L'humour: Un remède au désenchantement
Par Michel Théron
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À propos de ce livre électronique
Michel Théron
Michel Théron est agrégé de lettres, docteur en littérature française, professeur honoraire de Première supérieure et de Lettres supérieures au Lycée Joffre de Montpellier, écrivain, chroniqueur, conférencier, photographe et vidéaste. On peut le retrouver sur ses blogs personnels : www.michel-theron.fr (général) et www.michel-theron.eu (artistique).
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Avis sur L'humour
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Aperçu du livre
L'humour - Michel Théron
TABLE
Avertissement
Les Moments parfaits
Les Chutes d’Icare
La TSF de la vie
Rires
Le Masque arraché
La Voie du non-savoir
La Fin du sérieux
Paradoxes
Les Mythes revisités
Décalages et pas de côté
Ambiguïtés
L’humour noir
Épilogue
Notes
AVERTISSEMENT
Ce livre n’est pas un traité universitaire ou académique, il ne prétend pas à un savoir objectif, et il ne se contente pas d’exposer quelques caractéristiques de l’humour. Il s’applique à montrer ce que l’humour peut combattre, et à quoi il peut porter remède. Par exemple, pour moi, un sentiment de déception devant une vie hétérogène et mêlée alors qu’on la voudrait toujours également pleine et satisfaisante. C’est une question essentielle que je me pose depuis toujours : Comment vivre après cette désillusion ?
Les pages qui suivent racontent un itinéraire personnel, un chemin de vie, où le sourire de l’humour apparaît comme un remède, un moyen de conjurer, sans la nier, l’essentielle imperfection de l’existence.
M.T.
Février 2024
Ces pages sont inspirées d’une conférence que j’ai donnée à la Maison du Temps Libre de Palavas-les-Flots, dans l’Hérault, le 20 avril 2023.
LES MOMENTS PARFAITS
Aenfants ont eu le même désir que moi, ou si c’est propre à mon tempérament qui est peut-être plus sensible que certains autres : c’est un fait que les choses m’atteignent plus profondément, me semble-t-il, qu’elles ne le font pour la moyenne des gens.
Je me souviens alors de beaucoup de retranchements en solitude que j’ai opérés, à l’écart de mes parents, pour réfléchir à ces moments, les organiser pour l’avenir. Je me disais sûrement ou au moins sentais que la vie devait être homogène dans la satisfaction qu’elle donne, et que les déceptions qu’elle nous procure étaient comme une sorte de moins-être en regard de ce qu’on en attend. Bref je voulais que la vie fût pleinement elle-même : que la vie fût vie.
Certains moments vécus en elle me faisaient bien miroiter et pressentir ce qu’elle pouvait être. Alors pourquoi ne pas vouloir qu’elle le fût tout le temps ? La vraie vie miroite bien dans le langage même, tel que celui que je viens d’employer : « Que la vie fût vie » oppose deux états de la vie, un état déchu, et un état idéal. Je ne connaissais pas, enfant, le nom de cette figure, l’antanaclase, mais j’étais bien sensible à son esprit. Et du simple miroitement (antanaklasis) je ne pouvais me satisfaire. Je voulais conjurer la ussi loin que je remonte dans mon enfance, j’ai toujours voulu connaître des moments parfaits. Je ne sais si tous les déchéance affectant la vie ordinaire, dans laquelle je souffrais d’être plongé.
Au lycée, j’ai appris l’existence de Platon, et là je me trouvai en total pays familier. J’avais toujours senti que ce que nous voyons d’habitude n’était en quelque sorte qu’irréel, fantomatique, et que derrière tout cela existaient, fidèles, des modèles seuls porteurs de vérité, soit pour Platon les Idées. Simplement, si je me souviens, la vision d’un monde déchu, en exil loin de l’essentiel, m’amenait alors plutôt au désir de le restaurer dans sa pureté initiale qu’à un désespoir causé par sa dégradation, et encore moins à une disposition mentale, comme celle de l’humour, propre à le relativiser.
Enfin, adulte, j’ai étudié la gnose, qui est une platonisation du christianisme. Et bien sûr je me suis trouvé là, encore une fois, en parfait territoire familier. J’ai accueilli avec plaisir, pour m’y reconnaître, l’idée d’un monde en morceaux, reflet d’une Totalité brisée, méconnaissable dans son apparence actuelle, comme les reflets grimaçants d’un arbre sur l’eau n’en donnent plus qu’une image brouillée. Dans ce monde déchu on se sent en exil loin du monde essentiel. Et récemment j ’ai illustré cette situation et ce sentiment dans mes Méditations photographiques, mes derniers livres.
J’ajoute à toutes ces influences celle de la métaphysique indienne, que je crois aujourd’hui tout à fait en concordance avec la philosophie de Platon : qu’est-ce que la maya, le voile que les dieux agitent devant nos yeux pour nous berner, sinon le voile du monde phénoménal qui dissimule les Idées selon Platon ?
*
Je pense que le sentiment d’être en exil ne m’a jamais quitté. Comme tous les enfants venant d’un milieu catholique, j’ai été élevé dans in hymnis et canticis – dans les hymnes et les cantiques. Je me souviens du Salve Regina que j’entendais à l’église où on m’amenait le dimanche. La mélodie en est encore présente à mes oreilles, et je pense qu’elle ne me quittera jamais. Mais il m’a fallu devenir adulte pour en bien saisir les paroles, les voix qu’elle transmettait. Elles s’adressaient à la Vierge, qu’elles invoquaient comme fils exilés d’Ève, gémissants et pleurants dans cette vallée de larmes. Fils d’Ève à mon tour, j’étais en exil. Et c’est ainsi que j’étais amené à voir la vie. Plus tard j’ai appris la devise prise par Victor Hugo, inscrite au-dessus de la porte de la salle à manger de Hauteville House, dans son exil à Guernesey : Vita exilium est – la Vie est un exil.
De toujours m’a accompagné l’impression d’être d’ailleurs, allogène comme disaient les anciens gnostiques. Quand à mon adolescence j’ai lu Rimbaud, je m’y suis encore reconnu : « Nous ne sommes pas au monde. La vie est ailleurs... » Une chaîne fraternelle s’est ainsi nouée au fil de mes lectures. Il est bon de faire ces découvertes progressives d’alliés substantiels : on se sent moins seul au monde.
Ce sentiment mélancolique n’était pas triste à ressentir, car il faisait la substance même de mon être, et je n’aurais pas supporté de ne plus l’éprouver. Simplement il me semblait plus sérieux et plus profond que la joie superficielle que je voyais ou supposais autour de moi, à commencer par celle de mon frère ou de mes cousins.
Il n’est pas étonnant que parmi toutes les musiques que j’ai aimées, et que j’aime encore, il y a celles qui parlent le plus à une âme en peine, comme la saudade, le fado, le tango, les mélopées corses, etc. De ces mélodies tristes il suffit de quelques notes pour me chavirer, tandis que je peux rester complètement froid à l’audition