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Aussi sombre est la nuit
Aussi sombre est la nuit
Aussi sombre est la nuit
Livre électronique134 pages1 heure

Aussi sombre est la nuit

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À propos de ce livre électronique

« J’ai quatorze ans. Je savoure ma première nuit dehors, sans abri. Je suis cette enfant blessée mais libre, libre depuis peu, quelques poignées d’heures à vue de nez, depuis quelques respirations sûrement et très certainement depuis quelques battements de cœur. Un cœur déchiré mais qui bat fort et vite. Je suis celle qui a claqué la porte à l’insupportable, l’intolérable. L’amputée d’une enfance cotonneuse, moelleuse. Épuisée mais déterminée. Comme enivrée d’espérance, shootée à la confiance, dopée à l’insouciance. Ma liberté n’a pas de prix. » Cet authentique récit présente à la fois une énigme et sa résolution. Témoignage d’une enfance dévastée, il est aussi un éloge de l’amour et de la vie. Renaître à soi.


À PROPOS DE L'AUTRICE


Femme debout, Fanny Vanesse est devenue psychothérapeute et thérapeute de couple par vocation. Ce premier roman naît à la suite d’un vif désir de déterrer sa voix, au nom des victimes de maltraitances quelles qu’elles soient, mais aussi pour donner sens au travail psychologique que chacun peut être amené à vivre.
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2024
ISBN9791042225964
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    Aperçu du livre

    Aussi sombre est la nuit - Fanny Vanesse

    Chapitre 1

    Le terreau

    Lui, un Allemand de treize ans son aîné, avec sa belle danseuse brune aux yeux d’émeraude.

    Il parle difficilement le français. Elle ne parle que cette langue – quand elle ose s’exprimer.

    Il est sportif, élancé, une allure assurée et déterminée. Une gueule « à la Paul Newman », plutôt bel homme dans son style nordique. Son pouvoir de séduction, il le connaît parfaitement. Chasser, rabattre, consommer, c’est son jeu favori.

    Sa danseuse, c’est l’élégance. Elle est d’abord éblouissante parce qu’on ne voit que sa vénusté. Elle ignore tout de son charme. Son univers est tout autre. Elle ne connaît rien de la vie sinon l’obéissance. Elle a déjà tellement souffert, enfermée dans la prison de ses effrois.

    Elle a dix-sept ans quand il lui offre un ticket pour une vie de famille, un mariage, des enfants. N’importe quoi, pourvu qu’elle s’échappe de ce caveau psychique, comme un rat perdu dans ses méandres. Ce ticket, c’est sa chance.

    À l’instar d’une captive dévouée à son maître, elle le suit partout. Et partout, ça commence sur ses terres natales à lui : l’Allemagne. Sans emploi, elle se familiarise avec la langue du pays, et développe également son anglais auprès du voisinage et d’une amie qui travaille en crèche.

    C’est sans lui qu’elle s’intègre. Il est bien trop occupé à briller en société. Il sait néanmoins lui accorder quelques gestes d’attention, un bras autour de ses épaules, de sa taille ou une main sur ses fesses, exclusivement sous le regard d’autres hommes – aucun intérêt sinon.

    Son métier d’ingénieur l’appelle sur des pipelines de différents horizons. C’est ainsi qu’ils habiteront dans les quatre coins du monde. Le Mexique, la Floride, la Californie, l’Europe. Elle est à ses côtés, sage et docile, comme il aime. Elle s’adapte. Elle est sa chose, l’objet de sa revalorisation.

    Il prépare son terreau familial, silencieusement, sournoisement, habilement. Il sait laisser maturer, laisser fermenter son engrais bien spécial – celui de l’emprise.

    Quand il aura donné sa semence à sa belle, quand il fera d’elle une mère, alors elle lui sera redevable à vie. C’est le prix à payer.

    Le temps d’une escale en France dans les Yvelines, elle donne naissance à Frank. Typé allemand, avec ses cheveux blonds et ses grands yeux bleus, il fait la fierté de son père d’autant plus qu’il est le premier garçon de la lignée. Normalement il aurait dû s’appeler Georges, ou plutôt « Guéorgheu » si on le prononce à l’allemande. C’est le prénom réservé à tous les premiers nés garçons de cette famille. Famille dont je m’accommoderai difficilement du nom de par le poids d’un passé nazi.

    Heureusement pour Frank, il échappe à ce rituel. Sa mère négocie un prénom à consonances moins dures, moins gutturales, au prix de son corps. Elle a l’habitude. Elle ne connaît que ça, cette monnaie d’échange qui lui offre le plus de chances de voir ses requêtes acceptées.

    Frank est beau, le parfait poupon qu’on peut voir poser dans les magazines. Celui sur qui tous les passants s’arrêtent et celui qu’ils admirent. Il ne gigote pas, ne pleure pas, ne réclame rien. Sage, si sage, aussi sage que beau. Le petit prince de Saint Exupéry !

    Deux ans plus tard, un nouveau pipeline. Direction le Royaume-Uni.

    C’est bercée par de la musique classique écoutée en boucle que ma mère me porte durant toute sa grossesse. Enceinte, elle se sent alors « être en vie » au travers de ce petit humain qui grandit en elle. L’unique échappatoire de son quotidien c’est ce « nous », elle et moi dans cette bulle des quatre saisons de Vivaldi.

    Je vois le jour en octobre, dans les Lowlands de l’Écosse, un petit village appelé Paisley. Je m’appelle Fleur, un prénom choisi par ma mère.

    — Tu sais Rolf, j’aimerais allaiter Fleur, je peux le faire sans problème. Le médecin a dit que j’avais juste à faire un peu attention à mon alimentation, aborde timidement ma mère.

    — Tu donnes le biberon au bébé, c’est comme ça. Pas d’histoire, ordonne-t-il sèchement.

    « Pas d’histoire »… Exécution.

    La monnaie d’échange sexuelle ne marche pas à tous les coups. À la fin, c’est lui qui a le dernier mot.

    À cinq ans, j’interroge ma mère :

    — Dis maman, pourquoi Frank il a des problèmes ?

    — Des problèmes… oui… tu as raison, ma chérie, il a des problèmes, ton frère.

    — Pourquoi il a des problèmes alors ?

    Ma mère s’accroupit pour aligner son regard au mien. Elle prend mes petites mains dans les siennes et, de toute sa douceur, m’explique :

    — Tu sais, les médecins disent que ton frère a des problèmes parce qu’il est un peu trop sage.

    — Et pourquoi c’est un problème, hein maman ?

    — Parce que normalement, il devrait réagir différemment… Tu vois ?

    — Comment ça ? Ça veut dire quoi ?

    — Eh bien, toi ma bibiche, c’était l’inverse, tu pleurais beaucoup jusqu’à tes un an, mais beaucoup ! Tes cris déchiraient mon cœur de maman, je te serrais fort contre moi, je ne savais plus comment t’apaiser tellement tu pleurais. J’étais inquiète car j’étais habituée au calme de ton frère, tu comprends ? Alors, avec Frank, je t’ai emmenée chez le docteur pour trouver une solution. Et c’est là que le médecin m’a dit que c’était Frank qui avait un problème, et pas toi, comme je pensais.

    Si j’étais pas née, alors Frank, il s’rait normal. C’est d’ma faute si on a vu ses problèmes. C’est à cause de moi tout ça.

    Je garderai cette idée honteuse enfouie en moi comme un secret inavouable pendant de longues années. Je me laisserai façonner au travers de cette croyance, coupable d’avoir volé la normalité à mon frère par ma naissance. Je grandirai dans cette prison psychique dans laquelle

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