurais pu aider les personnes qui en ont besoin… comme le faisait Andréa quand elle soignait les plus démunis. Au lieu de ça, tu es parti accomplir ta sombre vengeance.

    Tais-toi ! lui répondit Léon. Tu ne me feras pas culpabiliser !

    Tu sais au fond de toi que te faire justice ne te rendra pas plus heureux après, reprit-elle. Tu vaux mieux que cela. Tu peux faire tant pour toi et les autres…

    — TA GUEULE ! hurla-t-il, à haute voix. Écoute-moi bien. Je ne suis ni Bouddha, ni le chevalier blanc et encore moins le sauveur. Tout cela, je n’en ai plus rien à foutre ! Seul importe que je défonce ce connard qui est à l’origine de tout cela !

    Si des personnes avaient été autour de lui, elles l’auraient certainement pris pour un dingue. Mais à cette heure, les rues étaient désertes. En ces jours funestes, plus personne ne sortait le soir, tant les villes devenaient des coupe-gorges.

    Ne se souciant de toute façon pas de ce qui se passait autour de lui, Léon secoua la tête, comme pour chasser symboliquement sa voix intérieure.

    Celle-ci fit alors place à de la rage. La colère et la fureur s’emparèrent de lui avec une telle force que rien ne put les ébranler. À cet instant, il n’éprouvait que de la haine pour tous ceux qui avaient fait de sa vie un enfer. Il aurait aimé éclater une nouvelle fois la sale gueule de l’homme à la mèche rouge, qu’il avait combattu le soir des attentats. Il aurait voulu dépecer lentement tous ces porcs d’extrémistes religieux avant de leur arracher le cœur. Mais surtout, son plus profond et sombre désir était de faire subir les pires tortures à Éden, la source de tous ses maux.

    Tout en marchant, il inventait les plus atroces châtiments ; il imaginait l’expression de terreur du chef de l’ordre du Risorgimento lorsqu’il comprendrait que sa dernière heure était proche. Quand ce moment viendra, il le fera souffrir sans le tuer. Et il le suppliera de l’achever. Oh oui ! il le suppliera…

    Et ce moment allait venir. Léon n’en était qu'à quelques rues.

    Il effleura sa bague de Janus qui était son ordinateur de bord pour les voyages dans le temps. Mais aujourd’hui, elle n’avait plus aucune utilité, sauf pour lire toute la musique qu’il y avait téléchargée. Elle était connectée à une puce organique microscopique implantée dans son oreille, qui lui servait d’écouteur.

    Quand l’écran holographique s’alluma, il toucha une playlist, et le titre « Last train to London » d’Electric Light Orchestra résonna dans ses tympans.

    Il accéléra le pas…

    2.

    Istanbul – 21 h 02 – 18 janvier 2027

    C’était la deuxième fois que Léon mettait les pieds à Istanbul.

    La rue d’Istiklal était maintenant beaucoup moins entretenue qu’à l’époque où il était venu lors d’un voyage universitaire, dix ans auparavant. Le souvenir de cette artère appartenant à ce temps reculé éclata dans sa mémoire. À ce moment, elle fourmillait de magasins et de restaurants dont les enseignes rivalisaient d’opulence. Les gens s’y massaient pour acheter un kebab bien garni ou encore le dernier pantalon à la mode.

    Aujourd’hui, il n’y avait plus de boutique, plus de commerce. Tous avaient mis la clef sous la porte. Mais qui se souciait maintenant de posséder un sac de luxe ou des chaussures dernier cri ? Et qui serait assez fou pour ouvrir un restaurant de nos jours ? Personne.

    Des détritus jonchaient le sol de part et d’autre du bitume, et les anciennes devantures étaient couvertes de tags.

    Léon bifurqua sur sa droite au croisement de la rue Bekar. Ici, les bâtiments n’étaient pas particulièrement hauts, mais pendant le jour, l’étroitesse de la voie empêchait le soleil de descendre.

    Il s’arrêta devant une vitrine crasseuse au-dessus de laquelle s’allumaient par intermittence les lettres de l’enseigne : BABYLON BAR.

    La porte émit un grincement quand il entra.

    À peine mit-il le pied à l’intérieur qu’un flot de cris et de rires assaillit ses tympans. Plusieurs groupes d’hommes et de femmes se serraient autour des tables qui encombraient une longue pièce rectangulaire. Ceux qui n’avait pas réussi à trouver une chaise étaient accoudés au bar ou adossés aux murs. Les lampes diffusaient une faible lueur, donnant à l’endroit une atmosphère tamisée. Tous les regards étaient braqués vers une vieille télévision au grand écran plat. Une antiquité, surtout comparée aux projecteurs 4D actuel. Mais qui, dans le commun des mortels, pouvait s’en payer un aujourd’hui ?

    Derrière un comptoir en merisier, un homme aux longues moustaches était occupé à servir des verres. Son visage rond et jovial était encadré de touffes de cheveux noirs parsemés de fil d’argent. Sur son avant-bras droit, une boucle en forme de huit symbolisant le signe de l’infini était tatouée. Juste en dessous, il y avait la citation célèbre de Buzz l’Eclair en anglais dans le film Toy Story : « vers l’infini et au-delà ».

    L’homme semblait en tout cas être le patron du bar. Il dévisagea Léon lorsqu’il l’aperçut.

    — Bonjour l’ami. Qu’est-ce que je te sers ? demanda-t-il.

    — Qu’est-ce que tu peux surtout me servir l’ami ? rétorqua Léon avec dérision, sans pourtant se départir de son regard sombre. Son turc était parfait, même si son accent trahissait ses origines françaises.

    Les lèvres fines du barman dessinèrent un large sourire.

    — Tu marques un point. Ma carte des boissons s’est un peu dégarnie ces derniers mois. Ces connards d’extrémistes religieux et leur virus de merde nous ont tous foutus sur la paille. Déjà que ce n’était pas brillant avec tous ces réfugiés qui passaient par chez nous et faisaient fuir les touristes… Bref, j’ai néanmoins gardé l’habitude de demander aux clients ce qu’ils veulent, même si le choix est pratiquement inexistant.

    — Qu’as-tu à me proposer du coup ?

    — Alcool de patate maison ou bière de racine de sassafras de contrebande. Les deux te tordent les boyaux, mais sont d’une efficacité sans pareille pour oublier tous tes soucis.

    — Il est fort ton alcool de patate ?

    — Redoutable.

    — Un double alors.

    — Le client est roi. C’est parti. Un monsieur Potato, un !

    Avec une agilité déconcertante, le barman agrippa une bouteille sur l’étagère derrière lui et remplit généreusement un verre d’un liquide transparent dont l’odeur ne laissait aucun doute sur son importante teneur en alcool.

    — Je remarque à ton accent que tu n’es pas du pays, dit-il. D’où viens-tu ?

    — De Bordeaux.

    — Ah !… Désolé.

    — Pourquoi « désolé » ?

    — Bordeaux était l’un des foyers des attentats qui ont propagé cette merde de virus.

    — Oui. C’était l’un des foyers, marmonna Léon. Sa mine s’était faite plus ténébreuse.

    — Donc, tu as forcément perdu des êtres chers. D’où mon « désolé ».

    Le visage d’Andréa, sa bouche sensuelle, ses yeux céruléens, tous ses traits éclatèrent à cet instant dans la mémoire de l’agent temporel. Mais, cette image magnifique laissa rapidement place à l’horrible vision d’elle, inconsciente, sur son lit d’hôpital.

    — La situation s’arrange chez vous ? Car ici, ce n’est pas brillant depuis la mutation du virus, reprit le barman.

    — Non, ce n’est pas terrible également.

    — J’espère que les Diviseurs vont vite attraper l’enfoiré qui a manigancé tout cela… Tiens justement…

    Il fit soudain un signe de tête vers la télévision.

    Les yeux de Léon se tournèrent vers l’écran où se succédaient déjà des images d’un palais de justice et d’un homme brun à la mèche rouge escorté par des militaires à l’insigne des Golden Territories. Celles-ci furent rapidement agrémentées d’une voix off d’un journaliste qui disait :

    « Membre des commandos des attentats du 14 septembre et numéro trois de l'ordre du Risorgimento, Jarod Vivaldi doit aujourd’hui comparaître devant la 90e chambre du tribunal correctionnel de Londres. L’Anglais d’origine italienne, âgé de 38 ans, doit répondre de crime contre l’humanité.

    Incarcéré jusqu’à présent dans un bunker de haute sécurité dont l’emplacement a été tenu secret, il va être transféré dans une prison moderne et ultra sécurisée située au nord de la capitale, le temps du procès qui se tiendra au palais de justice. Il occupera seul une cellule de 9 m2, et sera filmé en permanence.

    Par ailleurs, un dispositif de sécurité hors norme sera mis en place dans et autour de la zone où se déroulera le procès. La présence policière et les mesures de sécurité seront renforcées. Les professions judiciaires, le public et les journalistes seront soumis au détecteur de métaux. Au total, 80 personnes pourront entrer dans la salle d’audience. Jarod Vivaldi, lui, ne comparaîtra pas dans un box. Il sera placé en face du tribunal, au premier rang de la salle d’audience, tournant le dos au public.

    Jarod Vivaldi, comme il en a le droit, a fait le choix d’être présent à son procès.

    L’objectif de ce dernier est en tout cas de permettre aux victimes de demander réparation des préjudices subis et aux autorités de tirer pleinement au clair le motif des attentats. Bien entendu, l’issue du procès, c’est-à-dire la peine de mort ou, au mieux, la réclusion à perpétuité, ne fait aucun doute. »

    — J’espère bien qu’il sera mis à mort, ce salaud ! commenta un homme dans le groupe de personnes devant la télévision, ce qui déclencha un brouhaha assourdissant au sein de l’assistance.

    Évidemment qu’il va être mis à mort ! Ce procès est une mascarade pour détourner l’opinion publique de l’incapacité des Lords à découvrir un remède au virus, songea Léon. L’issue de tout ce carnage n’est pas à Londres. Elle est ici, au-dessus de nos têtes.

    Il se tourna alors vers le barman.

    — Sais-tu où je peux réserver une chambre pour cette nuit ? lui demanda-t-il connaissant déjà la réponse. Depuis le début, son objectif était cet endroit.

    — Ici même l’ami ! répliqua fièrement son interlocuteur. Je n’ai que trois chambres. Ce ne sont pas des palaces, mais on s’y sent très bien. Et leur prix défie toute concurrence. 110 livres turques, tu ne peux pas trouver mieux dans le coin. Et si tu payes en euros, la direction, c’est-à-dire moi-même, ne t’en sera que plus reconnaissante.

    — Eh bien, la direction me sera reconnaissante ! répliqua Léon avec un sourire en coin.

    — J’aime que l’on me susurre des mots doux comme ceux-là.

    — Les autres clients dans les chambres sont-ils bruyants ? J’ai envie de calme et je suis très sensible au bruit, s’enquit à dessein l’agent temporel pour obtenir l’information qu’il souhaitait, misant sur la langue bien pendue du barman.

    — Ne t’inquiète pas. Tu seras tranquille. Je n’ai qu’un seul autre client qui est là depuis plusieurs semaines.

    — Dans quelle chambre est-il ? Car par sécurité, je préfère être loin de la sienne.

    — Il est dans celle au fond du couloir. Mais ne te fais aucun souci, je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi discret. Pour tout dire, il me fait un peu froid dans le dos. On n’a pas idée d’être si taciturne. Il rentre trop de trucs en lui ce monsieur. Et ce n’est pas bon ça, de garder ses émotions. Mais bref, je n’ai jamais eu à me plaindre de lui, car il a toujours été poli et aimable. En tout cas, tu ne l’entendras même pas passer dans le couloir, puisqu’il sort rarement de sa chambre, que ce soit pour manger ou autre chose. Il se contente de me commander des repas que je lui apporte…

    C’était parfait. Léon en savait plus qu’il n’en fallait.

    — C’est bon pour moi alors, dit-il. Je te prends une chambre.

    — Tu ne le regretteras pas l’ami.

    L'homme se tourna vers un adolescent à la chevelure brune et aux traits sévères.

    — Mustapha, occupe-toi du bar quelques minutes pendant que j’amène ce client à sa chambre.

    Le jeune garçon acquiesça.

    Le barman contourna le comptoir et fit signe à Léon de le suivre vers un passage qui permettait d'accéder à un vieil escalier en bois.

    — C’est par ici, dit-il.

    L’agent temporel lui emboîta le pas et ils montèrent jusqu’au deuxième et dernier étage. Ils débouchèrent sur un couloir avec un papier peint marron en décrépitude. Tandis

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