À propos de ce livre électronique
L’agacement de Julien ne se montre en rien apaisé par la cour assidue de son collègue Jerry Parent, dragueur invétéré, à l’endroit de sa sœur. Le bagagiste est en revanche ravi du retour d’Ida Sloane dans l’établissement. Leurs échanges étant de plus en plus cordiaux, il promet même à la belle New-Yorkaise de lui faire visiter la métropole quand le temps sera clément, familiarité qui n’échappe pas aux oreilles indiscrètes.
D’ici là, la jeune femme se voit réquisitionnée à la fois par Fergus, qu’elle est destinée à épouser, par son amie Pauline, laquelle prépare son propre mariage, et par sa bienfaitrice Elspeth, qui s’inquiète pour leur consœur Nora Hughes, dont l’état de santé ne cesse de se détériorer.
Tandis que la guerre couve en Europe, une avalanche de drames secoueront cette éclectique communauté. Plus que jamais, les lumières du Ritz devront briller de tous leurs feux, car des heures bien sombres s’annoncent…
Marylène Pion a publié notamment les séries acclamées Les infirmières de Notre-Dame, Le grand magasin et Rumeurs d’un village. Dans ce deuxième volet, elle recrée l’ambiance raffinée déferlant au cœur du légendaire édifice de la rue Sherbrooke durant ses fastueuses premières années.
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Aperçu du livre
Les HEURES SOMBRES - Marylène Pion
De la même auteure
chez Les Éditeurs réunis
Les lumières du Ritz
1. La grande dame de la rue Sherbrooke, 2021
2. Les heures sombres, 2021
3. À paraître à l’hiver 2022
Le cabaret, 2020
Rumeurs d’un village
1. La sentence de l’Allemand, 2019
2. L’heure des choix, 2019
Le grand magasin
1. La convoitise, 2017
2. L’opulence, 2017
3. La chute, 2018
Les secrétaires
1. Place Ville Marie, 2015
2. Rue Workman, 2015
3. Station Bonaventure, 2016
Les infirmières de Notre-Dame
1. Flavie, 2013
2. Simone, 2013
3. Évelina, 2014
4. Les Nursing Sisters, 2014
Flora, une femme parmi les Patriotes
1. Les routes de la liberté, 2011
2. Les sacrifices de l’exil, 2012
À ma bulle familiale…
1
Les passants déambulaient sur le trottoir de bois, tête enfoncée dans le col de leur manteau pour contrer le vent froid qui soufflait. Une neige fine tombait sur la ville et celle déjà au sol remontait en poudrerie qui fouettait les visages des gens. Malgré le brouillard hivernal qui empêchait de bien la distinguer, la « Grande dame de la rue Sherbrooke » s’élevait majestueusement du haut de ses onze étages au milieu du Mille carré doré, baptisé le Golden Square Mile par les anglophones. Sa façade néo-classique qui dominait la rue Sherbrooke avec sa marquise accueillait les clients fortunés de passage à Montréal. Depuis la première année de son ouverture, le Ritz-Carlton pouvait se vanter d’être l’hôtel le plus luxueux de la métropole canadienne. Malgré la tempête qui sévissait, le portier accueillait, comme de coutume, les clients qui s’engouffraient dans la chaleur réconfortante du bâtiment.
Adéline et Julien remontaient la rue Sherbrooke vers l’ouest en direction de leur lieu de travail. À la manière des autres passants, ils utilisaient leur foulard pour couvrir le bas de leur visage et tenter de respirer malgré le vent glacial et la neige qui giflaient leurs joues. Julien bifurqua rapidement sur la rue Drummond, tandis qu’Adéline relevait la tête et prenait quelques secondes pour admirer l’imposant bâtiment. En observant ce chef-d’œuvre architectural, Adéline aimait croire pendant quelques secondes qu’elle se trouvait sur le trottoir en tant que cliente qui entrerait bientôt dans cet univers fabuleux. Même après plusieurs mois, elle n’arrivait pas à croire qu’elle faisait maintenant partie des membres du personnel de cet hôtel grandiose. Un sourire de fierté éclaira son visage pendant un instant, puis le mauvais temps eut raison de ce moment de contemplation et elle se hâta de rejoindre son frère qui venait de s’engouffrer dans l’hôtel par la porte de service. Julien se découvrit le visage et, une fois dans le hall, s’exclama :
— Maudite température de chien ! Je ne comprends pas que tu aies mis autant de temps avant d’entrer pour te mettre à l’abri. Ma seule idée était de pénétrer à l’intérieur au plus sacrant !
Adéline retira son bonnet de laine et ses mitaines qu’elle secoua avant de les ranger dans le sac qu’elle traînait avec elle. D’un mouvement du plat de la main, elle balaya les flocons qui s’étaient déposés sur son manteau en drap.
— Tu le sais, Julien, je ne peux pas m’empêcher d’admirer cette magnifique bâtisse chaque fois que j’y mets les pieds, même par mauvais temps. Nous sommes tellement chanceux !
— C’est vrai que c’est mieux ici que d’être emmurée dans une usine.
Les paroles de Julien ramenèrent de douloureux souvenirs à Adéline, ces longs mois où elle avait été à l’emploi de la Dominion Textile. Jamais elle ne pourrait remercier suffisamment sa tante Philomène de lui avoir offert un poste de femme de chambre dans ce remarquable hôtel.
— Emmurée vivante dans une usine ou encore prisonnier à ramasser des blocs de glace sur le fleuve gelé… Disons que cet emploi est mille fois plus valorisant, exprima Adéline.
Ce fut au tour de Julien de grimacer à l’évocation de son ancien travail.
— Avec Dubh O’Farrell comme patron, n’importe quel emploi serait plus valorisant ! rétorqua Julien.
— Peut-être que les choses ont changé à la City Ice House depuis ton départ…
— Pas d’après ce que m’en a dit Victor. Dubh agit toujours comme un despote auprès de ses hommes. Si les emplois ne se faisaient pas aussi rares de nos jours, plusieurs auraient donné leur démission.
— Déjà que ce n’est pas évident de gagner un salaire décent, aussi bien être heureux lorsque les conditions de travail sont impeccables.
Julien agréa aux propos de sa sœur. Il n’avait rien à redire à ce sujet. Son salaire actuel dépassait celui qu’il gagnait quand il chargeait de lourds blocs de glace. Certains clients voyageaient avec de nombreux bagages, mais les pourboires suffisaient largement pour compenser l’effort physique qu’il devait fournir. Les bagages, parfois trop nombreux et volumineux, n’avaient tout de même rien de comparable avec la lourdeur des blocs de glace qu’il devait livrer du matin au soir. Julien eut un frisson en se remémorant sa chute dans l’eau glaciale alors qu’il s’affairait à faire la cueillette des blocs. Il avait bien failli y rester ce jour-là. Plus jamais il ne risquerait sa vie pour une poignée de dollars.
Adéline déboutonna son manteau et Julien put apercevoir son uniforme de femme de chambre, dont elle était si fière. Son tablier blanc orné d’une bordure de dentelles et sous lequel sa robe de serge noire descendait jusqu’aux chevilles lui donnait un air distingué. Lui-même n’était pas en reste avec son pantalon noir à plis et sa veste rouge à boutons dorés. Leur père Benjamin aurait été fier de les voir si élégants tous les deux. Julien troqua ses mitaines pour les gants blancs qu’il devait porter. Adéline sortit sa coiffe de son sac qu’elle déposa avec attention sur le dessus de sa tête. Puisqu’elle ne disposait pas de miroir, elle se fia au jugement de son frère afin de s’assurer que sa coiffe était bien droite. Julien opina du chef en guise de confirmation que tout était conforme. Adéline hocha doucement la tête :
— Je me rends compte maintenant que je n’étais pas faite pour passer ma vie dans une usine. Ce travail-ci n’est pas toujours facile en raison des exigences imposées pour satisfaire les clients, mais nous avons tout de même la chance de nous trouver ici, continua Adéline.
— Tu as bien raison, petite sœur.
Julien haussa les épaules.
— J’imagine qu’il n’y aura pas beaucoup de clients aujourd’hui.
— Les chambres doivent tout de même demeurer impeccables, tante Philomène ne cesse de le répéter, clama Adéline. En revanche, il y aura sûrement quelques annulations et les clients qui se trouvent déjà à l’hôtel resteront probablement un jour de plus pour éviter de se déplacer par un temps pareil.
— C’est ce que je disais, l’achalandage sera moins important aujourd’hui. En plus, nous sommes en janvier, le moment de l’année le moins propice au tourisme dans la région, ajouta Julien en riant.
Adéline jeta un œil à sa montre de poche. Elle l’avait ressorti du coffre à bijoux de sa défunte mère. Elle fonctionnait toujours malgré les années et Adéline la portait avec fierté, ayant l’impression que Marguerite Couturier veillait toujours sur elle.
— Bon, je dois y aller. On fait le trajet du retour ensemble ? lui demanda-t-elle.
Julien acquiesça et salua sa sœur avant de la voir se diriger vers l’ascenseur de service pour se rendre à son vestiaire. Julien partit dans la direction opposée, afin de se débarrasser lui aussi de ses effets personnels. Sa sœur avait toujours été une personne optimiste et elle ne se laissait pas démonter par ce temps exécrable. Peu importe le nombre de clients qui arriveraient ou quitteraient l’hôtel aujourd’hui, elle donnerait le meilleur d’elle-même. Julien décida d’adopter la même attitude. Leur père leur avait inculqué l’amour du travail bien fait, peu importe le mauvais temps. Maintenant qu’il était bagagiste au Ritz-Carlton, il se voyait mal reprendre du service pour la City Ice House. Il avait aimé y travailler jusqu’à ce que Dubh O’Farrell prenne les commandes de l’entreprise fondée par son père Paddy. Julien ne regrettait pas l’ambiance désolante qui régnait là-bas et les injustices qui y avaient lieu. Son ami Victor l’enviait d’avoir pu décrocher un emploi dans un édifice aussi prestigieux.
Un homme venait de le rattraper au pas de course et lui asséna une taloche sur l’épaule.
— Baptême, Julien ! Tu ne m’avais pas dit ça que tu t’étais fait une blonde dans la place !
Julien releva un sourcil interrogateur et, comprenant la bévue de son ami, il décida de jouer le jeu :
— J’ai du goût, hein ?
— Mets-en ! Quel beau brin de fille ! C’est bien certain que je ne lui ferais pas mal ! Par contre, je me demande si elle a une bonne vue, pour fréquenter quelqu’un comme toi, Couturier ! Même si tu es beau bonhomme, je dois te dire que tu es plutôt ennuyant, comme type. Tu mènes tellement une vie rangée que c’en est désolant !
Julien esquissa un sourire. Au fil des mois, il s’était habitué au sens de l’humour de Jerry Parent, son collègue maintenant devenu ami. Jerry continua sur sa lancée :
— On va se l’dire, Julien, tu es plate sans bon sens ! Tu rentres sagement à la maison tous les soirs sans exception après la job. Je suis certain que tu te couches tout de suite après le souper à part de ça !
— Si de ne pas passer toutes mes soirées dans les tavernes fait de moi quelqu’un de plate, comme tu dis, alors ça ne me dérange pas vraiment. Je n’aime pas gaspiller mon argent dans des niaiseries, c’est tout !
— Une fois de temps en temps, ça ne te tuera pas ! Tu mènes la vie d’un vieux garçon alors que tu devrais en profiter, à la place. J’ai croisé Marius l’autre jour, il m’a dit que tu es difficile à convaincre en ce qui concerne les sorties.
— Oui, je suis casanier, Jerry ! On ne me changera pas !
— Baptême ! N’empêche que si tu veux garder une belle fille comme ça accrochée à ton bras, tu devras sortir un peu plus pour la satisfaire. En tout cas, si jamais elle se tanne de tes habitudes de pépère, tu peux lui donner mes coordonnées n’importe quand !
Julien eut un sursaut. Donner les coordonnées d’un noceur comme Jerry Parent à sa sœur ? Cela dépassait l’entendement.
— Je ne lui donnerai pas tes coordonnées, Jerry, sois-en bien certain.
— Tu veux garder toutes les beautés de la place pour toi, Julien ? Ta mère ne t’a jamais appris que ce n’est pas bien de ne pas partager avec ses copains ?
Le jeu idiot dont Julien avait été l’instigateur avait assez duré. Mieux valait rectifier la situation en lui disant la vérité et en mettant du même coup son ami en garde.
— La fille qui était avec moi n’est pas ma blonde, imbécile ! C’est ma sœur Adéline.
— Ta sœur ? Tu aurais pu le dire avant, innocent ! Dans ce cas, j’espère que tu vas lui parler de moi !
— Over my dead body, Jerry ! Ta réputation te précède trop !
Son collègue lui asséna de nouveau une claque sur l’épaule.
— T’es pas gêné, Couturier ! Je suis un véritable gentleman, tu sauras !
Julien releva un sourcil, perplexe devant les propos de son ami. Jerry était beaucoup trop extraverti pour sa sœur. Il doutait que sa personnalité exubérante plaise à Adéline, qui était aussi réservée que lui. Malgré ses frasques, Jerry était tout de même un bon bougre. En tant que grand frère, il avait le devoir de veiller sur sa cadette et il entendait bien tenir éloignés les fêtards comme Jerry Parent. Celui-ci continua en secouant la tête :
—Ta sœur ! s’esclaffa-t-il. J’aurais dû y penser ! Tu es beaucoup trop timoré pour te lancer dans une relation avec une jeune femme.
Jerry avait peut-être raison, Julien avait toujours été timide avec les femmes. La seule qui ne le plongeait pas dans l’embarras quand elle se trouvait près de lui était Josette, l’amie de sa sœur. Quand les deux amies étaient jeunes, il ne se passait pas une journée sans que l’une d’entre elles ne rapplique chez l’autre à n’importe quelle heure de la journée. Elles s’entendaient comme larrons en foire. Julien avait toujours considéré Josette comme une cousine ou une parente éloignée et il n’avait jamais imaginé qu’il puisse développer autre chose pour elle qu’une simple amitié.
De toute façon, Julien avait toujours travaillé entouré d’hommes. À la City Ice House puis maintenant au Ritz où les bagagistes côtoyaient peu les employées féminines de l’endroit.
Julien songea à cet instant à la jeune femme qu’il avait secourue le lendemain de Noël alors qu’elle éprouvait un malaise en attendant l’arrivée de la cabine d’ascenseur. Il s’en était fallu de peu pour qu’elle s’évanouisse, mais il l’avait retenue juste à temps. Pendant un moment, il se remémora la scène. La proximité de la jeune femme et le doux parfum de son eau de toilette l’avaient troublé. Il avait voulu prendre de ses nouvelles quelques jours après l’incident, mais elle avait déjà quitté l’hôtel. Tout ce qu’il connaissait d’elle était son prénom : Ida. Quel magnifique prénom ! Le sourire dont elle l’avait gratifié restait gravé dans sa mémoire. Jerry se moquerait de lui s’il savait qu’une jeune femme occupait ses pensées seulement parce qu’elle avait daigné lui sourire. Peut-être que la jeune femme avait ressenti le même bouleversement que lui en le rencontrant ? Julien secoua la tête, c’était ridicule de seulement imaginer qu’elle pût se souvenir de lui. Au moins, elle sait comment je m’appelle ! pensa-t-il en se remémorant la révérence timide qu’il avait faite en lui tendant son verre d’eau. Encore fallait-il qu’elle se souvienne de Julien Couturier, un bagagiste parmi tant d’autres ! Il était certain d’une chose, cependant, elle ne venait pas du même milieu que lui. La suite royale qu’elle occupait avec sa domestique était habituellement réservée par les clients les plus fortunés. Il ne la reverrait sans doute jamais. Mieux valait garder pour lui l’événement et éviter de devenir le sujet de moquerie de ses collègues. De toute façon, à qui aurait-il pu confier qu’il était presque tombé amoureux d’une cliente qu’il avait croisée entre deux étages ? Jerry et Marius l’auraient taquiné en lui mentionnant qu’il ne fallait jamais s’enticher de ce genre de femme. Jerry lui avait dit qu’il se permettait parfois de flirter avec des clientes, mais ces femmes venaient d’un monde fort différent du leur. C’est avec cette dernière pensée que Julien suivit son collègue jusqu’au vestiaire. Il avait fait son devoir en s’assurant que la jeune femme trouve refuge dans sa chambre et puisse s’y reposer. Malgré tout, Julien espérait sincèrement qu’elle s’était rapidement remise de son malaise.
Avant d’arriver au vestiaire pour se délester de son manteau et de ses bottes, il espéra qu’elle faisait peut-être partie des « habitués de la place », comme Jerry se plaisait à appeler les clients qui revenaient constamment à l’hôtel.
* * *
Ida tira le rideau de dentelle et examina la pluie mêlée de neige qui tombait doucement sur Central Park. Qui aurait dit, un an plus tôt, qu’elle se languirait du temps froid qui sévissait à Montréal ? La métropole canadienne, avec ses abondantes précipitations de neige et le froid qui perdurait du mois de novembre à mars, lui manquait terriblement. La neige fine qui recouvrait à peine les trottoirs et Central Park fondrait rapidement et n’avait rien de comparable à celle qui tombait probablement sur Montréal au moment même.
Ida ébaucha un sourire. Elle qui abhorrait l’hiver y avait lentement pris goût au fil de ses séjours dans la métropole canadienne. Avec les récents investissements de Bruce Sloane dans l’aciérie de la famille Connelly, son père et elle seraient appelés à retourner bientôt à Montréal. Cette idée la réjouissait. Non seulement parce qu’elle reverrait Fergus, le fils Connelly dont elle appréciait de plus en plus la présence, mais surtout pour ses séjours au Ritz-Carlton. Elle considérait maintenant l’hôtel comme sa seconde maison. La suite royale leur était réservée chaque fois grâce aux liens d’amitié qu’entretenait son père avec Charles Meredith, un des propriétaires de l’établissement. Ida s’était liée d’amitié avec Elspeth Meredith et comptait maintenant quelques connaissances dans le cercle d’amies de sa bienfaitrice. Son amie Pauline, New-Yorkaise dans l’âme, l’avait accompagnée à quelques reprises à Montréal et s’était elle aussi prise au jeu de vouloir séjourner de nouveau dans la métropole canadienne. Ida ne put s’empêcher de sourire en refermant le rideau. Pauline lui avait demandé à plusieurs occasions quand elle pensait retourner à Montréal pour se joindre à elle une fois de plus. Son impatience dissimulait l’envie de revoir Samuel Hamilton, un des amis de Fergus. Pauline était du genre à s’enticher rapidement d’un homme qui lui prêtait la moindre attention, mais cette fois-ci, Ida avait l’impression que quelque chose de plus profond, de plus sérieux qu’une simple amourette les liait tous les deux. Il y aurait une demande en mariage sous peu, Ida en était convaincue.
Les paroles de Fergus restaient gravées dans sa mémoire. Le jeune homme était attiré par elle, mais il tenait à prendre son temps malgré les pressions qu’exerçaient leurs deux familles respectives. Tout comme pour son père, les Connelly voyaient d’un bon œil une alliance entre les deux familles. Bruce ne cessait de lui répéter à quel point Fergus représentait le parti idéal. Ida suspectait même que son association avec l’aciérie était en grande partie liée à cette idée d’un mariage entre les deux jeunes gens.
Le projet d’un mariage était encore loin dans l’esprit d’Ida. Elle avait la vie devant elle et Fergus lui avait assuré qu’il partageait les mêmes convictions et qu’il voulait prendre le temps de la connaître sans rien précipiter. Pour la première fois, Ida avait rencontré un jeune homme qui, tout comme elle, ne souhaitait pas s’engager trop rapidement.
Le tintement du service à thé la tira de ses réflexions. Violette, sa dame de compagnie, le déposa sur la table basse du salon. Ida quitta à regret la fenêtre par laquelle elle admirait les flocons qui virevoltaient sur la ville de New York et s’installa dans un fauteuil près du service à thé.
— Comme vous avez l’habitude, quand nous sommes au Ritz, de descendre à cette heure à la Cour des Palmiers pour prendre le thé, j’ai pensé que cela vous ferait plaisir de faire la même chose ici, mademoiselle.
Ida sourit avec affection à sa dame de compagnie qu’elle considérait presque comme une tante tant la femme avait toujours été présente dans sa vie. En effet, elle veillait sur elle depuis son enfance.
— Seulement si vous vous joignez à moi, Violette.
La domestique ne se fit pas prier. Elle avait toujours aimé la compagnie de miss Ida, cette jeune femme vive d’esprit qu’elle connaissait depuis tellement longtemps maintenant. À l’emploi de la famille depuis de nombreuses années déjà, Violette avait eu la chance de la voir grandir en beauté, et en sagesse aussi.
— Je suis sortie tout à l’heure pour aller chercher vos robes chez la blanchisseuse. La petite neige qui tombe doucement sur la ville est féerique.
Ida agréa en ajoutant un peu de lait à son thé.
— Pourriez-vous croire que j’ai si hâte de retourner à Montréal alors que je détestais tellement l’hiver il n’y a pas si longtemps ? Je m’ennuie des bourrasques qui soufflent sur la ville.
Violette remua elle aussi son thé. Ida avait toujours témoigné de l’affection à son endroit et qu’elle partage ce moment avec elle la touchait profondément. Ida se confiait avec aisance à la domestique qui agissait, malgré son statut, comme une conseillère envers la jeune femme. Elle connaissait suffisamment miss Sloane pour savoir qu’en dehors de la température hivernale qu’elle avait appris à apprécier, la présence d’un certain Montréalais devait peser aussi dans la balance pour expliquer ce revirement. Violette décida d’aborder la question avec elle :
— J’imagine qu’il y a un peu de M. Connelly derrière cet engouement pour l’hiver canadien ?
— Un peu…
Ida rougit légèrement. Elle n’avait jamais pu rien dissimuler à sa dame de compagnie. Elle lisait en elle comme un livre ouvert. Son père n’avait jamais compris que Violette puisse lui servir de confidente alors qu’elle avait des amies du même milieu avec qui elle pouvait s’épancher. Ida aurait pu qualifier les interrogations de Violette comme une forme d’indiscrétion, mais elle savait que sa dame de compagnie n’avait que son bonheur à cœur et qu’elle s’informait d’elle comme sa propre mère l’aurait fait. Comme elle s’y attendait, Violette entra dans le vif du sujet :
— M. Connelly semble occuper de plus en plus vos pensées, mademoiselle. Est-ce que je me trompe ?
— C’est un jeune homme qui mérite d’être connu, comme dirait mon père.
— Pardonnez mon indiscrétion, mademoiselle, mais est-ce qu’il y aurait promesse de mariage dans l’air ?
Ida rougit de nouveau.
— Pas pour le moment, Violette. Fergus n’est pas du genre à tout précipiter et j’admire sa façon de faire. Mon père souhaiterait sans doute qu’il se hâte de me passer la bague au doigt, mais il n’est pas pressé et j’en suis reconnaissante. Nous sommes encore jeunes et nous avons tout notre temps.
Violette acquiesça. Miss Ida avait toute la vie devant elle. Sans lui en faire part bien entendu, parce qu’elle savait tenir son rang, Violette trouvait tout de même déraisonnable que M. Sloane souhaite à tout prix caser rapidement sa fille, car elle tenait à ce que sa protégée trouve un homme qui l’aime sincèrement.
— Vous faites bien de ne pas vous presser, miss. J’ai connu trop de jeunes femmes qui se sont mariées rapidement et qui le regrettent aujourd’hui. Tant mieux si M. Connelly prend son temps pour vous courtiser.
— Je réalise que Montréal me manque plus que je ne l’aurais cru. Tout ceci n’est pas seulement imputable à Fergus, croyez-moi. J’aime sa présence de plus en plus, mais j’adore l’atmosphère qui règne sur la ville. Certes, il existe du potinage comme à New York, ce que j’ai toujours exécré, mais les cercles mondains sont plus petits, ce qui réduit tout de même les ragots de toutes sortes.
— Peu importe où vous vous trouverez, miss, vous rencontrerez toujours des personnes qui aiment casser du sucre sur le dos des autres.
Ida approuva de la tête les dires de sa dame de compagnie, qui continua :
— Heureusement qu’il y a des gens qui se préoccupent tout de même des autres.
Violette dévisagea Ida pendant quelques secondes. Devant l’air intrigué de la jeune femme, Violette expliqua :
— Je pensais à ce M. Couturier qui vous a porté assistance le soir du bal, au Ritz. J’ai oublié son prénom…
— Il s’appelait Julien ! la coupa aussitôt Ida.
Ida baissa la tête, regrettant instantanément son enthousiasme. Violette afficha un sourire amusé. Ida ne pouvait rien lui cacher, même pas que le jeune homme avait retenu son attention ce fameux soir. Elle s’en voulut d’avoir réagi aussi promptement et crut bon de se rattraper :
— J’avais une amie qui s’appelait Julia quand j’étais au pensionnat, mentit-elle. Ce prénom est difficile à oublier.
— Ce qui est difficile à oublier, c’est l’amabilité avec laquelle il vous a ramenée saine et sauve à la suite. Je n’ai pas compris pourquoi ce n’était pas M. Connelly qui l’avait fait.
— Oh, il me l’avait offert, mais j’ai refusé. Je croyais que je pouvais remonter à la chambre seule, mais j’ai eu un vertige près des ascenseurs.
— Et vous avez eu la chance de rencontrer ce bagagiste.
— Oui. Cet incident m’a fait réaliser que peu importe où nous sommes, il y a toujours quelqu’un de charitable pour nous secourir.
— Et surtout si ce quelqu’un est joli garçon comme l’était ce M. Couturier. Quel jeune homme charmant, ne trouvez-vous pas ?
Ida rougit de nouveau. Décidément, Violette semblait s’amuser de son malaise. Elle aurait aimé prendre le temps de le remercier, mais il était reparti aussitôt pour reprendre son poste. Elle ne l’avait pas revu avant son départ pour New York. Elle s’était imaginé qu’il reviendrait prendre de ses nouvelles et elle s’était trouvée idiote d’espérer une telle chose. En y réfléchissant par la suite, elle s’était dit qu’il avait agi ainsi uniquement par devoir. Il n’avait certainement pas eu envie d’expliquer à son supérieur pourquoi il n’avait pas prêté assistance à une cliente en détresse. Au fond d’elle-même, elle osait croire qu’il lui était venu en aide par altruisme beaucoup plus que par devoir. Ida ne pouvait qu’être d’accord avec Violette, Julien Couturier était quelqu’un de charmant, mais il avait tout de même accepté les quelques dollars que Violette lui avait tendus en guise de remerciement, lui rappelant qu’il l’avait aidée parce que cela faisait partie de son travail. Au moins, cette rencontre lui avait prouvé qu’elle avait encore de nombreuses expériences à vivre et de gens à rencontrer avant de se laisser prendre dans les rouages d’un mariage. De ce qu’elle en savait, Fergus pensait de la même façon. Elle n’avait qu’à songer à cette pauvre Nora Hughes qui lui avait confié qu’elle n’avait pas assez profité de sa jeunesse en se mariant trop tôt. Plusieurs jeunes femmes devaient se trouver dans une
