Les grands départs

Par Collectif Fierté Littéraire et Denis-Martin Chabot

La diversité aux quatre vents !

On lève le voile.

Littéralement et symboliquement.

Pour prendre le large.

Pour montrer qui nous sommes.

Les grands départs

Ce thème est celui de la toute première Fierté du Fleuve qui a eu lieu à Rimouski en 2021 et qui a donné lieu à un concours de création littéraire.

Dix-sept textes variés, dont beaucoup proviennent d’auteurs, autrices et auteurices du Bas Saint-Laurent, peuplent ces pages.

Et, espérons-le, qu’ils peupleront votre coeur.

• Langue: Français
• Éditeur: Éditions TNT
• Date de sortie: 23 nov. 2023
• ISBN: 9782925368366

Aperçu du livre

Couverture de Les grands départs de Fierté littéraire, Fierté du fleuve, sous la direction littéraire de Denis-Martin Chabot. Un cerf-volant coloré est dans un ciel nuageux, où un rayon de lumière tombe sur le cerf-volant.

Les grands départs

Collectif

Sous la direction littéraire de Denis-Martin Chabot

Présenté par

Fierté du Fleuve

Fierté littéraire

Mains BSL

Éditions TNT

Les grands départs

Éditeur

Éditions TNT

14603 Serge-Deyglun

Montréal, Qc. H1A 5J6

514 256-9000

www.editionstnt.com [e-mail]

Couverture:

Keven Wong

Mise en page

Keven Wong

Droits d'auteur

Fierté Littéraire, 2022. La reproduction totale ou partielle,

pour un usage non pécuniaire,

est autorisée à la condition d’en mentionner la source.

Dépôt légal 2022

Bibliothèque et archives nationales du Québec

Bibliothèque et archives Canada

ISBN

Papier : 978-2-925002-84-0

PDF : 978-2-925002-85-7

Epub : 978-2-925368-36-6

Financé par le Gourvernement du Canada et la SODEC

On arrive bientôt ?

Par Denis-Martin Chabot

(Directeur général de Fierté littéraire)

Directeur littéraire du recueil Les grands départs

On arrive bientôt ? Non.

On arrive ? Non.

… ? Non.

On est partis

depuis

quelques secondes

minutes

heures

jours

semaines

mois.

Pourquoi pas des années ?

Non, pas des années.

Oui, des années.

Nous étions partis

partis pour la gloire.

Nous étions le couple modèle

de bons gars gais qui vivent le parfait amour hétéronormatif

aussi mensonger que la fidélité qui vient avec.

Le couple modèle édulcoré qui n’a pas de sexe

du moins, il n’en parle pas.

Condo décoré avec le goût dont on s’attend de nous

— nous sommes tous de parfaits décorateurs, coiffeurs aussi, stylistes et quoi encore

et organisateurs de mariage en plus

c’est inné

autant que tous les blacks sont d’excellents danseurs.

Les clichés are alive and well.

Nos amis hétéros nous adoraient

nous n’étions pas menaçants.

Vous êtes tellement un beau petit couple, vous êtes superbes.

Ils ne savaient pas que je n’étais pas heureux dans ce rôle du bon petit chum coiffé rasé, fraichement douché et qui sent bon.

Parfois je pue

je pue la sueur de mâle en rut

je transpire de désir

j’empeste le sexe.

Sens-tu l’odeur de cul qui émane de moi

tous ces culs qui se sont collés à moi, ces queues qui ont défoncées le mien

à la cachette

au sauna

dans ton dos ?

Sens-tu ça ?

Non ?

Ma peau dégage l’infidélité.

Mes yeux, la culpabilité.

Les relents de toute cette testostérone me remplissent le nez

plus que les lignes de coke que j’ai inhalées

les lignes de kétamine

la fumée de crystal meth.

Le chemsex décomplexe

Désinhibe.

Je suis tellement plus consentant.

Si nos amis hétéros savaient

que j’ai besoin d’autant de sexe

du sexe pas juste avec toi, mais avec d’autres

beaucoup d’autres

autant que de mes trois repas quotidiens

autant que mes huit heures de sommeil

autant que de me brosser les dents le soir avant de me coucher

— je ne me brosse jamais les dents avant de sucer un mec, ça évite la transmission d’infections.

Si nos amis hétéros savaient

ils seraient choqués

je les soupçonne de s’amuser en secret autant que moi.

Comme toi.

N’as-tu pas besoin d’un autre pénis que le mien à te mettre sous la dent

— toujours la même queue, ça devient monotone, non ?

Sûrement

mais tu ne l’admets pas

tu ne l’avoueras jamais.

Tu as assimilé les préceptes de l’hétéronormativité — un gros mot

mais tu sais ce que ça veut dire.

Ils nous veulent gais, mais pas trop

des gais qui ne baisent pas

qui sont propres propres propres et qui sentent bon

— pas le cul.

Moi, je suis sexe-positif

c’est juste du cul

du bon cul

du crisse de bon cul sale.

J’aime ça.

J’ai tenté de t’en parler

souvent

tu ne voulais rien entendre

— la monogamie et rien d’autre.

Je ne voulais pas ça

je voulais un couple ouvert

— tu avais peur que je tombe amoureux d’un autre

de me perdre.

Je ne tombe pas amoureux d’un cul ou d’une queue.

C’est toi que j’aime

mais tu ne peux pas être tout pour moi

— j’ai des besoins que tu ne peux pas combler.

J’aurais dû te quitter là

là, là

drette, là.

Mais moi aussi, je suis pris dans les préceptes du rêve all-american du couple parfait.

notre beau condo, bien décoré

Notre style de vie plus que confortable.

Te laisser voulait dire renoncer à cette vie imparfaite

plus que parfaite

surfaite.

Défaite.

Là, là

je n’en peux plus de me mentir

de te mentir

mentir à tous nos amis

à nos communautés qui nous tiennent en exemple.

Là, là

je me fous de ce qu’on peut penser de nous maintenant

de moi surtout.

L’important est de partir.

Je dois m’en aller avant qu’il ne soit trop tard.

La destination se précisera d’elle-même

en temps et lieu

une chose à la fois

un pas à la fois.

Là, la

tout ce qui compte, c’est de crisser le camp

mettre la distance entre nous

—urgence de fuir

avant d’étouffer.

J’ai besoin d’air

d’espace.

Oui, c’est ta faute

Tu me retiens

contiens

détiens

trop.

Tu ne le vois pas ?

Tu ne cesses de me dire qui je suis

qui je ne suis pas

qui je devrais être

avec qui

Et comment.

Tu ne veux que mon bonheur, que tu dis.

Si je te laisse faire, tu l’auras tout pris

et il me restera quoi ?

Je ne suis pas ingrat comme tu dis

mais honnête.

Merci pour tout ce que tu as fait

— et pas fait — pour moi.

Et toi pour moi.

L’amour n’est pas un fichier Excel

une colonne pour les débits une autre pour les crédits.

Je ne compte pas pour toi

— tu peux lire ça dans tous les sens et c’est vrai.

On arrive bientôt ?

Pas on

pas nous

pas toi

moi.

Juste moi.

Je suis parti.

Aussitôt parti

aussitôt arrivé.

Je suis ma propre destination.

Tu trouveras la tienne bientôt.

Je te le souhaite.

Je t’aime

— tu le sais —

mais pas comme tu le voulais.

Tu m’aimes

—je sais —

Pas comme j’en avais besoin.

Préface

Par Denis-Martin Chabot

(Directeur général de Fierté littéraire)

Directeur littéraire du recueil Les grands départs

On arrive bientôt ? Voici mon récit inspiré par le thème Les grands départs. Écrire une nouvelle ou un récit sur les thèmes de chaque appel à textes que j’organise est devenu une tradition qui m’aide à mieux comprendre les défis imposés aux participants et participantes.

On arrive bientôt ? Mon texte s’inscrit aussi dans le contexte 2LGBTQIA+ en ce qu’il propose un grand départ des concepts établis des relations amoureuses. Beaucoup d’entre nous refusent de se faire imposer une façon d’aimer calquée sur un modèle hétéronormatif. Le couple exclusif est-il le seul modèle acceptable ? Poser la question, c’est y répondre. Nous avons vécu, vivons et vivrons dans les marges. Nos orientations sexuelles et nos affirmations