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Évanescence, tome 3 - La rivalité
Évanescence, tome 3 - La rivalité
Évanescence, tome 3 - La rivalité
Livre électronique439 pages6 heures

Évanescence, tome 3 - La rivalité

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À propos de ce livre électronique

Deux adolescents brouillés jouent des jeux qui repoussent la frontière entre l’amour et la guerre...

Fallon est de retour

Pendant deux ans, elle était au pensionnat et n’a pas donné de nouvelles. À l’époque où on habitait dans la même maison, elle m’exaspérait le jour, puis le soir, elle laissait la porte ouverte pour que j’aille la voir. J’étais con, à l’époque, mais maintenant, je suis prêt à la battre à son propre jeu.

Je suis de retour

Deux ans plus tard, je vois que Madoc a encore envie de moi, même s’il se donne des airs supérieurs. Mais il ne me fera pas peur. Il ne m’éloignera pas. Il ne me rabaissera pas. Je vais le mettre au pied du mur et riposter. C’est ce qu’il veut, non? Pourvu que je reste vigilante, il ne saura jamais l’effet qu’il me fait...
LangueFrançais
Date de sortie16 févr. 2022
ISBN9782898089015
Évanescence, tome 3 - La rivalité
Auteur

Penelope Douglas

Penelope Douglas écrit et enseigne à Las Vegas. Née à Dubuque, en Iowa, elle est l’aînée de cinq enfants. Penelope a fréquenté l’University of Northern Iowa, où elle a remporté un baccalauréat en administration publique, parce que son père lui a dit «décroche-le, le fichu diplôme!». Elle a ensuite remporté une maîtrise en sciences de l’éducation à Loyola University, à La Nouvelle-Orléans, parce qu’elle détestait l’administration publique. Un soir, éméchée, elle a dit le videur au bar où elle travaillait (oui, elle se saoulait au travail) qu’il avait un fils sexy, et trois ans plus tard, elle était mariée. Au fils, et non au videur. Ils ont une progéniture unique — une fille nommée Aydan. Penelope adore les desserts, la série télévisée Sons of Anarchy, et presque tous les jours, elle fait ses courses chez Target.

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    Aperçu du livre

    Évanescence, tome 3 - La rivalité - Penelope Douglas

    Prologue

    Fallon

    Certaines personnes me plaisaient et d’autres non. Certaines, je les adorais, d’autres, je les haïssais. Mais il n’y avait qu’une seule personne que j’aimais détester.

    — Pourquoi tu fais ça ? a demandé une fille en pleurnichant, alors que je prenais le couloir pour me rendre au cours d’éducation physique de première année.

    Je me suis tout de suite arrêtée, et j’ai regardé Tatum Brandt droit dans les yeux : rouge comme une tomate, elle affrontait mon salaud de demi-frère, Madoc Caruthers, et son ami Jared Trent. Ils se tenaient dans le couloir, à côté des casiers, le visage grave, l’air indifférent, et elle serrait les courroies de son sac à dos, comme pour se protéger.

    — Tu m’as crié après, hier, a-t-elle poursuivi en sourcillant en direction de Jared, alors que Madoc arborait un sourire narquois derrière lui. Après, tous tes amis ont fait pareil. Ça dure depuis une éternité, Jared. Quand vas-tu cesser ? Pourquoi fais-tu tout ça ?

    J’ai aspiré une longue bouffée d’air et accompli mon habituel et incroyable enchaînement de roulements d’yeux et de hochements de tête.

    Je détestais vraiment tourner les coins. Je détestais fermer les portes. Je détestais ne pas voir devant moi.

    Dans le coin gauche : Ton père et moi, on va divorcer.

    Dans le coin droit : On déménage. Encore une fois.

    Dans le coin numéro 3 : Je me marie. encore une fois.

    Dans le coin numéro 952 : Je ne t’aime pas vraiment, ni mon mari, ni son fils, et je vais donc prendre 15 congés par année, toute seule !

    Bon, ma mère n’a jamais vraiment dit ça, mais je suis plutôt douée pour l’interprétation. Et les coins, ça me déprime.

    Je suis restée en retrait et j’ai fourré mes mains dans les poches de mon jeans serré, en attendant de voir ce que la fille allait faire. Est-ce qu’elle allait finir par avoir des couilles, ou du moins prendre ces crétins-là par les couillettes ? J’espérais toujours qu’elle relève le défi, et elle me décevait toujours.

    Tatum Brandt était une mauviette.

    Je n’en savais pas beaucoup sur son compte. Tout ce que je savais, c’est que tout le monde l’appelait Tate, sauf Madoc et Jared ; qu’elle se donnait des airs de rockeuse, mais au fond, ne prenait aucun risque ; et qu’elle était jolie. Genre meneuse de claque.

    De longs cheveux blonds ? Totalement.

    De grands yeux bleus ? Absolument.

    De longues jambes, des lèvres charnues et de gros nichons ? Même à 16 ans.

    Elle était le colis parfait, et si j’étais mon demi-frère, je n’aurais aucun mal à lui fourrer ma langue dans sa bouche. Merde, je vais peut-être le faire de toute façon.

    J’ai mordillé le coin de ma lèvre, en y songeant. Ouais, je pourrais être lesbienne. Peut-être. Si je voulais.

    Non, laisse tomber.

    Bon, l’important, c’est que… je ne comprenais absolument pas pourquoi Madoc et Jared la tourmentaient au lieu d’essayer de sortir avec elle.

    Mais pour une raison quelconque, j’étais intéressée. Dès le début de la première année, ils l’avaient tous les deux intimidée. Ils répandaient des rumeurs, la harcelaient, et faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour la rendre malheureuse. Chaque fois qu’ils s’imposaient, elle reculait. Ça commençait à tellement me faire chier que j’étais sur le point de leur cogner les têtes l’une contre l’autre pour la défendre.

    Sauf que je la connaissais à peine. Et que Tatum ne me connaissait pas du tout. Je me tenais si loin de l’écran radar que même le sonar ne pouvait pas me repérer.

    — Pourquoi ?

    Jared a répondu à sa question par une autre question, et s’avançait dans son espace avec un air fanfaron et effronté.

    — Parce que tu pues, Tatum.

    Il fronçait le nez en mimant le dégoût.

    — Tu sens… le chien.

    Tatum s’est tout de suite raidie, et ses larmes ont fini par couler.

    « Donne-lui un coup de genou dans les couilles, idiote ! »

    En exhalant furieusement, j’ai remonté mes lunettes sur l’arête de mon nez. C’est ce que je faisais avant de rassembler mes forces.

    Elle a secoué la tête.

    — Tu ne te rappelles même pas quel jour on est, hein ?

    Elle a replié ses lèvres tremblantes entre ses dents et a baissé les yeux.

    Et sans même voir son regard, je savais ce qu’il y avait là-dedans. Le désespoir. La perte de confiance en soi. La solitude.

    Sans le regarder davantage, elle a tourné les talons et est partie.

    Il aurait été facile de le frapper. De lui lancer une insulte. Et même si je méprisais sa faiblesse, je comprenais une chose : Jared était un imbécile, mais un imbécile qui pouvait la blesser.

    Elle était amoureuse de lui.

    J’ai croisé les bras sur mon torse et me suis dirigée vers les casiers d’où Jared et Madoc regardaient partir Tate.

    Derrière Jared, Madoc a parlé.

    — Qu’est-ce qu’elle voulait dire par « quel jour on est » ?

    En guise de réponse, Jared a haussé les épaules.

    — Je ne sais pas.

    — C’est le 14 avril, ai-je dit par-dessus l’épaule de Madoc, et il s’est retourné. Ça ne te dit rien, cervelle de merde ? ai-je demandé à Jared.

    Madoc a levé un sourcil blond foncé dans ma direction, un soupçon de sourire aux yeux. Jared a tourné la tête, juste assez pour que je lui voie le côté du visage.

    — Le 14 avril ? a-t-il murmuré, puis il a cligné des yeux pendant un long moment. Merde, a-t-il murmuré.

    Et Madoc a reculé d’un poil alors que Jared écrasait sa paume sur la porte de casier la plus proche.

    — Qu’est-ce que t’as, merde ? a dit Madoc, l’œil mauvais.

    Jared s’est passé les mains sur le visage, puis a secoué la tête.

    — Rien, a-t-il grogné. Laisse tomber. Je m’en vais au cours de géométrie.

    Il a fourré ses poings dans ses poches et a foncé dans le couloir en me laissant seule avec Madoc.

    À choisir entre mon demi-frère et son ami, je respectais davantage son ami. C’étaient tous les deux des salauds de première catégorie, mais au moins, Jared se fichait de ce que les gens pensaient de lui. Il régnait dans les couloirs comme un croisement bizarre de sportif et de gothique. Populaire et menaçant. Sombre, mais extrêmement convoité.

    Madoc, par contre, se souciait de l’opinion de tout le monde. Nos parents. Le directeur de l’école. Et la plupart des étudiants. Il adorait qu’on l’aime, et il détestait qu’on l’associe à moi.

    En première année du secondaire, ils commençaient déjà à exercer un pouvoir qui allait leur échapper durant la dernière.

    — Wow, ton copain est un minable, ai-je dit en le taquinant et en glissant les mains dans les poches arrière de mon jeans.

    Madoc s’est concentré sur moi avec son demi-sourire enjoué et ses yeux détendus.

    — Alors, est-ce que tes am… a-t-il commencé à dire, puis il s’est arrêté. Oh, c’est vrai. Tu n’as pas d’amis.

    — Pas besoin, ai-je répliqué. J’avance plus vite seule. Je fais mon chemin, tu sais.

    — Ouais, tu fais ton chemin. Passe donc chez le nettoyeur en revenant, Fallon. Il faudrait que quelqu’un passe prendre mes chemises.

    Il a passé une main pleine d’arrogance sur sa chemise Abercrombie marine. Avec son jeans à demi délavé et légèrement évasé, son bracelet noir Paracord et ses cheveux blond foncé bien coiffés, Madoc était superbement habillé et prêt à faire des ravages. Les filles se jetaient sur lui parce qu’il avait belle apparence, savait bien parler, et adorait jouer. Bref, c’était un gars sympa.

    Et il me faisait toujours me sentir petite.

    Je disais pas mal d’imbécillités, mais en vérité, je me parlais à moi-même plus qu’aux autres. Madoc était du genre styliste ; moi, j’étais Target. Il était Godiva ; j’étais Snickers. Il avait des droits, et j’étais la fille pique-assiette de la pute croqueuse de diamants qui avait mis la corde au cou de son père.

    Pour Madoc, j’étais comme de la crasse sous ses semelles.

    « Qu’il aille se faire foutre. »

    D’un air condescendant, j’ai passé son complet en revue.

    — Tes chemises, elles sont vraiment stylées, je te rappelle. La communauté gaie serait fière.

    — Tu pourrais t’acheter de belles choses, toi aussi. Mon père paie assez cher ta mère pour ses services, après tout.

    D’un air de défi, je lui ai répondu :

    — De belles choses ? Comme les minijupes avec lesquelles tu sors ?

    Il était temps d’éduquer ce petit morveux.

    — Madoc, la plupart des gens aiment quelque chose de différent. Tu sais pourquoi tu veux me voir dans de « beaux » vêtements moulants ? Parce que plus j’en montre, moins j’en cache. Je te fais peur.

    Il a secoué la tête.

    — C’est rien, petite sœur.

    « Petite… »

    Je n’avais que deux mois de moins que lui. Il disait des futilités pareilles pour me faire chier.

    — Je ne suis pas ta petite sœur, ai-je dit en faisant un pas. Et j’ai des amis. Et plein de gars sont intéressés. Ils aiment mon genre. Je ne suis pas du même avis que toi et tes parents snob…

    — Wow, c’est d’un ennui mortel, m’a-t-il interrompue en soupirant. Ta vie ne m’intéresse pas, Fallon. Les dîners de fêtes et une fois de temps en temps à la maison ; ce sont les seuls moments où j’ai envie de te rencontrer.

    J’ai levé le menton en essayant de ne rien montrer. Ça ne me faisait pas mal. Ni ses paroles, ni son opinion de moi. Je n’avais pas de boule dans la gorge et elle n’est pas tombée dans mon estomac en resserrant davantage les nœuds toujours présents. Ce qu’il a dit ne comptait pas. J’aimais qui j’étais. Personne ne me disait comment m’habiller, comment me conduire, de quels clubs faire partie… Je prenais mes propres décisions. Madoc, c’était une marionnette. Un fantoche.

    « Je suis libre. »

    Comme je ne disais rien, il a commencé à s’éloigner de moi à reculons.

    — Les parents sont sortis pour la soirée. J’ai une fête. Fous-moi la paix. Tu peux te cacher chez la domestique : de toute façon, c’est ta place.

    Je l’ai regardé partir, sachant que je ne l’écouterais pas.

    J’aurais dû.

    Chapitre 1

    Madoc

    Deux ans plus tard

    — Sérieux ? Est-ce qu’elle pourrait aller plus lentement ? ai-je demandé à Jared alors que j’étais assis sur le siège arrière de la G8 de sa petite amie, les mains serrées sur ma tête.

    Tate s’est retournée sur le siège du conducteur, les yeux perçants, comme si elle voulait me transpercer le crâne.

    — Je prends un virage aigu à presque 80 kilomètres par heure sur un chemin de terre instable ! a-t-elle hurlé. Ce n’est même pas une vraie course. On s’exerce. Je te l’ai déjà dit !

    Le visage complètement tendu, elle m’a engueulé. J’ai renversé la tête et poussé un soupir. Jared était assis devant moi, accoudé sur la portière, la tête dans la main.

    On était samedi après-midi, une semaine avant la première vraie course de Tate à notre piste de fortune locale — le Circuit — et on avait passé trois heures sur la route 5. Chaque fois que cette petite andouille rétrogradait trop tôt ou n’accélérait pas assez vite, Jared ne disait rien —, mais pas moi.

    Il ne voulait pas blesser sa petite amie, mais moi, je m’en fichais. Pourquoi marcher sur des œufs ? Je ne cherchais pas à la baiser.

    Plus maintenant, en tout cas.

    Tate et Jared avaient passé la plus grande partie de l’école secondaire à se détester. Ils s’étaient livrés à une guerre de mots et de simagrées, les plus longs préliminaires que j’aie jamais vus. Maintenant, ils étaient tous les deux soudés comme Roméo et Juliette. En version porno.

    Jared a tourné la tête, mais pas assez pour me regarder dans les yeux.

    — Sors, a-t-il ordonné.

    — Quoi ? ai-je bafouillé en écarquillant les yeux. Mais… mais… ai-je bégayé, et j’ai aperçu le sourire triomphant de Tate dans le rétroviseur.

    — Mais rien, a lancé Jared. Va dans ton auto. Elle peut courir contre toi.

    Quand j’ai compris qu’on se dirigeait vers une charge d’émotions fortes, j’ai été happé par une montée d’adrénaline. Tate pouvait carrément courir contre une fille qui n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait, mais elle avait tout de même beaucoup à apprendre et des couilles à faire pousser.

    « Mais courir contre moi ? »

    J’ai voulu sourire, mais je ne l’ai pas fait. J’ai plutôt roulé des yeux.

    — Eh bien, ça serait moche.

    — Oh, t’es tellement drôle, a-t-elle dit d’un ton moqueur en serrant le volant encore plus fort. Tu gémis comme une fille de 12 ans.

    J’ai ouvert la porte arrière.

    — Parlant de gémir… sais-tu qui va pleurer à la fin de la journée ?

    — Toi, a-t-elle répondu.

    — Non.

    Elle a pris un paquet de mouchoirs de papier et me les a balancés.

    — Tiens. Juste au cas.

    Elle s’est retournée d’un coup.

    — Tais-toi ! Je te détes…¹

    — Quoi ? l’ai-je interrompue. Tu me trouves sexy et tu m’adores ? Jared, savais-tu qu’elle me…

    — Arrête ! a-t-il hurlé en nous faisant taire. Merde, vous deux.

    Il a brandi les deux mains en l’air en nous regardant à tour de rôle comme deux enfants turbulents.

    Tate et moi, on est restés en silence pendant un moment. Puis, quand elle a renâclé, je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire, moi aussi.

    — Madoc ? a dit Jared, les dents serrées.

    J’entendais la tension dans sa voix.

    — Sors. Tout de suite.

    J’ai pris mon téléphone cellulaire sur le siège et j’ai fait ce qu’il me disait, seulement parce que je savais que mon meilleur ami en avait assez.

    J’avais essayé de taquiner Tate toute la journée en faisant des blagues, pour distraire Jared. Elle courait enfin contre un véritable adversaire, et même si Jared et moi avions travaillé avec elle, on savait qu’il y avait des imprévus sur la piste. Tout le temps. Mais Tate insistait pour dire qu’elle pouvait y faire face.

    Et ce que Tate veut, Tate l’obtient. Jared prenait le mors aux dents, quand il était question de cette fille.

    Je suis retourné à pied vers l’entrée qui mène à la piste. Ma GTO argentée était garée sur le côté de la route, et j’ai enfoncé une main dans mon jeans pour y chercher mes clés tandis que je passais le dos de l’autre sur mon front.

    On était au début de juin, et tout était déjà tellement moche. La chaleur n’était pas mauvaise, mais la foutue humidité l’aggravait. Ma mère voulait que je retourne à La Nouvelle-Orléans pour l’été, et je lui ai dit un non catégorique.

    Ouais, je tiens absolument à me faire suer pendant que son nouveau mari essaie de m’enseigner la pêche à la crevette dans le Golfe.

    « Nan. »

    J’aimais ma mère, mais l’idée d’avoir la maison à moi tout seul pour l’été pendant que mon père restait à son appartement à Chicago, ça me tentait bien plus.

    J’ai senti une vibration dans ma main, et j’ai regardé mon téléphone cellulaire.

    « Quand on parle du loup. »

    — Eh, comment vas-tu ? ai-je demandé à mon père alors que j’arrivais près de mon auto.

    — Madoc. Content que tu aies répondu. Es-tu à la maison ?

    Il paraissait particulièrement inquiet.

    — Non. Mais j’étais sur le point de rentrer. Pourquoi ?

    Mon père était rarement là. Depuis que ses dossiers juridiques l’accaparaient, il gardait un appartement à Chicago. Même s’il était souvent absent, il était facile de s’entendre avec lui.

    Il me plaisait. Mais je ne l’aimais pas.

    Ma belle-mère était disparue de la circulation depuis un an. Elle voyageait, rendait visite à des amis. Je la détestais.

    Et j’avais une demi-sœur… quelque part.

    La seule personne que j’aimais à la maison, c’était Addie, notre femme de ménage. Elle s’assurait que je mangeais mes légumes, et elle signait mes billets de permission pour l’école. Ma famille, c’était elle.

    — Addie a appelé ce matin, a-t-il expliqué. Fallon est arrivée aujourd’hui.

    Mon souffle s’est coincé dans ma gorge, et j’ai failli laisser tomber mon téléphone.

    « Fallon ? »

    Claquant le capot de ma voiture avec ma paume, j’ai baissé la tête et essayé de ne pas grincer des dents.

    Ma demi-sœur était à la maison. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

    — Alors ? ai-je lancé. Quel rapport avec moi ?

    — Addie a fait ta valise, a-t-il répondu en ignorant ma question. J’ai parlé à la mère de Jared, et tu vas passer quelques semaines chez eux jusqu’à ce que mon horaire se libère. Je viendrai à la maison alors, et je réglerai tout ça.

    « Pardon ? »

    On aurait dit que le téléphone allait se fendiller sous la pression de mes doigts.

    — Quoi ? Pourquoi ? ai-je hurlé en haletant. Pourquoi est-ce que je ne peux pas rester chez moi ?

    Depuis quand est-ce qu’elle devait avoir le dessus ? Donc, elle était à la maison ! La belle affaire. Il fallait l’envoyer ailleurs, alors. Pourquoi moi ?

    — Tu sais pourquoi, a répondu mon père d’une voix grave et menaçante. Ne rentre pas à la maison, Madoc.

    Et il a raccroché.

    Je suis resté planté là en examinant le reflet des arbres sur le capot de mon auto. Plutôt que de rentrer chez moi, j’étais censé vivre jusqu’à nouvel ordre chez Jared, où Addie allait m’apporter mes vêtements.

    Pourquoi ?

    J’ai fermé les yeux et secoué la tête. Je savais pourquoi.

    Ma demi-sœur était à la maison, et nos parents savaient tout. Tout ce qui s’était passé deux ans plus tôt.

    Mais ce n’était pas chez elle. Ça ne l’avait jamais été. Depuis 18 ans, c’était chez moi. Elle y avait habité un moment après le mariage de nos parents, puis avait disparu quelques années plus tôt.

    Un matin, je m’étais réveillé, et elle était partie. Pas d’adieu, pas de lettre d’au revoir, pas de communication depuis. Les parents savaient où elle était, mais pas moi. Je n’avais pas le droit de savoir.

    De toute façon, je m’en contrefichais.

    Mais je voulais vraiment être chez moi pendant l’été.

    Deux heures plus tard, j’étais assis dans le salon chez Jared avec son demi-frère Jax, attendant le bon moment jusqu’à ce que leur mère cesse de nous surveiller comme un faucon. Plus j’attendais, plus j’avais hâte d’aller me distraire. Jared avait dans sa chambre une tonne de bouteilles d’alcool que j’avais rapportées de chez moi, et il était temps de commencer mon réchauffement du samedi soir. Jax était affalé sur le canapé à jouer à des jeux vidéo, et Jared était allé se faire faire un tatouage.

    — Ce n’est pas ce qu’il faut faire, Jason, a émis Katherine Trent depuis la cuisine.

    D’un coup, j’ai levé les sourcils.

    « Jason ? »

    C’était le nom de mon père.

    Elle a franchi le seuil tout en faisant les cent pas et en parlant au téléphone.

    Elle appelle mon père Jason ? Rien d’étrange, j’imagine, puisque c’est son nom. Mais ça paraît bizarre. Il n’y a pas tellement de gens qui arrivent à appeler mon père par son prénom. C’est habituellement « M. Caruthers » ou « monsieur ».

    Je me suis levé et me suis lentement approché de la salle à manger, juste à côté de la cuisine.

    — C’est ton fils, l’ai-je entendu dire. Il faut que tu viennes t’en occuper.

    J’ai fourré les mains dans mes poches et me suis appuyé contre le mur juste à côté de la porte de la cuisine. Il y a eu un moment de silence, à part le cliquetis des assiettes. Elle devait être en train de vider le lave-vaisselle.

    — Non, a-t-elle répondu. Une semaine. Max. J’adore Madoc, mais c’est ta famille, et elle a besoin de toi. Tu ne vas pas t’en tirer comme ça. J’ai déjà deux adolescents. Tu sais ce qu’ils font quand j’essaie d’imposer un couvre-feu ? Ils me rient au nez.

    J’hésitais entre sourire, tellement ça m’amusait, et serrer les poings, tellement j’étais irrité.

    — Je suis là, a-t-elle continué. Je veux bien donner un coup de main, mais il a besoin de toi !

    Elle chuchotait inutilement. Il était impossible de vouloir commander à mon père par la douceur.

    En jetant un coup d’œil du côté de Jax, j’ai remarqué qu’il avait arrêté de jouer et qu’il me regardait en levant un sourcil interrogateur. Il a secoué la tête et a dit à la blague :

    — Je n’ai pas respecté de couvre-feu de ma vie. Mais elle fait bien ça. C’est une femme que je trouve adorable.

    Jax était le demi-frère de Jared. Ils avaient le même père, mais des mères différentes, et Jax avait passé la plus grande partie de sa vie soit avec leur père sadique ou dans des foyers d’accueil. À la fin de l’automne dernier, mon père avait aidé Katherine à sortir Jax d’un foyer et l’avait accueilli chez elle. Le père de Jared et de Jax était en prison, et tout le monde voulait que les frères soient réunis.

    Et maintenant que Jared, qui avait été mon meilleur ami pendant l’école secondaire, avait trouvé son âme sœur et l’amour de sa vie, il n’était pas là aussi souvent qu’avant. Alors, Jax et moi, on s’était rapprochés.

    — Bon, ai-je dit en le pointant du menton. Je prends une bouteille dans la chambre de Jared, et on s’en va.

    — Je veux voir tes plus grosses boules, ai-je commandé de la voix la plus grave possible.

    Mes yeux se sont plissés, et j’ai dû serrer les dents pour ne pas rire.

    Tate a redressé le dos, et elle s’est lentement retournée, le menton baissé et les yeux levés. Ça me rappelait le regard de ma mère quand, enfant, j’avais pissé dans la piscine.

    — Wow, ça faisait longtemps que je ne l’avais pas entendue, celle-là, a-t-elle dit en me regardant, les yeux écarquillés. Eh bien, monsieur, nous en avons d’assez pesantes, mais elles exigent deux doigts et un pouce. Avez-vous la dextérité requise ?

    Elle m’a regardé comme si on parlait de travaux scolaires, mais je voyais le sourire monter aux commissures de ses lèvres.

    — J’ai tellement de dextérité, ai-je répondu en la taquinant, la langue soudainement gonflée. Tu serais jalouse de ce que je pourrais faire à cette boule-là.

    Elle a roulé des yeux et s’est approchée du comptoir. Depuis l’automne dernier, Tate travaillait à la salle de quilles. On aurait dit qu’elle avait dû se trouver un emploi sur l’ordre du tribunal. Bon, pas tout à fait. Le tribunal le lui aurait peut-être ordonné, si Jared avait engagé des poursuites. Dans l’une de ses célèbres crises de violence, cette fille fluette de 1 mètre et 70 pouces et de 55 kilos avait démoli la voiture de son copain à coups de barre de fer. C’était plutôt méchant et plutôt impressionnant. La vidéo envoyée sur YouTube avait presque lancé un mouvement féministe. Des gens en ont fait une imitation en y ajoutant même de la musique. En référence à la voiture de Jared, une Mustang Boss 302, ils l’ont intitulée Alors, c’est qui le boss, ici ?

    Mais tout cela était un malentendu, et Tate a payé les réparations. Elle a mûri. Jared et moi avons mûri. Et on est tous devenus des amis.

    Bon, d’accord, ils couchaient ensemble. Je n’avais pas droit à ces avantages marginaux.

    — As-tu bu, Madoc ?

    Tate a posé les mains sur le comptoir et m’a regardé d’un air maternel.

    — Quelle question débile !

    « Bien sûr que j’ai bu. »

    Comme si elle ne me connaissait pas.

    Elle a brusquement levé la tête, elle a regardé les allées de quilles derrière moi, et j’ai craint que ses grands yeux bleus ne lui sortent vraiment de la tête.

    — Tu as fait boire Jax, aussi ! a-t-elle dit d’un ton accusateur, nettement fâchée.

    En me retournant pour voir ce qu’elle regardait, j’ai trébuché quand mon pied s’est pris dans les pattes du tabouret voisin du mien. Un beuglement s’est échappé de ma gorge. Quand j’ai vu ce que Tate voyait, j’ai brandi la bouteille de Jack Daniel’s et j’ai crié :

    — Ouaaaaah !

    Plusieurs personnes s’étaient attroupées devant une allée, et riaient en regardant Jax courir, glisser et déraper sur l’allée de quilles.

    — Ouais, vas-y !

    La bouteille m’a été arrachée des mains, et en me retournant, j’ai vu Tate la fourrer sous le comptoir en pinçant les lèvres, en colère et la mine renfrognée.

    — Pourquoi y’a plus de whiskey ? ai-je dit en imitant le capitaine Jack Sparrow et en frappant du poing sur le comptoir.

    Bondissant, Tate s’est avancée d’un pas lourd dans l’allée menant au couloir qui donnait sur les allées de quilles.

    — Quand je sors du comptoir, c’est que t’as un sérieux problème, m’a-t-elle dit tout bas.

    — Tu m’adores. Tu le sais bien !

    J’ai ri et j’ai couru dans le dédale de tables et de chaises autour du comptoir de friandises vers l’endroit où Jax jouait. Quelques autres mecs s’étaient joints à lui et glissaient sur les allées, aux acclamations de la foule du samedi soir. À cette heure, les familles ne sortaient pas trop, et les seules personnes qui n’appréciaient pas étaient les célibataires qui passaient leurs vieilles années à se plaindre de leur bedaine de bière et de la chance qu’ils avaient d’avoir échappé au mariage. Ils se sont contentés de regarder en secouant la tête.

    « Fallon est à la maison. Ne rentre pas. »

    J’ai avalé le whiskey qui n’arrêtait pas de remonter dans ma gorge, et j’ai renversé la tête.

    — Ou-ouuuuh ! ai-je hurlé avant de marcher d’un pas lourds sur le plancher de bois pâle, puis j’ai bondi et glissé sur le ventre dans l’allée.

    Le cœur battant, j’étais surexcité. Merde ! ces allées étaient incroyablement glissantes, et je me contentais de rire sans me soucier du fait que Tate était furieuse, ni que le poing de Jared allait laisser une trace permanente sur mon visage pour avoir fait l’imbécile sur le lieu de travail de sa petite amie. Tout ce qui m’intéressait, c’était l’immédiat.

    « Je ne peux pas rentrer. »

    Derrière moi, la foule m’acclamait et hurlait, et certaines personnes sautaient sur place. Je sentais les vibrations sous moi. Et quand je me suis arrêté en roulant sur moi-même, les jambes pendantes dans l’allée voisine, je suis resté là en pensant. Mais pas à Fallon. Pas même en me demandant si j’étais trop ivre pour conduire jusqu’à la maison.

    — Comment je vais me relever, merde ? me suis-je demandé tout haut.

    Les allées étaient glissantes. Comme si je ne le savais pas déjà. Je ne pouvais pas me redresser ; j’allais glisser. Merde. Quelque part derrière moi, Tate a hurlé :

    — Madoc ! Debout !

    « Madoc. Debout. Le soleil s’est levé. Tu dois partir. »

    — Madoc. De-bout ! a de nouveau crié Tate.

    Je me suis réveillé net.

    — Ça va, ai-je grogné. Désolé, Tate. Tu sais que je t’adore, hein ?

    Entre deux hoquets, je me suis redressé en m’ébrouant. Puis, en levant les yeux, je l’ai vue marcher sur la bande médiane entre les allées.

    Sûre d’elle-même.

    Elle a posé les mains sur ses hanches, en sourcillant d’un air sévère.

    — Madoc, je travaille ici.

    J’ai grimacé, car je n’aimais pas entendre la déception dans sa voix. J’ai toujours voulu avoir le respect de Tate.

    — Désolé, bébé.

    J’ai essayé de me lever, mais je ne faisais que glisser de nouveau, souffrant d’une profonde douleur au derrière.

    — J’ai déjà dit que j’étais désolé, non ?

    Elle s’est accroupie et m’a pris un bras dans les siens, pour me soulever.

    — Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu ne bois jamais, à moins que tu sois à une fête.

    J’ai coincé un pied dans la tranchée et j’ai vacillé jusqu’à ce que Tate me rapproche d’elle et que je puisse poser l’autre pied sur la bande médiane.

    — Je n’ai pas de problème, ai-je dit avec un demi-sourire. Je fais l’idiot, Tate. Je… — j’ai balayé l’air de la main — je suis idiot… je fais l’idiot, c’est tout, me suis-je dépêché d’ajouter.

    Elle a continué de me retenir, mais je sentais ses doigts se relâcher sous la couture de mon t-shirt à manches courtes.

    — Madoc, tu n’es pas idiot.

    Son regard est redevenu sérieux, mais plus doux.

    « Tu ne me connais pas. »

    J’ai soutenu son regard, et je voulais tout lui dire. Je voulais que mon amie — quelqu’un — voie qui je suis vraiment. Jared et Jax étaient de bons amis, mais les gars ne veulent pas entendre ces bêtises, et on n’est pas si observateurs. Tate savait que quelque chose allait de travers, et je ne savais pas comment le lui dire. Je voulais juste qu’elle sache qu’au fond, je n’étais pas un bon gars.

    — Je fais des bêtises, Tate. C’est ce que je fais. C’est ma spécialité.

    J’ai lentement levé le bras et rangé derrière son oreille les quelques cheveux rebelles de sa queue de cheval, et en baissant la voix, j’ai presque chuchoté :

    — Mon père le sait. Elle le sait.

    J’ai baissé les yeux, puis les ai remontés.

    — Tu le sais aussi, non ?

    Elle n’a pas répondu. Elle s’est contentée de m’examiner, et les roues tournaient dans sa tête.

    Ma main s’est posée sur sa joue, et je me suis rappelé toutes les fois où elle m’avait fait penser à Fallon. Avec le pouce, j’ai caressé la joue de Tate en souhaitant qu’elle me crie après. En souhaitant qu’elle ne s’intéresse pas à moi. Comme ma vie serait plus facile, si je savais qu’elle n’avait rien de vrai.

    J’ai tenu son doux visage innocent et l’ai rapproché, et j’ai à peine senti son parfum tout en serrant mes lèvres.

    — Madoc ? a-t-elle demandé, la voix troublée, tout en me regardant.

    Baissant la tête, j’ai posé un doux baiser sur son front, puis je me suis lentement adossé.

    Elle m’a regardé avec un sourcillement d’inquiétude.

    — Ça va ?

    « Non. Bon, parfois. D’accord, oui. La plupart du temps, j’imagine. Sauf le soir, c’est tout. »

    — Wow, ai-je plutôt répondu, puis j’ai inspiré à fond et j’ai souri. Tu sais que ça ne veut rien dire, j’espère. Écoute, je t’adore. Mais pas comme ça, c’est tout. Plutôt comme une sœur.

    J’ai éclaté de rire et me suis penché, et j’ai à peine terminé la phrase en fermant les yeux et me serrant le ventre.

    — Je ne la comprends pas, m’a dit Tate d’un ton grondeur.

    Un sifflement aigu a fendu l’air, et Tate et moi, on a levé les yeux en même temps.

    — Hein, quoi ?

    La grosse voix paternelle et coléreuse de Jared a fendu l’air au-dessus de l’allée de quilles, et j’ai eu mal aux oreilles.

    Mais alors que je me retournais vers lui, j’ai accidentellement reculé dans l’allée.

    — Ah, merde !

    J’ai perdu le souffle en glissant, et je me suis bêtement appuyé de tout mon poids sur Tate, et c’était beaucoup trop pour elle. Je suis tombé à la renverse, et elle a trébuché sur mes genoux. On s’est écrasés sur le plancher en se cognant durement sur le bois. Je me suis probablement fait des contusions partout sur le derrière, mais Tate est bien tombée, car elle a atterri sur moi. À moi aussi, ça me convenait.

    Mais quand j’ai levé les yeux vers mon meilleur ami, debout au début de l’allée, qui nous regardait d’un air assassin, j’ai repoussé Tate en feignant le dégoût.

    — Man, elle m’a servi du whiskey et a essayé de me violer ! ai-je dit en pointant Tate du doigt. Elle le garde sous le comptoir. Va voir !

    Tate a grogné et a rampé jusqu’à la bande médiane, la queue de cheval très ébouriffée.

    — Jax ! a hurlé Jared en direction de l’allée à ma droite, sur laquelle Jax était en train de ramper. Et toi ! a dit Jared en me fusillant du regard.

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