Manda Terneuve: Les premières fois

Par Cynthia Whissell

Voici les trois objectifs que Manda Terneuve, 13 ans, a écrits dans son journal :
Embrasser un garçon sur la bouche
Voir une étoile filante
Manger des huîtres et avoir l’air super riche
Celle qui se sent si seule parmi tous les jeunes qui l’entourent tentera de réaliser ses trois quêtes à travers un été bien rempli de situations parfois rocambolesques, parfois nouvelles.
Aux côtés de son meilleur ami Lucien « Loup » et de sa sœur rebelle Layla, Manda sera confrontée à de nouveaux sentiments et de nouvelles réalités qui feront surface pour chambouler son été, que ce soit en camping, lors d’un anniversaire ou d’un souper de famille.

• Langue: Français
• Éditeur: Les Éditions de l’Apothéose
• Date de sortie: 10 juin 2022
• ISBN: 9782897756390

Aperçu du livre

Mardi 22 juin

La fin des classes

ENFIN, le 22 juin. ENFIN, j’ai fini ma première année au secondaire.

Cet après-midi, on fait la fête. Madame Henri, la prof de musique, a décidé qu’elle nous aimait assez pour nous organiser un party de fin d’année (ça lui a juste pris 9 mois à l’admettre). Du soda mousse, des chips aux cornichons (ouach!) et du melon d’eau (?). Wow, elle aura eu des goûts douteux jusqu’à la fin. En plus de nous prendre encore pour des enfants du primaire.

Ah, en passant, moi, c’est Manda Terneuve. Ouais, je sais, j’ai un nom étrange et je viens aussi d’une ville étrange qui s’appelle Ville d’Hier. En fait, l’origine de mon nom est plutôt cocasse : une simple erreur de ma mère sur mon acte de naissance. Elle a omis le A de Amanda : j’ai donc été nommée Manda.

En pigeant dans le bol de croustilles, je prends une poignée que j’enfile tout droit dans ma bouche. Je retiens mon souffle pour ne pas goûter le cornichon. J’ai juste faim et je trouve que le soda mousse et le melon d’eau, ça laisse un drôle de goût dans ma fine bouche. En avalant mes croustilles aux concombres marinés, j’ai un haut-le-cœur. Au moment où je ferme les yeux en prenant une grande gorgée de soda qui goûte le Mr Freeze blanc, j’entends des pas qui s’approchent de moi.

— Ouache, les chips aux cornichons. Elle aurait pu en acheter au ketchup ou au barbecue, il me semble, me dit Loup, que j’aperçois en ouvrant les yeux.

Approuvant ses propos, je commence à rire follement tout en observant madame Henri.

— En plus, elle aurait peut-être pu prendre le temps de se raser la moustache. Il me semble que ça ne lui fait pas très chic.

— Ahhhhh… tu es tellement méchant !

— Je niaise, tu sais bien… me dit Loup, en prenant soin d’appuyer sa phrase par un clin d’œil qui le rend craquant pour quiconque s’intéresse aux garçons.

Loup, alias Lucien Prégent, c’est mon meilleur ami. On se connait depuis qu’on a quatre ans. Il est mon voisin depuis toujours. C’est comme mon frère. Physiquement, nous nous ressemblons beaucoup, mais encore plus mentalement. Non seulement on déteste les cornichons, mais on a 13 ans tous les deux et on a les cheveux noirs. Pis en plus, on est trop bizarres pour notre âge : le poker est notre activité du vendredi soir (sans argent, évidemment).

Mon ami me prend la main et m’invite à danser au milieu des autres élèves. J’entends ma chanson préférée et ça me motive à laisser aller le déhanchement au milieu de la piste aménagée. Tout à coup, je ressens la nausée en constatant que Rosalie Leduc se dandine à côté de nous. En la voyant se rapprocher un peu trop de Loup, je tire ce dernier vers moi en lui chuchotant quelques mots à l’oreille.

— Ah non, elle me gosse tellement. Puis, elle se rapproche de toi de plus en plus.

Elle, c’est Rosalie Leduc. Une petite rousse de mon âge, qui me met totalement hors de moi. Cette princesse fait tout pour se faire remarquer et elle veut toujours prendre la place des autres. On la surnomme la « voleuse d’amis », parce qu’elle est la destructrice des différents clans. Je crois que depuis un moment, elle n’aime pas que Loup soit constamment avec moi. Je suis persuadée qu’elle tente de me le voler, même si en fait, il n’est pas du tout question de relation amoureuse entre lui et moi.

Euhhh… C’est trop bizarre, c’est comme mon frère !

En passant timidement la main dans mes cheveux, je tente subtilement de prendre la fuite sans que ma rivale me voie. Je sens alors un bras se poser sur mon épaule.

En me retournant, j’aperçois ma bff¹ Julie. En fait, c’est pas mal la seule fille de mon âge avec qui j’ai réussi à créer un semblant d’amitié. Possiblement parce qu’elle est différente des autres, elle aussi. Avec ses cheveux roux et son eye-liner noir charbon, on pourrait facilement lui donner au moins quatre ans de plus que son âge. Je suis prête à croire que d’ici deux ans, elle aura au moins deux perçages au visage.

— Heille Manda (je déteste quand on me dit heille…) ! Je vais garder mes petits cousins ce soir. Est-ce que tu m’accompagnes ? On sépare l’argent en deux, me dit-elle.

— Oui, à la seule condition que tu n’apportes pas de bière comme la dernière fois.

— Bien là… tu n’auras qu’à en amener une aussi ! Hahaha… ben non, j’te niaise. C’est chill.

De toute évidence, Julie ne gagnerait pas un concours de vocabulaire. Son imperfection me plait bien. Ce n’est pas un hasard si elle a de mauvaises habitudes de vie : elle vient d’une famille ultra dysfonctionnelle, avec des parents absents et alcooliques.

Le cellulaire de mon amie émet une vibration, ce qui l’incite à regarder son écran.

— Ah merdouille, mon frère est là. Bye Manda, à tantôt. Je passe te chercher vers 18 h ?

J’acquiesce en la saluant, le corps complètement raidi par les mots « mon frère ». Son frère est une créature comme il s’en fait peu. Je frissonne à chaque pensée que j’ai pour lui.

Puisque mes plans de la soirée étaient déjà fixés, je dois me dépêcher à partir au son de la cloche, afin d’aller souper en vitesse et de me préparer pour la soirée. Même si ça ne va être qu’une banale soirée de gardiennage, je ne veux pas prendre le risque que le frère de mon amie me voie dans ces vêtements. Comme je sais que c’est lui qui la conduit partout où elle va, je sais que je vais le croiser.

Celui qui répond au prénom de David est un peu plus âgé que nous. Il a 17 ans. En plus, il a une voiture. C’est une vraie bombe (lui, pas sa voiture). Digne d’un membre de Boys Band des années 90. Même s’il est inaccessible à cause de son âge, je trouve ça plaisant de le regarder et de lui parler.

Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais eu de petit copain. Oh, bien sûr, il y a plein de beaux garçons à l’école et au camp d’escalade où je vais chaque été. Des jeunes, des plus vieux. Des bruns, des blonds. Certains sont gentils, d’autres plutôt rebelles. Je ne sais pas encore quel genre de garçon je préfère, mais ce dont je suis certaine, c’est que je rêve du jour où je recevrai mon premier baiser. Il s’agit d’un de mes objectifs à atteindre cet été. Plusieurs filles à l’école ont déjà eu leur premier baiser. J’attends encore. Ce serait bien que ça se passe avant la prochaine rentrée.

Objectif #1 : Embrasser un garçon sur la bouche

Bien sûr, David n’est pas un candidat potentiel à embrasser. Cependant, je trouve nos moments ensemble plutôt satisfaisants, même s’ils ne se résument qu’à quelques « Salut. Bye. ». Il est tellement beau, tellement fin, tellement tout ! Dans mon échelle de la perfection, il atteint le 10/10. Lorsque j’écoute certaines chansons, je ferme les yeux et je m’imagine dans ses bras, en train de l’embrasser. Même si je ne sais pas du tout ce que c’est que d’embrasser un garçon, j’ai vu assez de films romantiques pour être capable de me l’imaginer.

Dès que j’entends le son de la cloche annonçant la fin de la journée, je dis au revoir à tout le monde et je cours vers le support à vélos. N’ayant pas remarqué la présence de Loup qui courait derrière moi, j’enjambe mon vélo, quand sa voix résonne tout à coup.

— Dis donc, tu es drôlement pressée pour une fin d’année… tu sais, l’été ne va pas se terminer demain, plaisante-t-il.

— Je sais… mais ce soir, je vais garder les cousins de Julie vers 19 h.

Regardant sa montre et constatant que cette dernière affiche 15 h 25, il ajoute :

— Et ça prend presque 5 h pour t’y rendre à bicyclette…

— À vrai dire… eh bien… tu sais… David… le frère de Julie, il sera peut-être présent et comme je veux bien paraitre…

— Franchement Manda. Tu crois vraiment qu’un gars de 17 ans n’a rien d’autre à faire de son mardi soir que d’aller garder des morveux avec sa sœur et son amie qui joue encore à la poupée ?

Je ne trouve rien de pertinent à lui répondre alors je lui fais ma plus belle grimace. Je lui saute au cou, dépose un baiser amical sur sa joue et j’embarque sur ma bicyclette pour enfin quitter le stationnement de l’école. Déjà plus loin, je peux sentir derrière moi le sourire de Lucien Prégent lorsqu’il me regarde m’éloigner.

« Quelle robe pourrais-je donc mettre ? » Ce n’est pas facile du tout d’être une adolescente de mon âge. Chaque jour, j’évite de me poser trop de questions au sujet de mon habillement, mais ce soir c’est tout autrement. J’ai envie que David me trouve jolie. Je rêve du jour où un garçon me dira que je