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Dans l'univers des Contes Interdits - Vorace, la créature des abysses sidérales
Dans l'univers des Contes Interdits - Vorace, la créature des abysses sidérales
Dans l'univers des Contes Interdits - Vorace, la créature des abysses sidérales
Livre électronique203 pages2 heures

Dans l'univers des Contes Interdits - Vorace, la créature des abysses sidérales

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À propos de ce livre électronique

Un père gravement traumatisé.
Un fils qui ne demande qu’à découvrir et à chérir la vie.
L’amour filial qui demeure plus fort que tout.
Tout un village qui bascule dans une sinistre folie.
Après avoir ravagé un camp de bûcherons dans la Chasse-Galerie, ces choses de l’abîme intersidéral ont muté.
Plus cruelles et plus retorses que jamais, elles éprouvent toujours la même faim. Faim de chair humaine.
Faim d’étendre leur emprise et de dominer les esprits. Et leur immense faim est contagieuse.
LangueFrançais
Date de sortie20 mars 2024
ISBN9782898191855
Dans l'univers des Contes Interdits - Vorace, la créature des abysses sidérales
Auteur

Gabriel Thériault

Détenteur d’une maîtrise en histoire, Gabriel Thériault est l’auteur d’une saga féodale saluée par la critique : Bourse pour la relève du CALQ 2009, Prix de la Relève professionnelle artistique du GALART, nomination au Prix Nouvelles Voix littéraires du SLTR 2012… C’est suite à deux années de recherche et de dur labeur que Thériault revient sur la scène littéraire avec Dans les ventres d’acier, un roman plongé dans l’horreur de la Deuxième Guerre mondiale.

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    Aperçu du livre

    Dans l'univers des Contes Interdits - Vorace, la créature des abysses sidérales - Gabriel Thériault

    Chapitre 1

    Une coulée de soleil filtrait à travers l’épais feuillage prodigue en ombrages. Ses ors liquides effleuraient le sol, où ils ondulaient, dessinant des mosaïques aux motifs mouvants d’ombres et de lumière. Des pleins chœurs d’insectes accrochés aux plus hautes frondaisons chantaient entre les coups de trille flûtés des grives. La brise tiède caressait les ramures, glissait entre elles dans un bruit d’éternité et de ruissèlement dont la douce musique savait envoûter Guillaume depuis toujours.

    Quelques rayons tombaient sur les boucles d’ambre d’un enfantelet de deux ans, dont les mains menues touchaient et exploraient des brindilles, retournaient des feuilles à demi fondues dans l’humus odorant.

    Mathis. Un joli minois joufflu, tout en courbes tendres et câlines. Des pommettes aux nuances carmines sur un teint de lait et de porcelaine, où se creusaient des fossettes, comme autant de puits d’allégresse dans lesquels boire et oublier le moindre malheur.

    Tout près, Guillaume, son père, se penchait, émerveillé, sur le champ jaune de chanterelles qui constellait l’épais sous-bois ourlé de massifs de fougères. Son regard s’attarda quelques instants sur ses bottes mouillées, vaseuses d’avoir traversé la rivière dont le murmure s’entendait tout près. Puis, il vit ses lacets défaits auxquels il n’accorda pas davantage d’attention, tant il avait à faire, à cueillir.

    Tout sourire, Guillaume fixa longuement son amour, son petit Mathis, qui babillait. Les yeux lumineux et bleus, l’enfant s’extasiait dans la découverte de ce que l’existence avait de meilleur à offrir en matière de bonheur. Dans ce regard, toute la lumière du monde entrait et rejaillissait en joies claires et nues. Souvent, quand Guillaume plongeait dans cet azur aussi pur, il avait le sentiment de toucher à ce qui s’approchait le plus de l’infini. La vie, la sienne, n’avait pas été toujours facile, mais la forêt et son fils lui avaient maintes fois lavé l’âme de toute l’ordure accumulée, jour après jour.

    Orpailleur à ses heures, Guillaume arrachait les chanterelles, coupait les pieds, nettoyait les chapeaux, autant de morceaux d’or qu’il déposait dans le sac en bandoulière pendu à son flanc. Il jetait de temps à autre des coups d’œil à son fils, tout aux délices de découvrir les bois et la vie foisonnante qui s’épanouissait en son sein. Parfois, il portait les fructifications à son nez, pour humer les délicats arômes d’abricot qu’elles dégageaient.

    Mathis se mit à pleurer un peu, faiblement.

    Pour le rassurer, Guillaume lui lança :

    — Attends un peu, mon petit amour d’amour. Papa arrive.

    — Mousse, mousse, chevrotait Mathis, avec des nuances de peur dans la voix.

    — Une mouche ? C’est rien, mon petit ours. On est dans le bois. On est chez les insectes. C’est normal qu’ils soient là. Ici, c’est leur maison.

    Guillaume voulut cueillir encore quelques chanterelles. Juste quelques dernières pour vider la talle. Comme il savait que Mathis avait peur des insectes, sa blonde et lui tentaient, depuis des mois, de combattre cette aversion, d’amener leur fils à apprivoiser ces petites bestioles sans danger.

    Tout à coup, les pleurs se firent plus insistants, plus apeurés.

    Alarmé, Guillaume se retourna.

    L’horreur !

    Le choc !

    La stupeur !

    Des légions de guêpes noires montaient du sol, déployaient leur essaim bourdonnant. Les unes tournoyaient autour de son fils, les autres plongeaient sur lui en s’attaquant aux orifices, narines, bouches, yeux.

    Dans un hurlement de fureur et d’épouvante, Guillaume abandonna tout. Il s’élança sur Mathis, l’attrapa, puis courut encore et encore, tandis que le petit corps déjà enflé se tordait entre ses bras.

    Son cœur voulait s’extraire de sa poitrine, courir plus loin, plus vite, sous l’effet des glapissements stridents et paniqués de son fils. D’une main, Guillaume écartait les branches. De l’autre, il arrachait des pleines poignées de guêpes. Leur dard lisse piquait encore et encore, s’enfonçant dans le cuir chevelu, dans les paupières, voire directement dans les cornées.

    Guillaume se rua sur la rivière, laquelle cascadait tout près, au fond d’une coulée. Là, les flots chasseraient les insectes délétères. Un bras refermé sur Mathis, l’autre lancé devant, il repoussait comme il pouvait l’assaut d’une flore tentaculaire ; il galopait entre les fûts élancés des épinettes, dont les branches acérées lui écorchaient les mains, les bras, le visage même. Blotti contre son épaule, son fils hurlait toujours davantage. En pleurs, en panique, il se tordait, au point de se convulser.

    Emporté par la pente de plus en plus inclinée, par son élan et par la gravité, Guillaume mit le pied sur son lacet défait. Il en perdit l’équilibre, sans voir la racine noueuse là, tout près, qui affleurait au sol. Sa botte glissa contre l’obstacle, sa cheville se tordit brutalement, enfin il s’effondra, tête première. Il s’assomma net sur un tronc d’épinette renversée duquel jaillissaient cent branches pointues, avant de rouler au creux d’une crevasse.

    Quand il reprit conscience, quelques minutes plus tard, une souffrance aigüe lui vrillait le crâne. D’instinct, il porta la main à son front sans trop comprendre, sur le coup, aux tréfonds de quel abîme cauchemardesque on l’avait jeté. Seulement, il entendait quelques cigales chanter au loin, quelques insectes hanter les hautes frondaisons. Quelques oiseaux aussi. Mais rien d’autre. Plus rien d’autre.

    Aucun cri, aucun pleur.

    Un silence épais, beaucoup trop profond.

    MATHIS !

    Soudain, il se rappela la chute dans un tressaillement de tout le corps. L’image rieuse de l’enfant l’envahit aussitôt. L’inquiétude l’inonda, sa poitrine voulut fendre sous les coups de bélier de son cœur déchaîné.

    Où diable était son fils ? L’espoir de ses jours ? L’amour de sa vie ?

    Submergé par une terrible panique, il bondit sur ses pieds et tonitrua le nom de l’enfant. Il courait de-ci, de-là, jetait des regards alertés devant, derrière, à gauche, à droite.

    Alors, il vit.

    Plus haut, aux lèvres de la crevasse, un petit corps, immobile, était suspendu à quelques centimètres du sol.

    Mathis ne bougeait plus.

    Ne pleurait plus.

    Une branche, courte, acérée et solide comme un poignard, empalait l’infime poitrine…

    Tout le sang de Guillaume reflua jusqu’au bout de ses cheveux. Il s’écroula, terrassé, trop assommé de souffrance pour même pleurer.

    Tandis qu’il se relevait et se précipitait vers son fils, il cria comme il n’avait jamais crié. À se déchirer la gorge. À s’arracher les poumons. À se vomir l’âme.

    Puis, plus rien.

    Ses jambes fléchirent.

    Il tomba.

    S’abîma et se noya, quelques années, dans un gouffre de désespoir sans fond.

    Chapitre 2

    18 août

    Trois années ont passé depuis le drame. Guillaume a désormais le visage creusé, marqué par l’épreuve, balafré de trop nombreuses rides pour ses quarante ans tout neufs. Pour la énième fois, il vérifie les sangles qui entourent et protègent son fils Jules, assis à bord de l’automobile. Bien calé dans son siège, le garçonnet sourit et découvre l’enfilade de perles blanches qui brillent au milieu de ses fossettes. Attendri, Guillaume lui rend la pareille avec force de mots doux et de baisers sur les joues. Assaut de tendresses sous lequel l’enfantelet s’esclaffe de bonheur et mord le père au cœur.

    Par une ironie du destin, Jules arbore le même visage, les mêmes courbes tendres de l’enfance que son frère disparu à l’âge où les bambins tiennent plus des anges que de l’homme. À l’heure funeste où sonna le glas, Mathis avait deux ans, lui aussi. Jamais, Guillaume n’acceptera qu’il arrive quoi que ce soit à Jules. Jour après jour, il s’en fait la promesse, promesse qui tourne souvent à l’obsession.

    Le père s’installe sur le banc du passager, regarde sa blonde Catherine assise au volant. Un échange de regards plutôt chaleureux, de vagues sourires passent entre eux. Aujourd’hui, c’est une bonne journée. Ce n’est pas toujours le cas. Depuis la tragédie, leur couple vacille, au bord du naufrage. Un monolithe de silence et de rancœur s’est dressé entre eux. Non, un Himalaya. Par chance, peu à peu, le temps a érodé les sommets les plus acérés, adouci les arêtes les plus tranchantes.

    L’automobile s’élance sur la route de gravier qui sinue à travers la campagne vallonnée, moissonneuse, bucolique, où ils ont refait leur vie. Trois ans plus tôt, ils ont fui la ville ; ils ont adopté le petit village de Saint-Cyprien, trouvé refuge en région au milieu de voisins amènes. Las du bitume, d’horizons fermés trop étroits, de l’asphalte chauffé, des touffeurs estivales, de voisins qui respirent et aspirent l’espace vital du prochain, ils avaient toujours rêvé de terroir, de verdure, d’espace. Le drame a simplement précipité leur décision.

    Chapitre 3

    18 août

    Ginette regarde Guillaume derrière ses lunettes à monture épaisse et chaînettes, qu’encadre une chevelure orange-rouge aux fausses bouclettes noyées sous le fixatif. Un collage d’époques, où dominent et perdurent les reliquats des années 80 en plein cœur de 2023.

    La psy et son patient sont assis face à face, dans des fauteuils d’un charme suranné à motifs fleuris.

    — J’ai peur, commence Guillaume. Tout le temps. Tous les jours.

    Ginette soupire tristement sans pourtant se départir de son flegme on ne peut plus professionnel.

    — Mon cher Guillaume, prends un sucre à la crème.

    Sans trop savoir pourquoi, Guillaume obéit à la demande, peut-être seulement pour sacrifier au rituel bien établi entre eux. Il tend la main et avale un bout de sucre crémeux. Il n’a jamais trop aimé la sensation que l’excès de glucides laisse sur la langue, la salive qui s’épaissit, la soif qui en découle. Pourtant, il sourit pour lui plaire et la remercier de sa sollicitude.

    Au soir d’une longue carrière, Ginette a des méthodes bien personnelles, où se mélangent les attentions de matante, l’empathie sincère, l’écoute et surtout un style unique, loin des formes académiques et d’un savoir livresque figé dans l’orthodoxie.

    — Les images sont encore présentes ? reprend-elle.

    — Ouais, ces jours-ci, ça me revient. C’est collé dans ma tête. Planté là comme des vis vrillées dans mes neurones.

    — C’est-tu moins pire qu’avant ?

    Guillaume hésite et cherche ses mots. Puis, il se lance, multipliant les pauses lorsque l’émotion l’étrangle.

    — Peut-être… Je me rappelle quand Jules avait quelques semaines, quand il pleurait et que ça arrêtait pas… Ça me rendait fou. Littéralement. Je me voyais l’enfermer dans le micro-ondes. Sa chair tendre éclatait et cuisait… Ça collait à la vitre. C’était épais et noir… Ça puait en ostie. Juste avant, j’entendais ses cris. Je peux plus me départir de ces images-là. Ça reste. Ça marque… Je me sentais sale, crissement sale, écœuré de moi. J’avais le goût de me crisser en bas d’un pont.

    Guillaume achève péniblement sa phrase. De la main, il étouffe les pleurs qui montent dans sa gorge. Ginette se lève et lui met une paume sur l’épaule. Puis elle s’assoit à ses côtés, sur l’accoudoir du fauteuil, les fesses appuyées sur les marguerites imprimées dans le tissu.

    — C’est normal. Jamais tu pourras oublier ce qui est arrivé à Mathis. Ton esprit tente de te protéger, de te préparer au pire. À quelque part, t’apprivoises tes peurs comme ça.

    Guillaume s’enferme dans le silence. Durant quelques brèves secondes, il plonge dans les profondeurs d’un gouffre de douleur. Parfois, il se demande encore pourquoi il consulte Ginette. Elle se répète. Il sait trop bien qu’il souffre d’une phobie des pulsions. À mesure que le drame s’est éloigné, les images d’épouvante se sont estompées, l’amour a tout effacé. Mais certaines perdurent. Parce qu’il ne peut pas oublier, jamais oublier ce qui est arrivé à Mathis. Parce qu’il ne peut effacer l’image du petit corps empalé, sans vie. La scène demeure là, plantée dans sa cervelle, burinée dans sa matière grise, à coups de ciseaux qui lui ont arraché des grands lambeaux de lobe.

    Ginette revient à la charge, le questionne, exhume le passé.

    Guillaume y replonge, traverse les abîmes du temps, des jours, des semaines et des mois. Au départ, pour se protéger peut-être, il s’est difficilement attaché au petit Jules ; souvent, surtout dès que le nourrisson pleurait, il était impatient avec lui, voire même rageur et brusque, jamais violent toutefois. Des pensées bouillonnantes, des pulsions furieuses, des scènes d’horreur et de blessures l’envahissaient, le torturaient au point de presque le jeter dans les griffes du désespoir et de la folie.

    À une certaine époque trouble de son deuil, il ne pouvait prendre un couteau sans s’imaginer égorger son petit ; ni emplir la fournaise sans s’imaginer y enfermer l’enfant et l’entendre pousser des vagissements de détresse noyés de souffrances ; ni marcher sur le sol glacé tapissé de neige sans se voir glisser et tomber tandis que son petit se fracassait le crâne sur une branche ou un poteau ; ni porter pour la millième fois la suce à la bouche de Jules, sans penser la lui brocher au bec pour ne plus qu’il la recrache. Sans parler des fois où il s’imaginait l’échapper dans les marches, ou le jeter dans la rivière depuis le pont sur lequel il marchait, ou devant les roues d’une voiture qui s’approchait en sens inverse.

    Parfois, au contraire, il s’imaginait ce que deviendrait Jules s’il l’abandonnait dans les bois. Une bête le happerait-elle dans sa gueule cruelle ? Vite ? Après plusieurs minutes ? Ou quelques heures ? Que lui arriverait-il si la mort le terrassait, lui, le père ? Si par exemple il s’étouffait, alors qu’il nourrissait le petit et que la mère était loin ? Incapable de se mouvoir, prisonnier de son siège, l’enfant, affamé, épuisé, désespéré, pousserait des cris de détresse et de faim durant des heures, puis mourrait d’épuisement, ou pourrirait dans ses ordures, dans les déjections infectes d’une couche ­souillée depuis des jours.

    Chaque fois, le flot de pensées roulait des images cramoisies, crues,

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