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A L' AUBE DE L'EVEIL: Le jour ou j'ai choisi de vivre
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A L' AUBE DE L'EVEIL: Le jour ou j'ai choisi de vivre
Livre électronique343 pages5 heures

A L' AUBE DE L'EVEIL: Le jour ou j'ai choisi de vivre

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À propos de ce livre électronique

Au cœur de la jungle urbaine, un simple employé de bureau voit sa vie basculer quand la belle améridienne qu’il aimait passionnément le quitte soudain. Pourtant, un étrange rêve évocateur d’un passé glorieux vient de lui révéler qu’il a encore beaucoup à découvrir sur sa véritable nature. Tout n’est peut-être pas perdu. Guidé par sa bonne étoile, il est amené à découvrir qui il est grâce aux sages conseils d’un ami inattendu et au cadre magique d’une nature indomptée et sauvage. Il retrouve peu à peu la paix intérieure qui germe quand on est bien ancré dans la conscience de l’instant présent. Bientôt, il est prêt à suivre la piste sacrée que lui révèle un sage amérindien qui l’aidera à sentir sa vérité et à revenir à la Source de son être. Des facultés dont il ne soupçonnait pas l’existence se manifestent alors qu’il vit des expériences hors du commun qui lui ouvrent toutes grandes les portes d’une nouvelle vie plus épanouie.

Métaphore splendide et lumineuse du cheminement spirituel que vivent des millions d’humains en cette époque charnière, le roman À l’aube de l’éveil est une véritable médecine douce pour l’âme qui se cherche, mais aussi une clé de plus pour ouvrir le coffre aux trésors enfoui au creux de notre être
LangueFrançais
Date de sortie11 mai 2016
ISBN9782896261833
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    Aperçu du livre

    A L' AUBE DE L'EVEIL - Jason Lapointe

    Introduction

    Seul, devant cette fenêtre givrée par ce froid hivernal et sous un ciel grisonnant, je contemple les flocons qui tombent en douceur pour se fondre dans un paysage recouvert d’un épais manteau blanc. Je crois que ma mort approche. Les éléments, ayant eu raison de mon corps, ont accéléré le processus que j’aurais voulu éternel. J’ai appris, tout au long de cette aventure que fut ma vie, que tout phénomène terrestre est éphémère. Devant cette réalité, aucune fuite n’est possible. Mais j’ai aussi compris que, comme dans tout cycle, ce qui meurt renaît toujours sous une autre forme… Telle une projection cinématographique, c’est toute ma vie qui défile dans mon esprit ce soir auprès du feu. Comme je l’ai appris au fil du temps, je tends de nouveau l’oreille à cette petite voix en moi qui m’invite à transcrire, de ma plume, tout ce que j’ai reçu comme enseignements, tous ces moments remplis de joie et de tristesse qui m’ont amené jusqu’ici et qui ont fait de moi ce que je suis devenu… Par ce récit, je partage avec vous mon cheminement, qui s’est amorcé en grande partie le jour où j’ai choisi de vivre.

    Comme vous tous, je suis venu au sein de la matière pour faire l’expérience de la vie sur terre. Comme pour la plupart des gens, il m’est arrivé de me rebeller. Mais j’ai fini par me résoudre, faute d’autres choix, à devenir un adulte. J’ai même développé le désir, voire une certaine hâte, de devenir homme. J’imaginais cette phase remplie de liberté, de plaisir et de possibilités infinies, mais en vieillissant j’ai réalisé que la vie est, hélas, tout autre que ce que je croyais… Oubliant l’enfant que j’étais, l’essence même de mon être, j’ai fini par trouver ma place et choisir le rôle que je veux jouer dans cette grande pièce de théâtre qu’est la vie. Projeté dans un monde déboussolant, je me suis adapté tant bien que mal.

    Je vous invite à assister à ma véritable naissance, celle de l’esprit. Le tout a débuté par un rêve…

    Au fait, était-ce bien un rêve ?

    -1-

    L’éveil

    Je marche seul au cœur d’une étendue obscure qui m’est inconnue. Affolé, je réalise que je me suis égaré. Avec toute l’énergie désespérée d’une âme effrayée, je lance un appel à l’univers. Un rayonnement lumineux et éblouissant surgit du néant, s’approche et m’absorbe. La peur qui me tenait alors au creux de ses griffes relâche doucement son emprise. Immergé dans cette glorieuse lueur, je sens la paix renaître au sein de mon être. La Lumière s’adresse à moi d’une voix harmonieuse et chaleureuse.

    « Une fleur… Tu es comme une fleur qui ne cherche qu’à éclore pour partager toute la pureté qui l’habite. Longtemps, tu fus sous la terre, dans la pénombre, mais maintenant il est temps d’en sortir. Extirpe ta conscience de cette noire torpeur afin de grandir et de t’épanouir vers la Lumière, vers ta lumière. Écoute bien ceci petit frère. Il fut un temps pour l’humanité entière où la gloire de chaque être humain se trouvait dans la réalisation de son potentiel intérieur. Nous avons tous jadis vécu en cette ère révolue où nous ne connaissions pas encore la peur, la haine et la colère. Nous étions constamment en symbiose avec cette voix en nous, notre intuition, qui nous guidait en toutes choses à une époque où nous étions pleinement épanouis, en équilibre avec notre âme, notre esprit et notre corps. Presque androgynes, le mâle et la femelle en nous étaient fusionnés. Plus que jamais, nous incarnions pleinement notre dimension spirituelle, ignorant tout de la dualité.

    Nous pouvions saisir toute la beauté de chaque instant, la vivre, voire presque la palper. Nous étions le présent. Dans la grande fraternité qui régnait au cœur de chacun, chaque journée se vivait en toute simplicité. Nous étions habités d’une profonde gratitude envers notre merveilleuse mère la Terre qui, en cette époque bénie, nous a accueillis en son giron et n’a eu de cesse depuis de prendre soin de nous, ses enfants bien-aimés. Nous étions également habités d’une profonde reconnaissance à l’égard de notre père céleste, le Soleil, radieux symbole de l’Amour qui baigne de lumière toute vie, sans condition aucune… Oui, la vie était douce et belle…

    Mais que sommes-nous devenus ? Qui sommes-nous réellement ? »

    Bip, bip, bip ! Le réveille-matin s’époumone à m’extirper de ce monde onirique à la fois étrange et exaltant. De grands lambeaux de ce rêve extraordinaire perdurent alors que j’en note mentalement les divers éléments pour bien les graver dans mon esprit, mais le souvenir qu’il m’en reste s’étiole rapidement jusqu’à ce qu’il ne me reste plus qu’un vague souvenir de cette mystérieuse aventure nocturne. Mais peu importe, car pour le moment je ne souhaite que profiter du confort éphémère de mes couvertures moelleuses et confortables. Le monde semble si froid au dehors. Hélas, je devrai sous peu me résoudre à me lever et reprendre le train-train du quotidien afin de gagner ma vie, ce qui est aussi, bien sûr, le lot de la plupart des gens.

    Étrangement, ce matin, le flot des pensées qui affluent fait surgir en moi une remise en question inhabituelle. Je me demande sincèrement où est passé l’ardent désir de vivre qui m’habitait. Las et vaincu par la routine quotidienne depuis déjà trop d’années, je me sens prisonnier de mon emploi dans l’immeuble de bureaux où je travaille. Tout y est gris et terne et, au fil du temps, tout y est devenu si morne et si monotone. Est-ce là ce que me réserve le reste de ma vie ? Serait-ce même désormais le lot réservé à l’humanité entière ?

    Je bâille allègrement et m’étire, puis je m’arrache enfin du lit. Nu dans l’aube naissante, je porte spontanément mon regard vers la fenêtre. J’assiste avec grand bonheur au spectacle grandiose que m’offre l’astre solaire. Timidement d’abord, il transperce de ses premiers rayons les quelques nuages qui se prélassent encore sous un ciel enflammé aux teintes glorieuses d’orange et de rose. Puis, bientôt, le dieu-soleil resplendit de toute son ardente splendeur et caresse ma peau de sa chaude étreinte. Quelque chose est légèrement différent en moi ce matin et me fait frémir d’émerveillement devant la céleste apparition du maître de l’azur, un fait pourtant très banal qui normalement me laisse indifférent. Quelle est donc cette étincelle pleine de grâce qui m’illumine en ce début de journée ?

    Mon regard se pose sur mon réveille-matin : perdu dans mes pensées, je n’ai pas vu le temps passer. Tel un trou noir dont rien ne saurait résister à la puissance d’attraction, ma routine quotidienne me ramène vite à la réalité. Je ne puis me permettre le luxe de rêvasser, étant donné tous les comptes à payer. Machinalement, j’entame mon rituel journalier qui, franchement, m’ennuie à mourir.

    J’enfile ma robe de chambre pour me protéger de la froideur des grandes pièces vides. En traversant l’appartement, je rumine les mêmes pensées qu’à l’habitude… Que vais-je porter aujourd’hui ? Quel travail m’attend au bureau ? L’idée de boire un bon café chaud me réconforte déjà. À la bonne heure ! Mais, lorsque j’entre dans la salle de bain, je suis frappé de plein fouet par l’image que me renvoie le miroir. Je n’aime pas ce que je vois. Je courbe l’échine en me disant qu’il me faut bien assumer qui je suis devenu. Je me rappelle mes jeunes années, alors que je pratiquais assidûment de nombreux sports et que j’avais un corps d’athlète olympien, des muscles d’acier et une silhouette svelte et harmonieuse. Serait-ce que je vieillis et que mon corps perd de son tonus ? Il est vrai que mon emploi gruge presque tout mon temps et que je fais donc moins de sport. Mais il me faut bien admettre que j’ai baissé les bras devant l’effort que ça demande de demeurer en pleine forme. Tel un navire sans capitaine, je me retrouve à la dérive, errant au gré des vents et des courants de l’existence. Chaque jour, je me sens de moins en moins maître de mon destin. Las, j’ai dû me résoudre à subir ma vie au lieu d’oser agir pour la construire ! Et d’ailleurs, que puis-je y changer ?

    Je saute sous la douche en tentant d’oublier l’image renvoyée par le miroir. À l’instar d’une fine pluie d’été, un léger jet d’eau m’enveloppe d’une douce chaleur qui parcourt tout mon corps. La sensation éprouvée est si agréable que je n’aspire qu’à demeurer là, immobile, béat, l’esprit vide. Mais en un éclair de lucidité, je suis vite rappelé à l’ordre, car le devoir m’appelle. Faut aller gagner des sous.

    Mon complet enfilé et mon nœud de cravate ajusté, me voilà enfin prêt à affronter ce combat quotidien pour la survie. Ne manque que l’élixir de vie qui m’aide à passer la matinée sans trop grommeler : un bon café, accompagné de quelques rôties.

    En ouvrant la porte pour sortir de mon appartement, un haut-le-cœur me saisit soudain ! Trop d’effluves nauséabonds envahissent mon espace vital. De la fumée de cigarette, des relents de friture, et des odeurs d’animaux et de produits ménagers polluent l’air de mon antre de béton. Avec le temps, je m’y suis presque habitué, mais ce matin cet air vicié m’étouffe littéralement. Je retiens presque mon souffle en accélérant le pas jusqu’à la sortie. Aussitôt les portes franchies, je respire un bon coup ! L’astre solaire brille de ses mille feux. Pendant un bref instant, le chant de quelques rares oiseaux parvient à mes oreilles et me berce de la même manière que le vent dans les arbres. Leurs trilles joyeux tissent une mélodie suave reflétant bien le bonheur qui m’habitait au sortir de mon rêve matinal.

    TUT TUT ! Le klaxon d’une voiture, l’odeur suffocante des gaz d’échappement, un crissement de pneus, le spectacle désolant de la ville crasseuse… et le temps qui court, telle une souris poursuivie par un chat. Subitement, le stress me noue la gorge. Vite ! Je dois me dépêcher ! Et voilà que je m’élance pour ne pas rater mon bus. À bout de souffle, je suis le dernier à monter à bord. Évidemment, il n’y a plus de sièges libres… et ce n’était là que le début d’une course effrénée ponctuée de plusieurs correspondances et d’interminables attentes avant d’arriver enfin au métro. Cette première épreuve franchie, il me faut maintenant braver la masse humaine grouillante qui s’agite autour de moi avant de pouvoir enfin monter dans un wagon. Près de la porte, plusieurs mendiants quémandent une obole tout en cherchant à capter mon regard de leurs yeux suppliants. Baissant la tête, je presse le pas en espérant qu’ils me laissent tranquille. Comme tout le monde, tous les jours, je me contente de suivre le troupeau. Mais pourquoi est-ce encore plus difficile pour moi ce matin de feindre l’indifférence devant la misère humaine ?

    Je m’engouffre rapidement dans la rame qui vient d’arriver, espérant y trouver cette fois un siège vacant. Soulagé d’en trouver un, je m’assois, résigné à affronter le long et pénible trajet. Le métro se met en branle. Toutefois, au lieu de fixer le vide ou de lire mon journal comme d’habitude, quelque chose m’incite à porter mon regard sur les gens qui m’entourent. Quelle lassitude sur ces visages ! Quelle atmosphère lourde ! Les uns sont absorbés par leur livre ou leur journal  ; les autres sont isolés dans leur monde musical. D’autres sont profondément endormis ou simplement perdus quelque part au fond d’eux-mêmes, le regard loin, très loin… Qui suis-je, moi, parmi cette foule ? Suis-je si différent de ces gens ?

    Je me surprends à sourire en prenant conscience de ce regard neuf et ébahi que je porte sur le monde qui m’entoure. Je me surprends même à espérer qu’un des autres passagers du métro remarque dans mon regard cet éclair de lucidité qui vient de m’ouvrir les yeux sur un aspect vital et précieux de la réalité — afin de pouvoir ainsi le partager avec lui. Mais hélas, chacun est absorbé par ses propres chimères et ceux qui se sont aperçus de mon manège préfèrent baisser le regard. Aurait-on peur de moi ? À mon tour, je me réfugie dans une bulle d’indifférence. Je ne suis pas à l’aise avec cette sensation nouvelle, cette conscience plus lucide, face à cette profonde indifférence de chacun bloquant toute communication authentique. Ce malaise rompt le charme, et mon petit air béat se dissipe aussitôt, en même temps que cet autre regard plus éveillé dont je ne me savais pas capable.

    Libéré de ce qui cherche à s’insinuer en moi depuis ce matin, me revoilà à nouveau semblable à cette masse anonyme qui m’entoure. Avec résignation et un brin de tristesse, je constate que rien ne me différencie vraiment de tous ces gens. Sans que je l’aie consciemment choisi, je vois bien que je suis devenu un égocentrique invétéré, à l’image du parfait consommateur rapace et inconscient que la société nous présente comme un idéal à atteindre. Je découvre en moi avec révulsion une sorte d’automate au regard mort, une enveloppe charnelle dénuée de compassion, presque sans âme. Je suis à la fois abasourdi de voir où m’ont mené mes réflexions, et renversé par ces nouvelles perceptions qui s’offrent à moi depuis que ce rêve m’a donné un aperçu d’une autre réalité jusque-là inconnue. Il est parfois bien douloureux d’ouvrir les yeux…

    Les portes s’ouvrent sur la station où je dois descendre. Je me lève d’un bond et, tel un mouton suivant son troupeau, je me précipite vers la sortie. Au bout de quelques minutes, d’une série de corridors et d’un trajet d’ascenseur, j’arrive enfin à mon lieu de travail dans une tour de bureaux du centre-ville, heureux d’avoir échappé à la cohue citadine et prêt à reprendre le collier.

    Les vendredis me semblent toujours interminables. Mon regard est constamment attiré vers la fenêtre de mon étroit bureau. C’est ma seule ouverture sur le monde extérieur, là où le soleil brille et où la nature nous invite à venir nous gorger de sa splendeur automnale. Les oiseaux voltigent d’un arbre à l’autre, sautillant de-ci de-là, et leur chant mélodieux est tel un hymne à l’harmonie de la vie. Un vent léger fait valser le feuillage des quelques arbres qui subsistent encore dans ce petit parc tout en bas de l’édifice. Quant à moi, je peine à survivre sous la lumière blafarde des néons, étouffant sous ce complet ajusté beaucoup trop serré et dont la cravate semble avoir pour unique fin de me tenir en laisse. Dans cette geôle aseptisée, je n’ai pour seul compagnon qu’un écran d’ordinateur où s’affiche un interminable et abrutissant défilé de chiffres et de lettres.

    Arrive enfin la pause, bientôt suivie de l’heure du lunch avec tous mes collègues de travail. Je partage une bonne partie de mon existence avec eux et, pourtant, c’est tout juste si je connais leurs noms. Comme d’habitude, nous échangeons les mêmes propos creux sur la météo, les affaires, la politique, les plus récentes nouvelles. Nous évitons d’aborder les sujets qui pourraient nous permettre de mieux nous connaître, comme s’il s’agissait de tabous dont il faut éviter de parler. Nous bavardons de tout et de rien, ne prêtant qu’une oreille distraite aux propos des autres, nous mangeons et buvons en surveillant notre montre du coin de l’œil pour ne pas rater l’heure où il faudra reprendre le boulot. Puis, chacun retourne vaquer à ses tâches avec pour seul désir celui de pouvoir enfin quitter le bureau. À 16 heures précises, je me lève avec entrain, je saisis mon porte-documents et me précipite à l’extérieur avec soulagement. En chemin vers l’ascenseur, je croise le patron. Je le salue chaleureusement pour qu’il comprenne bien que lui et son entreprise me tiennent à cœur. Mais force m’est d’admettre qu’au fond je caresse surtout l’espoir d’obtenir un jour de lui un poste mieux rémunéré.

    — Bonjour, monsieur, vous allez bien ? Je voulais justement vous remettre le rapport d’étape que vous m’aviez demandé. Je viens de le terminer.

    — C’est bien, je vous remercie. Vous êtes tout feu tout flamme aujourd’hui à ce que je vois ! Que faites-vous le weekend prochain ?

    — Ah ! Eh bien, j’ai invité ma copine dans un restaurant chic. Nous allons y fêter l’anniversaire de notre rencontre !

    — Dommage, car je m’apprêtais à vous demander de participer à une formation avancée pour les futurs cadres supérieurs de l’entreprise. J’ai réservé pour l’occasion un endroit enchanteur en pleine nature, et toutes les dépenses seront bien sûr aux frais de la compagnie.

    Voilà l’occasion rêvée, pensai-je, pour relever de nouveaux défis, avoir de l’avancement, et faire plus d’argent ! J’hésitai un instant avant de lui répondre, sachant pertinemment que j’allais décevoir l’élue de mon cœur si j’acceptais. Pourtant, difficile de refuser pareille offre. Sans plus réfléchir, j’acceptai, faisant ainsi passer ma carrière avant mes amours, même si j’allais peut-être le regretter ensuite…

    — Vous pouvez compter sur moi, monsieur, comme toujours !

    — Tant mieux, car comme vous vous en doutez bien, pour gravir les échelons menant à la réussite, il faut savoir profiter des opportunités qui se présentent. Sachez toutefois que les exigences seront de plus en plus grandes. J’attends de notre personnel qu’il suive ces formations de perfectionnement, et c’est tout à votre honneur que vous saisissiez cette occasion !

    Voyant l’ascenseur qui arrive, je salue mon patron et nous échangeons une vigoureuse poignée de main. Alors que s’amorce la vertigineuse descente jusqu’au rez-de-chaussée, j’éprouve un sentiment de vive satisfaction, car désormais je sais qu’il reconnaît mon potentiel et que, manifestement, il m’apprécie après toutes ces années à son service.

    Pensif, je descends l’escalier extérieur, encore sous l’effet grisant des nouvelles perspectives s’offrant à moi. Un soleil inonde la rue de ses torrides effluves. Sa douce chaleur et la beauté exubérante de cette magnifique fin de journée m’incitent à profiter durant quelques minutes d’un banc placé à l’ombre d’un grand chêne au feuillage jauni par l’automne, dans un charmant petit parc situé un peu en retrait de l’agitation de la rue. En plein cœur de l’été indien, une brise légère rafraîchit mon visage, m’aère l’esprit et caresse doucement les quelques mèches de cheveux qui s’étaient égarées sur mon visage. La ramure du chêne plus que centenaire frémit en chantant doucement sous la poussée soutenue du vent. La fontaine centrale du parc ajoute une touche d’opulence discrète grâce à sa grande vasque ornementée. Je contemple quelques instants le miroitement des rayons qui éclatent à sa surface en une multitude de paillettes dorées. Un oiseau qui s’y baigne m’observe furtivement tout en gazouillant timidement, comme s’il cherchait à me saluer. J’aurais savouré encore bien longtemps ces divins instants hors du temps, mais mon ventre qui gargouille de faim me ramène à la réalité pressante de mes besoins vitaux.

    Quittant à regret cet endroit idyllique, je me dirige vers la station de métro. Chemin faisant, j’arrive devant un restaurant à service rapide où j’ai l’habitude de m’empiffrer pour anesthésier les tensions et frustrations de la journée. Toutefois, j’éprouve pour une fois l’envie de savourer un plat revitalisant. Mais l’odeur de fritures et de viande rôtie qui vient me chatouiller les narines déclenche soudain en moi le désir irrésistible de me gaver et, machinalement, j’y entre, vaincu par les anciennes pulsions qui me tenaillent. Affamé, je me place derrière la longue file de clients. Ce restaurant offre tout de même un menu varié, dont plusieurs plats que je n’ai pas encore eu le plaisir de déguster. Normalement, j’aurais été parfaitement heureux d’ingurgiter quelque chose de bien gras, mais les nombreuses prises de conscience et réflexions inusitées qui ont surgi en moi depuis mon étrange rêve me font remettre en question mes malsaines habitudes. Pourquoi engouffrer encore toutes ces calories inutiles qui ne font qu’hypothéquer ma santé physique et miner sournoisement mon moral ? Suis-je à ce point esclave de mes désirs viscéraux ?

    Je constate qu’en entrant dans ce restaurant je n’ai fait que céder inconsciemment à mes pulsions routinières. Toutefois, aujourd’hui, j’ai bien envie de changer mes habitudes de vie.

    — Bonjour, puis-je prendre votre commande ?

    — Oui. J’aimerais essayer quelque chose de pas trop gras, mais qui est tout de même goûteux.

    — Nous avons de bons choix de salades à vous proposer.

    — Je vais essayer la salade végétarienne à la grecque avec un verre d’eau.

    — Ce sera tout ?

    J’hésite un peu en regardant encore une fois le menu qui offre de nombreux desserts appétissants. Cependant, je garde le cap sur ma motivation et tente l’expérience santé jusqu’au bout. Lorsque je reçois ma commande, je remets un instant mes bonnes intentions en question, car je crains de ne pouvoir satisfaire mon appétit en ne mangeant que des légumes et du fromage blanc ! Toutefois, surmontant mon hésitation, j’avale une première bouchée, puis, en appréciant le goût, j’en avale une seconde, et encore une autre, tout en prenant soin de bien mastiquer afin de mieux goûter toutes ces nouvelles saveurs. J’apprécie grandement l’expérience, car une fois mon repas terminé, je ne ressens aucune sensation de lourdeur consécutive à une digestion difficile.

    Je regarde ma montre. Il est temps de rentrer chez moi. La simple pensée du long trajet qui m’attend me noue les tripes. M’étant élancé d’un pas pressé en direction de la station de métro, mon élan est stoppé net par la sourde vibration de mon cellulaire. C’est Catherine.

    — Allô, chérie !

    — Allô ! Où es-tu ?

    — Je suis en route vers la maison. Je viens tout juste de sortir du restaurant et je suis sur le point de prendre le métro. Hé ! Catherine… devine ce que j’ai osé manger ce soir ?

    — Dis toujours !

    — Pour tout repas, je n’ai mangé qu’une salade de légumes ! Et j’ai bien aimé cela, même si c’était plutôt frugal !

    — Tu n’as mangé que des légumes ? Tu m’étonnes… mais ça ne peut qu’être bon pour toi !

    — Tu trouves que j’ai besoin de perdre du poids ?

    — Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. Je veux simplement dire que les légumes, c’est bon pour la santé et que ça ne peut que te faire du bien. C’est tout…

    — Excuse-moi, je suis un peu fatigué. Alors, on se voit ce soir ?

    — Non, pas ce soir, ce sera impossible pour moi… D’ailleurs, c’est la raison de mon appel. Avec mon nouvel emploi et mes nombreux cours du soir, je suis prise pour toute la semaine qui vient, alors ne m’attends pas. Ce sera plus commode pour moi de dormir chez mon amie. Nous nous reverrons le weekend prochain si tu veux bien.

    — Euh… je ne pense pas que ce sera possible, chérie !

    — Comment ça, pas possible ! C’est encore à cause de ton travail ?

    — Oui, c’est ça. Mon patron m’a offert de participer le weekend prochain à une formation destinée aux cadres de l’entreprise. Il a réservé des chambres et une salle dans une pourvoirie en plein cœur de la nature et toutes les dépenses seront aux frais de la compagnie. Comprends-tu ce que cela signifie pour moi ? Cette formation va m’ouvrir toutes grandes les portes vers un échelon supérieur qui serait évidemment bien mieux rémunéré que mon poste actuel. Tu te rends compte… C’est ce que j’attends depuis des années et il me l’offre presque sur un plateau d’argent. Je n’ai pu refuser.

    Étrangement, je n’obtiens à mes propos enthousiastes qu’un long et lourd silence…

    — Tu es toujours là, mon amour ?

    — Oui, mais je suis très déçue.

    — Je comprends, mais essaie de me comprendre à ton tour !

    — J’essaie depuis déjà un bon moment… Alors, je crois que je vais profiter du weekend pour réfléchir.

    — Mais tu veux penser à quoi ? On remet notre repas à une autre fois et c’est tout !

    — Vois-tu, pour moi c’est plus que ça, mais je ne peux te l’expliquer maintenant, car ce n’est pas tout à fait clair encore dans mon esprit. Mais une chose est certaine… j’ai besoin de temps.

    — Catherine, tu m’inquiètes. D’autant plus que tu me lances ça au téléphone… Je suis un peu ébranlé. Bon, je n’y peux rien en ce moment, mais sache que je t’aime et que j’attendrai de tes nouvelles. À bientôt alors.

    Je l’entends ajouter dans un léger murmure :

    — Oui, c’est ça… À bientôt.

    Atterré par la réaction inattendue de Catherine, je suis assez déboussolé et je reste figé comme la statue près de cette fontaine qui, un peu plus tôt, m’émerveillait tant avec tous les scintillements lumineux qu’elle reflétait. La sensation de bonheur qui m’avait accompagné en cette fin d’après-midi ne me semble plus qu’une vaine illusion. Accablé, je m’assois sur un banc de la station pour ne pas m’effondrer sur le sol, car je sens mes jambes défaillir. Catherine veut me quitter après tout ce bon temps passé ensemble et alors que tout me semblait aller si bien entre nous ! Mais qu’est-ce qui lui prend ? Plusieurs sentiments contradictoires font rage en moi. Je lui en veux. Je m’en veux. Surtout, j’en veux à la vie. Or voilà qu’à ma grande surprise, une petite voix en moi m’invite à me détendre et à sentir ce que mon cœur désire vraiment. En quête de réponses pouvant alléger mon tourment, je m’abandonne à cette tendre douceur qui me gagne peu à peu. Ma respiration s’apaise et une profonde détente m’envahit. Ma faculté d’attention soudain exacerbée se focalise tout entière au creux de l’instant présent. Je suis alors de nouveau conscient de la douce brise qui caresse ma peau. Je sens le calme bienheureux qui émane du tréfonds de mon être, tout autant que la trépidation bourdonnante de la vie citadine qui m’entoure. Je m’étonne et me réjouis de la richesse infinie et de la vaste palette de sensations subtiles de cette mystérieuse et soudaine expérience que je vis pour la toute première fois. La tempête s’est enfin calmée au creux de mon être. Puis, constatant soudain qu’il se fait tard, je décide de rentrer chez moi, même si une légère appréhension me tenaille devant le tour que ma vie va prendre si jamais Catherine coupe les ponts avec moi.

    Lorsque j’ouvre la porte de notre appartement, le silence qui m’accueille et l’absence de l’être aimé me jettent au visage le vide que je ressens tout au fond de moi. Ce n’est que le premier soir sans elle à mes côtés, et pourtant j’ai une envie folle de lui téléphoner pour la supplier de ne pas me laisser tomber et de revenir à la maison. Nous pourrions alors nous enlacer tendrement, nous embrasser longuement et faire intensément l’amour pour qu’ainsi tout soit comme avant. Cependant, je ne trouve pas le courage de l’appeler, craignant trop de me faire à nouveau rejeter. J’ai le cœur si fragile qu’il risquerait d’éclater en mille morceaux. Une larme perle au coin de mes yeux alors qu’une grande vague de désespoir menace de me faire chavirer et de m’emporter en d’interminables sanglots esseulés. Je vais sagement attendre qu’elle me rappelle. Après une douche rapide, et crevé par cette bouleversante journée, je m’effondre dans un sommeil agité. La nuit est affreusement longue et ponctuée de rêves exténuants. Après un sommeil tourmenté, l’appel strident du réveil me ramène à la dure réalité du cauchemar éveillé que je crains désormais de vivre. J’ouvre les yeux quelques instants, mais incapable d’affronter l’incertitude qui me tenaille au sujet de Catherine, je les referme et reste encore un long moment au lit, l’esprit agité par tous ces évènements.

    -2-

    La rencontre

    Dès mon réveil, mes premières pensées s’envolent vers Catherine. L’estomac noué à l’idée d’une rupture imminente, je laisse de précieux souvenirs remonter et déclencher en moi un douloureux élan de nostalgie. Son joli visage aux traits typiquement amérindiens apparaît à mon esprit, avec ses yeux rayonnant toute la grâce subtile de la vie et reflétant le bleu infini des cieux, ses ravissantes pommettes et son sourire digne de celui d’un ange… Je me laisse imprégner par le tendre bonheur qu’évoque cette image. Enfouies jusque-là au fond de ma mémoire, telle une

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