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Un ours bipolaire en colère
Un ours bipolaire en colère
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Livre électronique546 pages7 heures

Un ours bipolaire en colère

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À propos de ce livre électronique

Je suis l’incarnation de ce proverbe japonais :
七転び八起き
Il signifie « tomber 7 fois, se relever 8 »
Pour quoi suis-je tombé sept fois ? Pour ce que dit le sous-titre du livre : donner un avenir désirable aux enfants et que personne ne soit laissé de côté. C’est mon obsession et je suis prêt à tout pour ça. Vraiment tout. Et ce ne sont pas juste des mots comme vous pourrez lire.
Ce livre est un journal. Il raconte mes deux burnout, mes deux chutes, mes deux déménagements, mes deux gardes-à-vue, mes cinq démissions, mes dix évacuations manu militari par la police, mes treize côtes cassées et bien plus.
Si vous êtes en quête de sens au travail, vous découvrirez l’œuvre d’un consultant américain qui a changé le monde et changé ma vie.
Si la crise bioclimatique vous inquiète et que vous vous demandez comment agir, alors je vous ai peut-être précédé et ce livre vous aidera à y voir plus clair et à agir en évitant mes erreurs.
Si vous êtes psychiatre, vous apprécierez la lecture des épisodes plus ou moins délirants que je traverse.
Près de cinquante flashcodes mènent à des vidéos, des articles ou des pages Facebook et font de ce journal un « livre augmenté ».
LangueFrançais
Date de sortie15 févr. 2024
ISBN9791029012402
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    Aperçu du livre

    Un ours bipolaire en colère - Bisounours XR

    cover.jpg

    Un ours bipolaire en colère

    Bisounours XR

    Un ours bipolaire en colère

    Les Éditions Chapitre.com

    31, rue du Val de Marne 75013 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2022

    ISBN : 979-10-290-1219-8

    Le journal d’un utopiste schizophrène qui veut plus que TOUT au monde un futur désirable pour les enfants et que personne ne soit laissé de côté. Et « TOUT » signifie « TOUT » comme disent les zapatistes.

    « Si vous parlez à Dieu, vous êtes croyant… S’il vous répond, vous êtes schizophrène… » Pierre Desproges

    Avant-propos

    Bonjour humain :-)

    Je suis l’incarnation de ce proverbe japonais.

    七転び八起き

    Il signifie « tomber 7 fois, se relever 8 »

    En 2016, ça m’a conduit à Matignon, à l’Élysée, à l’ambassade des États-Unis, à Radio France et finalement ma fille et moi à l’hôpital. Échec.

    En 2019, j’ai quitté un travail bien payé à 500 mètres de chez moi pour devenir un activiste Extinction Rébellion à temps plein. J’ai réécrit la Marseillaise et bloqué Total, le Pont de Sully et Amazon. Je ne voyais pas comment le pouvoir pouvait ne pas tomber le 14 juillet. J’avais déjà commencé à écrire le discours de victoire. Échec.

    En 2020, après le confinement, j’ai trouvé une faille dans le capitalisme et fomenté un plan à l’échelle européenne pour le faire tomber. Mais j’ai été suivi par trop peu de camarades. Échec.

    J’ai alors rejoint un groupe de décroissant·e·s pour préparer les élections territoriales. Mais j’ai laissé tomber six mois plus tard. Élections pièges à cons. Échec.

    En 2021, j’ai rejoint les gilets jaunes et découvert les zapatistes et fait un voyage galactique avec elles et eux. J’en ai écrit tout un livre. Sur la France, le capitalisme et beaucoup plus loin et plus profond. J’en ai diffusé la première partie par courriel à 300 personnalités et journalistes le 11/11/2021. Mais ça n’a pas pris. Échec.

    Alors je l’ai diffusé sur Facebook et dans le forum de Extinction Rébelion. Pas mieux. Échec.

    Après une dépression qui a duré… 3 jours, j’ai créé le site bisounours2022.fr. Sans grand succès non plus, juste quelques milliers de vues. Échec

    Ce livre est la tentative suivante. La 8e donc. Il raconte les 7 premières et commence en 2013. Mon petit doigt et le proverbe me disent que c’est la bonne. Mais ça dépend de toi.

    Pour quoi suis-je tombé tant de fois ? Pour ce que dit le titre du livre, donner un avenir désirable aux enfants et que personne ne soit laissé de côté. C’est mon obsession et je suis prêt à tout pour ça. Vraiment tout. Et ce ne sont pas juste des mots comme tu pourras lire.

    J’ai un homonyme qui est un grand cuisinier. Et moi aussi je suis cuisinier et mes ingrédients sont les humains. Tous les humains. Toi aussi. À toi de faire de moi un grand cuisinier.

    Ce livre est un amuse-gueule. Son but est de mettre en appétit pour le livre qu’il introduit qui est une recette pour un festin qui réchauffera le cœur, étanchera la soif et satisfera la faim de tous·tes pour l’éternité. Vingt millions d’années au moins. L’appétit, c’est ce qui a manqué jusqu’à présent. Trop d’apathie, pas assez d’appétit.

    Un dernier mot : je te conseille de lire ce livre en pensant avec le cœur et en ressentant avec la tête, ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle. Ce qui est tellement plus utile que l’intelligence artificielle.

    C’est tout. À toi de faire de moi un grand cuisinier. Ou pas.

    Amour :-)

    Bisounours

    Remarque : Ceci est un témoignage. Tout est vrai mais certains noms ont été changés.

    PREMIÈRE PARTIE :

    Travail, ton univers impitoyable

    J-97 mois – Je prends congé

    Ce mois d’octobre ensoleillé est mon 188e et dernier au sein de Hydole SA. Je lève l’ancre pour mettre le cap vers des eaux nouvelles et inconnues, dans le cadre d’un congé de reclassement.

    Hydole SA m’a offert un parcours riche et varié en termes de missions comme en termes de destinations, de Paris à Tokyo en passant par Prague et Wuhan. J’en suis infiniment reconnaissant.

    Et puis « les rencontres font les plus beaux voyages » comme dit la chanson. Et c’est en effet la perspective de partager des bons moments et du travail bien fait avec vous tous, mécaniciens, électriciens, techniciens, cadres, jeunes, moins jeunes qui a été ma première source de motivation tout au long de ces années.

    Afin de susciter des vocations, je ne manque aucune occasion de faire part à la jeunesse de cette richesse des métiers et des relations humaines qu’offre l’industrie automobile. Je leur parle du « fraisier » et du « poireau{1} » et de la fierté ressentie à porter les couleurs d’automobiles Hydole SA qui portent peu ou prou notre empreinte, qui satisfont les clients, qui remplissent les usines et qui un jour peut-être rejoindront au panthéon de l’automobile leurs glorieux ancêtres.

    Stay hungry ! Stay foolish ! (Steve Jobs)

    再見 (au revoir) 谢谢 (merci)

    ***

    C’est par ces mots, envoyés le vendredi 11 octobre 2013 à près de 500 collègues à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, que j’informe de mon départ. Ce vendredi est mon dernier jour. Mon premier jour était le 2 mars 1998. Entre les deux, sur le plan personnel, il y a eu 2 enfants et un divorce. Et sur le plan professionnel, il y a eu deux brevets, deux prix, une dizaine de voyages au Japon et une expatriation de trois ans en Chine…

    Mais maintenant j’ai besoin d’argent et les salaires sont gelés depuis des années alors je profite d’un plan de départ volontaire pour partir en mode « congé de reclassement ». C’est-à-dire que je retourne à l’école en espérant que cela m’aide à retrouver un emploi d’ici la fin du congé de reclassement dans 6 mois. À 42 ans, cela semble faisable.

    Ce départ résout le problème financier. À condition de retrouver un emploi… Pour cela, il faut être prêt à déménager. Or j’ai besoin d’argent pour payer les derniers appels de fonds d’un appartement dans un immeuble en construction à Boulogne-Billancourt. Cherchez l’erreur…

    Il y a d’autres raisons que l’argent qui me poussent à partir. Mon N+2 tout d’abord… Un jour il me dit « je te paye pour… » ce qui provoque un serrement à l’estomac que je n’explique pas. Un autre jour, il me dit « on n’est pas dans le monde des bisounours » pour justifier une action contraire à ce que je propose. Une autre fois il me confie un projet en me disant « tu ne vas pas me le rater ce coup-ci » et de nouveau mon estomac se rappelle à mon souvenir. Je ne le savais pas alors mais ressentir un serrement à l’estomac est un signal pouvant signifier une manipulation. L’entendre est faire preuve d’intelligence émotionnelle. Il ne s’en rend peut-être pas compte mais mon N+2 a un côté manipulateur.

    « Je te paye pour… » est manipulateur car c’est un mensonge comme Henry Ford déjà le disait.

    « Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires. Les employeurs gèrent juste l’argent. C’est le client qui paye les salaires. »

    « Tu ne vas pas me le rater ce coup-ci » est une critique floue. Cela met dans une position d’infériorité qui pousse à accepter la demande faite par le manipulateur.

    « On n’est pas dans un monde de bisounours » précisément à cause de gens qui disent ça pour justifier leur comportement indéfendable.

    Mais on ne quitte pas une entreprise juste à cause d’un chef. Or par ailleurs, ce n’est pas terrible. La stratégie du groupe est insensée. Hydole SA se rapproche d’un constructeur états-unien alors qu’il est partenaire d’un constructeur européen dans une entreprise commune. Ce dernier se sent trahi, dénonce le contrat et les expatriés envoyés à grands frais en Allemagne reviennent ou sont embauchés par ce partenaire.

    Hydole SA espère bénéficier de l’avance de son nouveau partenaire dans les véhicules hybrides et électriques et arrête tous ses projets. Plus tard, on apprend que le constructeur états-unien refuse tout transfert technologique. En 2014, j’entendrai quelqu’un dire que, pour ce constructeur, la collaboration avec Hydole SA est de l’ordre du donneur d’ordre et de l’exécutant…

    Il y a aussi le projet de moteur hybride pneumatique sur lequel le groupe communique beaucoup et dans lequel je ne crois pas une seconde. La densité énergétique des batteries est déjà cent fois moindre que celle du carburant et on ajoute encore un facteur dix au moins. Les impacts sur la caisse des réservoirs d’air et d’huile sont énormes.

    Par ailleurs, plusieurs personnes me disent que j’ai atteint mon plafond à Hydole SA. Enfin, je suis scandalisé par les écarts de salaires. Malgré ses erreurs et son manque de vision, le patron gagne autant que son prédécesseur il y a 20 ans, mais en euros… Et il y a les stock-options.

    En août, j’ai un entretien d’embauche dans une agence gouvernementale qui a versé des fonds pour un projet que j’ai animé de 2010 à 2012. J’en fais trois ou quatre et tous se passent très bien. Son activité fait sens pour moi. Nous parlons de plein de choses, notamment du côté politique du poste à pourvoir, des couleuvres que le ministère de tutelle fait avaler, d’étalement urbain mais aussi du projet de moteur hybride pneumatique.

    Le 10 septembre, je signe une convention de rupture avec Hydole SA. Je suis confiant dans l’issue de ma candidature et je signe dans le cadre d’un congé de reclassement avec un pécule pour des formations. Je vois deux axes possibles pour moi :

    • Prendre une formation en management

    • Capitaliser sur l’expérience acquise auprès de Toyota en termes de « lean management », de « kaizen ».

    C’est en faisant une recherche de formation que je découvre l’AFED, l’Association Française Edwards Deming. Découvrir l’œuvre de ce consultant états-unien mort en 1993 est un choc ! Les quatorze points de Deming me révèlent une philosophie de management diamétralement opposée à celle de Hydole SA et surtout me font comprendre que nous sommes passés à côté de l’essentiel dans le retour d’expérience de la coopération avec Toyota.

    « Les managers états-uniens pensent qu’il suffit de copier les Japonais mais ils ne savent pas quoi copier ! » W. Edwards Deming

    Les 14 points de Dr. Deming :

    1. Gardez le cap de votre mission en améliorant constamment les produits et les services. Le but d’une entreprise est d’être compétitive, d’attirer des clients et de donner du travail.

    2. Adoptez la nouvelle philosophie. Nous sommes dans un nouvel âge économique. Les dirigeants occidentaux doivent s’informer de leurs nouvelles responsabilités et conduire le changement.

    3. Faites en sorte que la qualité des produits ne demande qu’un minimum de contrôles et de vérifications. Intégrez la qualité au produit dès la conception.

    4. Abandonnez la règle des achats au plus bas prix. Cherchez plutôt à réduire le coût total. Réduisez au minimum le nombre de fournisseurs par article, en établissant avec eux des relations à long terme de loyauté et de confiance.

    5. Améliorez constamment tous les processus de planification, de production et de service, ce qui entraînera une réduction des coûts.

    6. Instituez une formation professionnelle permanente.

    7. Instituez le leadership, nouvelle manière pour chacun d’exercer son autorité. Le but du leadership est d’aider les hommes et les machines à mieux travailler. Révisez la façon de commander.

    8. Chassez la crainte, afin que tout le monde puisse contribuer au succès de l’entreprise.

    9. Détruisez les barrières entre les services. Le travail dans un esprit d’équipe évitera que des problèmes apparaissent au cours de l’élaboration et de l’utilisation des produits.

    10. Supprimez les exhortations et les formules qui demandent aux employés d’atteindre le zéro défaut pour augmenter la productivité. Elles ne font que créer des situations conflictuelles.

    11. Supprimez les quotas de production, ainsi que toutes les formes de management par objectifs. Ces méthodes seront remplacées par le leadership.

    12. Supprimez les obstacles qui empêchent les employés, les ingénieurs et les cadres d’être fiers de leur travail, ce qui implique l’abolition du salaire au mérite et du management par objectifs.

    13. Instituez un programme énergique d’éducation et d’amélioration personnelle.

    14. Mobilisez tout le personnel de l’entreprise pour accomplir la transformation.

    Alors je décide de rejoindre cette association, l’AFED, pour devenir un expert de la philosophie de Dr. Deming et en parallèle de prendre une formation en management. Je choisis une célèbre école de commerce pour le prestige, un peu, et pour son offre de formations courtes et son campus à la Défense, beaucoup. Ce choix aura des répercussions considérables. Je prends aussi un cours en finances car c’est le point faible de ma candidature en cours.

    En novembre, je reviens pour mon pot de départ et prononce ce discours :

    Merci à tous d’être venus me saluer. Ça me touche, vraiment.

    On a tous besoin de motivation pour venir au travail avec le sourire le matin. Quand on arrive dans une entreprise, jeune diplômé, la motivation, ça peut être :

    • Le produit, l’automobile reste un produit très sympa. C’est souvent ce qui nous a attirés ici.

    • La technique, on peut s’éclater avec ça aussi, ici.

    • Manger, tout simplement.

    En ce qui me concerne, rapidement, travailler dans la bonne humeur avec mes collègues est devenu ma 1re source de motivation et ça n’a pas changé depuis. Hydole SA est un peu une grande famille pour moi. D’autant que je ne connaissais personne ou presque en région parisienne.

    Je vais vous raconter mon arrivée le 2 mars 1998. La veille, un dimanche, j’étais encore aux États-Unis où j’ai passé 2 ans et demi. J’ai pris l’avion le soir, suis arrivé à CDG le matin à 7 h 00, mis mes affaires en consigne à la gare Montparnasse, où j’ai pris une douche aussi, et me voilà, un peu avant 10 h 00, à l’accueil du site. Quelqu’un a-t-il une anecdote amusante sur son 1er jour ?

    Y en a qui disent que je ne fais rien comme tout le monde. Ça m’embête un peu quand ils disent ça. J’aurais bien voulu leur donner tort.

    Et pour finir avant que ça ne devienne long, j’aimerais dire toute ma fierté d’avoir travaillé à Hydole SA, une société centenaire et prestigieuse à qui je souhaite de reprendre des couleurs rapidement.

    ***

    Peu après, j’apprends que ma candidature n’est pas retenue à cause de mon manque de compétences en finances. Le fait que j’ai des cours prévus n’y change rien. Mon petit doigt me dit qu’il y a une autre raison. Peu après mon dernier entretien, j’ai appris que mon employeur potentiel avait participé financièrement au projet hybride pneumatique et que je devais faire très attention à ce que je disais sur ce projet. C’est un très bon conseil mais qui vient trop tard… Suis-je devenu le porteur de la mauvaise nouvelle qu’il ne faut surtout pas laisser rentrer ? Mais la mauvaise nouvelle vient quand même bien sûr car plus personne ne parle de ce projet aujourd’hui.

    Me voilà en recherche d’emploi et j’occupe l’essentiel de mon temps à suivre des formations à La Défense et à écrire un rapport pour Hydole SA et surtout pour… l’agence en question ! Je ne suis pas rancunier.

    J-93 mois – Dr. W. Edwards Deming

    J’ai un nouveau projet de formation ! Le pécule de Hydole SA paye 18 jours de cours, j’ai appris que si je complète pour atteindre 36 jours et que je fais un mémoire, je peux obtenir un diplôme de cette prestigieuse école de commerce. Je suis tenté alors je vais à une réunion d’information le 11 février 2014 et je soumets un sujet à la personne qui nous présente le programme. Ça l’intéresse et elle me propose d’être ma directrice de mémoire ! Merci Valérie :-) Le sujet :

    « Positionnement des entreprises industrielles sur le chemin de la compétitivité de Dr. W. Edwards Deming »

    J’achète beaucoup de livres d’occasion sur Amazon dont un énorme pavé de 1982 qui semble sortir d’une machine à écrire : « Quality Productivity and Competitive Position ».

    Mon congé de reclassement dure six mois et le temps passe vite alors que mes recherches d’emploi ne sont pas fructueuses. En 2013, j’ai fait onze candidatures en tout et j’en fais autant rien qu’en janvier 2014 et encore autant en février. Il n’y a pas tant de postes que ça dans mon secteur dans la région.

    Scott Adams, le créateur de Dilbert, a formalisé ce principe si vrai :

    « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : l’encadrement »

    Mais il a aussi décrit en ces termes les ingénieurs : Un ingénieur généraliste sait peu de choses sur beaucoup de choses alors qu’un ingénieur spécialiste sait beaucoup de choses sur peu de choses. Et avec le temps, ils se rejoignent, l’un ne sait absolument rien sur tout et l’autre sait absolument tout sur rien… C’est un peu où j’en suis… Alors, dans mes lettres de motivation, je mets en avant le sens que cela aurait pour moi de travailler dans le domaine visé en soulignant mon appétit d’apprendre les connaissances qui me feraient défaut. Mais ça se passe plutôt comme le disait Coluche :

    « Désormais, pour apprendre le français, il faudra savoir le français. »

    Personne ne pense comme W. Edwards Deming :

    « L’emphase devrait être sur le pourquoi d’un métier »

    Ou comme Shigeo Shingo¯, l’ingénieur à l’origine du fameux système de production de Toyota :

    « Il est plus important de savoir pourquoi que de savoir comment »

    Je participe aussi aux soirées « carrières » de mon école d’ingénieur. C’est lors de l’une d’elles que je parle de Dr. Deming et qu’une jeune diplômée, Amandine, fait un lien avec la société FAVI et m’invite à regarder le documentaire « Question de confiance ». Découvrir FAVI est une révélation aussi forte que la découverte de Dr. Deming ! FAVI est un peu Dr. Deming personnifié dans une entreprise. Ainsi, Jean-François Zobrist, le patron de FAVI, dit « le diable est dans les frontières » et Dr. Deming dit « Abattez les barrières entre les départements ». FAVI pourrait bien devenir le maître étalon de mon outil de mesure de la compétitivité.

    Le 13 mars, j’assiste en tant que journaliste au lancement d’une micro entreprise par des collégiens dans le cadre du programme « Entreprendre Pour Apprendre ». L’idée de départ de ces jeunes est bonne : identifier quelque chose qui irrite et proposer une solution. La suite est un peu caricaturale. Ils sont quatorze dont six directeurs et une pédégère qui dit « le but de l’entreprise est de faire du fric ». Lorsque c’est possible, je prends la parole pour dire gentiment que, non, le but de la société n’est pas de faire du fric mais de proposer une solution au problème identifié. L’argent est indispensable mais c’est juste un moyen. Comme le dit Jean-François Zobrist, l’argent est comme l’air qu’on respire. Si on ne respire pas, on meurt, certes, mais on ne vit pas pour respirer !

    Tout cela me fait grandir mais je ne trouve toujours pas de travail. Conséquence, je ne dors pas toujours très bien. Le taux de chômage des ingénieurs de mon âge est faible mais je me vois au chômage à la fin du congé de reclassement avec des difficultés pour payer les mensualités de mon emprunt pour l’appartement.

    Un chasseur de têtes me contacte pour un poste en Angleterre chez MG et je l’envisage sérieusement. Heureusement, je décroche enfin un poste en CDD dans une PME accessible en 40 minutes de métro, la Compagnie Nouvelle d’Équipements. Le plus drôle est que deux de ses principaux concurrents sont à deux pas de chez moi, mais je ne le savais alors pas…

    J-89 mois – La contrefaçon légale

    Je suis depuis le 12 mai 2014 dans cette PME qui met des entreprises grandes et petites du monde entier en relation avec les grands donneurs d’ordre français de l’industrie automobile, constructeurs et équipementiers. Une autre activité importante est la formation. Pour moi c’est du pain béni car j’ai toujours aimé les relations internationales et partager des connaissances. Conséquence de cette activité, le recrutement est très international, il y a notamment une Russe, une Italienne, un Roumain, une Allemande et, bien sûr, des Chinois et l’ambiance est jeune. Pour moi, la valeur ajoutée de cette société est de créer de la confiance pour que des partenaires qui ne se connaissent pas puissent travailler ensemble de façon gagnant-gagnant.

    Le jour de mon arrivée, la patronne m’invite au restaurant avec ses directeurs et je commets l’erreur de dire plusieurs fois « nous » en parlant de Hydole SA. Je m’en rends compte et m’excuse et elle me donne une semaine pour rectifier le tir :-) Il me faudra un peu plus…

    Le 5 et 6 juin, c’est un séminaire dans un village de vacances. Au programme, piscine, accrobranche et séance de remue-méninges. Les nouveaux sont nommés un par un et le résultat du questionnaire de personnalité rempli avant l’embauche nous est dévoilé. C’est un peu la lune de miel pour moi et je suis sur un petit nuage.

    Le poste pour lequel j’ai été recruté n’est ni en accompagnement de partenaires ni en formation, c’est un poste de responsable qualité pour une troisième activité qui est le négoce de pièces détachées pour l’après-vente automobile. L’après-vente est la vache à lait des constructeurs automobiles et pour soulager le portefeuille des automobilistes, la commission européenne a légiféré en permettant un libre choix de l’atelier de réparation mais aussi en légalisant la copie pure et simple des pièces d’origine. Seules les pièces de style échappent pour le moment à cette contrefaçon légale. On appelle ces copies des pièces de qualité équivalente et c’est ça que mon employeur achète et revend. Me voilà donc à réaliser des dossiers qualité pour des nouveaux produits et à traiter des pièces renvoyées par les clients suite à une défaillance chez un automobiliste. C’est un gros changement par rapport à la direction de la recherche de Hydole SA mais la bonne chose est que je reviens en dessous de mon seuil d’incompétence. Mon prédécesseur est parti depuis janvier, il y a beaucoup de pièces à analyser et les relations sont tendues avec le principal client alors le travail ne manque pas. Ma première contribution est d’écrire des standards pour faire face à tous ces retours.

    Je me suis souvenu que les ouvriers de FAVI mettaient parfois des cadeaux pour les ouvriers des usines clientes avec les pièces fournies alors moi aussi je mets parfois juste une carte postale de Paris et un petit mot avec les pièces à analyser que j’envoyais en Italie ou en Chine. Et j’en recevais en retour :-)

    Je commence en travaillant quatre jours par semaine pour réserver du temps pour mon mémoire. Si j’avais eu un gestionnaire des finances familiales, je pense qu’il ou elle aurait interdit cette initiative ! Mais dès le mois de juin, c’est le gros client qui y met un terme avec une lettre recommandée menaçant de dénoncer tous les contrats. Tout le monde est sur le pont ! Une réunion a lieu en juillet avec la direction des achats du client et je revois ce que je déplore depuis longtemps, la relation client / fournisseur en mode « presse-citron » si éloignée de ce que j’ai vu avec Toyota, Dr. Deming et FAVI. Et cette fois je suis du côté du citron…

    Mon poste comprend les audits des fournisseurs des pièces d’après-vente. J’y vois une occasion d’apprendre, de partager et de créer des relations de confiance. Mais c’est plutôt pour atténuer le courroux du client et transmettre la pression à un fournisseur que je suis en Italie le 24 juin pour un premier audit. Ce fournisseur connaît son métier et ses produits sont dignes de confiance mais il y a beaucoup de gaspillage humain ! En effet, il s’agit d’une société pyramidale classique sans raison d’être autre que l’argent et qui applique du management par objectif. Qu’il y ait des objectifs est discutable car les objectifs fixent des plafonds et non des planchers. Pire, ils sont reconduits d’une année sur l’autre, pas d’amélioration continue. Et puis il y a l’absence de contrôle statistique, les stocks énormes, les opérateurs cantonnés à un seul poste donc très peu polyvalents. Mais le bouquet est d’entendre un cadre dire que les ouvriers de la fonderie sont des cons musclés ! Bref, cet audit est de quoi faire plusieurs fois se retourner dans sa tombe Dr. Deming… Par contre, le soir, la balade dans la jolie ville de Brescia obtient 100 % en termes de plaisir :-)

    En tout cas, mes efforts pour atténuer le courroux du client sont appréciés et un CDI m’est proposé le 15 septembre. Peu après, je commets une bourde en faisant suivre à un fournisseur un mail comportant l’adresse d’un client et je me fais vertement recadrer. Ma communication est « mise sous contrôle »Mais le CDI n’est pas remis en cause.

    J-84 mois – Le karaoké amélioré

    Un des bons côtés de la Compagnie Nouvelle d’Équipements est que les départements ne sont pas étanches alors, un jour, il m’est proposé de préparer et de donner une formation « leadership du chef de projet ». J’accepte avec plaisir cette opportunité d’apprendre et de partager. Je dois reconnaître que je plagie un peu ce que j’ai appris dans l’école de commerce à La Défense mais j’utilise aussi mon expérience à Hydole SA et ce que j’apprenais avec Dr. Deming et FAVI. Et grâce à Internet, j’étudie les travaux de Dan Pink, Douglas McGregor, Frederick Herzberg, Ken Blanchard, Paul Hersey, Peter Drucker et Simon Sinek, notamment.

    Je grandis beaucoup grâce à cette formation mais les conditions matérielles sont difficiles car le gros client met beaucoup de pression à chaque pièce retournée. Je dois donc travailler sur la formation en mode « soir et week-end »

    La formation parle évidemment du management classique et aussi des comportements toxiques et j’avais matière à en parler du fait de mon expérience antérieure mais aussi du fait de ce que je vivais à l’instant présent qui dépassait tout… Y compris chez le gros client où l’on pouvait voir partout des panneaux tentant de motiver avec un objectif de chiffre d’affaires et de rentabilité.

    Dans les années 60, le professeur Douglas McGregor, du MIT, a proposé deux théories opposées pour décrire le fonctionnement d’une entreprise. Il a sobrement appelé ces théories X et Y.

    • Théorie X : l’être humain n’aime pas le travail et l’évitera s’il le peut. Il ne fournit donc le travail attendu que sous la contrainte ou contre récompense. La croyance associée est que le travail est proportionnel au contrôle ou à la récompense des employés.

    • Théorie Y : Se rendre utile par du travail manuel ou intellectuel est aussi naturel que s’amuser ou se reposer. Si le travail apporte de la satisfaction et permet de se réaliser alors pas besoin de contrainte ou de récompense pour l’obtenir. La croyance associée est que le travail est proportionnel à la liberté et à l’autonomie des employés.

    En termes de leadership, de vision, de confiance, je mettais en avant les entreprises Y tout en vivant dans une entreprise encore plus X que ce que j’avais jamais connu avant. Ainsi, mon N+1 a plusieurs fois tenté de me dicter des courriels et mon N+2 m’a dit un jour que je réfléchissais trop ! Il faudrait laisser le cerveau sur le pas de la porte d’entrée de la société…

    Une des informations que je donne dans la formation est le résultat de l’enquête Gallup « State of the Global Workplace ».

    • Les employés engagés travaillent avec passion et font progresser l’entreprise.

    • Les employés désengagés consacrent du temps à l’entreprise mais ni énergie ni passion.

    • Les employés activement désengagés sont malheureux au travail et minent les efforts de leurs collègues engagés.

    Les résultats pour la France sont… Comment dire ? Sans commentaire…

    Et en ce qui me concerne, j’ai toujours ou presque été engagé. Mais là, brutalement, ça devenait très compliqué de le rester après à peine six mois. Heureusement, un grand groupe coréen frappe à la porte pour qu’on l’aide à répondre à une consultation d’un constructeur français. La mission m’est confiée. Il s’agit de créer de la confiance entre ce partenaire et son client potentiel et ça redonne du sens au poste. Je pars en Allemagne début décembre pour rencontrer le partenaire coréen et, le 13 décembre 2014, je pars en Chine pour participer à un audit demandé par le constructeur d’une usine de mon client coréen.

    Mon employeur profite de ce déplacement en Chine pour m’envoyer près de Wenzhou chez un fournisseur de pièces de « qualité équivalente » dans le cadre de l’activité de négoce. Je vois encore de quoi faire bondir Dr. Deming : ce fournisseur est dans l’illusion que la qualité s’obtient en inspectant chaque pièce à de multiples étapes mais là ça dépasse l’entendement : je vois des opérateurs déballer des palettes entières de pignons pour les contrôler visuellement un à un et les remballer un à un. Et ce n’est pas une situation de crise, tout est normal ! Quelle horreur que de passer ses journées à faire ça ! Et quel gaspillage car ça n’apporte aucune valeur ajoutée comme le disait Dr. Deming :

    « Nous avons installé le contrôle qualité Non. Vous pouvez installer un nouveau bureau ou un nouveau directeur mais pas le contrôle qualité. Quiconque propose d’installer le contrôle qualité a malheureusement peu de connaissance relative au contrôle qualité. »

    Mais j’allais voir bien pire dans un tout autre registre avec le partenaire coréen. Ce ne fut pas lors de l’audit de son usine qui est au meilleur niveau mais lors de la soirée karaoké qui a suivi. Ce n’était pas un karaoké ordinaire : dix jeunes femmes en petite tenue sont arrivées, se sont alignées debout face à nous qui étions assis et chacun d’entre nous, que des hommes, a été invité à en choisir une ! D’abord les clients (des Français et des Chinois) puis moi en tant qu’Occidental (en effet en tant que fournisseur du fournisseur, j’étais la personne la moins importante de la soirée) puis les employés de mon client. Quand il ne restait que cinq ou six jeunes filles, elles furent renvoyées ce qui signifiait qu’elles étaient trop laides et dix autres sont venues ! L’inconnue s’est assise à côté de moi. Je lui ai demandé son nom et lui ai parlé avec respect comme je parle à n’importe qui, malgré l’inconfort extrême dans lequel j’étais. Je voyais d’autres avoir les mains franchement baladeuses. À un certain moment, la lumière s’est éteinte pour leur faciliter la tâche. On a chanté un peu quand même. Je n’ai jamais rien vu de plus dégradant pour les hommes.

    J-82 mois – Un ours bien léché

    C’est dans une Autolib que j’apprends les attentats de Charlie Hebdo. J’ai peine à y croire. Et bien sûr je suis présent lors de la manifestation pour la liberté d’expression du 11 janvier 2015, jour de mon anniversaire, avec ma sœur et ma fille. Ce jour-là, j’ai peur d’un nouvel attentat et ça aurait été un carnage mais heureusement il n’a pas lieu.

    Le 11 janvier est aussi une date importante pour nous pour une tout autre raison. Ma fille me réclame un chat depuis notre entrée dans le nouvel appartement et il faut vraiment que ce soit compliqué pour que je lui refuse quelque chose. Alors voilà, le 7 janvier en rentrant avec une amie d’un rassemblement spontané devant la mairie de Boulogne-Billancourt pour Charlie Hebdo, nous en parlons et elle m’apprend que son fils en a réservé un dans la portée d’une chatte recueillie par des Boulonnais compatissants. L’affaire est vite entendue et le 11, Lili arrive.

    Nous aurions appelé un chat « Charlie » mais c’est une chatte, alors ce sera « Lili » comme « (Char)lie-li(berté) ». C’est aussi le prénom d’une collègue chinoise qui apprécie assez peu le rapprochement…

    Le soir même, Lili disparaît. Nous finissons par la retrouver dans la salle de bains au fond d’un tiroir ! Elle est rentrée par dessous… Puis doucement tout le monde prend ses marques. Je m’inquiète pour le canapé en cuir mais elle le laisse tranquille. Preuve de son bon goût, ce sont les chaises en simili cuir qui souffrent… L’arbre à chat ne lui suffit pas…

    Un beau jour au hasard d’une navigation sur la toile, je tombe sur une belle photo de la manifestation du 11 janvier qui montre un panneau « Bisounours vaincra ». Je n’ai jamais vu de dessin animé des bisounours mais cela me rappelle l’expression « on n’est pas dans un monde de Bisounours ». Je crois que c’est par esprit de contradiction que cette photo devient ma photo de profil Facebook… Bisounours commence à entrer dans ma vie et va finir par prendre toute la place…

    Au sein de la Compagnie, j’ai maintenant trois missions :

    • Auditeur qualité et performance industrielle,

    • Chef de projet local pour le groupe coréen dans le cadre de la consultation.

    • Responsable qualité pour l’activité de négoce de pièces de rechange de qualité équivalente (ce pour quoi j’ai été embauché),

    J’ai donc trois chefs et aucun de ces trois chefs n’est celui avec qui j’ai commencé. La patronne m’a sorti de son équipe et elle a bien fait car son management consistait par exemple à me recadrer sans ménagement par courriel le vendredi soir juste avant de partir, ou encore à prendre des engagements en mon nom auprès des clients sans me consulter alors que j’avais dit que j’étais en surcharge de travail. Des choses sympathiques comme ça.

    AUDITEUR QUALITÉ ET PERFORMANCE INDUSTRIELLE

    Je ne suis pas encore auditeur, juste stagiaire en formation, ce qui comprend un cours et deux missions comme assistant d’un auditeur formateur. À la suite de ces deux missions, je serai lâché en autonomie sur un audit. Je pars donc sur le terrain avec le formateur à Nuremberg en janvier et à Vienne en février.

    Toujours (stupidement) enthousiaste devant une opportunité d’apprendre et de faire progresser l’industrie, je m’investis sérieusement dans l’activité qui me correspond en fait très mal. Les audits sont du management par le contrôle plutôt que par la confiance et tout est rigidement cadré.

    Le principe est que, tous les 3 ans, chaque usine qui fournit des pièces soit auditée. À ses frais ! C’est la nouvelle exigence d’un constructeur automobile. Et le plus fort, c’est que ce constructeur reçoit une commission sur ce que nous verse l’usine pour être auditée. Celui qui exige ces audits se place donc dans la situation où il ne les réalise pas et où il est payé pour qu’on satisfasse son exigence. C’est une illusion car l’usine répercute forcément ces coûts dans le prix des pièces qu’elle vend au constructeur. Sur le long terme, le constructeur est forcément perdant. Ces audits sont en fait juste un énorme gaspillage.

    Les audits sont intéressants. Les usines sont au top niveau et les fournisseurs répondent bien aux exigences très détaillées et très cadrées du référentiel du constructeur. Mais bon, forcément, je fais des remarques allant dans le sens de ce que j’ai vu chez Toyota, chez FAVI et de ce que j’étudie avec Dr. Deming. Ces remarques vont dans le sens de créer les conditions permettant de supprimer les contrôles (qui n’apportent pas de valeur ajoutée) et de manager par la confiance. Et elles ne sont pas du goût de l’auditeur formateur qui m’impose un 3e audit avant de me certifier. Et bien sûr, je me fais remonter les bretelles par la direction de la Compagnie qui m’explique que je réfléchis trop… Quelle idée aussi de se croire chez IBM (« think ») ou chez Apple (« Think different ») ! La direction décide de jeter l’éponge, pas de 3e audit pour moi donc pas de certification et c’est une bonne chose car clairement je n’aurais pas pu faire face à la montagne de déplacements que cela aurait entraînée.

    CHEF DE PROJET LOCAL POUR UN ÉQUIPEMENTIER CORÉEN

    Répondre à une consultation d’un constructeur automobile est un travail colossal. Vers 1999, un équipementier me disait que ça lui coûtait plus de 300.000 francs de frais d’études en pure perte si la consultation n’est pas gagnée. Et en 2015, c’est pire, la quantité de documents à lire et à produire est considérable. Mon client coréen ne réalise pas tout de suite le niveau d’exigence car un tel travail n’est pas attendu des clients asiatiques en phase consultation, alors je l’alerte et doucement il se donne les moyens de réagir. La pièce de résistance est la matrice de convergence, un fichier Excel avec une ligne pour chaque point du cahier des charges produit. Il contient plus de mille lignes et mon client doit s’engager sur chacune d’elles. En supplément, il y a un cahier des charges process et un cahier des charges qualité. Le travail de conception mécanique, électronique et logiciel commence. Mais en janvier, tout est révisé en profondeur. C’est la RFQ 2 (Request For Quotation). Beaucoup est à refaire.

    Outre la quantité considérable de travail à l’œil demandé, une chose me choque; le constructeur insiste pour qu’aucun composant ne vienne du Japon considéré comme pays à risque depuis le Tsunami de 2011. C’est vrai que les arrêts de plusieurs sites avaient alors beaucoup perturbé la production mais suivant cette logique, ne faudrait-il pas dire aux Japonais d’évacuer leur pays ?

    En avril, une bonne nouvelle tombe, mon client coréen a gagné le marché ! Son premier auprès d’un constructeur français. Je suis félicité et ça remonte un peu mon image suite à l’échec des audits. Je suis félicité pour avoir aidé un fournisseur coréen qui produit en Chine à gagner au détriment de fournisseurs européens qui produisent en Europe. Je ne réalise pas l’énormité de ce que je fais car j’ai le nez dans le guidon. Un beau jour, je vais me casser la figure…

    Il faut un chef de projet à temps plein or je ne peux consacrer qu’un tiers de mon temps à cette mission, clairement pas suffisant. Mon client coréen recrute donc un ingénieur et je deviens son PDA (Assistant Personnel à Distance). Les réunions avec le client en face-à-face ou au téléphone sont très fréquentes. Lors de ces dernières, j’utilise deux systèmes à la fois, un système avec le constructeur et le système du client coréen ce qui permet d’éclaircir des points entre nous à l’insu du client. Efficace. Je suis un décodeur… Et toutes les semaines, je dois faire un rapport d’activité que personne ne lit…

    Après les réunions en face-à-face, j’emmène parfois mes clients coréens déjeuner chez un caviste à Boulogne-Billancourt. Axel, le patron, est un descendant de Louis XIV et il vend aussi du fromage de grande qualité. Mes clients coréens sont aux anges ! Je découvre aussi par hasard que près d’un tiers des Coréens du sud sont chrétiens. Ce chiffre me paraît considérable.

    RESPONSABLE QUALITÉ

    Le gros client qui nous a envoyé une lettre recommandée en juin nous a viré sans ménagement quelques mois plus tard et c’est une grosse

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