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Le chant de la Résistance
Le chant de la Résistance
Le chant de la Résistance
Livre électronique429 pages5 heures

Le chant de la Résistance

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À propos de ce livre électronique

Entrez en Résistance !
Qu'est-ce qu'il y a derrière le mot Résistance ? Voilà une question qui tourmente l'esprit d'Hannah

Depuis juin 1940, la France est plongée dans les années les plus noires de son histoire. Humiliée, vaincue, est occupée par l'Allemagne Nazie.
Hannah Brunet, dès juillet 1940, dit non à la défaite, à l'oppression et à la soumission. Elle entre dans la Résistance et mène ses missions au plus près de ses ennemis quitte à mettre sa vie en danger. La jeune femme et ses compagnons sont déterminés à se battre pour leurs idées : sauver la France de la tyrannie allemande.

Entends le chant de la Résistance, lève-toi, bats-toi, redonne à notre pays le nom qui lui a été enlevé.

Illustrations : Alysson Detilleux
LangueFrançais
Date de sortie5 juin 2024
ISBN9782322512300
Le chant de la Résistance
Auteur

Audrey Berche

Audrey Berche est née en région parisienne le 16 juin 2002. Dès son enfance, elle se passionne pour les histoires en tout genre. Poussée par son imagination débordante, elle commence à écrire sa première histoire en CM2, inspirée par les légendes de Sleepy Hollow. Bien que cette histoire n'aille jamais plus loin que les premières pages, elle continue d'imaginer de nombreux univers imaginaires dont elle pourrait conter les histoires. En 2014, après avoir visionné un documentaire sur la Résistance française, elle se promet d'un jour écrire un ouvrage sur le sujet. Mais par manque de connaissances, elle ne débute pas le travail. Poussée dans la passion de l'Histoire par deux de ses professeurs d'Histoire-Géographie, elle commencera l'écriture par une petite nouvelle sur la guerre ; elle poursuivra ensuite l'écriture en jonglant entre les nouvelles et la poésie avant de reprendre son projet initial fin 2019 : la Résistance. Ainsi de sa plume, naît 1944 - Entrez en Résistance. Passionnée également par la poésie, elle poursuit ses travaux d'écriture en publiant ses recueils de poésie dont elle publie les poèmes sur sa page instagram : rivesalt.

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    Aperçu du livre

    Le chant de la Résistance - Audrey Berche

    À propos de l’auteur

    Audrey Berche est née en région parisienne le 16 juin 2002. Dès son enfance, elle se passionne pour les histoires en tout genre. Poussée par son imagination débordante, elle commence à écrire sa première histoire en CM2, inspirée par les légendes de Sleepy Hollow. Bien que cette histoire n’aille jamais plus loin que les premières pages, elle continue d'imaginer de nombreux univers imaginaires dont elle pourrait conter les histoires. En 2014, après avoir visionné un documentaire sur la Résistance française, elle se promet d'un jour écrire un ouvrage sur ce sujet. Mais par manque de connaissances, elle ne débute pas le travail.

    Poussée dans la passion de l'histoire par deux de ses professeurs d'Histoire-Géographie, elle commencera l'écriture par une petite nouvelle sur la guerre ; elle poursuivra ensuite l'écriture en jonglant entre les nouvelles et la poésie avant de reprendre son projet initial fin 2019 : la Résistance. Ainsi de sa plume, naît 1944 - Entrez en Résistance. Pendant un an, elle écrira son premier roman, dont vous découvrez ici, la nouvelle édition.

    Mes activités

    Note de l’auteur

    Il s'agit ici d’une nouvelle version de 1944 - Entrez en Résistance devenu Le chant de la Résistance et s’inscrivant dans la série 1944. Ne passant pas par une maison d'édition classique, le manuscrit n'a pas été vérifié par des professionnels, je m'excuse d'avance pour les coquilles qui pourraient être trouvées dans le roman.

    Je tiens à préciser qu’il s’agit également d’une fiction historique, c’est-à-dire que le roman s’inspire de faits et de personnages réels. Pour que l’intrigue soit cohérente, je me suis permise de prendre quelques libertés afin de justifier la présence de mes personnages à un point précis et à un moment donné.

    Table des matières

    Avant-propos

    Première Partie

    Prologue

    Chapitre 1

    Romain

    Chapitre 2

    Limiter les déportations

    3 – Flash-back

    Romain

    Chapitre 4

    Distraire l’ennemi

    Chapitre 5

    Sympathiser avec les Allemands

    6 – Annexe

    La petite fille

    Chapitre 7

    L’ambassade

    Chapitre 8

    L’arrestation

    9 – Flash-back – Henry

    Chapitre 10

    Drancy

    11 – Flash-back – Hannah

    12 – Flash-back

    Hannah et Friedrich

    Chapitre 13

    Auschwitz

    Chapitre 14

    Retour à Paris

    Deuxième Partie

    15 – Sapiens sous les étoiles

    16 – Annexe – Arnaud

    Chapitre 17

    Comme l’oiseau en cage

    Chapitre 18

    Henriette Brunet

    Chapitre 19

    Retour au combat

    20 – Annexe – Romain

    Chapitre 21

    Les vagues de Normandie

    Chapitre 22

    Corbeau noir

    Chapitre 23

    Le pauvre étranger voyageur

    Chapitre 24

    Règlement de comptes

    Chapitre 25

    Avis de recherche

    Chapitre 26

    Interrogatoire

    27 – Annexe – Friedrich

    Chapitre 28

    Près du but

    Chapitre 29

    Libération

    Épilogue

    Avant-propos

    Ce roman a pour but de vous rappeler que des personnes ont existé et qu'elles ont sacrifié leur vie pour vaincre l'humiliation et la tyrannie que la France a subie pendant les années 1940 à 1944.

    Il est important de nous souvenir à la fois de ce que l'humanité a fait de pire pour permettre aux victimes de continuer d'exister. Là est l'une de nos responsabilités : fournir l'essence de vie à ceux qui sont tombés. Car l'oubli est bien pire que la mort. Pour les pharaons de l'Égypte antique, vous ne cessiez pas d'exister lorsque votre cœur ne battait plus, mais lorsque plus personne ne prononçait votre nom. Alors ensemble, nous continuerons de prononcer leurs noms.

    En raison de la difficulté à trouver des informations concernant les personnages réels de ce roman, il est possible qu’il y ait des anachronismes involontaires.

    Comme il s’agit d’une fiction historique, j’ai pris la liberté de faire faire des choses aux personnages réels qu’ils n’ont, en théorie, pas fait de leur vivant. Dans ce roman, Pierre Brossolette et Émile Bollaert mènent des actions qu’ils n’ont pas réellement faites, connaissent

    des personnes qui n’ont jamais existé, et tiennent des propos qu’ils n’ont pas tenus. Ils sont représentés de manière respectueuse et en aucun cas leurs portraits dressés dans ce roman ont pour but de salir leur honneur et leur mémoire.

    Chers lecteurs, chères lectrices, si vous continuez à lire cet ouvrage, que vous le trouviez bon ou mauvais, vous vous engagez à perpétuer le devoir de mémoire envers les femmes, les hommes et les enfants qui sont tombés pendant la Deuxième Guerre mondiale.

    « Souviens-toi, n'oublie jamais »

    Bonne lecture à vous

    Première Partie

    Entrez en Résistance

    Aux portes de la baraque,

    Huit ans elle pose ses marques,

    Dessin de l'enfer qu'elle entrevoit,

    Sapiens par le bout de ses doigts.

    Démon lui arrache son cahier,

    Elle prend un autre papier,

    Dessin de toute brillance,

    Sapiens par sa conscience.

    Traînée dans la poussière,

    Ses pieds dessinent dans la terre,

    Chante sur le sol froid et dur,

    Sapiens dans l'escalier obscur.

    Danse derrière les portes de l'enfer,

    Gaz tombant sur la pierre,

    Nul n'aura eu son humanité,

    Sapiens pour l'éternité.

    Prologue

    — Mettez-le sur l'hôtel de ville ! Rendez la commune à la France ! lui crie le soldat de la Résistance.

    Sur le dos du cheval, Hannah se saisit du drapeau tricolore. Les larmes coulent le long de ses joues, elle ne veut pas abandonner un frère sur le front. Le soldat frappe la croupe du cheval et l'animal s'élance au grand galop. Hannah le regarde et crie son nom, mais, s'empressant de monter à cheval et de partir au galop en direction de l'ennemi, son ami ne répond pas. Plusieurs coups de feu partent, et le Français s'effondre à terre alors que sa monture poursuit sa route. Un objet tombe aux pieds du soldat, un bruit sourd se fait entendre et la silhouette de son ami disparaît à jamais, dévorée par le bruit d'une explosion qui se dissipe, derrière le son des vagues s'écrasant sur les plages de Normandie.

    Paris, 2 avril 1942.

    Hannah passe chaque jour deux bonnes heures dans ce café parisien à attendre que des officiers de la Gestapo se montrent et prennent leur pause habituelle. Elle se place non loin d'eux, prend discrètement un livre et un thé pour ne pas attirer l'attention sur elle ; et elle écoute, prête à attraper au vol toutes informations qu’elle transmettra à son supérieur, qui les fera remonter jusqu'aux oreilles de de Gaulle. Voilà un an qu'elle espionne les Allemands.

    Âgée de vingt-trois ans, Hannah met son énergie au service de son pays. Le souvenir de son père, resté à Lille, lui donne la force de se battre, la jeune Française n'oublie pas d'où elle vient, ni où elle va. Son courage et sa détermination en vue de libérer la Nation qui l'a vu naître, alimentent cette force et font d’Hannah un atout de la Résistance parisienne. Sa joie de vivre et son sourire remontent le moral de ses camarades dans les moments difficiles. Henry, son employeur, ami et mentor, voit en elle un espoir ; et beaucoup de jeunes de la Résistance renvoient aux aînés cet espoir de redonner à la France, la liberté qui fait sa grande fierté.

    Ainsi donc la voilà, assise dans ce café, à écouter attentivement les Allemands. Elle ne connaît pas les noms de ces officiers, elle sait seulement qu'il s'agit d'SS-Untersturmführer, des sous-lieutenants de la Gestapo. Ils discutent de leur vie pendant un bon moment puis, Karl Bömelburg, lieutenant-colonel SS s'installe, sans douceur, à leur table. Le café est vide mais Bömelburg se méfie d'Hannah ; elle est toujours assise à sa table en train de lire son livre. Le lieutenant-colonel passe devant elle et bouge « accidentellement » une des chaises, mais elle ne relève pas la tête, laissant croire qu'elle est complètement plongée dans sa lecture. Il rejoint les deux autres officiers et se met à parler à voix basse. En gardant une attitude parfaitement naturelle, Hannah tend ses deux oreilles et intercepte un maximum d'informations.

    Au moment de partir, l'un des Allemands, plus précisément le bras droit de Bömelburg, fixe son regard sur Hannah pendant un instant. Elle n'y prête pas attention et rapidement, le soldat tourne les talons et rejoint son équipe.

    Après avoir attendu une bonne demi-heure que les SS soient partis, elle quitte le café et gagne son appartement où l'attend Brossolette en traversant les rues décorées d’uniformes ennemis. Elle vérifie discrètement de temps à autre, que personne ne la suit puis ferme doucement à clé la porte de son appartement tout en lâchant un soupir, satisfaite d’avoir une fois de plus, réussi à revenir chez elle sans se faire prendre. Son supérieur observe la rue sans un mot, légèrement dissimulé derrière le grand rideau qui masque le début de la fenêtre devant laquelle il se tient. Elle s’approche de lui d’un pas léger tout en penchant légèrement sa tête sur le côté, puis décide de rompre le silence pesant qui plane dans la pièce.

    — Je pourrais très bien être un soldat allemand, vous ne regardez pas dans ma direction, comment pouvez-vous être sûr que je suis bien votre petite souris ?

    — Je vous ai vu entrer dans le bâtiment, bonjour Hannah, dit-il en se retournant enfin.

    — Bonjour Pierre.

    — Alors, votre journée a-t-elle porté ses fruits ? Avant que vous ne répondiez, asseyez-vous, j'ai pris la liberté de vous préparer du thé.

    Hannah s'exécute et s'assoit doucement sur l'un des fauteuils devant la table basse où est déposé un plateau en argent avec deux tasses contenant un thé difficile à trouver depuis le début de la guerre.

    — Il y avait les deux officiers habituels, ils… ils n'ont rien dit d'intéressant, mais, ils ont été rejoints par Karl Bömelburg.

    — Et alors ? A-t-il dit quelque chose qui pourrait nous être utile ?

    — Il a essentiellement parlé des déportations juives vers la Pologne, mais il a également dit qu'on lui avait fait part de projets concernant les offensives contre l'URSS.

    — En a-t-il dit plus ?

    — Non, il a précisé qu'il n'en savait pas plus, seulement que si c'était nécessaire, certains soldats seraient rappelés en Allemagne pour partir sur le front soviétique ensuite. Ils n'ont rien évoqué de plus.

    — Très bien, dans ce cas je ne vais pas m'attarder ici. Merci beaucoup Hannah pour votre contribution, votre aide nous est précieuse.

    — C'est moi qui vous remercie Pierre.

    — Continuez ce que vous faites, mais faites attention à vous. S'ils vous démasquent, vous êtes morte.

    — Je ferai attention.

    Pierre ne s'attarde pas, il quitte son amie en sortant de l'appartement de la jeune femme. Hannah dépose ses notes sur la table de son salon ; elle se retourne et se dirige vers la grande bibliothèque, dans laquelle elle prend une boîte dissimulée derrière quatre gros livres, qu’elle dépose sur la table. Puis, elle l'ouvre et y glisse les petits morceaux de papier qu'elle a, avant cela, arrachés de son carnet. Elle referme la boîte et la remet à sa place, à l'abri des regards indiscrets.

    Légèrement fatiguée par cette journée, elle s'en va dans la salle de bain sans prendre la peine de fermer la porte en bois, puisqu’elle est seule. Elle ouvre la fenêtre qui donne sur une ruelle où personne ne peut l'observer, afin de laisser la pièce être submergée par l'air et les sons du printemps. Elle fait couler l'eau dans la baignoire, et pendant que cette dernière s'inonde d'une marée d'eau douce, la petite Française de vingt-trois ans se délaisse de ses vêtements, les uns après les autres. Elle attache ses cheveux bruns à l'aide d'une pince, puis elle se glisse délicatement dans son bain, de manière à ne pas laisser l'eau du meuble de faïence se délivrer de son emprise. Elle penche sa tête en arrière et dépose le bas de son crâne sur le rebord. Hannah ferme les yeux et profite de ce moment de tranquillité.

    Un bruit soudain la fait sursauter, laissant quelques vaguelettes d'eau s'échapper de la baignoire pour aller embrasser le sol. Elle se redresse dans son océan et tourne la tête vers l'origine du bruit. Un corbeau noir s'est posé sur le rebord de sa fenêtre, il l'observe et croasse de temps à autre, mais le bruit qui sort du bec de l'animal est aussi désagréable que l'Allemand qui hurle des ordres de sa voix cassée. Son plumage est aussi sombre que les désastres de la guerre ; et les reflets offerts par la faible luminosité qui atteint l'oiseau, traduisent l'image que cet être lui renvoie : le mal. Il est le corbeau noir qui, de ses grandes ailes ébène, balaye l'honneur des Français.

    Chapitre 1

    Romain

    Lille, 9 septembre 1943,

    Dans la commune du Nord de la France, sous le commandement allemand rattaché à la Belgique, Romain Brunet et son épouse Marie Brunet, ont choisi de demeurer dans la ville où ils ont construit leur foyer. À Lille, l'occupation allemande se fait sentir dans chaque coin de rue, l'organisation de la ville obéit aux règles des Allemands, chaque citoyen est soumis à l'autorité allemande, et le moindre pas de travers n'est pas laissé sans conséquences. L'humiliation de la défaite, les réquisitions, le rationnement... Chaque trait de l'occupation pèse sur le moral des Lillois, et la défaite devient, à chaque nouveau lever de soleil, un peu plus difficile à surmonter. Mais quand donc tout cela se terminera-t-il ? Peut-on lire dans le regard des nombreux Français, qui chaque jour, font la queue les uns derrière les autres, tel du bétail, pour ne percevoir qu'une centaine de grammes de pain. La vie calme et paisible semble si loin, le soleil ne s'est pas montré depuis si longtemps, et les corbeaux noirs envahissent les rues, les rendant assourdissantes de leurs croassements. La charge morale de la défaite a bien poussé quelques-uns à s'opposer à l'occupant, mais à Lille, les mouvements de Résistance restent bien moindres. Les attaques importantes se font rares et les Lillois se limitent essentiellement à des actes de désobéissance et de presses illégales. Les Brunet connaissaient une femme d'une quarantaine d'années qui faisait la classe à des enfants de dix à onze ans. Elle vivait non loin du couple et ils se croisaient fréquemment les dimanches de beau temps, lorsqu'Hannah était enfant, ses parents l'emmenaient dans les jardins où ils y croisaient leur voisine enseignante. Quelques mois après le début de l'occupation, les autorités allemandes lui ont imposé de lire des discours à la gloire du IIIe Reich. Quand cette dernière a refusé, ils l'ont arrêtée, et Romain n'a plus jamais entendu parler d'elle.

    Les époux Brunet se sont toujours opposés à la défaite. Ils portent encore dans leur cœur et dans leur mémoire, la lourde trace de la dernière guerre. Romain s'est engagé dans la guerre dès ses dix-huit ans en 1915 et a eu la possibilité de laisser le champ de bataille derrière lui à l'automne 1917. Il en avait déjà trop vu, et n'aurait pu survivre à cet enfer, si son père n'était pas parvenu à le coller derrière un bureau municipal jusqu'à la fin des hostilités. Marie, sa très chère épouse, s'était portée volontaire pour soigner les blessés dans les hôpitaux des villes, suffisamment loin du front pour ne pas cauchemarder à chaque fois que son esprit tentait de quérir la moindre minute de repos. Les deux Français se connaissent depuis l'enfance et se sont mariés en janvier 1918, aucun d'eux ne souhaitait risquer de quitter ce monde, avant d'avoir pu unir sa vie à celle de l'être qu'ils aimaient par-dessus tout.

    Hannah vit le jour un an et demi plus tard, au mois de juin 1919, la guerre était terminée et les deux très jeunes parents étaient pleins d'espoir pour le monde dans lequel leur fille allait grandir. Pendant plus de vingt ans, Romain et Marie se sont efforcés d'offrir à Hannah un foyer chaleureux, des parents aimants et tout le bien-être qu'une famille puisse apporter.

    La famille, voilà bien la raison qui empêche Romain de suivre ses convictions et de s'opposer aux nazis. Il peut le faire, il le sait, il peut résister de mille manières. Mais sa loyauté envers sa famille le pousse à la protéger avant tout, il se souvient de sa voisine enseignante, arrêtée, dont les enfants ont été laissés sans rien. Après la guerre, Marie a choisi de demeurer au foyer pour élever Hannah, et même quand leur fille est devenue grande, son épouse a continué de vivre uniquement aux dépens de Romain. Alors, si lui empruntait cette voie et qu'il lui arrivait quelque chose, qu'adviendrait-il de Marie ? Romain s'efforce également de préserver un foyer dans lequel Hannah pourra se réfugier si elle souhaite revenir près de ses parents. Il choisit donc de ne pas aller dans le sens de l’occupant ; vivre avec les Allemands oui, leur obéir sans se poser la moindre question non. Chaque fois qu'il aperçoit quelqu'un aller contre la volonté des occupants, il fait mine de n'avoir rien vu. La passivité, la position entre la résistance et la collaboration, c'est cette place que Romain a choisie, aussi longtemps qu'il puisse être en mesure de la conserver.

    Le professeur et auteur de nouvelles, quitte son foyer comme chaque début d'après-midi pour rejoindre le directeur du collège où il enseigne le français depuis vingt ans. Avec la défaite, l'enseignement souffre de l'occupation ; nombreux sont les enseignants absents ; certains se sont exilés en zone sud, quand elle était encore libre. D'autres sont détenus en Allemagne, quand il y en a qui sont morts ou bien portés disparus. Quelques professeurs sont entrés dans la Résistance, et ont été arrêtés. Est-ce qu'il en reste encore ? Ça, Romain l'ignore.

    Lorsque Romain arrive, il salue le concierge et se dirige vers le bureau de son supérieur. Les locaux sont déserts, les autorités allemandes ont encore réquisitionné cinq salles de classe dans le collège pour en faire des dortoirs pour les soldats de la Wehrmacht. Nombreux sont les établissements qui servent à l'armée allemande. Que ce soit pour en faire des hôpitaux, des postes de commandement, des camps militaires ou des entrepôts d'armement, les écoles se voient utilisées pour diverses tâches qui vont à l'opposé de leur devoir d'origine : transmettre du savoir. Romain n'a plus qu'une classe de garçons en quatrième, il les voit seulement deux heures dans la semaine pour leur enseigner la maîtrise de la langue française, le reste du temps, il travaille sur le programme scolaire et aide le directeur dans ses tâches.

    En fin de journée, alors que Romain s'apprête à quitter l'établissement, il surprend une conversation entre le directeur et un autre enseignant qui semblent inquiets.

    — Que se passe-t-il pour que vous affichiez une telle mine ? demande Romain.

    — Vous n'avez pas entendu les sirènes ? Un élève est venu prévenir que la Gestapo a localisé des résistants dans le quartier derrière le collège, apparemment en fouillant les maisons ils y ont mis le feu.

    Romain écarquille les yeux et prend un air paniqué, il s'agit du quartier où se trouve sa maison.

    — Mais savent-ils qui sont les résistants ?

    — De ce que le gamin a dit, ils ont perquisitionné plusieurs maisons en plus au cas où.

    Romain ne perd pas de temps, et s'enfuit en courant, par crainte que les Allemands s’en prennent à tout le quartier. Il court, le cœur battant si fort que c'est la seule chose qu'il puisse entendre. Il arpente les rues les unes après les autres, son estomac se tord, son esprit craint le pire. En traversant, il manque de se faire renverser par une camionnette. Mais il n'y prête pas attention et continue de traverser à toute allure les dernières rues qui le séparent de son foyer. Il arrive enfin devant sa maison, et son cœur s'éteint devant le sinistre qui se présente à ses yeux. Les flammes jaillissent à travers les fenêtres, et une épaisse fumée noire s'en échappe. Bien que la maison ne commence à s'écrouler sous l'embrasement, il se jette dans la fournaise à la recherche de son épouse. Il crie son nom puis camoufle sa bouche dans son bras et tente de respirer le moins possible. L'air est irrespirable et la chaleur si intense, mais Romain ne recule pas et entre dans la salle de séjour. Au milieu des flammes et du chaos, elle est là, gisant sur le sol, elle ne bouge pas, son mari l'appelle puis court près d'elle tout en toussant, tant l’air ambiant est devenu toxique. Romain ne cherche pas sur l'instant à savoir comment elle va, il la prend dans ses bras et s'empresse de sortir de la maison avant que tout ne s'écroule. Il s'éloigne de leur foyer avant de s'effondrer par terre, ne prenant pas le temps de reprendre sa respiration, il prend Marie dans ses bras et l'appelle à répétition, espérant qu'elle ouvrira les yeux, se mettra à tousser ou à donner n'importe quel autre signe de vie. Mais ne voyant aucune réaction chez son épouse, il colle son oreille sur sa poitrine ; sa cage thoracique ne se soulève plus, comme si tout son corps avait appuyé sur stop, et son cœur, lui, semble avoir cessé de battre, non pas pour son mari, mais pour la vie. Le visage de Romain se noie dans ses perles salées, il répète encore et encore le nom de son amour tout en caressant son visage, priant pour un miracle. Mais son doux visage reste sans mots, sans émotions, sans toute la joie qui faisait Marie Brunet, Romain reste seul, impuissant, dans sa peine devant le brasier qui consume son foyer.

    Quelques jours après la tragédie, Hannah Brunet descend le cœur lourd sur le quai de la gare de Lille. Elle scrute tout le lieu mais soupire de déception en n'y trouvant pas la présence de son père. Il est trop chagriné pour venir, pense-t-elle. Elle prend le peu d'affaires qu'elle a apportées et quitte la gare avant de prendre la direction du domicile de sa tante, Henriette. Hannah traverse le Vieux Lille, une zone de la ville peuplée de vieilles maisons toutes plus jolies les unes que les autres. En traversant les différentes avenues, elle se remémore son enfance où elle parcourait toute la commune à vélo, suivie par sa mère à pied. Son corps se couvre de frissons, rempli par la nostalgie qui l'envahit ; mais le paysage a nettement changé, si beaucoup de maisons n'ont pas perdu de leur charme, pour d'autres le sort a été complètement différent. Les bombardements ont rayé de la carte un certain nombre de foyers, les incendies en ont ravagés des dizaines et nombreux sont les murs à être criblés d'impacts de balles.

    Le regard d'Hannah se perd sur des tracts, placardés sur tous les murs d'une rue. Dessus, elle peut voir des photographies d'hommes et de femmes, pour lesquels les mots terroriste, communiste ou encore Juif sont inscrits sous leur nom en guise de qualificatifs. Il s'agit là de résistants arrêtés par la Gestapo qui sont jetés en pâture pour donner une leçon à quiconque voudrait rejoindre la Résistance. Mais ce n'est pas cela qui révolte le plus Hannah ; au centre de l'affiche, une série de noms de victimes, attribuées au commando de résistance éliminé par les Allemands il y a quelques jours. Parmi tous ces noms, Hannah y voit celui de sa défunte mère, voilà ce que les Allemands font de la mémoire de Marie Brunet, ils l'utilisent pour de la propagande. Ce qui se présente sous ses yeux apporte une nouvelle fois à Hannah la confirmation qu'elle a eu raison de s'engager dans ce combat, pour que les véritables responsables des pertes civiles soient chassés hors de son pays. Son sang se met à bouillir dans ses veines, elle jette un œil autour d’elle et constate que la rue est chargée d'âmes errantes. Elle ferme les yeux et prend une grande inspiration, il serait bien trop risqué d’arracher les affiches devant tant de monde.

    Hannah arrive au domicile de sa tante, elle lève la tête pour détailler quelques secondes l’habitation devant laquelle elle est arrivée. Elle se retrouve face à une petite maison dans une rue où chaque foyer est soudé aux autres, dont la façade présente un style architectural ancien comme si la maison était là depuis une éternité.

    Elle se saisit du marteau qui orne la porte et frappe doucement sur cette dernière. Derrière, elle peut entendre des pas délicats se rapprocher jusqu'à ce que la porte s'ouvre. Henriette Brunet apparaît dans l'encadrement et sourit à la découverte de sa nièce qu'elle n'avait pas vue depuis quatre ans. Hannah s'avance légèrement et prend sa tante dans ses bras, soulagée de la trouver en bonne santé.

    — Je suis tellement heureuse de te voir ma chérie, lui dit tendrement la quinquagénaire.

    — Moi aussi ma tante.

    Hannah se défait de l'étreinte et pause ses mains sur le haut des bras de sa tante en signe d'affection puis Henriette s'écarte légèrement pour laisser sa nièce pénétrer dans la maison.

    — Est-ce que Papa est là ? demande Hannah.

    — Il est au cimetière. Il y passe ses journées depuis que ta mère y a été enterrée.

    — J'aurais voulu être là...

    — Tu n'aurais probablement rien pu faire, voire, peut-être que toi aussi, tu serais morte.

    — Je sais bien, je veux dire, être auprès de Papa pour traverser tout ça. Il avait besoin de moi, répond-elle, en baissant la tête, le regard rongé de culpabilité.

    Henriette s'approche de sa nièce et pose doucement sa main sur son épaule.

    — Tu es présente maintenant, c'est tout ce qui compte. Et puis, sans ligne téléphonique, il n'y avait plus que le courrier pour te transmettre l'information... Ne te sens pas coupable, tu es venue aussi rapidement que tu le pouvais.

    En guise de réponse, Hannah se contente d'esquisser un sourire timide.

    — Je vais aller le rejoindre, si cela ne te dérange pas, prévient Hannah délicatement.

    — Je t'en prie, c'est ton père, il passe bien évidemment avant moi.

    Une fois de plus, Hannah offre un sourire délicat à sa tante. Elle pose rapidement ses affaires dans le couloir juste au pied de l'escalier, puis elle s'empresse de quitter la maison et se met en route pour le cimetière. Elle traverse alors à nouveau le Lille occupé, sous le commandement allemand. Mais où est donc passée sa ville natale, se demande-t-elle. Pourrait-elle un jour la retrouver ? Hannah ne rêve que d'un avenir où son pays sortirait vainqueur de la tyrannie, où les vraies couleurs françaises revêtiraient à nouveau les hôtels de ville, où Vichy et l'Allemagne ne seraient plus qu'un lointain souvenir.

    Elle arrive au cimetière, parcourant les allées le cœur lourd à l’idée de découvrir la dernière demeure de sa mère, elle cherche son cher père des yeux. Après quelques minutes, elle aperçoit la silhouette de l'homme qui l'a élevée ; elle s'approche de lui et l'appelle, mais ce dernier ne réagit pas. L'homme de quarante-sept ans se tient debout face à la tombe de sa défunte épouse et regarde dans le vide, comme si le monde avait disparu autour de lui. Les appels de sa fille raisonnent dans ses oreilles mais son esprit refuse de les prendre en compte. Hannah arrive à sa hauteur et se place derrière lui, elle l'entoure de ses bras et pose sa tête contre le haut de son dos.

    — Je suis tellement désolée. dit-elle, la voix tremblante et les yeux humides.

    Romain ne réagit pas et continue de fixer la dernière demeure de son amour. Hannah le serre un peu plus contre elle, de peur qu'il ne s'effondre.

    — Rentre avec moi s'il te plaît, demande-t-elle inquiète. Rentre avec moi, il ne reste plus rien de notre vie ici. Je ne veux pas rentrer sans toi, et apprendre plus tard qu'il te sera arrivé quelque chose à toi aussi. Je t'en conjure Papa, rentre avec moi sur Paris.

    — J'avais juré de lui offrir ma protection, finit-il par décrocher comme premiers mots.

    — Si elle n'a pas pu s'enfuir, c'est qu'elle a été surprise par les flammes, tu n'aurais probablement pas pu la sauver si tu avais été présent.

    — J'avais juré...

    — Tu n'es pas responsable, le coupe-t-elle alors qu’une larme s’échappe de ses yeux.

    Le regard de Romain reste vide, Hannah le libère de son étreinte et vient se placer à ses côtés en lui prenant la main.

    — Tu te fais du

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