Itinéraire d'un entrepreneur bousculateur d'ordre établi: Nouvelle édition
Par Claude Robin
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À propos de ce livre électronique
À la fin des années 90, dernier bastion sans doute de l'entreprise traditionnelle, l'expertise comptable doit évoluer si elle veut pouvoir suivre les entreprises qu’elle accompagne. Comment se libérer des codes et carcans qui empêchent l’expert-comptable de produire plus, mais moins cher, avec plus de conseil, mais aussi toujours plus de clients ? Disrupter le modèle s’impose. Dans un petit bureau niché au-dessus d’un cabinet dentaire, un jeune expert-comptable a quelques idées…
Parti de rien, sans capitaux et sans réseaux, Claude Robin crée Amarris, la première société d’une longue série. Conception de la première plateforme collaborative métier, délocalisation et filialisation, simplification des process traditionnels, libération du management et gestion entrepreneuriale du cabinet… Il prépare le terrain fertile pour co-fonder en 2008, ECL Direct, pionner et leader de l’expertise comptable en ligne en France. Une success story qu’il faudra défendre becs et ongles, envers et contre tous et en 1er lieu les experts-comptables eux-mêmes, puis les fonds d’investissement…
Mais comme une belle aventure ne s’arrête jamais vraiment, bien d’autres vont suivre : création d’un nouveau pure player dans l’immobilier (+7 millions d’euros en 5 ans), association et développements en Belgique et même au beau milieu de l’Atlantique… Autant de rebondissements qui permettent aujourd’hui à ces sociétés unies en un seul groupe de se positionner parmi les 30 premiers cabinets français indépendants et de simplifier, chaque jour, la comptabilité de plusieurs milliers de dirigeants de TPE/PME.
Avec humour et simplicité, Claude Robin revient dans ce témoignage sur 20 ans d’entreprises audacieuses, en partie libérées et toujours à contre-courant des modes de développement traditionnels.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Claude Robin, expert-comptable, Président-fondateur du Groupe Amarris cofonde, entre autres ECL Direct, premier cabinet 100 % en ligne qui révolutionna le marché de l’expertise comptable. Une vision entrepreneuriale novatrice qui fédère et propose de nouveaux leviers de croissance en organisant le groupe en entreprise de services. Il emploie aujourd’hui 500 salariés pour plus de 34 millions d’euros de chiffre d’affaires.
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Avis sur Itinéraire d'un entrepreneur bousculateur d'ordre établi
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Aperçu du livre
Itinéraire d'un entrepreneur bousculateur d'ordre établi - Claude Robin
INTRODUCTION
Le marché de l’expertise comptable est réglementé. L’Ordre des experts-comptables a été créé le 12 septembre 1945. La France était en reconstruction et l’État devait financer de nombreux travaux. Pour cela, il fallait sécuriser les rentrées fiscales. L’administration ne pouvait pas contrôler l’ensemble des comptes des entreprises et l’État donna donc pour mission aux experts-comptables de vérifier, apprécier, redresser les comptabilités et d’analyser la situation économique, juridique et financière des entreprises. En contrepartie de cette mission, il leur accorda le monopole de la tenue comptable. Seuls les experts-comptables peuvent réaliser des prestations de tenue comptable. L’expertise comptable est donc régie par l’Ordre des experts-comptables qui est placé sous la tutelle des ministres de l’Économie et des Finances. L’Ordre est composé d’un Conseil supérieur et de 23 conseils régionaux.
Pour plus de 2 millions d’entreprises clientes et des dizaines de milliers de particuliers, l’expertise comptable est exercée sur l’ensemble du territoire français par environ :
20 000 experts-comptables ;
17 000 sociétés d’expertise comptable ;
223 associations de gestion et de comptabilité.
Un expert-comptable est un professionnel, titulaire du diplôme français d’expertise comptable, obtenu après un cursus de 8 ans dont 3 ans de stage en cabinet. Il est inscrit au tableau de l’Ordre des experts-comptables. Il est soumis à un code de déontologie et à des normes professionnelles.
Ce marché est encore très traditionnel dans son mode de fonctionnement, très « profession libérale ». Plus de 85 % des cabinets d’expertise comptable ont un effectif inférieur à dix.
Pourtant la profession au fil des années a su se réformer et s’est adaptée au monde moderne. Elle a libéré certaines pratiques commerciales. C’est ainsi qu’en 2004, les experts-comptables ont été autorisés à faire de la publicité, mais aussi à réaliser des missions juridiques accessoires à leur mission principale (création d’entreprise, etc.). En 2014, le démarchage est autorisé (activité consistant à proposer un service commercial non sollicité par le client).
C’est dans ce monde et celui de la création d’entreprise que je vous propose de passer un moment. Je suis parti de rien sans aucun réseau sur lequel m’appuyer, mon père était ouvrier et je n’étais pas prédestiné à vivre cette aventure entrepreneuriale. C’est après avoir obtenu mon diplôme d’expertise comptable que tout commença. Vous allez vivre vingt ans d’entrepreneuriat avec d’abord la création d’une première entreprise, Amarris, puis vous verrez comment dans un secteur traditionnel, nous allons révolutionner le métier par la création d’ECL direct, le pionnier et le leader de l’expertise comptable en ligne.
J’ai commencé à écrire pour évacuer certains moments difficiles, vécus ces dernières années. C’était comme une thérapie. Chaque fin de semaine, j’évacuais le stress en prenant ma plume, plus exactement mon smartphone. Cela me permettait de repartir la semaine suivante en ayant éliminé les ondes négatives et permettait également de se rappeler d’un certain nombre de moments qui se seraient estompés avec le temps. Au fur et à mesure de ces rédactions, je me suis dit qu’il serait pas mal de partager tout cela avec des collaborateurs du Groupe et avec des lecteurs intéressés par l’entrepreneuriat et la création d’entreprise.
C’est ainsi que je me suis lancé plus généralement dans l’histoire du Groupe Amarris qui va fêter ses vingt ans cette année. Cette tranche de vie illustre toutes les difficultés et toutes les satisfactions quand on entreprend. Les prises de risque sont notre quotidien, mais quel bonheur quand cela fonctionne. Même dans un marché bien établi, il y a de nombreuses opportunités à saisir. Il faut les prendre quand elles sont là et ne pas hésiter. Vous vivrez au travers de tous ces chapitres une aventure humaine et managériale. Aujourd’hui, le Groupe Amarris est composé de plus de 500 collaborateurs et se positionne dans les trente premiers cabinets français indépendants. C’est cette aventure que je souhaite maintenant vous faire partager. J’espère qu’elle sera inspirante pour vous. Je vous montrerai que tout est possible et qu’il n’existe pas de plafond de verre.
1
AVANT AMARRIS
L’enfance de mon père a basculé lorsque le sien est décédé d’un cancer. Il avait 10 ans. Ils vivaient dans le Maine-et-Loire. Le frère de son père était prêtre à Saint-André des Eaux, en Loire-Atlantique. Il proposa d’accueillir sa mère et ses deux fils chez lui à la cure. Ma grand-mère accepta et déménagea en 1948.
Mon père a vécu une enfance studieuse auprès de son oncle qui lui apprit rapidement l’orgue. À 11 ans, il jouait sa première messe et n’a plus cessé jusqu’à son décès en 2015.
Son oncle était un érudit, entouré de centaines de livres. Il connaissait tout sur tout, des sciences de l’ingénieur à la littérature.
Dans ce contexte, mon père a sauté 2 classes. Il était « l’intello », jusqu’au jour où il craqua. Il ne voulait plus de cette charge de travail, être en décalage avec ses copains. À 16 ans, il quitta le petit séminaire de Guérande pour entrer en apprentissage aux chantiers de l’Atlantique (constructeur de paquebots, pétroliers et méthaniers). C’était l’employeur de la région (plus de 12 000 salariés à cette époque).
Et puis, ce fut l’Algérie. Quand il sut que son neveu était mobilisé, l’oncle curé trouva une jeune fille pour le remplacer à l’orgue. N’ayant aucune notion de solfège et de piano, mon père lui apprit par cœur des morceaux. Il prit étonnamment goût à cet apprentissage à tel point, qu’à son retour d’Algérie en 1960, cette pianiste en herbe devint sa femme.
Ma mère de son côté est la fille d’un couple d’agriculteurs de Saint-André des Eaux. C’est une famille de cinq enfants, quatre filles et un garçon.
Les études n’étaient pas la règle. Pourtant, elle se débrouillait bien à l’école et termina première du canton à son certificat d’études.
Malheureusement, elle arrêta l’école à 14 ans, car elle devait travailler pour ramener quelques sous à la maison. Ce sentiment de sacrifice, de ne pas avoir pu étudier fut assez présent et je l’entendis souvent de sa bouche durant mon enfance.
Mon père et ma mère se sont donc mariés en 1960 et eurent trois enfants. J’étais le dernier, mon frère et ma sœur ayant cinq et six ans de plus.
Ma mère est restée au foyer. C’était un peu la coutume à l’époque. Mon père a réintégré le chantier de l’Atlantique en 1960 et ne l’a quitté qu’en 1995.
Mon père a toujours été frustré dans son travail, car ses capacités intellectuelles dépassaient largement le travail qu’il faisait. Il avait toujours le sentiment d’être dirigé par des gens qui ne le méritaient pas forcément, mais qui étaient diplômés.
Il exploitait ses capacités ailleurs et avait de multiples responsabilités dans la commune au conseil municipal, à la direction du club de foot dans lequel nous avons passé toute notre enfance, à l’organisation de kermesses, à l’animation de la fête annuelle de Brière, etc. Bref, c’était quelqu’un de respecté, d’aimé. Il trouvait sa reconnaissance ailleurs que dans le travail.
Mon père et ma mère nous ont tout le temps inculqué les valeurs du travail. Mon père avait des fonctions syndicales au début de sa carrière. Nous avons entendu toute notre enfance de longues discussions politiques avec leurs amis. Il avait toujours des arguments, se documentait. Rapidement pourtant, il s’est éloigné des syndicats qui selon lui ne faisaient pas leur boulot et n’étaient pas objectifs face à la réalité du travail. Il avait des valeurs et n’y dérogeait pas, des valeurs universelles de respect de l’autre, de travail, de bienveillance. Il disait que c’était des valeurs de gauche, mais j’ai toujours trouvé que c’était des valeurs universelles. Il paya souvent sa droiture dans son travail, car il disait ce qu’il pensait. Pourtant, malgré cette frustration de ne jamais avoir eu le sentiment d’être à sa place, il ne quitta jamais cette entreprise. Comme de nombreuses personnes qui travaillaient à bord dans les années 60, il se « chopa » de l’amiante qu’il porta toute sa vie dans les poumons. Comme les mineurs, c’était la fatalité, c’était comme ça.
Je pense que c’est tout cela qui m’a conduit à l’avenir à ne jamais être fataliste, à prendre des risques et à me dire que tout est possible dans la vie quand on le veut et quand on s’en donne les moyens. Les barrières sociales sont importantes en France et il est important qu’elles soient plus poreuses. C’est sans doute pour cela que je lutte toujours contre la sélection par les diplômes.
En France, quand on n’a pas eu la chance de poursuivre des études, on doit souvent se contenter d’un travail lié à son niveau et l’ascenseur social devient très difficile. J’ai toujours lutté contre cela.
Chez Amarris, c’est une de nos valeurs fondamentales : ne pas donner d’importance aux diplômes, notamment au diplôme d’expertise comptable, et donner la chance aux gens en fonction de leur potentiel. Dans notre profession où tout est lié au diplôme, nous sommes complètement atypiques. Traditionnellement, il y a les experts-comptables et les autres, les autres étant souvent moins considérés. C’est pour cela que dans les organisations traditionnelles, les experts-comptables sont au cœur de tout, ils recrutent, rencontrent les prospects, managent les équipes, conseillent, ils sont les seuls associés, etc.
Chez nous, c’est tout autre chose. Nous sommes aujourd’hui seize associés dont quatre experts-comptables. J’ai donné la chance à de nombreuses personnes non diplômées qui sont responsables de business unit (centre de profit), directeur de production, etc. Je me repose uniquement sur leurs qualités humaines et intellectuelles, leur motivation à participer à une aventure, leur potentiel, et leur capacité à emmener leurs équipes vers le haut. Toutes les personnes occupant des postes clés de l’entreprise sont associées dans le Groupe.
Mes parents ont toujours voulu qu’on fasse des études, c’était important et ils ont toujours tout fait financièrement pour qu’on y arrive. C’était comme s’ils voulaient exorciser leur frustration de ne pas avoir fait d’études. Nous nous débrouillions bien à l’école. On était aussi un peu pris pour les « intellos ». À l’époque de mon frère, ils étaient trois à passer un bac général à Saint-André des Eaux. Ce fut un peu moins vrai pour moi.
Après un bac D (le bac S d’aujourd’hui), et une année de fac de science-éco bâclée, je voulais intégrer une école de commerce postbac à Paris, l’École Supérieure de Gestion. Je ne sais pas pourquoi, mais j’étais attiré par le commerce, la finance alors que personne dans mon entourage n’était dans ce secteur.
J’ai réussi à l’intégrer et suis parti sur Paris en septembre 1986 pour quatre ans d’études. Ce fut le démarrage d’une nouvelle vie. Elle m’a permis d’abord de rencontrer ma femme, Nathalie, qui a fait la même école que moi et de petit à petit choisir un métier qui ne me quittera plus.
Parallèlement aux examens de l’école, je passais les différentes matières qui m’ont permis d’être diplômé d’expertise comptable en 1996.
À la fin de l’ESG et après quelques mois à l’armée, j’ai intégré un cabinet d’audit parisien pendant 2 ans (1991/1993).
Nathalie et moi travaillions à Paris et nous habitions en proche banlieue. Nos temps de transport étaient importants. Nous venions d’avoir une petite fille et avions du mal à en profiter. Nous avons décidé de quitter Paris pour nous installer à Nantes. Nous avons toujours attaché beaucoup d’importance à la gestion famille/travail. L’un ne doit jamais empiéter sur l’autre. J’ai alors intégré un cabinet régional d’une vingtaine de personnes. C’était un cabinet conventionnel qui se développait grâce aux nombreux réseaux que les deux associés fondateurs exploitaient. L’un d’eux avait hérité de la clientèle de son père et avait bien su la développer, l’autre bénéficiait du réseau catholique nantais. La moitié de la clientèle avait un nom à particule, cela m’avait beaucoup étonné quand j’ai intégré ce cabinet. J’y ai beaucoup appris, mais j’avais besoin d’espace, de liberté et dès l’obtention de mon diplôme, sésame obligatoire pour me mettre à mon compte, cette idée m’a trotté dans la tête. Petit à petit, le trot se transforma en galop.
Après l’obtention de mon diplôme, je rentrais étonnement dans une nouvelle caste et le tutoiement avec les associés fondateurs devenait la règle. Encore une fois, ces diplômes qui changent le regard des autres m’agacent énormément. Les titres m’agacent. Je n’ai jamais réussi à appeler un notaire ou un avocat Maître, un médecin Docteur. Il y a juste à l’armée où on était obligé d’appeler nos supérieurs par leur grade. Je ne comprends pas qu’on puisse mettre sa fonction dans les faire-part de mariage. Quand on est ajusteur comme mon père, on ne le met pas, bizarre non ?
Bref, il fallait que je tente l’aventure entrepreneuriale pour ne pas avoir de regrets.
Début 99, les associés du cabinet dans lequel je travaille expriment la volonté de m’associer. Nous sommes sur Nantes et je leur propose d’ouvrir un bureau à Guérande, à 70 km de Nantes. Je connais bien cette région qui a du potentiel. C’est une ville de 16 000 habitants et il n’y a qu’un seul cabinet. Il est présent depuis vingt ans, en situation de monopole. Il y a évidemment de la place pour un deuxième acteur.
Je propose à mes employeurs la création d’une filiale dans laquelle ils auraient 51 % et moi 49 %. Ils réfléchissent et font travailler un avocat.
En mai 1999, le projet rédigé m’est proposé et je découvre une répartition du capital ultra majoritaire pour eux, sans aucune explication de leur part. En résumé, je développe mon affaire et ils possèdent tout. Ce n’était pas le deal de départ. Je ressens un peu cela comme une trahison. Je le vis mal et ai le moral dans les chaussettes. J’avais à l’époque de grosses chaussettes en coton et il y avait de la place pour le moral. Il n’existait pas de mesures comme aujourd’hui pour pouvoir bénéficier du chômage pour créer sa boîte.
Nathalie travaillait en CDD dans une banque. S’il n’était pas renouvelé, c’était risqué de me lancer à mon compte. Nous avions deux petites bouches à nourrir : Marine (sept ans) et Charlotte (quatre ans). Mais pendant l’été 99, on y réfléchit beaucoup. Ma femme voit bien que j’ai besoin de sortir du cadre, besoin de liberté, besoin de tenter l’aventure. Plein d’idées fourmillent dans ma tête et on décide ensemble que si elle signe un CDI avec la banque, je me lance dans l’aventure.
Par chance, la bonne nouvelle arrivera fin août. Le lendemain, je donnais ma démission et leur annonçais que je m’installais à Guérande.
Je me souviendrai toujours du regard de stupéfaction d’un de mes boss à qui j’ai remis ma lettre de démission. Il avait une pensée interrogative. « OK, on prend acte, mais comment tu vas faire ? », sous-entendu, tu n’as pas de clients et tu n’as pas de relations. Pour moi, cela voulait dire, tu es mal né.
