Les cendres du Nord
Par Alexandre Gareau
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À propos de ce livre électronique
dans un climat de méfiance. Conscient qu’une alliance pourrait être s’avérer bénéfique pour les deux peuples, Mathéas, jeune soldat d’Eber,
décide de tenter de les rapprocher. Toutefois, il se retrouve rapidement dans une aventure qui l’amènera à découvrir
un danger mortel qui menace tout le continent.
Cette alliance dès lors n’est plus seulement bénéfique; elle devient une urgence.
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Aperçu du livre
Les cendres du Nord - Alexandre Gareau
Prologue
Sur les berges occidentales du continent du Nord se trouvait une grande cité : Eber. Elle avait été fondée en tant que colonie par des hommes sous les ordres d’un grand empereur résidant sur un continent plus au sud. De simple village côtier à ville portuaire, la cité connut une longue période de prospérité jusqu’au jour où tous les contacts avec la capitale cessèrent mystérieusement.
Les hommes de la colonie envoyèrent de nombreux navires en quête de réponse, mais peu revinrent. De ceux qui réussirent à revenir à bon port, aucun n’avait réussi à atteindre le continent du sud, les marins parlant de nuages de cendres qui rendaient toute navigation périlleuse. Refusant de perdre espoir, les hommes de la cité continuèrent d’envoyer des navires de temps à autre, mais bientôt, les embarcations vinrent à manquer et l’art de la construction de puissants vaisseaux capables de traverser la mer se perdit, laissant la colonie à son compte. Sans nouvelles de l’empereur, la gouvernance de la cité fut attribuée au capitaine de la garnison militaire, poste qui vint à se transmettre aux descendants des généraux.
Les hommes d’Eber cessèrent alors de se lamenter envers la mer et portèrent plutôt leur attention vers les terres du continent qu’ils avaient nommé Oromon. Toutefois, ces territoires étaient loin d’être inhabités. En effet, la grande majorité du continent faisait partie du vaste royaume des nains, qui y vivaient depuis la naissance de leur race. Partants de leurs grandes capitales à l’Est, ils avaient d’abord pris le contrôle des terres orientales, délimitant leurs royaumes par un gigantesque mur qui séparait littéralement le continent en deux. Cependant, au fil des siècles, bien avant l’arrivée des hommes, les nains avaient étendu leur contrôle sur la plupart des territoires restants.
À vrai dire, leurs seuls opposants étaient les clans d’orcs se terrant dans les montagnes et cavernes au nord-ouest d’Oromon. Les orcs, ou gobelins, comme les appelaient les nains, étaient d’affreuses créatures malfaisantes qui s’affrontaient entre elles continuellement, jusqu’à ce qu’un chef de guerre assume le contrôle temporaire et lance des raids sur les villages nains. Leurs attaques venaient principalement du Nord-Ouest, car là étaient les seuls territoires qui échappaient en partie au contrôle du royaume des nains, les terres étant arides et sans vie, tandis que les montagnes y étaient particulièrement périlleuses et renfermaient peu de pierres ou métaux précieux. Les nains avaient beau maintenir une forte garnison en périphérie de ces territoires, les gobelins étaient d’habiles créatures une fois la pénombre venue, pouvant compter sur leur vision bien plus adaptée à l’obscurité qu’à la lumière du soleil. C’est pourquoi, en raison de son emplacement, il arrivait même parfois que quelques bandes d’orcs atteignent la cité des hommes, semant le chaos dans ses champs et pâtures avant d’être abattues par les gardes.
Toutefois, ce n’était pas la menace des orcs qui empêchait les colons d’Eber d’étendre leurs terres, mais bien la présence du royaume des nains. En effet, bien que les nains accueillirent les hommes poliment lors de leurs premiers contacts, jamais ils ne leur avaient donné la permission d’y installer une colonie permanente. Les nains revendiquaient la souveraineté du continent entier et ne souhaitaient aucunement voir l’empereur venir y étendre son emprise. Ainsi, la relation entre les deux peuples avait donc toujours été relativement froide. Or, aucune des deux puissances ne désirait la guerre avec l’autre, préférant plutôt maintenir un statu quo ; les nains laissèrent les gens de l’empire bâtir leur cité tandis que les hommes se contentèrent des terres en périphérie des murs d’Eber.
Cependant, au fil des années, les souverains respectifs s’engagèrent à améliorer leurs relations, développant leurs échanges commerciaux tout en partageant une partie de leurs savoirs et leurs héritages culturels. Cette alliance entre hommes et nains semblait promise à un bel avenir, jusqu’au jour où les communications avec l’empire cessèrent. Les nains furent tout autant troublés que les hommes d’Eber, car ils se demandaient comment un si grand empire pouvait disparaître sans laisser de traces, redoutant pour la première fois leur propre destruction.
Privés des ressources de l’empire et limités à la pêche ainsi qu’à l’agriculture de leur petit territoire, les hommes furent forcés de se tourner vers les nains pour s’approvisionner en métaux ou matériaux de construction, renforçant par la même occasion le sentiment d’être isolés sur le continent. Devant la méfiance réciproque, la relation entre les deux peuples se flétrit, celle-ci étant limitée au commerce. C’est donc pour ces raisons que les dirigeants d’Eber n’osaient étendre la limite de leur cité, craignant la réaction du royaume des nains.
Or, il y avait des gens parmi la population d’Eber qui voyaient encore les nains comme de précieux alliés et certains tentaient même de développer de nouvelles relations pouvant profiter à tous les peuples d’Oromon.
Chapitre 1
La colonie oubliée
Mathéas regardait le lever du soleil d’un air rêveur, son regard balayant le peu d’horizons qu’il pouvait voir à travers l’étroite et l’unique fenêtre de son petit logis. Les toits des demeures ainsi que les murs de la cité lui obstruaient en grande partie la vue, mais il pouvait tout de même voir les rayons du soleil traverser la mince brume matinale. Un mouvement derrière lui détourna son attention et, pivotant sur ses pieds, il arriva face à face avec une jeune femme. Ses yeux couleur noisette aux paupières légèrement gonflées ainsi que sa chevelure châtain ébouriffée trahissait le fait qu’elle venait tout juste de se réveiller.
— Tu es debout tôt ce matin, mon amour, remarqua la femme, serrant Mathéas contre elle.
— Je ne voulais pas manquer le lever du soleil ! À cette période de l’année, il se lève bien trop tôt !
— Pour admirer le soleil ? Tu n’as rien trouvé de mieux comme excuse ? ironisa la femme en se détournant.
— Ce n’est pas un mensonge, Isa ! J’ai peut-être d’autres raisons, mais je te jure que celle-ci est vraie !
Isa le dévisagea d’un air de reproche qui fit disparaître le sourire farceur du visage du jeune homme. Rejoignant en silence sa compagne, il l’aida à préparer leur petit déjeuner. Après avoir déposé pain, beurre et miel sur la table, les deux s’attablèrent, sans pour autant se parler. Tandis qu’il mangeait, Mathéas pouvait sentir le regard d’Isa qui le fixait avec ardeur.
— Tu sais, j’ai entendu les rumeurs moi aussi.
— Quelles rumeurs ? rétorqua Mathéas la bouche pleine.
— Ne joue pas les idiots avec moi, Mathéas ! Je sais que le roi est en pleine campagne dans le Nord ; tous les gens de la cité le savent depuis hier ! Te connaissant, je présume que tu as l’intention de t’éclipser pour aller le rencontrer ?
— Tu me connais mieux que quiconque, ma chère Isa, mais jamais je ne m’éclipserais sans t’en parler !
— Sauf que tu aurais attendu au dernier instant, répliqua Isa avec agacement. Alors j’ai donc raison, tu vas chevaucher à sa rencontre ? En as-tu parlé avec Camus au moins ?
Devant le silence de son compagnon, Isa se leva en soupirant pour débarrasser les couverts.
— Il te connaît plutôt bien également. Crois-moi, il va s’attendre à ce que tu essaies quelque chose. Tu es un soldat et il est ton capitaine : tu ferais mieux d’aller lui parler.
— Tobin aurait voulu que je continue à essayer… Je lui dois au moins cela, ne crois-tu pas ?
À la mention de Tobin, Isa ne put s’empêcher de baisser les yeux. Tobin était un lieutenant de l’armée et l’un des hommes les plus nobles de toute la cité. Il possédait un caractère similaire à celui de Camus, strict, mais juste et, tout comme le capitaine, il avait tôt fait de remarquer le potentiel du jeune Mathéas. C’est Tobin qui décida de prendre Mathéas comme écuyer, dans le but de lui transmettre ses valeurs. Ce dernier appréciait grandement l’homme et déployait énormément d’efforts pour être à la hauteur de ce que l’on attendait de lui. De plus, c’était grâce à Tobin que Mathéas avait rencontré le roi nain pour la première fois, raison supplémentaire pour laquelle le jeune homme ne tarissait point d’éloges envers son mentor. C’est en suivant la tutelle du lieutenant que Mathéas avait réalisé les bienfaits d’une possible alliance entre les hommes et les nains.
Malheureusement, lors d’une escarmouche avec les orcs, Tobin fut atteint d’une flèche au cœur et mourut tandis que ses hommes tentaient désespérément de repousser l’ennemi. Ayant été dépêché comme messager peu de temps avant l’assaut, Mathéas fut l’un des seuls rescapés des troupes de Tobin. Or, la perte de son mentor, en plus du fait qu’il n’était pas à ses côtés lors de ses derniers instants, affecta grandement le jeune écuyer.
Isa savait que Mathéas était déterminé à poursuivre la vision du lieutenant, mais ce qu’elle craignait, c’était qu’il décide d’être trop téméraire, au risque de se mettre à dos le capitaine ou pis encore, se mettre en danger en chevauchant seul. Toutefois, malgré ses craintes, la jeune femme ne pouvait lui en vouloir, car après tout, cette détermination bouillante et si pure était l’une des choses qu’elle aimait tant chez lui.
— Je sais que c’est important pour toi, mon amour, répondit finalement Isa avec un sourire mélancolique, mais tu ne peux pas tout changer seul. Même si le roi des nains t’apprécie, pour Eber, tu n’es qu’un soldat parmi tant d’autres. Toutefois, s’il y a bien une chose que j’ai apprise en étant auprès de toi, c’est que tu es trop têtu pour abandonner. J’aimerais pouvoir te convaincre de rester et de te consacrer à autre chose, mais puisque c’est ce que ton cœur désire, alors je ne peux que t’encourager. Allez, maintenant, nous avons perdu suffisamment de temps.
Ne trouvant pas de mots afin d’exprimer sa reconnaissance envers Isa pour toute sa confiance et sa dévotion, Mathéas se leva d’un bond pour la serrer tendrement dans ses bras. Puis, relâchant son étreinte, il quitta la table et s’approcha d’un grand coffre de bois. Il en sortit une cotte de mailles, une tunique à l’emblème de la cité, croissants de lune cerclés d’herbes dorées, ainsi qu’une épée. Enfilant ses habits militaires, il se regarda un instant dans un petit miroir. Ses cheveux noirs étaient échevelés, mais ses yeux gris reflétaient toujours la même énergie et la même détermination qui émanaient de lui. Se détournant de son reflet, il rejoignit Isa qui l’attendait près du cadre de la porte avec un sac de cuir contenant des vivres.
— Moi qui pensais finir plus tôt à l’atelier aujourd’hui… Je présume que tu ne vas pas revenir avant plusieurs jours ?
— Selon nos éclaireurs, le campement du roi se trouve à deux jours de chevauchée, alors tu peux m’attendre dans quatre jours.
— Alors j’attends avec impatience ton retour, mais par pitié, sois prudent.
Les deux amoureux s’embrassèrent avant que Mathéas ne quitte son logis. Le jeune homme avait malgré tout le cœur lourd et regrettait d’abandonner ainsi Isa, mais il devait profiter de chaque instant possible afin d’essayer d’établir de nouvelles relations avec le royaume nain. Il avait eu lui-même l’honneur de rencontrer plus d’une fois le roi nain, Tharmund, et comme Isa l’avait dit, Mathéas était bien apprécié du souverain ainsi que de son entourage.
Descendant le long escalier en colimaçon qui menait à son logement, Mathéas atteint enfin le pavé de l’une des nombreuses ruelles de la ville. Dans les dernières décennies, Eber avait vu sa population croître considérablement en importance, mais sans possibilité d’expansion, la cité était devenue surchargée et l’espace venait à manquer. Les chemins à travers la cité étaient sinueux et, hormis sur l’allée principale, seules deux personnes pouvaient marcher côte à côte sans problème.
Malgré l’heure matinale, les ruelles commençaient déjà à être bondées et Mathéas dut rejoindre la Grande Allée dans le but de faciliter ses déplacements. En vérité, malgré le fait que le jeune homme tentait de se contenir pour bien paraître, les gens qu’ils croisaient voyaient bien à sa démarche pressée qu’il en fallait de peu pour qu’il s’élance en courant, au risque de bousculer tout le monde. Ici et là, Mathéas envoyait la main aux personnes qu’il connaissait, sans pour autant leur laisser le temps de lui poser la moindre question. Il rencontra également quelques autres soldats qui ne semblaient pas surpris de le voir si tôt dans les rues.
Se dirigeant aussi vite que possible vers le cœur de la cité, il fallut peu de temps avant que Mathéas aperçoive enfin devant lui sa destination : le siège administratif d’Eber. Vestiges de l’époque coloniale, l’immense bâtiment contrastait avec le reste de l’architecture de la cité. Les maisons et magasins de la ville étaient principalement construits en brique ou en bois avec des toits de tuiles, comme les nains bâtissaient leurs demeures extérieures, mais le plus important bâtiment d’Eber était fait de pierres sombres, en plus d’arborer une forme pyramidale, héritage architectural impérial. À l’exception du grand phare situé dans le port, aucune construction de la cité n’était comparable. En plus de lieux administratifs, l’immense pyramide servait également de forteresse, avec de nombreuses meurtrières le long des murs ainsi que quatre puissantes tours aux extrémités. Atteignant les grandes portes de fer de la pyramide, il salua les gardes qui le laissèrent passer, l’un d’eux arborant un sourire en le voyant tout essoufflé.
— Je savais que j’aurais dû parier sur ta venue, Mathéas, s’exclama le garde en souriant, les autres ne me croyaient pas !
— La prochaine fois, tu feras confiance à ton instinct, Gustave ! répliqua Mathéas, s’engouffrant dans l’immense bâtiment.
Servant autrefois de demeure au gouverneur représentant l’empereur, l’intérieur de la pyramide était d’une grande richesse, avec de magnifiques planchers de marbre ainsi que de hautes colonnes de pierre finement travaillées. Des ornements d’or et d’argent décoraient chacune des pièces, qui étaient éclairées par de grands lustres. L’intérieur de la pyramide s’étendait sur plusieurs étages, les baraquements des soldats se trouvant aux sous-sols alors que le bureau du gouverneur se trouvait au sommet.
Mathéas grimaça en voyant le gigantesque escalier qu’il devait emprunter afin de rejoindre le dernier niveau du bâtiment. Il détestait particulièrement cet interminable escalier et il avait toujours l’impression qu’il lui faudrait