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GiGi : Thérapie Fashion
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Livre électronique287 pages5 heures

GiGi : Thérapie Fashion

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À propos de ce livre électronique

Voici la mission de GiGi (de son vrai nom, Griselda Griswald, mais tout le monde l’appelle GiGi) : aider les gens à améliorer leur style vestimentaire, à développer leur estime de soi et, idéalement, à les rendre plus heureux. Être « personal shopper » est un art obscur, avec peu de retours concrets.

Ses clients n’admettront jamais avoir besoin de son aide. Même sous la torture. Franchement, qui avouerait avoir besoin d’une Fashion consultante ?

C’est comme pour un alcoolique : la première étape consiste à accepter de l’aide, et reconnaître que cette paire de jambières ne correspond plus à votre statut de cinquantenaire. Une fois cette étape franchie, vous serez sur la voie de la guérison et les services de Gigi vous seront utiles. Au grand dam de sa mère qui aurait préféré qu’elle fasse un « vrai travail ».

LangueFrançais
Date de sortie6 juin 2020
ISBN9781393888932
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    Aperçu du livre

    GiGi - Colette Kebell

    GiGi : Thérapie Fashion

    Colette Kebell

    GiGi : Thérapie Fashion

    UN LIVRE SKITTISH ENDEAVOURS : 

    Version originale publiée en Grande-Bretagne par Skittish Endeavours 2015

    Copyright © Colette Kebell 2015, tous droits réservés

    Première édition

    Traduit de l’anglais par Aline Dourthe, tous droits réservés 2020

    Le droit de Colette Kebell, d’être identifiée comme auteur de ce livre, a été affirmé conformément aux articles 77 et 78 de la Loi de 1988 sur les modèles du droit d’auteur.

    Ce livre est une fiction. Les noms, personnages, lieux et incidents sont soit le produit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des événements réels, des lieux ou des personnes, vivantes ou décédées, est entièrement fortuite.

    Conditions de vente

    Ce livre est commercialisé, sous réserve qu’il ne soit prêté, revendu, loué ou diffusé sous une forme quelconque de reliure ou de couverture autre que celle dans laquelle il est publié et sans qu’une condition similaire, y compris la présente condition, ne soit imposée à l’acheteur ultérieur.

    Skittish Endeavours Books sont fournis et imprimés par Babelcube.com

    Imprimé et relié par Babelcube.com 

    www.Babelcube.com

    Mes remerciements :

    Design © www.Lizziegardiner.co.uk ; illustrations © Shutterstock.com

    Correcteur et réviseur : Patrick Roberts. Traduction française : Aline Dourthe

    Pour plus d’informations sur Colette Kebell, visitez son site d’auteur :

    www.colettekebell.com

    ousuivez-là sur Twitter @ColetteKebellet/ou

    https://www.facebook.com/ColetteKebellAuthor

    DÉDICACE

    Un immense merci à mon mari.

    Pour avoir été mon roc, mon partenaire. Pour m'avoir soutenue et encouragée à développer mes idées, où qu'elles mènent.

    Sans lui, je ne serai pas arrivée jusque-là.

    ———————————————-

    CHAPITRE 1....................................................4

    CHAPITRE 2.................................................12

    CHAPITRE 3.................................................17

    CHAPITRE 4.................................................24

    CHAPITRE 5.................................................30

    CHAPITRE 6.................................................38

    CHAPITRE 7.................................................45

    CHAPITRE 8.................................................51

    CHAPITRE 9.................................................57

    CHAPITRE 10...............................................64

    CHAPITRE 11...............................................71

    CHAPITRE 12...............................................77

    CHAPITRE 13...............................................84

    CHAPITRE 14...............................................92

    CHAPITRE 15...............................................99

    CHAPITRE 16.............................................107

    CHAPITRE 17.............................................113

    CHAPITRE 18.............................................120

    CHAPITRE 19.............................................124

    CHAPITRE 20.............................................133

    CHAPITRE 21.............................................140

    CHAPITRE 22.............................................150

    CHAPITRE 23.............................................158

    CHAPITRE 24.............................................167

    CHAPITRE 25.............................................173

    CHAPITRE 26.............................................184

    CHAPITRE 27.............................................193

    CHAPITRE 28.............................................200

    CHAPITRE 29.............................................206

    CHAPITRE 30.............................................213

    CHAPITRE 31.............................................222

    CHAPITRE 32.............................................227

    CHAPITRE 33.............................................233

    CHAPITRE 34.............................................240

    CHAPITRE 35.............................................251

    CHAPITRE 36.............................................260

    CHAPITRE 37.............................................270

    CHAPITRE 38.............................................278

    CHAPITRE 39.............................................285

    CHAPITRE 40.............................................292

    CHAPITRE 41.............................................298

    CHAPITRE 42.............................................304

    CHAPITRE 43.............................................310

    CHAPITRE 1

    ––––––––

    Des pulls norvégiens pour Noël ? Même pas en rêve ! J’ai un certain niveau d’éthique à respecter.

    Ce type me rend folle.

    Vous pourriez penser que le déclin était lié à la crise générale de 2008, mais non. LE problème a commencé lorsque je me suis persuadée de pouvoir améliorer le monde en développant mon entreprise. L’ajout d’un rayon homme sur mon site d’achats en ligne me semblait être opportun à ce moment-là. Après tout, pourquoi limiter mon expertise à seulement la moitié de la planète ? J’avais tort... Mais tellement tort, et sur tant de points...

    Au début, les gens pensaient (allez savoir pourquoi...) qu’il s’agissait d’un site de rencontres et m’ont arrosée de spams. « Hé, c’est toi sur cette photo ? » ou, pire encore, « C’est quoi tes mensurations ? » Il arrivait qu’un ou deux profils plus authentiques puissent mériter quelques conseils de style. Mais honnêtement, ils n’étaient qu’une poignée. Malgré mes réponses tout en retenue, digne d’une Personal Shopper, je me suis vite rendu compte que c’était sans espoir.

    La dernière demande en date, reçue aujourd’hui, venait d’un Jasper Barnes, entrepreneur à Londres, qui voulait que je lui dégote un pull norvégien. La taille était indiquée dans le mail. Personnellement, je n’ai rien contre les pulls norvégiens. Certains sont magnifiques. Mes meilleurs amis en portent. L’inconvénient est de savoir comment expliquer à un adulte que ces pulls vous font ressembler à l’oncle norvégien de Fifi Brindacier. Tant qu’on y est, je peux vous offrir un peu de viande de renne séchée ?

    Être un Personal Shopper est un art obscur, avec peu de récompenses concrètes. Mes clients ne concevraient jamais que mon aide pourrait être utile. Même sous la torture. Honnêtement, qui admettrait avoir besoin d’un Fashion consultant ?

    Pourtant, souvent, un nouveau point de vue permet de rajeunir une garde-robe qui, avec le temps, peut devenir tristounette. Mais l’avoueraient-ils ? Aucune chance !

    C’est comme pour un alcoolique : la première étape consiste à accepter de l’aide, puis à reconnaître que cette paire de jambières ne correspond plus à votre statut de cinquantenaire. Une fois cette étape franchie, vous serez sur la voie de la guérison et mes services vous seront utiles.

    J’ai commencé par hasard, vers 28 ans. Je suis une acheteuse compulsive. Je ne dis pas cela de manière péjorative. Le droit d’acheter devrait figurer en haut de la constitution (si je vivais encore aux USA), juste en dessous de la « Pratique libre de la religion » et de la « Liberté d’expression », et au-dessus du « Droit de porter et de posséder des armes » (sauf si elles sont de couleurs différentes).

    Une sorte d’amendement 1B : Le Congrès ne fera aucune loi concernant la pratique du shopping, ou restreignant la liberté d’une virée shopping, ou le droit de la population à se réunir pacifiquement (sauf pendant les soldes), et à dépenser pour des vêtements et des chaussures. Les banques doivent investir dans le droit du peuple à la recherche du bonheur, par le biais de la création de mode.

    La grande question est donc de savoir si je satisfais un client potentiel (avec quelques milliers de livres à dépenser), et si j’oublie mes convictions. Cela vaut-il la peine de courber l’échine pour satisfaire un client, juste parce que nous sommes dans une période de post-crise (et que j’ai en fait besoin d’argent) ?

    La réponse est simple : « NON. Jamais. En aucun cas. Niet. »

    Cher Jasper,

    Merci de m’avoir contacté chez GiGi-Personal Shopper. J’ai examiné votre souhait de trouver un pull norvégien pour Noël, mais, malheureusement, je dois décliner votre requête.

    En tant que Personal Shopper, je dois vous informer que nous n’effectuons pas d’achats spécifiques sur demande. Nous préférons une approche plus personnelle, où nous passons du temps à comprendre les besoins de nos clients et où nous faisons une étude complète de leur style actuel afin de proposer ensuite des alternatives appropriées. C’est un processus lent qui, je suppose, ne répondrait pas à vos exigences.

    Je suis consciente des difficultés que vous avez pu rencontrer pour trouver l’article susmentionné. Pour être honnête, je me souviens que mon grand-père en avait un jadis, mais il semblerait qu’ils aient entièrement disparu de la surface terrestre.

    J’ai certainement en mémoire une scène du film norvégien « Troll I Ord », 1954, où ils en portent un. Depuis « La Sanction » (avec Clint Eastwood, 1975), où le héros a préféré le sous-pull, la mode semble bizarrement avoir évolué.

    J’ai demandé à mon associé de faire des recherches, et à priori, il existe des marchés de niche pour l’article en question. Vous trouverez dans la liste ci-jointe les sites web et les magasins (principalement en Norvège) pouvant répondre à votre désir de tradition.

    Salutations les plus chaleureuses (si vous trouvez votre pull).

    GiGi Griswald.

    Mon nom de famille vous interpelle peut-être. Mon père est suédois avec un soupçon d’allemand (d’où le nom de famille), et ma mère est italienne. Nous avons aussi quelques gènes maltais et français dans notre ascendance, mais c’est une autre histoire. Ma passion pour la mode vient de ma mère, sinon j’aurais déjà eu mon propre magasin de vêtements en kit. Ce qui est drôle, c’est qu’ils m’ont appelé Griselda, ce qui signifie « bataille sombre » ou quelque chose du genre en allemand. Pourquoi ce prénom ? Le mystère reste entier, et ils n’ont pas l’intention de dévoiler leur secret de sitôt.

    J’ai grandi à New York jusqu’à mes dix ans, puis ma famille est retournée à Milan durant quelques années. Cette période a été décisive quant à mon orientation vers la mode, avant notre départ pour le Royaume-Uni.

    Vers 25 ans, j’ai eu ce qu’on appelle un petit souci de carte bleue. Je ne voyais pas où était le problème, et bien que j’admette quelques retards de paiement, je pensais exercer mes droits, conformément à l’amendement 1B précité. Malheureusement, le directeur de la banque, un petit bonhomme bien triste, sans imagination ni compassion sociale, avait un avis différent sur le sujet. Il m’a donné un ultimatum : remboursez vos dettes ou sinon !...

    À l’époque, je travaillais pour un petit cabinet d’avocats dans le Berkshire où je détestais chaque minute. Mon passé d’écolière n’était pas génial. Pas catastrophique, mais pas euphorique non plus. Les sujets me paraissaient ennuyeux, ou du moins ils étaient présentés comme tels. D’où mon échec en économie lors du Brevet. Mais je suis quand même devenue l’une des plus grandes influenceuses de mode du royaume. OK, je ne suis pas encore super méga riche, mais l’entreprise est florissante, donc on arrête de se plaindre.

    Adolescente, lors d’une réunion de famille, nous (?) avons décidé qu’en raison de ma carrière scolaire pas très flamboyante, je devrais me contenter d’une profession moins exigeante, et quelqu’un (?) a prononcé le mot « secrétaire ». J’étais bonne dactylo, assez intelligente, et pendant ma période ado, le travail me convenait. Gagner de l’argent n’était plus le souci mais.... Je suis une « fashion victim ».

    Constat : le dix de chaque mois, j’avais fait le bonheur de nombreux commerçants. Dans certains cas, je pense même avoir contribué à envoyer certains de leurs enfants à l’université, vu les sommes dépensées. Il fallait faire quelque chose. Pour réussir dans la vie, un plan est préférable. J’en avais un, même s’il n’était peut-être pas des plus malins.

    Mon plan suivait les directives des grandes écoles de commerce du monde, comme Harvard et Oxford, autrement dit les meilleures. C’était simple, clair et concis : J’avais besoin de plus d’argent. Comme vous pouvez l’imaginer, je ne suis pas allée bien loin avec mon job de secrétaire. Mais même dans ce domaine, les gens peuvent progresser et s’améliorer. Partout dans le pays, des PDG ont besoin d’un esprit vif pour régler leur problème, ce qu’ils appellent une assistante personnelle, qui n’est rien d’autre qu’une secrétaire avec un nom chic et un gros salaire. Le monde était comme une huître, et un couteau avec la technique adéquate me suffisait pour ouvrir ce satané mollusque. J’avais besoin de dénicher le bon créneau.

    Le premier objectif était assez simple : trouver un job, acquérir de l’expérience, puis passer à un boulot mieux rémunéré. Après un an de lèche-vitrine et de lutte, j’étais prête à faire mon entrée. Et c’est ce que j’ai fait. Mon nouvel emploi me rapportait annuellement trois mille livres (brut) de plus que le premier. Plus besoin de fouiner les soldes de TK Maxx, comme un sans-abri à la recherche infructueuse d’un trésor jeté à la poubelle. Terminée la chasse dans le grand magasin Primark à la recherche de cette chemise qui, si elle est bien assortie à une jupe et à un accessoire approprié, n’aura pas l’air bon marché. Je pourrais peut-être même éviter d’attendre la saison des soldes. Pour être honnête, j’aimais bien le mot « saison » associé à celui des soldes. Cela me correspond parfaitement, chasseuse d’aubaines, laissant l’espoir grandir chez les autres puis au moment propice, toutes griffes dehors, sautant sur la proie textile.

    La réalité m’a rattrapée quelques salaires plus tard, quand j’ai réalisé qu’il y avait un type qui rôdait, « M. Inflation », qui m’a volé tout le plaisir de ma paye durement gagnée et bien méritée. « M. Inflation » : une kryptonite capable d’anéantir chez moi toute faculté à dilapider mon argent.

    Saloperie.

    Ma stratégie, une fois révisée et mise à jour, était de commencer à travailler certains soirs et week-ends comme nounou. Ça n’allait ni changer ma vie ni m’enrichir, mais mes finances avaient vraiment besoin d’un nouveau souffle. Je vous l’accorde, on était plus proche du dernier soupir du « Titanic » que d’une légère brise printanière. Mais je suis retombée sur mes pattes, grâce à une famille pakistanaise voisine. À ce moment-là, je vivais encore chez mes parents dans une maison de taille décente non loin de Bray. Le quartier était riche et avait besoin de nounous dignes de confiance pour garder les précieuses progénitures pendant que leurs parents sortaient pour une nuit d’ivresse. Poussée un peu par ma mère, je traversai donc la route chez nos voisins et amis de la famille. Et je fus embauchée.

    CHAPITRE 2

    ––––––––

    Même si vous faites des heures sup dans un quartier riche, pas de panique, ils ne rémunèrent pas beaucoup plus. Avec le surplus d’argent, je pouvais juste me permettre de payer Clarks, sans égratigner le verre épais et pare-balles de la haute couture. Puis le travail s’est avéré être, comment dire ?... Gratifiant. S’occuper des petites était très fun, le papa parcourait le monde pour son travail ou emmenait la maman pour des repas d’affaires et la maman ... eh bien, la maman avait besoin d’une aide sérieuse. Mais ne nous égarons pas. Les deux fillettes étaient Laila et Uzma, âgées respectivement de huit et dix ans. Deux jolis anges aux longs cheveux noirs et aux yeux marron foncé qui se contentaient facilement de quelques jeux le soir et d’une crème glacée. Nous jouions dans le salon, un espace immense avec plus de canapés que dans un magasin de meubles et des tableaux dignes d’être exposés dans un musée. Avec les sculptures éparpillées un peu partout, les filles savaient qu’elles devaient éviter les jeux comme le football ou le tennis à l’intérieur. En tout cas, ces activités devaient être mises en pratique avec prudence. Cela a rendu mon travail extrêmement facile.

    Souvent, il suffisait de les divertir avec un jeu de cartes, un Pictionary ou un cache-cache. Comme je travaillais là-bas le soir, les filles étaient rapidement fatiguées et je pouvais ainsi les coucher de bonne heure. J’avais en général le temps, avant le retour des parents, de regarder à la télévision « What Not to Wear » (Émission équivalente en France : « Nouveau look pour une nouvelle vie » de Cristina Cordula) avec Trinny et Susannah, mes héroïnes en mission pour sauver le monde du mauvais goût vestimentaire.

    Je me souviens clairement, cela restera gravé dans mon esprit pour le reste de ma vie, d’un soir d’été où nous avons joué à cache-cache. Laila, la plus jeune, décida d’aller dans l’armoire de sa maman. Elles savaient que les chambres à l’étage étaient interdites, sauf la leur, mais après un long moment passé à la chercher dans les endroits habituels, j’ai dû élargir ma recherche. Je commençai à fouiller la chambre principale quand j’eus un terrible choc émotionnel, en ouvrant les portes de l’armoire.

    On dit qu’à l’article de la mort, on peut voir sa propre vie passer, comme dans un film, sous ses yeux. Ce qui se trouvait devant moi était une scène cauchemardesque : une immense armoire remplie de vêtements des plus épouvantables. Je suis restée sans voix, paralysée, le souffle coupé. C’était le genre de tenues que ma grand-mère pouvait porter à un mariage, si elle n’appréciait pas trop la mariée. Des fringues couleur pastel décorées de boutons gigantesques. Je pensais que les vinyles avaient disparu depuis belle lurette au profit des CD puis de Spotify, mais apparemment certains individus utilisent encore ces vieux disques. Même chose ici, mais pour la mode. Ces vêtements auraient été parfaits pour notre reine nonagénaire vénérée. Mais voyons, la maman n’avait même pas trente ans ! Un modèle en particulier me tétanisa : une robe à paillettes bleu et jaune agrémentée de fleurs roses géantes. Je la piquai de loin avec un bâton pour vérifier qu’elle n’était pas vivante et prête à me tuer. Parfois ils semblent presque maléfiques. S’agissait-il vraiment de ses habits, ou de reliques appartenant à une vieille tante décédée ?

    Laila en profita pour s’éclipser et gagner la partie, mais à ce moment-là, je me suis interrogée sur les compétences du couple en tant que parents. Sérieusement, laisser une petite fille se cacher dans cette horreur ? Un bref instant j’ai failli appeler les services sociaux. Comment pourrais-je sauver les deux petites vouées à un avenir sans style ?

    Cela nécessitait une réflexion plus poussée. Je devais protéger ces pauvres créatures en abordant le problème à la source : la mère. Née au Danemark, Marianne était une femme bien, généreuse, et une mère affectueuse. Bien qu’elle et son mari ne venaient pas souvent chez nous (pourquoi ?), c’était une amie de la famille. J’irais jusqu’à dire qu’elle était parfaite, menant une vie parfaite, sauf pour ses goûts vestimentaires. Si l’argent ne peut pas acheter le bonheur, il ne peut certainement pas acheter le style. Pour moi, la situation est devenue délicate quand, après quelques années à s’occuper de sa famille, elle était lentement entrée dans cette phase de la vie où les gens aiment se sentir « confortable ». Les pires crimes de mode de l’histoire ont été commis au nom du « confort ». Le Jack l’Éventreur du style, peinard, suivi par la période dénuée d’intérêt, puis le divorce menant à une triste vie passée seule au parc à nourrir les pigeons, ou pire, à partager sa vie avec vingt chats.

    Et pourtant, elle était riche et pouvait se payer des choses très chères. Mais elle achetait simplement le mauvais style. J’allais mettre en pratique un de mes plans astucieux pour l’approcher, quand elle m’a lancé une perche. « Oh, Griselda », dit-elle un jour où j’arrivais chez elle pour une soirée baby-sitting (autrement dit une soirée en vue d’agrémenter mon placard à chaussures), « tu t’habilles toujours si élégamment, cela doit coûter une fortune. » En effet, j’étais habillée chic, mais nous avions sûrement une conception différente du « dépenser une fortune ».

    « Pas vraiment. Le haut ne vaut que vingt livres. Le pantalon en cuir est un Nicole Farhi, mais je l’ai acheté en boutique. Il s’agit en fait d’un échantillon, vous ne verrez donc pas une autre paire dans les environs », ai-je dit.

    « Vraiment ? Vous voulez dire que c’est une pièce unique ? L’appât était lancé et le gros poisson allait mordre, hameçon, ligne et plomb.

    « Bien sûr : il y a beaucoup d’endroits, si vous savez où chercher, et avec votre silhouette, il ne serait pas difficile de vous trouver quelque chose. Bien sûr, seulement si vous êtes intéressée... » Son cerveau semblait gérer un tourbillon de pensées. D’un côté, rafraîchir sa garde-robe pour ne pas avoir l’air d’être habillée par le même couturier que notre reine bien-aimée et un demi-siècle d’écart d’âge, c’est tentant. D’un autre côté, c’était une femme riche et elle devait éviter de se montrer dans les magasins ou points de vente bas de gamme où je chassais. Tout est dans l’apparence, dit-on. Je l’aidai un peu. « Tu n’es pas obligée d’acheter, et si quelqu’un te voit, tu peux toujours dire que tu m’accompagnais... »

    Elle prit un moment pour réfléchir, titillée par le doute alors qu’elle mesurait l’équilibre risques/bénéfices. Puis, elle tenta : « Que dirais-tu de samedi ? »

    « OK pour samedi. Tu vas adorer ! »

    CHAPITRE 3

    ––––––––

    « Tu entends quoi par Il est de retour ! ? » Demandai-je à Ritchie, qui m’attendait près de mon bureau, l’air abattu.

    « Jasper avec son pull norvégien est de retour. Il a envoyé un nouveau mail. »

    « Tu sais très bien Ritchie que je n’ai pas que ça à faire. Réponds-lui de manière vague et dis-lui gentiment d’aller se faire voir. »

    « J’ai déjà essayé. Nous avons déjà échangé une douzaine de mails. Il te veut toi. » Il posa son index sur ses lèvres, comme il le fait toujours quand il hésite à me dire toute la vérité ou non.

    « OK, crache le morceau ! C’est quoi cette histoire ? » M’impatientai-je.

    « Il est mignon », dit-il me fixant avec ses yeux de chien battu, sachant très bien qu’il abordait un sujet tabou.

    Je connais Ritchie depuis des lustres, nous sommes très proches depuis les années lycée. Nous partageons la passion des vêtements et de tout ce qui est lié à la mode. Cela lui a posé quelques problèmes à l’époque : son style était un aimant à tyrans. À cet âge, vous devez être gris et uniforme, comme tout le monde. Toute déviation vous faisait devenir une cible. Le fait qu’il était assez têtu et ouvertement gay n’a pas aidé son cas. À l’époque, j’étais un peu garçon manqué et je ne supportais pas tous ces intimidateurs autour de lui. Je devais me battre. J’ai même été jusqu’à en frapper un sur la tête avec un parapluie. Le fait que j’étais une fille et que mon frère était le garçon le plus coriace du coin a permis d’éviter de nouvelles représailles. Ritchie et moi sommes amis depuis, et il fut mon seul et unique choix lorsque je décidai de créer ma société. Il me ramène souvent à la réalité. Il m’aide aussi à gérer notre budget riquiqui, et m’informe lorsque je dépense trop. En fait, même si je suis la patronne, je ne le suis pas vraiment.

    « Toi, tu essaies encore de me caser avec un petit ami ? » Je le taquinai, en d’un air ronchon.

    « Tu devrais m’écouter. Tes dernières tentatives se sont souvent mal terminées », rétorqua-t-il.

    « Oui, merci. Pourquoi tu dis toujours ça après la séparation, sans jamais m’avertir avant ? » À chaque fois c’était pareil.

    « Tu dois apprendre de tes erreurs, darling. Quel genre d’ami serais-je si je devais me

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