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Chroniques des Cinq Royaumes: Tome 3
Chroniques des Cinq Royaumes: Tome 3
Chroniques des Cinq Royaumes: Tome 3
Livre électronique303 pages4 heures

Chroniques des Cinq Royaumes: Tome 3

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À propos de ce livre électronique

Duels sans merci, valse des trônes et dénouement inattendu...

Rien ne va plus au Royaume du Grand Nord où la guerre civile menace... Stan, déçu par son père, se laisse entrainer par sa jeune soeur Moïra, au coeur du Royaume Wiccan. Ava réussira-telle à l'arracher aux griffes de la terrible Griselda ?

Les événements se précipitent et le danger grandit de voir le Royaume du Grand Nord tomber entre les mains des sorcières. L'affrontement est désormais inévitable, mais le peuple des elfes, si pacifique et bienveillant, réussira-t-il à se libérer de ses oppresseurs ? Et Ava découvrira-t-elle enfin qui se cache derrière toutes ces manigances ?

Ce dernier tome, plein de magie, d'aventure et de rebondissements, nous révèle enfin qui sera le plus digne de régner sur la précieuse fête de noël.
LangueFrançais
Date de sortie21 mars 2023
ISBN9782492169267
Chroniques des Cinq Royaumes: Tome 3
Auteur

Caroline Courtois

Enseignante et grande amoureuse des mots, Caroline Courtois a d'abord passé de nombreuses années à lire et à nourrir son imaginaire de mille et une histoires. Elle a adoré partager sa passion pour la lecture avec ses jeunes élèves. Ce n'est qu'à quarante ans qu'elle a découvert l'intense plaisir d'écrire, de regarder les mots noircir le papier, de se laisser surprendre par un personnage ou une intrigue. Son imaginaire est comme elle, plein de douceur, de magie et de mystère.

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    Aperçu du livre

    Chroniques des Cinq Royaumes - Caroline Courtois

    Chroniques

    des

    Cinq Royaumes

    *

    Tome 3

    Caroline COURTOIS

    À celles et ceux qui ne frapperont plus jamais à

    ma porte, et qui me manquent plus que tout.

    Prologue

    Harald Sven faisait les cent pas dans sa cellule de la prison de Julesund, se remémorant les derniers événements. La pièce était petite, mais chaleureuse et confortable. La légendaire hospitalité des elfes se retrouvait jusque dans leurs prisons. Il avait déjà eu l’occasion, autrefois, avec son ami Niklas, de visiter la Doula et jamais, à l’époque, il n’aurait pensé y être emprisonné un jour. D’après ses souvenirs et la configuration des lieux, il était retenu dans la partie la plus secrète et isolée de la prison, dans son unique tour. Le vieil homme allait d’un angle à l’autre, préoccupé, non pas par son propre sort, mais plutôt par la tournure que prenaient les évènements. Une ambiance de guerre civile montait, jour après jour. Les elfes, habituellement si unis, apprenaient à se méfier les uns des autres.

    Mirelda avait bien essayé de le mettre en garde, mais il ne l’avait pas écoutée, il avait préféré l’espoir à la méfiance, la curiosité à la peur. Bien mal lui en avait pris. Son amie ne manquerait pas de lui répéter cent fois qu’elle l’avait prévenu... Bien sûr, il avait été surpris lorsqu’il avait reçu sa lettre. Il s’était montré très méfiant, et avait d’abord décidé de ne pas honorer le rendez-vous. Puis, il avait réfléchi, il avait relu la lettre, plusieurs fois... Sillas y expliquait avoir découvert le vrai visage de sa femme, et ses réelles intentions. Il racontait la trahison et les mensonges de Wallessen. Il s’en voulait de s’être laissé manipuler par son entourage, et même s’il tenait à sa femme, il ne voulait pas voir son royaume tomber entre les mains des sorcières. Harald avait cru déceler de la sincérité dans ses mots. C’est pourquoi il avait finalement choisi de lui faire confiance. Il avait donc pris le risque de quitter son quartier général, il s’était rendu au lieu du rendez-vous. Et c’est là que la Garde Royale lui était tombée dessus. Sillas l’avait-il trahi une fois de plus ?

    Alors qu’il s’imaginait l’angoisse que devait ressentir Mirelda en ne le voyant pas revenir de son mystérieux rendez-vous, il entendit du bruit dans la cellule d’à côté, des gémissements... Il tendit l’oreille. Visiblement, son voisin était en train de se réveiller et ce réveil était douloureux. Il gémissait, se plaignait. Au bout de quelques minutes, Harald l’entendit se lever et commencer à cogner violemment contre la porte.

    — Comment osez-vous m’enfermer ici ? Sortez-moi de là ! Je vous l’ordonne ! Je suis votre souverain ! Je suis le Grand Elfe ! s’égosillait-il.

    Harald n’en revenait pas. Son voisin de cellule n’était autre que Sillas, enfermé dans sa propre prison. Tout s’éclairait. Il ne s’était pas trompé sur la sincérité de sa lettre. Il avait eu raison de lui faire confiance et de se rendre au rendez-vous, mais la reine Derdre avait dû se méfier de son Grand Elfe de mari et elle avait surement décidé de le faire suivre. Harald n’était pas tombé dans un piège tendu par Sillas, mais par Derdre, sa sorcière de femme qui cherchait, par tous les moyens, à mettre son fils sur le trône.

    Dans la cellule voisine, le Grand Elfe continuait à donner de la voix, s’indignant de son sort... en vain. Harald essaya de le calmer.

    — Sillas, arrête ! Tes cris sont inutiles. Personne ne peut nous entendre ici et ta femme a dû s’assurer que tu sois surveillé par des personnes de confiance. Tu te fatigues pour rien !

    — Qui est là ? Qui me parle ? demanda le souverain, soudain effrayé.

    — C’est Harald Sven. J’ai été arrêté en venant te retrouver.

    — Harald ! Je suis désolé. Ils me sont tombés dessus à peine arrivé sur les lieux. Comment a-t-elle su ? Comment a-t-elle osé ? grogna-t-il furieusement.

    — Calme-toi, et reprenons depuis le début. Même si le lieu du rendez-vous a un peu changé, rien ne t’empêche de tout me raconter, comme prévu.

    — Tu as raison, il n’y a rien d’autre à faire de toute façon, se résigna Sillas en se laissant glisser au sol, le dos contre la porte.

    Pendant un long moment, les deux hommes se racontèrent, leur version des derniers évènements. Sillas ne savait pas que Léonie, la femme de son défunt frère, était morte à cause de deux de ses espions. Il s’en émut.

    — Je n’ai pas fait les bons choix Harald, je n’ai pas fait confiance aux bonnes personnes. J’ai trahi ma famille et mon peuple, gémit-il.

    — Tu as fait des erreurs et l’heure viendra où tu devras rendre des comptes. Mais pour l’instant nous devons réfléchir à la suite des évènements. Si Derdre veut réellement faire monter ton fils Axel sur le trône avant la prochaine nuit de Noël, elle va devoir se débarrasser de toi rapidement.

    — Je suis fichu, se lamenta Sillas.

    — Secoue-toi un peu, le rabroua Harald. Te lamenter ne nous aidera pas !

    — Mais que pouvons-nous faire ? Nous sommes ses prisonniers. Nous sommes à sa merci.

    — Tu oublies que je ne suis pas seul. La Ligue des Justes doit déjà être en train de réfléchir à un plan pour me sortir de là...

    1

    Malgré tout ce que les Grands Yogis lui avaient enseigné, Ava n’arrivait à canaliser ni ses pensées, ni ses émotions. Depuis leur départ du Royaume du Grand Nord, six mois auparavant, ils avaient vécu tant de choses, pris des risques, affronté des dangers, surmonté leurs peurs... et alors qu’ils pensaient enfin être arrivés au bout de leur quête, alors qu’ils avaient enfin retrouvé les parents de Stan, tout s’était soudainement écroulé. Elle avait d’abord appris qu’au Royaume du Grand Nord, son grand-père, Harald, avait été emprisonné. Et maintenant c’était Stan qui leur avait faussé compagnie pour rejoindre le royaume magique le plus dangereux de tous, celui de la Reine sorcière Griselda l’Éternelle. Comment avait-il pu partir sans elle, sans Joakim ?

    Stan avait été heureux de retrouver ses parents, mais il avait été déçu par la fin de non-recevoir que lui avait opposé son père lorsqu’il lui avait demandé son aide pour récupérer le trône du Royaume du Grand Nord. Le jeune elfe attendait beaucoup de leurs retrouvailles. Il pensait pouvoir enfin se décharger des lourdes responsabilités que sa grand-mère avait fait peser sur ses jeunes épaules, mais Léonard n’avait pas été à la hauteur des attentes de son fils. Il avait renoncé à son destin, à son trône, à son royaume. Stan avait été déçu, certes, mais de là à s’enfuir dans la nuit pour rejoindre le Royaume Wiccan... Les dernières sorcières qui avaient croisé leur chemin avaient essayé de l’éliminer. Qu’est-ce qui avait pu le convaincre d’aller se jeter dans la gueule du loup... et sans elle en plus. La jeune Protectrice ne se l’expliquait pas. Et comme si ce n’était pas suffisant, un immense sentiment d’échec l’avait envahie. Son rôle était de le protéger, elle était née pour ça... et elle n’avait pas réussi à l’empêcher de partir. Même si Joakim lui répétait que ce n’était pas de sa faute, qu’ils avaient tous été drogués, elle n’arrivait pas à se le pardonner.

    Et puis il y avait son père à elle, Yulian. Elle le croyait mort dans un accident alors qu’elle n’était qu’un bébé. Elle n’avait appris que très récemment la véritable histoire de sa famille, son adoption par les Sandsen, la mort tragique de ses parents biologiques. Mais ce matin, elle avait ouvert la porte et il était là, Yulian, son véritable père. Elle avait beau ne pas le quitter des yeux depuis deux heures, elle ne réalisait toujours pas qu’il était bien vivant, prêt à l’aider.

    Cela faisait un moment qu’il essayait de convaincre Léonard de les accompagner, de partir à la poursuite de Stan et Moïra, mais celui-ci était convaincu que deux adolescents, livrés à eux-mêmes, ne seraient pas difficiles à rattraper. L’instinct d’Ava lui disait le contraire. Maintenant que la drogue qu’on lui avait fait ingérer ne faisait plus d’effet, elle avait retrouvé tous ses pouvoirs de Protectrice, et ce qu’elle percevait de la situation n’avait rien de rassurant. Elle sentait une lourde menace planer au-dessus de Stan et une influence maléfique cheminer à ses côtés. Ava était profondément convaincue qu’il s’agissait de Moïra, mais comment l’expliquer à ses parents ? La jeune sœur de Stan n’avait que quatorze ans et semblait tout à fait inoffensive. Pourtant, elle seule avait pu le convaincre de partir. Un lien très fort s’était noué entre eux ces dernières semaines. Qui était réellement Moïra ? Depuis quelques mois, Ava avait appris à se méfier de tout le monde.

    Le débat entre Yulian et Léonard n’évoluait pas et chacun campait sur ses positions alors qu’à chaque minute, Stan se rapprochait un peu plus du Royaume Wiccan et de Griselda.

    — Mais il s’agit de ton fils, Léonard. Tu ne peux pas rester ici, il a besoin de toi !

    — Qui te dit qu’il est en danger. Tu débarques chez moi après des années sans donner de nouvelles et tu oses me donner des leçons ? Stan et Moïra ne sont que deux adolescents qui ont fugué pour je ne sais quelle raison. Ils sont peut-être juste partis camper quelque part. Et puis, si tu es si inquiet, Yulian, pourquoi ne les as-tu pas empêchés de partir cette nuit ?

    — J’étais trop loin.

    — Trop loin ! Tu plaisantes ! Tu aurais largement pu les rattraper si tu avais voulu !

    — Tu crois vraiment qu’ils sont tranquillement partis à pied jusqu’en Russie ? ironisa Yulian. Tu n’as toujours pas compris... Ils ont emprunté un portail.

    — Un portail ? Mais qui aurait pu leur ouvrir un portail ?

    — Moïra, il n’y a que Moïra qui a pu le faire.

    — Ma fille n’est PAS une sorcière ! s’exclama Léonard, abasourdi.

    Joakim, tendu, gardait les yeux rivés sur l’horloge du salon, et Ava se sentait bouillir de les regarder perdre du temps à se disputer. Elle décida d’intervenir, Léonard devait absolument ouvrir les yeux sur Moïra.

    — Je suis désolée de vous dire ça, mais votre fille est loin d’être la fillette innocente qu’elle parait, affirma-t-elle.

    — Moïra rêvait depuis longtemps de faire la connaissance de son grand frère. Elle est bien incapable de lui faire du mal, rétorqua le père de Stan.

    — Et pourtant, c’est bien elle, hier, qui essayait de le convaincre de la suivre chez les sorcières, précisa Yulian.

    Alors que Léonard s’appliquait à défendre sa fille, Ava remarqua que la pauvre Victoria avait changé de couleur. Elle était blême et ses yeux étaient remplis de larmes qui commencèrent à rouler sur ses joues. Elle s’approcha de son époux et posa une main sur son bras. Léonard se tut, elle le regarda droit dans les yeux, et elle articula difficilement :

    — Mon chéri, je ne t’ai pas tout dit sur la naissance de Moïra...

    Bouleversée, Victoria rejoignit le fauteuil le plus proche, s’y effondra, et commença son récit...

    — Vous n’imaginez pas à quel point il a été douloureux pour moi d’abandonner Stan à sa grand-mère. Je savais que c’était la meilleure solution pour lui et qu’il grandirait dans l’amour et sous l’attention de Léonie, mais j’avais toujours rêvé d’être mère et à peine mon désir exaucé, on me retirait mon bébé. Je savais aussi que les descendants de la famille Saint-Nicolas n’avaient toujours qu’un seul enfant. J’ai alors essayé de faire une croix sur mes désirs de maternité. Tant que nous étions en cavale, ça n’a pas été trop dur. Mais lorsque nous nous sommes enfin posés ici, mon instinct maternel m’a rattrapée. Léonard me voyait dépérir à vue d’œil, chaque jour un peu plus triste et éteinte. Il a bien cru me perdre. Nous avions essayé d’aller voir un médecin, spécialiste de la fertilité, mais rien n’avait fonctionné. Et un jour, alors que j’étais seule dans la salle de bain, un visage m’est apparu dans le miroir. J’ai été très effrayée. Elle s’est présentée d’une voix très enjôleuse. C’était Griselda l’Éternelle, la reine des sorcières. Je lui ai fait confiance, car Léonard m’avait raconté comment elle les avait aidés, lui et sa mère, à quitter leur royaume au décès de Niklas. Elle m’a expliqué avoir ressenti mon immense détresse et elle m’a dit pouvoir m’aider. Elle connaissait une formule magique capable d’annuler le sort qui condamnait les couples royaux à n’avoir qu’un seul enfant. Elle l’avait déjà utilisée avec succès. J’ai accepté son offre...

    — Que t’a-t-elle demandé en échange ? demanda Yulian d’un ton glacial. L’aide de Griselda n’est jamais gratuite.

    — Rien, elle ne m’a rien demandé. Et quelques mois plus tard, Moïra est née. C’était une magnifique petite fille et Léonard était tellement heureux que je n’ai pas osé lui parler de Griselda et de la formule. Il a mis cette naissance miraculeuse sur le compte de l’éloignement de la magie des Aurores Boréales et de la perte de ses pouvoirs de Grand Elfe.

    Léonard s’approcha de sa femme et la serra dans ses bras. Ava, de son côté, comprenait mieux l’influence maléfique qu’elle sentait autour de Stan.

    — Griselda n’a pas eu besoin de vous demander quoi que ce soit en échange de cette naissance, remarqua-t-elle. Vous lui avez donné le fabuleux avantage de pouvoir placer une espionne au cœur de la famille Saint-Nicolas. Elle a pu vous surveiller toutes ces années, et vous tenir à l’écart de ses manigances. C’est même peut-être elle qui a fait en sorte de priver Léonard de ses pouvoirs lorsque, enfant, il a séjourné chez elle avec sa mère.

    Dans la tête de la Protectrice, toutes les pièces du puzzle se mettaient en place. Griselda avait pris soin de placer ses pions sur l’échiquier depuis de nombreuses années, et ses projets étaient sur le point d’aboutir. Avec ou sans Léonard, ils devaient partir sur-le-champ pour empêcher Stan d’aller se jeter dans la gueule du loup.

    Sans un mot de plus, elle monta dans la chambre avec Joakim, et ils emballèrent rapidement leurs affaires. Lorsqu’ils redescendirent vingt minutes plus tard, ils trouvèrent Victoria et Yulian dans la cuisine, en train de préparer des victuailles. Quelques minutes plus tard, ils furent rejoints par Léonard, un gros sac à dos rose sur le dos.

    — Moïra est partie avec mon sac de randonnée, je n’ai trouvé que celui-là, il fera l’affaire, expliqua-t-il, gêné.

    Yulian le rejoignit et le serra dans ses bras. Une fois la nourriture bien emballée et répartie dans les sacs, ils gagnèrent tous les cinq le hall d’entrée du chalet. Ava, Joakim et Yulian embrassèrent Victoria et la remercièrent pour son accueil si chaleureux. Puis, ils s’éloignèrent sur le chemin pour laisser Léonard faire ses adieux à sa femme qui souhaitait rester là au cas où Stan et Moïra reviendraient. Ils prirent place, tous les quatre, dans le 4x4 des Saint-Nicolas, et c’est ainsi que par un bel après-midi d’automne, Ava et Joakim reprirent le chemin de l’aventure, accompagnés cette fois-ci par deux amis réconciliés. Même si la vue de Yulian et Léonard, à nouveau réunis, lui réchauffait le cœur, la jeune Protectrice ne pouvait s’empêcher de penser à son meilleur ami, Stan, seul face au danger.

    2

    Yulian et Ava ne s’étaient pas trompés. Une fois qu’ils avaient quitté le chalet familial au cœur de la nuit, frère et sœur n’avaient pas tranquillement suivi la route qui menait à Sion. Moïra avait conduit Stan jusqu’à la grotte du lac souterrain. Elle savait que là, elle pourrait pratiquer sa magie à l’abri des regards indiscrets. Un frisson lui avait parcouru le dos lorsqu’ils s’étaient enfuis. Elle avait senti un regard sur eux. Elle devait donc rester sur ses gardes. Elle n’avait réussi à invoquer un portail qu’une seule fois, et cela lui avait demandé énormément de concentration et d’énergie. Cette fois-ci, elle allait devoir le faire pour deux personnes. Le calme et le magnétisme si particulier de la grotte l’aideraient sûrement.

    — Pourquoi m’emmener ici ? avait demandé Stan, en découvrant le lieu. Ce n’est pas vraiment l’heure pour une visite guidée.

    Même s’il essayait de se donner de la contenance en plaisantant, Moïra pouvait sentir sa peur, ses doutes, ses regrets de l’avoir suivie. Heureusement qu’elle avait pensé à droguer les autres membres de la famille. Si elle ne l’avait pas fait, les alarmes de la Protectrice se seraient assurément mises à retentir et elle se serait lancée à leur poursuite dans la minute. Au lieu de ça, cette chère Ava dormait paisiblement dans son petit lit. Moïra était assez fière de cette initiative. Elle savait qu’elle devait agir vite et ne pas laisser le temps à Stan de trop réfléchir. Il pouvait encore décider de faire demi-tour.

    — J’avais juste besoin d’un endroit calme pour me concentrer. Je n’ouvre pas des portails tous les jours, avait-elle répondu avec un sourire.

    — Tu comptes ouvrir un portail ? Tu... tu sais faire ça ? s’était étonné Stan.

    — Masha a eu le temps de m’apprendre quelques petits tours amusants.

    — Invoquer un portail n’a rien d’un petit tour amusant. C’est de la haute magie, Moïra.

    Elle avait alors senti le doute et la méfiance grandir en lui, elle le perdait. Elle devait le rassurer au plus vite.

    — Masha m’a juste appris ce sort pour que je puisse facilement revenir la voir, c’est tout, avait-elle précisé en haussant les épaules. Et puis, je ne suis pas n’importe qui, je suis une Saint-Nicolas, j’te rappelle... La magie coule dans mes veines comme dans les tiennes ! Allez maintenant j’ai besoin de silence... je dois me concentrer...

    Elle avait fermé les yeux et de drôles de mots étaient alors sortis de sa bouche, des mots anciens et mystérieux. La surface du lac avait frémi et Moïra s’était mise à agiter les bras, traçant de grands cercles dans l’air. Soudain, quelques étincelles s’étaient mises à scintiller, puis un tourbillon s’était matérialisé et progressivement élargi jusqu’à atteindre les deux mètres de diamètre. Moïra avait cessé ses gestes et s’était tournée vers son frère.

    — Prêt à prendre ton destin en main ? lui avait-elle lancé sur un air de défi.

    Stan avait pris une grande inspiration, serré les poings et avait répondu :

    — Prêt !

    Moïra lui avait alors attrapé la main, et ils avaient traversé ensemble le portail. Une fois de l’autre côté, ils s’étaient retrouvés en pleine forêt, enveloppés d’une nuit d’encre. Ils avaient donc décidé de se poser un peu, en attendant que le soleil se lève.

    ***

    Alors que la matinée était déjà bien avancée, ils avaient quitté la forêt qui leur avait servi de refuge et cheminaient le long de la frontière magique du Royaume Wiccan. Moïra se réjouissait de voir sa mission se dérouler aussi bien. Griselda serait si fière d’elle. Dans une heure, tout au plus, ils atteindraient la chaumière de Masha, première étape afin de mettre Stan en confiance et de l’amener à souhaiter de lui-même rencontrer la reine des sorcières. À l’heure qu’il était, Ava avait dû se réveiller et découvrir la disparition de Stan, mais il était trop tard. Elle n’était pas capable d’invoquer un portail. Même si elle arrivait à trouver un vol pour la Russie, il allait lui falloir des heures et des heures avant d’atteindre les frontières du Royaume Wiccan.

    Stan suivait docilement Moïra, bien conscient qu’il n’avait désormais pas d’autre choix que de lui faire totalement confiance. Mais la présence d’Ava lui manquait cruellement, même Joakim lui manquait un peu. Depuis qu’il avait franchi le portail, il avait pris conscience du sentiment de sécurité que lui procuraient ses deux amis. Les fantastiques pouvoirs de sa Protectrice et l’expérience de baroudeur de son guide. Ils avaient, jusque-là, formé une bonne équipe, mais lui, quelle avait été sa contribution au bon déroulement de leurs aventures ? À part râler et attirer les ennuis par sa seule présence, qu’avait-il fait pour aider ses amis ? Il devait bien reconnaitre que depuis la mort brutale de sa grand-mère et la découverte de sa véritable identité, il ne se reconnaissait plus. Il avait perdu sa joie de vivre, sa bienveillance, son intuition... Était-ce dû au deuil, à la déception et à toutes les douloureuses révélations de ces derniers mois ? Était-ce dû à son éloignement du Royaume du Grand Nord et de la magie des Aurores Boréales ? Perdu dans ses pensées, le jeune elfe avançait machinalement, essayant de ne pas trop penser au fait qu’il s’apprêtait à pénétrer dans le royaume de sa pire ennemie, la Reine Griselda l’Éternelle, qui avait déjà essayé de lui faire du mal à plusieurs reprises.

    Soudain, il percuta Moïra. Il ne s’était pas rendu compte que sa sœur venait de s’arrêter devant l’entrée d’une grotte. Ils y pénétrèrent et Stan ne put retenir un « WAOUH ! » admiratif. La cavité était immense et il y régnait une luminosité féérique tintée de mauve. Elle était due aux centaines d’énormes cristaux d’améthyste et de quartz rose qui la parsemaient du sol au plafond et scintillaient doucement. Un semblant de chemin serpentait entre ces fabuleuses stalagmites luminescentes. Ils l’empruntèrent jusqu’à s’arrêter face à la paroi scintillante du fond de la grotte.

    — Ça y est, annonça Moïra, soulagée, nous avons atteint une des entrées du Royaume Wiccan.

    — C’est l’entrée du royaume des sorcières ? s’étonna Stan, émerveillé. Je ne l’imaginais pas aussi belle et féérique. Je l’imaginais plus menaçante et hostile...

    — Menaçante et hostile... Tu as une bien mauvaise opinion des sorcières, dis-moi.

    — Il faut dire que la dernière que j’ai rencontrée a un peu essayé de me tuer ! Ça n’aide pas vraiment à avoir une bonne opinion !

    — Je suis sûre qu’il ne s’agit que d’un gros malentendu. Les peuples magiques ont toujours fait preuve de solidarité et d’union face aux humains. Une petite discussion avec Griselda pourrait sûrement arranger les choses...

    — Je t’arrête tout de suite ! répliqua Stan. Je suis juste venu rencontrer ton amie Masha afin qu’elle m’aide à trouver des réponses. Il est hors de question que je m’aventure jusqu’au cœur de ce royaume, jusqu’au château de Golgoth. Je prends déjà un gros risque en me trouvant ici.

    — Mais non, je te promets que toutes les sorcières ne sont pas mauvaises.

    — Et si c’était un piège ? Si j’étais en train de me jeter tout seul dans la gueule du loup ? s’inquiéta Stan en reculant de quelques pas. Ava et Joakim n’auraient jamais validé cette visite, même frontalière.

    — Arrête de t’inquiéter et de penser à eux. Je suis ta petite sœur, j’te rappelle ! Tu crois que je te mettrais en danger ?

    — Non, bien sûr que non ! répondit-il.

    — Alors, allons-y ! Nous avons assez perdu de temps... Introitus Revelare ! prononça Moïra face à la paroi du fond.

    Aussitôt, la pierre s’ouvrit devant eux comme un rideau de théâtre s’ouvre sur la scène. Ils le traversèrent et pénétrèrent dans ce qui ressemblait à un drôle de jardin touffu et verdoyant. Décidément, Stan n’était pas au bout de ses

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