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LES AMOURS INSOLITES TOME 3: Les mystères du passé
LES AMOURS INSOLITES TOME 3: Les mystères du passé
LES AMOURS INSOLITES TOME 3: Les mystères du passé
Livre électronique343 pages4 heures

LES AMOURS INSOLITES TOME 3: Les mystères du passé

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À propos de ce livre électronique

Revenu dans sa région natale pour enterrer sa mère, un homme parcourt les routes retrouvant
ses souvenirs de jeunesse empreints de mystères et de nostalgie.
C’est le souvenir de son premier amour pour une petite fille de son âge, la rencontre d’un jeune
homme mystérieux et incompréhensible. C’est aussi le souvenir d’un incendie tout aussi
mystérieux. Incapable de comprendre tous ces événements étranges lorsqu’il était jeune, il va
tout tenter pour éclaircir ces mystères.
Entre la découverte d’un cadavre et le souvenir de son premier amour enfantin dans un cadre
de beauté, ses recherches le mèneront en Allemagne et en Alsace. Dans ce paysage aux
allures de paradis terrestre, il pourra faire la paix avec son passé avec l’aide d’une jeune fille qui
ne finira pas de le surprendre.
LangueFrançais
Date de sortie19 juil. 2022
ISBN9782925250180
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    Aperçu du livre

    LES AMOURS INSOLITES TOME 3 - Paul Rieux

    RETOUR 1

    Chapitre 1

    Retour en terre natale

    L’avion venait d’être pris dans une zone de turbulences et secouait furieusement les passagers. Cela me rappelait ma mère qui me traitait tout aussi violemment lorsque je devais me lever pour aller à l’école en me criant : « Arrête de faire ton mollasson. » Il en était tout autant le dimanche, car il ne fallait pas manquer la messe. Pour elle, rester au lit était, en quelque sorte, un péché qui me conduirait tout droit en enfer. Mais à cette époque, j’avais un lit, certes peu confortable, mais solidement appuyé sur le sol. Pour le moment je sentais surtout l’absence de soutien et j’étais conscient que l’aéronef ne s’appuyait que sur de l’air, lequel, je le sais bien, laisse passer les corps en chute libre sans les retenir. J’essayais de me raisonner en accordant à ces secousses fort désagréables un intérêt qui n’avait pour équivalent que celui que pouvaient avoir eu mes compagnes lorsque je conduisais sur des chemins défoncés. C’était très désagréable, mais cela ne représentait sans doute pas un réel danger.

    C’est alors que je vis une jeune fille sur la même rangée qui semblait inquiète. Une image me traversa l’esprit. Elle était brune, un visage allongé et, l’espace d’un instant, je crus voir en elle l’image de celle que j’avais connue, ma petite copine d’enfance devenue adulte. Je ressentis soudain un besoin irrésistible de savoir ce qu’elle était devenue. Et cet avion, qui me reconduisait vers mon lieu de naissance, semblait être aussi une machine à remonter le temps. Tout ce qui avait été ou aurait pu être venait me frapper de plein fouet. Ce retour dans mon pays natal était aussi un retour dans le temps passé. Je me pris à imaginer comment aurait été ma vie si notre amour d’enfance avait perduré jusqu’à notre vie d’adulte. Cette envie soudaine me fit oublier l’inconfort de l’aéronef et le risque qu’il aurait pu y avoir. À quoi ressemblait-elle maintenant ? Quelle vie avait-elle eue ? Je me sentis investi d’une mission, une quête, celle de ce qui aurait pu être, mais n’avait pas été.

    Puis le pilote nous fit passer le message que nous étions sortis de la zone de turbulences et que nous pouvions à nouveau nous déplacer dans l’avion. Rassuré, je fermai les yeux et toutes sortes d’images commencèrent à envahir ma mémoire : ma ville natale où j’avais vécu avec mes parents, les lieux où j’avais passé mes vacances. Venaient aussi des visages qui avaient compté pour moi ainsi que des paysages qui surgissaient de mon passé. C’était vers cela que me ramenait cet avion.

    J’avais quitté mon pays d’origine depuis bien longtemps et si j’avais souvent fait le trajet pour rendre visite à mes parents, cette fois-ci c’était pour conduire au cimetière ma mère nonagénaire, veuve depuis déjà quinze ans. Le choc d’imaginer que ce point d’ancrage qui me restait venait de disparaître à son tour me laissait une grande amertume. C’est comme si on m’arrachait tout ce que j’avais été au temps de mon enfance. C’est un moment de notre vie qui passe et ne reviendra plus jamais. Alors je m’étais dit que je profiterais de ce voyage pour revivre une dernière fois mon passé d’enfant. Je savais qu’il faudrait que je triche, car tout change et ce que j’avais connu se serait modifié ou aurait disparu. Mais il me restait le souvenir, et mon imagination serait capable de me faire voir les choses telles que je les avais connues.

    En fait, mon sentiment était mitigé. D’une part, c’était un retour vers ma jeunesse et, d’autre part, la disparition de celle qui m’avait mis au monde et m’avait connu tout au long de mon enfance. Du coup, elle était détentrice d’une partie importante de mon passé, un passé dont je ne pouvais me souvenir, car mon cerveau d’alors était bien incapable d’inscrire ce qui se passait et surtout ce que j’avais bien pu ressentir. Mes seuls véritables souvenirs remontaient à l’âge de deux ou trois ans. J’étais dans l’appartement qu’occupaient mes parents et je suppose que j’avais voulu me saisir d’une tasse qui se trouvait sur la table. Mais je l’avais renversée et le liquide presque bouillant m’avait brûlé l’avant-bras. Je ne me souviens pas exactement des gestes que j’avais pu poser, ce dont je me souviens c’est la sensation de la brûlure et de la table de la cuisine sur laquelle la tasse avait été posée. Ce que je sais maintenant c’est que chaque fois que je saisis une tasse, la sensation de brûlure revient à ma mémoire et je crois la ressentir à nouveau.

    Oh, je ne revenais pas avec l’intention de revoir cette table ni cet appartement où j’avais vécu. Trop de souvenirs y étaient attachés, certains désagréables, d’autres, à l’inverse, portaient l’empreinte de moments de bonheur. Mais, sans la présence de mes parents, cela accentuerait le douloureux sentiment de leur disparition et du vide qui l’accompagne. Beaucoup de gens se refusent à revoir ce qu’ils ont connu. Ils veulent garder intact le souvenir qu’ils en ont et imaginer que le temps qui passe s’est arrêté à cet instant-là. Ils veulent croire que tout ce qui s’est produit après n’existe pas.

    Arrêter le temps ! Un rêve, une utopie, et pourtant certains ont voulu le figer et réunir autour d’eux ceux qui ont ce même besoin. Ils ont créé des sectes ou même de véritables religions sur la permanence du moment. Certes Einstein, dans sa théorie de la relativité, avait laissé entendre que le passage du temps n’était peut-être qu’une illusion et qu’il n’existait qu’un présent. Pour cela, il l’a fait à travers une démarche scientifique. D’autres qui faisaient appel à des explications magiques ont voulu échapper au temps qui passe en le figeant.

    En repensant à la théorie d’Einstein, je crois qu’il avait démontré qu’en nous plaçant hors de l’attraction terrestre et en nous déplaçant à la vitesse de la lumière, nous pourrions revenir sur terre avant d’en être partis. Je ne suis pas sûr de le comprendre tout à fait, mais ce vieux rêve de renverser le temps pour revenir en arrière a de quoi fasciner. Retrouver ceux que nous avons connus et qui sont décédés. Quel rêve merveilleux ! La plupart des civilisations ont inventé une vie après la mort et il est terriblement difficile de ne pas y croire. Plus de peur de la mort, la vie continue. Revoir ceux que nous avons connus et aimés. Quel bonheur ! Mais c’est aussi retrouver les tyrans, les psychopathes et ceux qui nous ont fait du mal c’est beaucoup moins réjouissant. Bien sûr il fallait qu’une justice supérieure, d’essence divine, soit là pour là pour faire le tri des bons et des méchants ! Et, dans cet avion qui me faisait croire que nous échappions à la gravité, au moins partiellement, je pouvais imaginer que j’allais retrouver mon monde d’avant comme je l’avais connu. Bon ! Nous ne voyagions pas à la vitesse de la lumière alors le passé existait toujours comme le passé, et les êtres que j’y avais connus vivants, et décédés depuis, ne viendraient pas me saluer à l’aéroport.

    Tout en pensant à cela, je revoyais certains de mes voisins dans cette ville très cosmopolite où j’habitais maintenant. Des groupes religieux avaient essayé de figer le temps. Certains continuaient à porter les vêtements d’une époque révolue. D’autres rejetaient les améliorations scientifiques des derniers siècles. Certes quelques théologiens essayaient d’adapter leurs croyances à l’évolution d’un monde qui leur échappait. Souvent ces groupes basaient leurs croyances sur des textes anciens, et c’est bien ce qui était gênant, car ils reflétaient le monde et l’époque où ils avaient été écrits. Mais les transmetteurs de ces textes voulaient qu’ils soient universels et échappent au temps. C’était une mission bien difficile, alors il fallait modifier et donc trahir la lettre et en conserver l’esprit. Pour certains, modifier la lettre est inacceptable et ne peut que pervertir le message initial. Aussi toute tentative d’adaptation ou de modification est considérée comme une action hérétique qui entraîne une excommunication automatique, voire est passible de la peine de mort. Il y en a eu en tout temps et dans toute religion ou idéologie. Les gens ont trop besoin d’espoir pour ne pas croire aveuglément les directives de ceux qui se veulent les purs, les authentiques, investis d’une mission qui leur vient de plus haut et qui les distingue des autres. Alors ils ont recours à la persuasion, voire à l’extermination des incroyants pour que leur utopie persiste et qu’ils puissent s’imaginer avoir été les défenseurs de celle-ci.

    J’avais des amis musulmans qui, par chance, observaient surtout les principes sur lesquels était appuyée leur religion. Mais observer tous les rites élaborés au fil du temps finit inévitablement par se heurter à des réalités physiques incontournables. Je leur avais posé la question suivante : Imaginons des musulmans fervents venant habiter au-delà du cercle polaire, là où le soleil peut perdurer plusieurs jours de suite sans que la nuit vienne interrompre ce jour perpétuel. Comment faire le ramadan lorsque le soleil ne se couche pas durant une période assez longue ? Ceux qui ont conscience que c’est le principe qui a de la valeur et non la pratique sauront adapter les textes écrits aux réalités nouvelles.

    J’avais posé la question à mes amis musulmans et, en toute simplicité, ils m’avaient dit qu’ils se référeraient à l’heure de La Mecque. Mais il y a toujours des puristes, des intégristes, dirait-on aujourd’hui, pour qui la lettre écrite est plus forte que l’esprit de la lettre et leur intervention, la plupart du temps profondément teintée d’intolérance, finit par créer toute sorte de problèmes voire des formes de violence là où il ne devrait pas y en avoir.

    Malheureusement, et c’est le cas pour toutes les religions ou idéologies, la seule façon de contrôler ses adeptes est d’établir des comportements stéréotypés, c’est-à-dire des rituels obligatoires. C’est à cela que l’on reconnaîtra le vrai croyant. Je me souvenais comment les personnes autour de moi portaient des jugements cinglants sur ceux qui n’allaient pas à la messe et affichaient du mépris à leur égard. Ils estimaient indigne d’apporter leur aide à ceux qui ne se comportaient pas comme eux. La notion de bienveillance et de pardon que l’on nous faisait considérer comme inhérente à la religion chrétienne, mais que l’on retrouve aussi dans beaucoup d’autres religions, semblait ne pas faire partie de leurs comportements. Seule comptait la participation ostensible aux rituels religieux. Cela ouvrait la porte à bien des hypocrisies.

    Brutalement, on nous demanda d’attacher nos ceintures, car nous allions commencer la descente en vue de l’atterrissage. Je sortis de toutes ces réflexions et repris contact avec une réalité très terre à terre, si vous voulez bien me permettre ce jeu de mots.

    Je savais qu’il n’y aurait personne pour m’accueillir. Ma famille, ou plutôt ce qui en restait, résidait bien loin de la ville où j’allais atterrir. Et puis la distance avait fait son œuvre, nous étions peu à peu devenus des étrangers. Certains, que j’avais mieux connus, étaient déjà décédés ou avaient émigré, eux aussi, vers d’autres régions. Le passé n’existait plus, en ce moment il n’y avait qu’un présent qui me paraissait presque inconnu. C’était une sensation très désagréable.

    C’était comme si j’arrivais en étranger dans des lieux qui, pourtant, à une époque, m’avaient été parfaitement familiers. Je finis par oublier cette nostalgie qui ne pouvait qu’augmenter le sentiment dépressif qui accompagnait la disparition de ma mère. Je m’efforçai de chasser ces pensées négatives et m’attacher à ce que je devais faire maintenant : sortir de l’aéroport, récupérer le véhicule que j’avais loué et me rendre jusqu’à l’hôtel où j’avais réservé une chambre. J’avais hâte de prendre une douche et me reposer. Le temps était gris et un léger brouillard enveloppait tout, les bâtiments, les arbres, les lampadaires, enfin l’atmosphère tout entière. Un fin crachin tombait sur cette ville où j’avais jadis habité lors de mes études universitaires et me rappelait le passé dans le froid et l’humidité. 

    Ce contact inconfortable, ajouté au décès de ma mère, n’était pas pour m’encourager dans mon désir de revoir le passé avec le recul que j’avais maintenant. Je me souvenais des choses agréables, mais j’avais oublié les inconforts dont le climat brumeux et humide qui, en se couplant avec le vent qui venait du nord, donnait à la ville un aspect inhospitalier. Pourtant ce vent froid s’appelait le Mistral et dans la littérature des écrivains du midi il rime avec soleil et atténue la brûlure que celui-ci cause parfois. Mais ici, dans le nord, il est synonyme de froid et d’engelures. 

    Le froid et l’humidité avaient fortement marqué mon enfance. Nous vivions dans cet appartement où j’avais éprouvé ma première sensation de douleur, en tout cas celle dont je me souvenais alors que je n’étais qu’un tout petit enfant. Il y en a eu bien d’autres depuis. Mais si la fatigue et la tristesse du moment me faisaient voir les choses sous leur jour le plus sombre, je revis ma mère qui m’annonçait que dès que les vacances d’été commenceraient nous allions partir pour notre lieu de « villégiature » c’est ainsi qu’elle le disait, un petit village appelé Tarentaise où nous passerions ce qu’on appelait, en ce temps-là, les « grandes vacances ». À l’époque, elles duraient trois mois, de quoi faire pâlir de jalousie tous les écoliers d’aujourd’hui. C’était tout un événement, non que l’école me fût pénible, j’y réussissais très bien et puis j’y avais de bons copains, surtout Yves qui habitait dans la même rue, juste un peu plus bas, et dont le père était graveur sur arme. Il avait un petit atelier au fond d’une cour et je me souviens l’avoir vu à l’ouvrage. Il avait un marteau et un burin et taillait des dessins dans le métal du canon ou sur la crosse. Ces incisions, qui me paraissaient aléatoires, révélaient tout à coup des formes de volutes qui représentaient des feuilles, des fleurs ou des objets stylisés. Je n’arrivais pas à comprendre comment, avec ces coups de marteau donnés au hasard, il pouvait arriver à créer des formes pareilles.

    Par la suite, j’ai découvert ce qu’il en était de la création artistique. Des peintres donnent des coups de pinceau qui tout à coup font apparaître des formes magnifiques. Je me souviens de cette manière dont les sculpteurs parlaient de leur art. La statue était dans le marbre ou la pierre. Tout ce qu’ils faisaient c’était de la dégager de la matière qui l’entourait. Pourrait-il en être de même d’un écrivain qui ferait surgir des histoires en alignant des mots ? Mais ce souvenir du père de mon ami Yves me ramenait à ces jours d’enfance et aux plaisirs que j’avais eus à les vivre. Voilà que tout à coup s’effaçaient la grisaille et l’humidité et qu’un tout autre aspect de ce qui avait été mon environnement remontait à la surface. Je me repris et retrouvai ce que j’avais décidé de faire après l’enterrement de ma mère. Je voulais revivre ce passé une dernière fois avant que ce ne soit moi qui disparaisse à mon tour. Et même si je savais que c’était absolument utopique, mon imagination et mon souvenir restitueraient à la réalité d’aujourd’hui la saveur d’antan. Cela me redonna du courage et je m’en allai me coucher en rêvant aux beaux jours de mon enfance. Ma mère était là, bien vivante, et mon père me souriait. Il allait pouvoir passer du temps avec moi. Nous allions parcourir les sentiers et les sous-bois et partager ces grands moments d’intimité.   

    Chapitre 2

    Le lendemain de mon arrivée

    Décalage horaire oblige, je m’étais réveillé très tôt. Il faisait nuit noire et je ne me sentis pas capable de patienter encore des heures avant que le soleil ne se lève et que je me prépare à partir pour ma ville natale. Je ne me voyais pas me morfondre dans cette chambre d’hôtel alors que je sentais l’impatience me gagner. Je décidai donc de partir aussitôt. Je réglai ma note et pris la route.

    En défilant sur la voie rapide qui longeait le Rhône, je passai près de ce qu’on appelait, au temps de ma jeunesse, le « marché-gare ». C’était un lieu que je connaissais bien. Lorsque j’étais étudiant dans cette vieille ville de Lyon, nous sortions le soir et passions une bonne partie de la nuit à profiter de ses activités nocturnes. Lorsque nous décidions de rentrer, une petite faim nous tenaillait et le seul endroit où l’on pouvait encore trouver de quoi nous satisfaire était le « marché-gare ». Les camions qui venaient approvisionner la ville en denrées de toutes sortes venaient y décharger leur cargaison. Ils avaient roulé toute la nuit et leurs chauffeurs arrivaient avec un besoin pressant de se réconforter. Il y avait donc là la possibilité d’avaler une soupe à l’oignon ou autres sandwichs. Pour nous, c’était une belle manière de terminer notre virée nocturne et calmer notre petite faim avant de rentrer dormir.

    Je me souvenais des personnes avec lesquelles j’étais alors : Mireille, André, Jacques, Marie-Noëlle et beaucoup d’autres. Nous n’étions jamais seuls. Pourtant, de tous ces gens que j’avais côtoyés et avec lesquels j’avais établi des liens parfois intimes, je n’avais gardé de contact qu’avec deux ou trois d’entre eux. On croise au cours de notre existence des milliers de gens et, pourtant, la plupart disparaissent dans l’anonymat total. C’est un peu à l’image de notre vie. On découvre, on partage, on progresse, on établit des liens, on affronte des difficultés que l’on arrive à surmonter, on accomplit des choses qui nous remplissent de satisfactions puis tout s’efface comme si rien n’avait existé.

    Il est certain que cette nostalgie reflétait bien l’état d’esprit dans lequel j’étais alors. Mais puisque je n’étais pas pressé, je décidai d’emprunter l’ancienne route. Il y avait maintenant une autoroute qui reliait Lyon à ma ville natale, mais, dans l’état actuel de mon cerveau, elle n’offrait aucun intérêt. Je me devais plutôt de faire le trajet tranquillement en suivant l’ancienne route où il y aurait peu de trafic. Ainsi je pourrais me remémorer lorsque je faisais cet itinéraire en retournant de ma ville universitaire à ma ville natale. Sur cette route il y avait une longue ligne droite qui alternait montées et descentes. On appelait cela les « montagnes russes » et c’était l’occasion d’une expérience intéressante. À l’époque, je n’avais qu’une toute petite Deux-Chevaux qui offrait l’indiscutable avantage d’avoir été achetée pour un prix en rapport avec mes maigres revenus. Elle n’avait rien d’un véhicule sport, mais pouvait, quand elle était lancée dans une descente, atteindre la vitesse faramineuse pour ce type de véhicule de 110 km/h. Bien sûr lorsqu’il fallait remonter la côte qui suivait, la vitesse décroissait rapidement pour atteindre le sommet à 60 km/h. Sans la vitesse acquise dans la descente, il aurait presque fallu que nous la poussions un peu. Certes j’exagère, mais, pour ce qui est des vitesses, je suis assez près de la réalité. C’était ainsi une succession de montées et de descentes avec changements de vélocité à chaque fois.

    Plusieurs événements cocasses accompagnaient ces souvenirs. Une fois, la vitesse maximale acquise créa un tel vent qu’il arracha l’un des balais de l’essuie-glace. Et je dus, car il pleuvait quand même un peu, passer par la fenêtre ma main tenant un chiffon afin d’essuyer interminablement la vitre du pare-brise tout en conduisant avec l’autre main. Une autre fois le toit, qui était une capote en toile, s’arracha avec le vent et transforma mon véhicule en une véritable décapotable. Heureusement, il faisait beau ce jour-là !

    En une autre occasion, arrivant en haut de l’une des côtes, il y avait une ferme et je vis surgir une volaille irréfléchie qui décida de fuir devant mon véhicule alors qu’elle se trouvait derrière un petit talus bien à l’abri et traversa à tire d’ailes la chaussée devant moi. Instinctivement, je donnai un coup de volant et me retrouvai dans le fossé qui bordait l’autre côté de la route. Je ne sais par quel miracle ma vieille Deux-Chevaux réussit à ressortir et reprendre la route. Ce n’est qu’en m’arrêtant un peu plus loin pour juger des dégâts que je m’aperçus qu’une poignée de plumes était restée accrochée au garde-boue avant.

    J’avais comme passagère une autre étudiante qui habitait sur le trajet et à laquelle j’avais proposé de jouer les transports. Comme bien peu d’étudiants avaient des voitures à l’époque, elle avait trouvé là un moyen commode de pouvoir faire le trajet gratuitement. Par la suite, malgré tous les avantages que cela pouvait lui procurer, elle essaya de me faire croire que quelqu’un d’autre de sa famille faisait aussi le trajet et qu’elle n’avait plus besoin de mes services. Cela me vexa, d’autant qu’elle était plutôt attirante et que pour une histoire de poule suicidaire, j’avais perdu l’occasion d’entreprendre une relation dont je ne sais où elle m’aurait conduit.

    Je fus rassuré

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